Travail temporaire : 21 février 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02965

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Travail temporaire : 21 février 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02965

ARRÊT N° /2023

SS

DU 21 FEVRIER 2023

N° RG 21/02965 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E4OI

N° RG 22/00013 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E4VK

Pole social du TJ de REIMS

21/00559

26 novembre 2021

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

S.A.S. [10] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Marie-.Laure VIEL de la SCP MARIE-LAURE VIEL, substitué par Me Manon MAGNIER, avocats au barreau de SAINT-QUENTIN

INTIMÉS :

Monsieur [E] [X]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par M. Adrien BARRATHIEU, Président du Groupement Départemental de la FNATH

Madame [H] [X]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Ni comparante, ni représentée

Monsieur [L] [X]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Ni comparant, ni représenté

S.A.R.L. [9] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

Dispensé de comparaitre à l’audience

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MARNE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Mme [M] [Z], régulièrement munie d’un pouvoir de représentation

PARTIES INTERVENANTES :

[7] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jessica RONDOT de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

[7] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jessica RONDOT de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : M. HENON

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 21 Février 2023 tenue par M. HENON, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 21 Février 2023 ;

Le 21 Février 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

Faits, procédure, prétentions et moyens :

Le 17 juin 2014, M. [D] [X], né en 1973, intérimaire mis à disposition de la SARL [9] par la société d’intérim [10] en qualité de peintre depuis le 6 juin 2014, est tombé d’une échelle lors de travaux de reprise de façades, qui lui a occasionnée des lésions au crâne. M. [D] [X] a été transporté à l’hôpital.

Le même jour, la société [10], attribuant la chute à un malaise, a établi, avec courrier de réserves séparé, une déclaration d’accident du travail.

Selon certificat médical du 19 juin 2014, le docteur [I] du service réanimation du centre hospitalier Universitaire de [Localité 8] a attesté que M. [D] [X] a été hospitalisé dans l’unité de réanimation le 17 juin 2014 avec un bilan lésionnel montrant un « Traumatisme crânien sévère responsable de contusions cérébrales multiples, d’une hémorragie méningée et d’un hématome extra-dural occipital ».

M. [D] [X] est décédé le 28 juillet 2014.

Par décision du 8 septembre 2014, la caisse primaire d’assurance maladie de la Marne (ci-après dénommée la caisse) a refusé de prendre en charge ce décès au titre de la législation professionnelle, au motif que le caractère professionnel de l’accident n’était pas établi.

Sur recours de la famille de [D] [X], une expertise médicale a été diligentée. Le docteur [A] [K] a réalisé son expertise le 17 novembre 2014 et a conclut en ces termes :

‘ le traumatisme crânien sévère est en rapport direct et certain avec le traumatisme provoqué par l’accident du 17 juin 2014,

‘ absence de certitude concernant un éventuel état antérieur.

Par décision du 12 décembre 2014, la caisse a pris en charge le décès qui a suivi l’accident dont a été victime [D] [X] au titre de la législation professionnelle.

Par décision du 5 mars 2015, la caisse a accordé à son fils, M. [E] [X], une rente d’ayant droit, à compter du 29 juillet 2014.

Par jugement du 6 juillet 2016, le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne a relaxé M. [J] [P], pris en son nom personnel et en qualité de représentant légal de la société [9], du chef d’homicide involontaire et, sur l’action civile, débouté M. [L] [X] et Mme [H] [X] de l’intégralité de leurs demandes d’indemnisation et donné acte à Mme [T] [C], ès qualité de représentante légale de son fils mineur [E] [X], de ce qu’elle saisira le tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Marne aux fins d’indemnisation du préjudice subi.

Par arrêt du 10 novembre 2017, statuant sur intérêts civils, la cour d’appel de Reims a confirmé ce jugement.

Le 5 janvier 2018, M. [E] [X] a saisi la caisse aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur de son père. La procédure amiable a abouti à un procès-verbal de non conciliation daté du 9 novembre 2018.

