Travail temporaire : 24 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/07875

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Travail temporaire : 24 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/07875

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2023

N° 2023/071

Rôle N° RG 19/07875 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEIUF

SAS FEEDER

C/

[U] [H]

Copie exécutoire délivrée

le : 24 février 2023

à :

Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 311)

Me Yveline LE GUEN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 230)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARTIGUES en date du 05 Avril 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00531.

APPELANTE

SAS FEEDER, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [U] [H], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Yveline LE GUEN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Mise à la disposition de la société Feeder par la société de travail temporaire Spring en qualité de comptable diplômée dans le cadre d’une mission de travail temporaire du 22 septembre au 2 décembre 2016 puis du 9 au 30 décembre 2017, Madame [H] a été rappelée par cette société lorsque sa comptable est partie en congé de maternité.

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 2 janvier 2017, elle a été embauchée en qualité de comptable, position 2.2, coefficient 310 moyennant une rémunération mensuelle brute de 2.300 € pour un horaire mensuel de 151,67 h afin de pourvoir au remplacement de Madame [Y] [X], assistante de direction financière actuellement en congé de maternité.

La convention collective nationale applicable est celle des bureaux d’études téchniques, cabinets d’ingénieurs conseils, société de conseils (Syntec).

Par lettre du 23 mars 2017, un avertissement lui a été adressé l’employeur lui reprochant une attitude délétère persistante qui aggraverait le bon fonctionnement de l’entreprise.

Par courrier du 26 mars 2017, Madame [H] a contesté cet avertissement.

Par courriel du 30 mars 2017, elle a informé l’employeur de son absence.

Le 3 avril 2017, la société Feeder lui a remis en main propre une lettre rédigée dans les termes suivants:

‘(…) Je vous rappelle que le congé de maternité de Madame [X] [Y] s’est arrêté au 31 mars 2017. J’ai remarqué avec surprise ce matin que vous étiez dans nos locaux; j’ai pensé que vous veniez récupérer vos affaires. Je vous rappelle que votre contrat de travail a cessé dès la fin du congé de maternité de [Y] [X]. Je vous demande de quitter l’entreprise..’

Estimant la rupture abusive et sollicitant la condamnation de la société Feeder à lui verser une somme à titre de salaire et d’indemnités, Madame [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues le 27 juin 2017 lequel par jugement de départage du 5 avril 2019 a :

– déclaré irrecevable la pièce n°7 de la société Feeder,

– dit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée en date du 31 mars 2017 est abusive,

– condamné la société Feeder à payer à Madame [H] la somme de 33.120 € à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive,

– débouté Madame [H] de sa demande au titre des tickets restaurants,

– condamné la société Feeder aux dépens.

La société Feeder a relevé appel de ce jugement le 14 mai 2019 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.

Les parties ont notifié leurs premières conclusions dans les délais légaux.

Par ordonnance d’incident du 26 juin 2020 le conseiller de la mise en état a :

– ordonné à la SAS Feeder de produire aux débats les pièces suivantes:

– le document qui a mis fin au contrat de travail de Madame [X] (démission, licenciement…),

– le dernier bulletin de paie de Madame [X] au 31 mai 2019,

– les DADS 2 au 31 décembre 2017, 2018 et 2019,

– la copie du ‘mail de Madame [B] [P]’ évoqué par Madame [V] dans le mail à l’AISMT 13 au 17 février 2017 (pièce appelante 11),

– la réponse de l’AISMT 13 au mail du 17 février 2017′

– le certificat de reprise consécutif,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

– dit que les frais irrépétibles de l’incident suivront le sort de ceux de l’instance principale,

– condamne la SAS Feeder aux dépens de l’instance.

Aux termes de ses conclusions d’appelante notifiées par voie électronique le 11 février 2020 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la société Feeder a demandé à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il a indiqué que Feeder avait rompu par anticipation le contrat à durée déterminée de Madame [H] et que ce contrat devait se poursuivre jusqu’au 31 mars 2018,

En conséquence,

– débouter la salariée de toutes ses demandes au titre des salaires, indemnités pour la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018;

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [H] de sa demande de condamnation à la somme de 147 € de Feeder pour des tickets restaurants.

Condamner Madame [H] à verser la somme de 1.000 € à la société Feeder au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Desombre.

La société Feeder, qui conteste la dégradation de la relation de travail alléguée, soutient que le terme du contrat de travail à durée déterminée litigieux était le 30 mars 2017, date d’achèvement du congé de maternité de Madame [X] ce dont Madame [H] avait parfaitement connaissance et à titre subsidiaire indique qu’elle justifie que la salariée absente a bien repris son activité professionnelle entre le 1er et le 10 avril 2017 ayant travaillé de son domicile les 3, 4, 5, 6 et 7 avril 2017 en traitant avec Madame [P] et Monsieur [J] la comptabilité de la filiale marocaine avant son départ en congé parental à compter du 10 avril 2017 de sorte qu’elle n’a pas abusivement rompu le contrat de travail à durée déterminée.

Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris relativement aux tickets restaurant son expert comptable affirmant que les retenues effectuées sur le bulletin de salaire du mois de mars 2017 correspondent aux tickets restaurants de Madame [H] pour mars et avril 2017.

Par conclusions d’intimée et d’appelante incidente notifiées par voie électronique le 4 novembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Madame [H] a demandé à la cour de :

– la recevoir en ses conclusions d’intimée,

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues en ce qu’il a jugé illégale et abusive la rupture du contrat de travail de Madame [H] et l’a sanctionnée conformément à la loi,

L’infirmer sur le montant des dommages-intérêts,

– condamner la société Feeder à verser à Madame [H] les sommes principales de :

– 82 800 € à titre de dommages-intérêts sur 36 mois de salaires bruts (2.300 x 36),

– 8.280 € de congés payés afférents,

– 8.280 € de prime de précarité (10% de 82.800 €)

soit un total de 99.360 €

– condamner la société Feeder à verser à Madame [H] la somme de 86,40 €,

– dire que chacune des condamnation sera assortie de l’intérêts légal à compter de l’arrêt,

– condamner la société Feeder à verser à Madame [H] la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Madame [H] fait valoir à titre liminaire que la relation de travail s’est dégradée celle-ci ayant refusé d’effectuer des heures supplémentaires et ayant subi des pressions violentes de la part de sa supérieure hiérarchique, qu’ayant été absente le 30 mars 2017 et en RTT le 31 mars 2017, elle a repris son travail le 3 avril 2017, le président de la SAS Feeder ne l’ayant sommée de quitter l’entreprise en raison du terme allégué de son contrat de travail au 31 mars qu’à l’issue de sa journée de travail, que ce faisant, l’employeur a abusivement rompu le contrat de travail à durée déterminée avant la reprise du travail par Madame [X] qui a enchaîné un congé parental d’éducation immédiatement après son congé de maternité et n’est pas revenue dans l’entreprise, la salariée contestant notamment l’authenticité de la pièce n°7 écartée en première instance et produite par l’employeur en cause d’appel.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 5 décembre 2022, l’audience de plaidoiries étant fixée au 2 janvier 2023.

SUR CE :

Sur la rupture du contrat de travail à durée déterminée:

L’article L.1242-7 du code du travail dispose que ‘le contrat de travail à durée déterminée comporte un terme fixé avec précision dès sa conclusion.

Toutefois, le contrat de travail peut ne pas comporter de terme précis lorsqu’il est conclu dans l’un des cas suivants:

1°) remplacement d’un salarié absent…’

Par application de l’article L.1243-1 du code du travail, ‘sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail’.

En l’espèce, le contrat de travail à durée déterminée signé des parties le 2 janvier 2017 comporte la clause suivante:

‘Le présent contrat est conclu pour le remplacement partiel de Madame [X] [Y] travaillant dans la société Feeder SAS en qualité d’assistante de direction financière et comptable et actuellement indisponible pour la raison suivante: maternité.

… Le présent contrat débutera le 2 janvier 2017 jusqu’au retour de Madame [X] [Y] actuellement en congés de maternité.’

Ainsi que l’a exactement analysé la juridiction prud’homale, à défaut de terme précis, seul le retour du salarié remplacé met fin au contrat de travail à durée déterminée conclu pour assurer en son absence son remplacement quel que soit le motif initial de cette absence, en d’autres termes si comme le soutient Madame [H] le congé de maternité de Madame [X] a été effectivement suivi d’un congé parental, l’employeur ne pouvait rompre le contrat de travail à durée déterminée.

Cependant, il résulte des pièces versées aux débats par la SAS Feeder sur laquelle repose la charge de prouver la reprise effective du travail par Madame [X]:

– que Madame [H] devait initialement être mise à disposition de la SAS Feeder afin de remplacer Madame [X] durant son congé de maternité du 9 décembre 2016 au 31 mars 2017 (pièce n°10),

– que par courriel du 13 décembre 2016, elle a indiqué à la SAS Feeder (pièce n°13) ‘je viens de recevoir mon nouveau contrat de SPRING du 09/12/2016 au 31/03/2017. Je ne le signe pas car nous avions convenu d’un contrat en CDD à partir du mois de janvier 2017..’,

