Travail temporaire : 24 février 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/02656

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Travail temporaire : 24 février 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/02656

N° RG 20/02656 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IRFB

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 24 FEVRIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/00303

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 06 Juillet 2020

APPELANTE :

SAS [2]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Roselyne ADAM-DENIS, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

CPAM DE [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 14 Décembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 14 Décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 Février 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 24 Février 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 7 juin 2018, la société [2] (la société) a fait parvenir à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 4] (la caisse) une déclaration d’accident de travail survenu la veille, concernant son salarié, M. [E].

Le certificat médical initial du 7 juin 2018 faisait état d’une ‘lombo-radiculalgie S1 droite’.

La société a émis des réserves.

Par décision notifiée le 6 septembre 2018, la caisse a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

La société a saisi la commission de recours amiable de la caisse, qui, en sa séance du 18 avril 2019, a confirmé la décision de la caisse.

Elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen. L’affaire a été transférée au tribunal de grande instance de Rouen, devenu tribunal judiciaire, qui, par jugement du 6 juillet 2020, a :

– déclaré opposable à la société la décision de prise en charge de l’accident de M. [E] du 6 juin 2018,

– avant dire droit, ordonné une expertise confiée au Dr [H], avec pour mission de fixer la date de consolidation de l’état de M. [E], de dire si pour certains des arrêts de travail il s’agit d’une pathologie indépendante de l’accident ou d’un état antérieur agissant pour son propre compte et de dire si les arrêts de travail prescrits jusqu’à la date de consolidation ont une cause totalement étrangère à l’accident,

– dit y avoir lieu de surseoir à statuer sur l’imputabilité de l’accident et des soins et arrêts de travail postérieurs,

– réservé les dépens.

La société a interjeté appel de la décision le 13 août 2020.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 13 décembre 2022 et soutenues oralement à l’audience, la société demande à la cour de :

– infirmer le jugement sur l’opposabilité de la décision de prise en charge de l’accident du travail de M. [E],

– lui déclarer inopposable cette décision,

– dire qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’infirmation du jugement avant dire droit,

– condamner la caisse aux dépens.

A titre liminaire, la société soutient que la péremption d’instance n’est pas acquise puisqu’elle a demandé la fixation de l’affaire par courrier du 16 décembre 2021 et qu’elle a adressé ses conclusions le 19 septembre 2022.

Sur le fond, elle conteste la matérialité de l’accident de travail au motif que M. [E] l’a informée de l’accident le lendemain uniquement alors qu’il a continué de travailler sans difficulté après les faits, et qu’il avait toute latitude pour signaler l’accident. La société souligne que si le nom d’un témoin est mentionné par M. [E], ni elle ni celui-ci n’ont été en mesure d’obtenir ses coordonnées. Elle soutient que puisque la version du salarié différait de la sienne, il appartenait à la caisse de procéder à des vérifications complémentaires pour établir la matérialité des faits au-delà des seules allégations de l’assuré.

Enfin, la société rappelle que l’appel ne porte que sur la décision de prise en charge de l’accident de travail.

Par conclusions remises le 9 décembre 2022, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de :

– déclarer l’instance éteinte par péremption,

à titre subsidiaire :

– déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de l’accident de travail de M. [E] du 6 juin 2018,

– concernant la demande d’expertise médicale judiciaire :

rejeter la demande et à titre subsidiaire, limiter la mission de l’expert au fait de dire si les arrêts prescrits à M. [E] jusqu’à la date de consolidation fixée au 13 décembre 2018 ont une cause totalement étrangère à l’accident de travail survenu le 6 juin,

mettre les frais d’expertise à la charge de la société.

La caisse soutient que la société n’a pas accompli de diligence dans le délai de deux ans de l’article 386 du code de procédure civile, dès lors qu’elle a relevé appel le 17 août 2020 et lui a adressé ses écritures le 19 septembre 2022.