Le 29 octobre 2019, M. [E] [X] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance ‘ devenu tribunal judiciaire ‘ de Reims, aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Le tribunal, par jugement du 26 novembre 2021, a :

– reçu les sociétés [7] et [7] en leur intervention volontaire ;

– déclaré les demandes de Monsieur [L] [X] et de Madame [H] [X] irrecevables ;

– rejeté les moyens de défense tirés de l’absence de caractère professionnel de l’accident du 17 juin 2014 et de l’indétermination des circonstances de survenue de cet accident ;

– jugé, sur le fondement de l’article 4154-2 du code du travail, que l’accident du travail survenu le l7 juin 2014 dont a été victime Monsieur [D] [X] et son décès subséquent survenu le 28 juillet 2014, sont dus à la faute inexcusable de son employeur, la société [10], substituée dans sa direction par la société [9] ;

En conséquence.

– fixé au maximum le montant de la majoration de la rente prévue à l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et servie au bénéfice de Monsieur [E] [X] sur la période allant du 29 juillet 2014 au 29 avril 2017 ;

– fixé le préjudice moral de Monsieur [E] [X] à la somme de 30.000 euros ;

– fixé le préjudice des souffrances endurées de Monsieur [D] [X], au titre de l’action successorale, à la somme de 30.000 euros ;

– dit que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter du prononcé de cette décision ;

– dit que ces sommes seront versées par la caisse primaire d’assurance maladie de la Marne qui en récupèrera le montant auprès de l’employeur. la société [10] ;

– débouté Monsieur [E] [X] du surplus de ses demandes indemnitaires ;

– condamné la société [9] à garantir la société [10] de la totalité des indemnités récupérées auprès de cette dernière par la CPAM de la Marne qui en fait l’avance ;

– condamné la société [9] à payer à Monsieur [E] [X] la somme de 2.000 euros et à la société [10] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société [9] aux entiers dépens de l’instance, sans possibilité de distraction de ces dépens ;

– rappelé que ce jugement est opposable aux sociétés [7] et [7], parties à l’instance ;

– rejeté le surplus des demandes ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration électronique du 17 décembre 2021, la SAS [10] a relevé appel de ce jugement, les dispositions du jugement critiquées étant expressément mentionnées. Le recours a été enrôlé sous le n° RG 21-02965.

Par acte du 4 janvier 2022, M. [E] [X] a également relevé appel de ce jugement concernant l’irrecevabilité de la demande de ses grands-parents. Le recours a été enrôlé sous le n° RG 22-00013.

Suivant ses conclusions responsives et récapitulatives notifiées par RPVA le 13 octobre 2022, la SAS [10] demande à la Cour de :

Sur la jonction

– ordonner la jonction des affaires RG 21/02545 et RG 21/02545.

A titre principal

– infirmer le jugement rendu par le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Reims le 26 novembre 2021 en ce qu’il a jugé que l’événement accidentel en date du 17 juin 2014 devait être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.

Statuant à nouveau,

– juger que l’événement accidentel en date du 17 juin 2014 ne relève pas de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,

– débouter Monsieur [E] [X] de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire et dans l’hypothèse où la Cour confirmerait l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur dans la survenance du phénomène accidentel en date du 17 juin 2014 :

Sur les demandes de M. [E] [X]

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :

‘ déclaré Madame [H] [X] et Monsieur [L] [X] irrecevables en leurs demandes,

‘ jugé que la SAS [10] n’a personnellement commis aucune faute dans la survenance de l’accident du travail en date du 17 juin 2014 dont a été victime feu Monsieur [D] [X].

– condamner la Société [9] à lui verser la somme de 1.000 euros à titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance,

– condamner la Société [9] aux entiers dépens de l’instance,

– débouter Monsieur [E] [X] de ses demandes à titre de provision, remboursement au titre des frais d’obsèques et de frais divers.

Statuant à nouveau,

– infirmer le jugement rendu par le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Reims le 26 novembre 2021 en ce qu’il a alloué à Monsieur [E] [X] une majoration de rente orphelin.

– juger que le préjudice moral de Monsieur [E] [X] sera justement indemnisé à hauteur de la somme de 25 000 euros.

– juger que le préjudice moral au titre de l’action successorale sera justement indemnisé par une somme ne dépassant pas 30.000 euros.

Sur le recours récursoire

– infirmer le jugement rendu par le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Reims, le 26 novembre 2021, en ce qu’il a jugé la Caisse Primaire d’Assurance Maladie bien fondée en son action récursoire à l’égard de la SAS [10],

Statuant à nouveau,

– juger la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Marne mal fondée en sa demande de recours récursoire et l’en débouter.