– que par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 février 2017 (pièce n°7), Madame [X] [Y] a informé le service ressources humaines de la SAS Feeder que ‘mon congé maternité prendra fin le 30 mars 2017, je reprendrai mes fonctions le 31 mars 2017 mais je souhaite être placée en congé parental à compter du 10 avril 2017. Je joins à cet effet un extrait d’acte de naissance.’,

– que par courriel du 17 février 2017, Madame [V] (RH) a sollicité la médecine du travail afin d’obtenir un rendez vous de reprise à l’issue du congé de maternité de Madame [X],

– que l’employeur a établi en avril 2017 au profit de Madame [X] un bulletin de salaire mentionnant Absence maternité 01-03-17 au 31-03-17, Absence congé parental 10-0462107 au 30-04-2017, ces mentions étant confirmées par le journal de paie de l’année 2017 (pièce n°27),

– qu’un virement de 398,14 € a été réalisé au profit de Madame [P], supérieure hiérarchique de Madame [H] en remboursement de ‘frais de déplacement chez Madame [X] (pièce n°16) les 3, 4, 5, 6 et 7 avril 2017 pour travailler sur Bilan Maroc 2017″,

– que le compte rendu de travail relatif aux filiales Feeder Algérie et Maroc (pièce n°19) mentionne le travail de [Y] [X] (rendez-vous à domicile les 3/4, 4/4, 5/4, 6/04 et 7/04/17).

Ainsi, s’il résulte des pièces produites par la salariée que ses relations de travail avec Madame [P], sa supérieure hiérarchique étaient difficiles en mars 2017 ainsi que l’objective l’avertissement qui lui a été notifié le 23 mars 2017 et qu’elle s’est effectivement vu remettre un courrier de sa hiérarchie le 3 avril 2017 seulement en fin d’après midi lui indiquant que le terme de son contrat de travail était échu au 31 mars 2017, elle ne prouve pas avoir effectivement travaillé le 3 avril 2017 alors que l’employeur justifie en produisant un courriel de Monsieur [N], salarié du service informatique (pièce n°15) que les connexions informatiques de Madame [H] étaient coupées à cette date, la SAS Feeder démontrant surtout que Madame [X] a effectivement repris son activité professionnelle la semaine du 3 au 7 avril 2017, le fait que cette dernière ait travaillé de son domicile en accord avec sa supérieure hiérarchique qui s’y est déplacée expliquant que ni Madame [H], ni Madame [W] ne l’ait vue au bureau le 3 avril ni les jours suivants.

En conséquence, en présence d’une reprise d’activité de la salariée du 1er au 10 avril 2017, l’absence de Madame [X] en congé de maternité n’a donc pas été prolongée en raison d’un congé parental et le terme du contrat de travail à durée déterminée de remplacement de Madame [X] doit être fixé au 31 mars 2017, date de l’achèvement du congé de maternité ce dont il se déduit que la SAS Feeder n’a pas abusivement rompu le contrat de travail à durée déterminée avant son terme.

Les dispositions du jugement entrepris ayant déclaré abusive la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée en date du 31 mars 2017 et condamné l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour rupture anticipée sont infirmées, Madame [H] étant déboutée de ses demandes de dommages-intérêts et de prime de précarité.

Sur la demande relative aux tickets restaurants :

Madame [H] expose que ses tickets restaurant ont été déduits trois fois de son salaire du mois de mars 2017 (1er bulletin de mars 2017 : tickets déduits pour 73,60 €, 2ème bulletin de mars 2017: tickets déduits pour 147,20 € ) que cependant 19 tickets lui ayant été remis le 3 avril 2017, elle limite sa réclamation à 86,40 €.

La société Feeder se fonde sur une attestation de son expert comptable du 22 juin 2017 pour s’opposer à cette demande précisant que les tickets restaurants pris par la salariée pour mars et avril 2017 n’ont pas été restitués et que c’est à juste titre que la somme de 147,20 € a été retenue.

Cependant en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; qu’il convient en conséquence de confirmer la décision déférée ayant rejeté la demande de condamnation de la SAS Feeder à rembourser à Madame [H] une somme de 86,40 € correspondant à des tickets restaurants.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné la SAS Feeder aux dépens sont infirmées, Madame [H] étant condamnée aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SCP Desombre.

Les demandes respectives des parties fondées sur l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions ayant rejeté la demande de Madame [H] de remboursement de tickets restaurants qui sont confirmées.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée le 31 mars 2017, à son terme, n’est pas abusive.

Rejette les demandes de Madame [U] [H] de dommages-intérêts et de prime de précarité.

Condamne Madame [U] [H] aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SCP Desombre.

Rejette les demandes respectives des parties de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

 


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