Sur le fond, elle estime qu’il existe des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir l’existence d’un accident du travail. Elle soutient qu’elle n’avait pas l’obligation d’adresser un questionnaire à un témoin alors que les éléments du dossier ne permettaient pas de douter des circonstances du fait accidentel et de ses conséquences. Elle fait par ailleurs observer que la société ne produit pas la déclaration préalable d’accident qui a obligatoirement été établie par la société utilisatrice.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé détaillé de ses moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la péremption d’instance

En procédure orale, les parties qui n’ont aucune obligation de conclure, n’ont d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire.

Or, en l’espèce, c’est ce que la société a fait par courrier du 16 décembre 2021, soit dans le délai de deux ans de l’appel qui a été interjeté le 13 août 2020.

Il en résulte que la péremption n’est pas acquise et que la caisse est dès lors déboutée de sa demande.

2/ Sur l’opposabilité de la décision de prise en charge du 6 septembre 2018

En application de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit.

Ainsi, l’accident du travail consiste en un fait précis qui, survenu soudainement au cours ou à l’occasion du travail, est à l’origine d’une lésion corporelle ou psychologique.

Dans les rapports caisse/employeur, il incombe à la caisse de rapporter la preuve, autrement que par les seules déclarations du salarié, de ce que la lésion dont il invoque le caractère professionnel est bien survenue dans de telles conditions.

En l’espèce, il résulte de la déclaration d’accident du travail que le 6 juin 2018 M. [E] travaillait de 5h à 12h28 et a indiqué avoir ressenti une douleur au dos à 6h30, en prenant un fût sur l’épaule et en le levant pour le mettre à la troisième hauteur. L’accident a été signalé à son employeur le lendemain à 8h30. Il n’est fait mention d’aucun témoin et la société le relève dans sa lettre de réserves.

Dans son questionnaire adressé à la caisse, le salarié a donné le nom d’un salarié qui travaillait à ses côtés en précisant qu’il ignorait ses coordonnées s’agissant d’un employé de la société utilisatrice. L’employeur, étant une société de travail temporaire, n’a pu confirmer ou infirmer la présence d’un témoin.

M. [E], qui a poursuivi son travail jusqu’à son heure de fin de poste, ne s’est pas rendu immédiatement aux urgences. Il a en effet précisé à la caisse qu’il avait demandé à un voisin de l’emmener à l’hôpital, à minuit, car il ne sentait plus sa jambe et a attesté qu’il était sorti à 2h30 du service.

Il résulte de ces éléments que les douleurs rendant nécessaire une consultation médicale sont apparues progressivement dans les heures qui ont suivi l’événement accidentel déclaré et que la lésion constatée par le centre hospitalier le jour même des faits – et non le lendemain, le certificat ayant été établi dans la nuit – corrobore la description des circonstances de l’accident et de ses conséquences par M. [E]. Celui-ci en a informé son employeur à l’ouverture de l’agence. C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a appliqué la présomption d’imputabilité de l’accident au travail. Il ne peut être reproché à la caisse de ne pas avoir recherché, auprès d’une société qui n’était pas l’employeur, les coordonnées du témoin signalé par le salarié.

Le fait que ce-dernier ait été arrêté plusieurs mois auparavant pour des douleurs au dos ne saurait constituer la preuve de l’existence d’une cause totalement étrangère au travail permettant de renverser la présomption. Le jugement qui a déclaré la décision de prise en charge de l’accident du travail du 6 juin 2018 opposable à la société est dès lors confirmé.

3/ Sur les dispositions relatives à l’expertise

L’article 562 du code de procédure pénale dispose que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En l’espèce, la déclaration d’appel du 13 août 2020 est rédigée en ces termes : ‘ la société [2] sollicite la réformation du jugement dont appel en ce qu’il a déclaré opposable à la société [2] la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, de l’accident dont a été victime Monsieur [E] le 6 juin 2018.’

La cour n’étant pas saisie du chef de jugement relatif à l’expertise et en l’absence d’appel de la caisse, elle n’a pas lieu de statuer sur la confirmation ou l’infirmation de ces dispositions.

4/ Sur les frais du procès

Sucombant à l’instance, la société est condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Rejette le moyen tiré de la péremption,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 6 juillet 2020,

Y ajoutant :

Condamne la société aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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