A titre infiniment subsidiaire et dans l’hypothèse où la Caisse Primaire d’Assurance Maladie serait reçue en son action récursoire :

– confirmer le jugement rendu par le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Reims le 26 novembre 2021 en ce qu’il a condamné la Société [9] à la garantir de l’ensemble des condamnations mises à sa charge au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable que ce soit à titre d’indemnisation du préjudice de Monsieur [E] [X], et, éventuellement, de ceux de Madame [H] [X] et Monsieur [L] [X] si la Cour envisageait d’y faire droit, au titre de tous les frais divers afférents à ladite procédure et notamment au titre des dispositions de l’article 700.

En toute hypothèse,

– condamner la Société [9] à lui verser la somme de 3.000 euros à titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d’appel.

– condamner la Société [9] en tous les dépens.

*

Suivant ses conclusions récapitulatives et responsives reçues au greffe le 14 octobre 2022, M. [E] [X], ayant droit et fils de [D] [X], et M. [L] [X] et Mme [H] [X] née [F], parents de [D] [X], représentés par la FNATH demandent à la Cour de :

‘ confirmer le jugement rendu le 26 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims en ce qu’est constitué la faute inexcusable de l’employeur de M. [D] [X], victime de l’accident du travail,

‘ confirmer partiellement le jugement entrepris le 26 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims en ses dispositions relatives à l’indemnisation des ayants droits,

‘ condamner la société [9] à lui payer la somme de 2.000 euros et à la société [10] la somme de 1.000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du CPC.

*

Suivant ses conclusions reçues au greffe le 17 octobre 2022, la SARL [9] demande à la Cour de :

– ordonner la jonction des appels enregistrés sous les numéros de répertoire général 21/02965 et 22/00013,

Avant dire-droit,

– ordonner à la FNATH Seine et Marne la production de l’ensemble des statuts de l’association applicables au jour de son intervention devant le pôle social du Tribunal Judiciaire de’ Reims de devant la Cour d’Appel de Nancy,

– confirmer que les demandes Monsieur [L] [X] et Madame [H] [X] sont irrecevables,

– infirmer l’ensemble des autres dispositions du jugement,

– juger la FNATH Seine et Marne et Monsieur [E] [X] irrecevables à agir tant en première instance qu’à hauteur d’appel,

Sur le fond,

– débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs prétentions,

A titre subsidiaire,

– juger excessif les montants des indemnisations offerts à Monsieur [E] [X] en première instance,

– infirmer le jugement de ces chefs de condamnations,

– infirmer le jugement sur sa condamnation de à verser une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile à la société [10],

– juger irrecevable Monsieur [E] [X] en l’ensemble de ses demandes formulées au nom des « deux parents » ;

En tout état de cause,

– débouter Monsieur [E] [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

*

Suivant ses conclusions notifiées par RPVA le 30 septembre 2022, la [7] et la [7], assureurs RC de l’entreprise utilisatrice, demandent à la Cour de :

A titre liminaire :

– les recevoir en leur intervention volontaire, en qualité d’assureurs responsabilité civile de la société SARL [9].

– ordonner la jonction des deux procédures enrôlées sous les numéros RG 21/02965 et 22/00013.

S’agissant des demandes formulées par Madame [H] [X] et Monsieur [L] [X] :

– confirmer le jugement rendu par le Pôle social du Tribunal judiciaire de REIMS le 26 novembre 2021 en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de Madame [H] [X] et de Monsieur [L] [X] et, à tout le moins, les déclarer mal fondées.

– débouter Madame [H] [X] et de Monsieur [L] [X] de l’ensemble de leurs demandes.

S’agissant des demandes formulées par Monsieur [E] [X] :

A titre principal

– infirmer le jugement rendu par le Pôle social du Tribunal judiciaire de REIMS le 26 novembre 2021 en ce qu’il a rejeté les moyens de défense tirés de l’absence de caractère professionnel de l’accident du 17 juin 2014 et de l’indétermination des circonstances de survenue de cet accident.

– accueillir les moyens de défense tirés de l’absence de caractère professionnel de l’accident du 17juin 2014 et de l’indétermination des circonstances de survenue de cet accident.

– débouter Monsieur [E] [X] de l’intégralité de ses demandes et, en tout état de cause, priver la CPAM de son recours subrogatoire contre l’employeur compte tenu de sa décision initiale de non reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 17juin 2014.

A titre subsidiaire,

– infirmer le jugement rendu par le Pôle social du Tribunal judiciaire de REIMS le 26 novembre 2021 en ce qu’il a jugé, sur le fondement de l’article 4154-2 du code du travail, que l’accident du travail survenu le 17 juin 2014 dont a été victime Monsieur [D] [X] et son décès subséquent survenu le 28juillet 2014, sont dus à la faute inexcusable de son employeur, la société [10], substituée dans sa direction par la société [9].

– débouter Monsieur [E] [X] de l’intégralité de ses demandes

A titre infiniment subsidiaire en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur,

– infirmer le jugement rendu par le Pôle social du Tribunal judiciaire de REIMS le 26 novembre 2021 en ce qu’il a:

– fixé au maximum le montant de la majoration de la rente prévue à l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale et servie au bénéfice de Monsieur [E] [X] sur la période allant du 29 juillet 2014 au 29 avril 2017

– fixé le préjudice des souffrances endurées de Monsieur [D] [X], au titre de l’action successorale, à la somme de 30 000 euros;

– dit que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter du prononcé de cette décision

– condamné la société [9] à payer à Monsieur [E] [X] la somme de 2 000 euros et à la société [10] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la société [9] aux entiers dépens de l’instance, sans possibilité de distraction de ces dépens.

– débouter Monsieur [E] [X] de ses demandes au titre de la majoration de rente, des souffrances endurées par Monsieur [D] [X] au titre de l’action successorale, des intérêts, des frais irrépétibles et des dépens.

– confirmer le jugement rendu par le Pôle social du Tribunal judiciaire de REIMS le 26 novembre 2021 pour le surplus.

En tout état de cause,

– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à [7] et [7].

– débouter les parties au litige de toute demande plus ample ou contraire.

– laisser à chacune des parties la charges de ses frais irrépétibles et dépens à hauteur de Cour.

*

Suivant ses conclusions reçues au greffe le 17 octobre 2022, la caisse demande à la Cour de :

A titre liminaire, joindre les deux dossiers d’appel n° 21/02965 et 22100013 pour une bonne administration de la justice,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de REIMS en date du 26 novembre 2021,

En conséquence,

– lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice quant à la demande de reconnaissance d’une faute inexcusable formulée à l’encontre de la Société [10],

– lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice quant à la prescription soulevée.

Si une faute inexcusable de l’employeur devait être reconnue,

– statuer conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 et suivants du Code de la Sécurité Sociale, sur la fixation de la majoration de la rente et sur l’indemnisation des préjudices,

– ordonner la majoration de rente uniquement concernant Monsieur [E] [X] pour la période du 29 juillet 2014 au 29 avril 2017 comme sollicité,

– déclarer que même si la décision de refus prise en charge du 8 septembre 2014 est définitive, il n’en demeure pas moins que la Société [10] sera tenue de s’acquitter des sommes dont elle est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3, et ce au regard des dispositions de l’article L. 452-3-1 du Code de la sécurité sociale et de la jurisprudence citée,

– déclarer qu’elle pourra exercer une action récursoire en remboursement des sommes dont la Société [10] ou toutes autres parties et notamment la Société [9] et les [7] est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3 du Code de la sécurité sociale,

– condamner la Société [10], ou toutes autres parties et notamment la Société [9] et les [7] qui seraient condamnées à indemniser les ayants droit de Monsieur [D] [X] ou condamnées à garantie, au remboursement à son profit des sommes dont elle aurait à faire l’avance,

– condamner la Société [10], ou toutes autres parties et notamment la Société [9] et les [7] qui seraient condamnées à indemniser les ayants droit de Monsieur [D] [X] ou condamnées à garantie à lui payer les éventuels frais de citation ou signification rendues nécessaires aux fins de recouvrement des sommes qui lui sont dues,

– condamner la Société [10] aux entiers dépens de l’instance.

Pour l’exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l’audience.

Motifs :

Les appels inscrits au rôle de cette cour sous les numéros RG 21/2965 et 22/13 portant sur un même jugement, il convient d’ordonner la jonction de ces procédures.

1/ Sur la contestation du caractère professionnel de l’accident :

Il résulte des articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que, pour engager la responsabilité de l’employeur, la faute inexcusable doit être la cause nécessaire de la maladie professionnelle dont est atteint le salarié (civ.2e 4 avril 2013 pourvoi n°12-13.600 Bull II n° 69). A cet effet, l’employeur reste fondé à contester, pour défendre à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie (civ.2e 5 novembre 2015, pourvoi n° 13-28.373, Bull. 2015, II, n° 247 ; dans le même sens civ.2e., 8 novembre 2018, pourvoi n° 17-25.843).

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, no 00-21.768, Bull. no132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).

En revanche, dès lors qu’il est établi la survenance d’un évènement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui entend la contester de rapporter la preuve qu’il provient d’une cause totalement étrangère au travail.

Au cas présent, il est constant que le salarié, est tombé d’une échelle lors de travaux de reprise de façades entrainant des lésions au crâne et que cette chute est intervenue aux temps et lieu de travail, de sorte qu’elles sont présumées imputables au travail et qu’il appartient à l’employeur qui entend la contester de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail.

A cet égard, si l’employeur soutient que l’accident a pour origine une crise d’épilepsie, secondaire à un traitement contre l’alcoolisme et que l’intéressé présentait des antécédents médicaux, il convient cependant de relever que ces éléments ne sauraient suffire à établir la survenance d’une cause totalement étrangère au travail.

D’une part, la production d’un article de presse qui se borne à rapporter des déclarations faites par l’avocat de l’entreprise concernée ne saurait être de nature à justifier des allégations de cet employeur.

De même que les pièces et explications de l’entreprise utilisatrice ne sont pas de nature à établir un état pathologique tel que celui présenté par l’employeur ni même son caractère causal, étant à cet égard précisé que le compte rendu d’hospitalisation invoqué par cette entreprise permet, contrairement à ses allégations, de mettre en évidence que le décès de l’intéressé est consécutif à l’accident dès lors que la dégradation de l’état respiratoire procède des lésions initiales et se trouve lié à celles-ci.

D’autre part, il ne saurait être soutenu que l’accident provient de l’état pathologique de l’intéressé pour établir une cause totalement étrangère au travail dans la mesure où cet état ne constitue pas en tout état de cause la cause unique de l’accident puisque celui-ci se trouvait sur une échelle pour les besoins de son emploi, en sorte que la chute à l’origine de l’accident est liée au travail de ce dernier.

2/ Sur la faute inexcusable de l’employeur’:

En application des articles L. 4154-2 et L.4154-3 du code du travail, les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés. La faute inexcusable de l’employeur est présumée établie pour ces salariés alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée.

Il est nécessaire qu’une formation adaptée soit instaurée dans l’entreprise dans laquelle sont employés les intéressés, dès lors que le poste présente un risque particulier ( civ.2e 6 novembre 2014, pourvoi n°13-23.247 ; civ.2e., 12 février 2015, pourvoi n° 14-10.855 ; civ.2e., 11 mars 2010, pourvoi n° 08-21.374 ), l’expérience précédente du salarié important peu (civ.2e 12 février 2015, pourvoi n° 14-10.855 ; civ.2e 11 mars 2010, pourvoi n° 08-21.374), y compris dans la même entreprise ( civ.2e 31 mai 2012, pourvoi n° 11-18.857).

Cette présomption s’applique même lorsque les circonstances de l’accident sont indéterminées (Soc., 4 avril 1996,n°94-11.319 , Bull V, no 135 ; Soc 27 juin 2002, n°00-14.744o Bull V, no 225) ou lorsque le salarié a fait preuve d’imprudence (Civ. 2ème, 15 novembre 2005, no 04-30.420 ; Civ. 2ème 18 octobre2005, no 03-30.162) ou commis une faute grossière (Soc., 31 octobre 2002, no 01-20.197).

La présomption susmentionnée ne peut être renversée que par la preuve que l’employeur a dispensé au salarié la formation renforcée à la sécurité (civ.2e., 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-23.694).

L’employeur soutient que pendant l’exécution de sa mission, le salarié temporaire est soumis au pouvoir de direction de l’entreprise utilisatrice, et qu’en sa qualité d’employeur, la société a satisfait à ses obligations consistant à s’assurer de l’aptitude physique du salarié avant sa délégation, de rédiger le contrat et de déclaration de l’accident du travail.

L’entreprise utilisatrice expose que si les ayants droits ont soutenu devant le tribunal que l’intéressé aurait dû bénéficier d’une formation renforcée à la sécurité, un tel argument ne peut prospérer que si le manquement à la formation est à l’origine de l’accident alors que les circonstances de celui-ci sont indéterminées et que ces derniers sont incapables d’expliquer quelle formation aurait dû être dispensée.

Au cas présent, et dès lors que l’intéressé travaillait en hauteur dans le cadre du chantier en cause et non pas seulement le jour de l’accident, ce dernier aurait dû recevoir une formation renforcée à la sécurité du fait des risques particuliers tenant précisément aux risques particuliers liés au travail en hauteur.

Or sous cet aspect, les appelants ne produisent aucun élément de nature à remettre en cause l’appréciation du premier juge.

3/ Sur les conséquences de la faute inexcusable de l’employeur à l’égard de M. [D] [X]:

C’est par de pertinents motifs adoptés par la cour que le premier juge a fixé la réparation du préjudice subi par la victime et par M. [D] [X] tant en ce qui concerne la majoration de rente que les sommes allouées au titre du préjudice moral et des souffrances endurées ainsi que le rejet des sommes à titre de frais d’obsèques et divers, alors que l’employeur et l’entreprise utilitaire qui se bornent à invoquer les circonstances de l’espèce ou le caractère excessif, ne font état d’aucun élément de nature à remettre en cause l’appréciation du premier juge.

4/ Sur la garantie de l’entreprise utilisatrice’:

Selon l’article L.412-6 du code de la sécurité sociale, pour l’application des articles L. 452-1 à L. 452-4, l’utilisateur, le chef de l’entreprise utilisatrice ou ceux qu’ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l’employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l’action en remboursement qu’il peut exercer contre l’auteur de la faute inexcusable.

A cet effet, l’entreprise de travail temporaire, employeur de la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice, dispose, en application de l’article L. 412-6 du code de la sécurité sociale, d’un recours subrogatoire contre l’entreprise utilisatrice pour obtenir le remboursement des indemnités complémentaires auxquelles la victime a droit en application de l’application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ( civ.2e 24 mai 2007, pourvoi n° 05- 21.906, Bull II n° 135).

Compte tenu des circonstances de l’espèce, il convient de confirmer le jugement entrepris étant relevé que l’entreprise utilisatrice ne développe pas d’explications à ce titre.

5/ Sur le recours de la caisse :

Il résulte des dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale que la majoration de rente et les complémentes d’indemnisations fixées par la juridiction de sécurité sociale sont avancées par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur, sauf cas d’une décision passée en force de chose jugée entre la caisse et l’employeur ayant décidé que l’accident de travail ou la maladie n’avait pas de caractère professionnel, faisant obstacle à ce que l’organisme de sécurité sociale recouvre à l’encontre de ce dernier le montant de la majoration de rente et indemnités allouées à la victime en raison de la faute inexcusable de l’employeur (Civ, 15 février 2018, n°17-12.567, publié, également 20 décembre 2018, n°17-21.441).

Il résulte du principe de l’indépendance des rapports entre la victime, la caisse et l’employeur, que ce dernier reste fondé, nonobstant la reconnaissance faite par la caisse qui concerne les rapports caisse-salarié, à contester le caractère professionnel de la pathologie présentée par le salarié en défense à l’action en reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur engagée par ce dernier à son égard. En revanche il n’est pas recevable à contester à la faveur de cette instance et en défense à l’action récursoire de la caisse, l’opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels (2e Civ., 8 novembre 2018, pourvoi n° 17-25.843).

L’employeur expose qu’il conteste le caractère professionnel de l’accident et que la caisse lui a notifié un refus de prise en charge.

Cependant au regard des principes sus rappelés, la contestation, vaine, du caractère professionnel de l’accident par l’employeur en défense à l’action en reconnaissance faute inexcusable est indifférente au regard de l’action récursoire de la caisse à la suite d’une reconnaissance de la faute inexcusable de ce dernier, tout comme la circonstance d’un refus initial de prise en charge, en l’absence d’une décision passée en force de chose jugée entre la caisse et l’employeur ayant décidé que l’accident de travail ou la maladie n’avait pas de caractère professionnel, qui seul peut faire obstacle à ce que l’organisme de sécurité sociale recouvre à l’encontre de ce dernier le montant de la majoration de rente et indemnités allouées à la victime en raison de la faute inexcusable de l’employeur.

6/ Sur l’intervention des société d’assurances’:

L’article L. 452-4 du code de la sécurité sociale ne donne compétence à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d’assurance maladie, que pour connaître de l’existence de la faute inexcusable reprochée à l’employeur et du montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l’article L. 452-3. Toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que d’autres personnes y ayant intérêt interviennent à l’instance ou y soient attraites dans les conditions prévues par les articles 330 et 331 du code de procédure civile. (Civ. 2ème 15 février 2015 , n° 13-26.133, Bull II n° 31).

En ce qui concerne la mise en cause des sociétés [7] et [7], le principe de celle-ci, indépendamment de la question de la garantie de ces assurances qui n’est pas de la compétence du juge du contentieux de la sécurité sociale de trancher, n’est pas contestée, en sorte qu’il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

7/ Sur la qualité à agir de M. [L] [X] et Mme [H] [X] :

Il convient de constater que l’appel du 4 janvier 2022 a été formé par M. [E] [X] pour le compte de ses grands-parents alors que nul ne peut plaider par procureur, c’est-à-dire à la place d’une autre personne et que les conclusions par la FNATH déposées à l’appui de cet appel bien que visant M. [L] [X] et Mme [H] [X], ne sont assorties d’un pouvoir spécial que de M. [E] [X], posant la question de la qualité de cette association à représenter ces personnes.

Dès lors que cette qualité se trouve contestée par l’entreprise utilisatrice et que la question de l’appel se pose quant à la qualité de M. [E] [X] à représenter M. [L] [X] et Mme [H] [X], il convient d’ordonner la réouverture des débats à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction des procédures inscrites au rôle de cette cour sous les numéros RG 21/2965 et 22/13′;

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Reims du 26 novembre 2021, en ce qu’il a’:

– reçu les sociétés [7] et [7] en leur intervention volontaire ;

– rejeté les moyens de défense tirés de l’absence de caractère professionnel de l’accident du 17 juin 2014 et de l’indétermination des circonstances de survenue de cet accident ;

– jugé, sur le fondement de l’article 4154-2 du code du travail, que l’accident du travail survenu le 17 juin 2014 dont a été victime Monsieur [D] [X] et son décès subséquent survenu le 28 juillet 2014, sont dus à la faute inexcusable de son employeur, la société [10], substituée dans sa direction par la société [9] ;

En conséquence.

– fixé au maximum le montant de la majoration de la rente prévue à l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et servie au bénéfice de Monsieur [E] [X] sur la période allant du 29 juillet 2014 au 29 avril 2017 ;

– fixé le préjudice moral de Monsieur [E] [X] à la somme de 30.000 euros ;

– fixé le préjudice des souffrances endurées de Monsieur [D] [X], au titre de l’action successorale, à la somme de 30.000 euros ;

– dit que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter du prononcé de cette décision ;

– dit que ces sommes seront versées par la caisse primaire d’assurance maladie de la Marne qui en récupèrera le montant auprès de l’employeur la société [10] ;

– débouté Monsieur [E] [X] du surplus de ses demandes indemnitaires ;

– condamné la société [9] à garantir la société [10] de la totalité des indemnités récupérées auprès de cette dernière par la CPAM de la Marne qui en fait l’avance ;

– condamné la société [9] à payer à Monsieur [E] [X] la somme de 2.000 euros et à la société [10] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société [9] aux entiers dépens de l’instance, sans possibilité de distraction de ces dépens ;

– rappelé que ce jugement est opposable aux sociétés [7] et [7], parties à l’instance ;

Pour le surplus,

Ordonne la réouverture des débats à l’effet pour les parties de présenter leurs observations sur la qualité de M. [E] [X] à représenter M. [L] [X] et Mme [H] [X] et la qualité de l’association FNATH à représenter M. [L] [X] et Mme [H] [X] devant cette cour’;

Renvoie l’affaire à l’audience du 12 avril 2023 à 13h30, la notification du présent arrêt valant convocation des parties à cette audience.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en quatorze pages

 


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