Travail dissimulé : 9 août 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01220

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PS/SB

Numéro 23/02722

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 09/08/2023

Dossier : N° RG 21/01220 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H2YY

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande d’un employeur contestant une décision d’une caisse

Affaire :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE [Localité 4]

C/

S.A.S.U. [5]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 09 Août 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 23 Mars 2023, devant :

Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.

Madame SORONDO, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.S.U. [5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, dispensée de comparaître

sur appel de la décision

en date du 12 MARS 2021

rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 19/39

FAITS ET PROCEDURE

Le 15 novembre 2012, la société [5], a adressé à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) [Localité 4] une déclaration d’accident du travail survenu le 15 novembre 2012 à Mme [J] [O], salariée en qualité d’opérateur de conditionnement.

Cette déclaration mentionnait les éléments suivants’:

– circonstances suivantes’: «’En soulevant un bac plein a ressenti une douleur à l’épaule gauche’»’;

– siège des lésions’: «’épaule, côté gauche’»’;

– nature des lésions’: «’douleur effort lumbago’».

Le certificat médical initial établi le 15 novembre 2012 faisait état d’une «’tendinite coiffe des rotateurs épaule gauche’».

Par courrier en date du 14 janvier 2013, la CPAM [Localité 4] a notifié à l’employeur sa décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

La salariée a été déclarée consolidée avec séquelles le 7 novembre 2013. Par courrier en date du 8 janvier 2014, la CPAM [Localité 4] a notifié à la société [5] une décision fixant le taux d’incapacité permanente partielle de la salariée à 6 %.

Par courrier en date du 25 octobre 2013, la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM [Localité 4] d’une contestation de la durée des arrêts de travail et soins pris en charge au titre de l’accident du 15 novembre 2012.

Le 30 décembre 2013, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes d’une contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement du 13 janvier 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes a ordonné le retrait du rôle de l’affaire.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes est devenu le pôle social du tribunal de grande instance des Landes et, par courrier réceptionné le 22 janvier 2019, la société [5] a demandé la réinscription de l’affaire au rôle.

Le pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan est devenu le pôle social du tribunal judiciaire des Landes et, par jugement avant dire droit du 6 mars 2020, ce dernier a’:

– ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces confiée au docteur [L] [G] à l’effet’:

. de retracer l’évolution des lésions de Mme [O],

. de déterminer si les arrêts de travail prescrits à Mme [O] jusqu’au 30 septembre 2013 sont en lien direct de causalité, pouvant ne pas être exclusif avec l’accident du travail ou avec un état pathologique indépendant de cet accident du travail,

. de déterminer quels sont les arrêts de travail, lésions et soins directement et uniquement imputables à l’accident du 15 novembre 2012 dont a été victime Mme [O]’;

. de dire à quelle date l’état de santé de Mme [O] a été consolidé ou guéri suite à son accident du 15 novembre 2012.

Suivant son rapport en date du 3 août 2020, le docteur [G] a conclu comme suit’:

«’Les arrêts de travail prescrits jusqu’au 30 septembre 2013 ne sont pas en lien direct de causalité avec l’accident du travail.

Un état pathologique indépendant à cet accident du travail peut être retenu.

Les arrêts de travail du 15 au 29 novembre 2012 et du 4 au 15 décembre 2012, les lésions “tendinite épaule gauche et lumbago” sont directement et uniquement imputables à l’accident du travail du 15 novembre 2012.

Concernant les soins, ils ne peuvent être précisés en l’absence de document.

L’état de santé peut être considéré consolidé ou guéri suite à l’accident du 4 novembre 2012, à la date du 15 décembre 2012, soit à un mois du fait accidentel, en l’absence d’autres documents’».

Par jugement du 12 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire des Landes a’:

– déclaré opposable à la société [5] la décision de la CPAM [Localité 4] de prendre en charge au titre des risques professionnels les soins et arrêts de travail jusqu’au 15 décembre 2012 suite à l’accident de travail du 15 novembre 2012 de Mme [J] [O],

– déclaré inopposable à la société [5] la décision de la CPAM [Localité 4] de prendre en charge au titre des risques professionnels les soins et arrêts de travail postérieurs au 15 décembre 2012 suite à l’accident de travail du 15 novembre 2012 de Mme [J] [O],

– déclaré inopposable à la société [5] la décision attributive de rente basée sur un taux d’IPP de moins de 10 %,

– dit que la CPAM [Localité 4] devra transmettre à la Carsat compétente le montant révisé des prestations correspondant aux soins, arrêts de travail et autres prestations déclarées opposables à la société [5],

– condamné la CPAM [Localité 4] à rembourser à la société [5] les frais et honoraires liés à l’expertise ordonnée par le jugement du 6 mars 2020,

– condamné la CPAM [Localité 4] aux dépens.

Ce jugement a été notifié aux parties par courriers recommandés avec demandes d’avis de réception. La CPAM [Localité 4] en a accusé réception le 16 mars 2021.

Par courrier recommandé expédié le 8 avril 2021 et réceptionné le 9 avril 2021 au greffe de la cour, la CPAM [Localité 4] a interjeté appel de ce jugement.

Selon avis de convocation en date du 28 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l’audience du 23 mars 2023 à laquelle la société [5] a été dispensée de comparaître. La cour s’est assurée du respect du principe du contradictoire.

PRETENTIONS DES PARTIES

Selon ses conclusions transmises par RPVA le 20 janvier 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, la CPAM [Localité 4], appelante, demande à la cour de’:

– Sur la forme, dire et juger son appel recevable,

– Sur le fond,

. infirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré inopposable à la société [5] la décision attributive de rente basée sur un taux d’IPP de moins de 10 %,

. statuant de nouveau,

débouter la société [5] de toute demande tendant à lui voir déclarer inopposable toute décision d’attribuer à Mme [O] un capital ou une rente basée sur un taux d’IPP,

. y ajoutant

condamner la société [5] à lui payer la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la société [5] aux entiers dépens.

Selon ses conclusions visées par le greffe le 20 mars 2023, et auxquelles il est expressément renvoyé, la société [5], intimée, demande à la cour de’:

– confirmer le jugement déféré,

– débouter la CPAM [Localité 4] de l’ensemble de ses demandes,

– en conséquence,

. juger que la décision d’attribuer à Mme [O] un taux d’incapacité permanente

partielle lui est inopposable,

. enjoindre à la CPAM [Localité 4] de transmettre à la Carsat [Localité 3] compétente le montant des prestations correspondant aux soins, arrêts de travail et toutes autres prestations prescrits déclarés inopposables à son égard,

. juger que les frais d’expertise doivent être mis à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie et avancés par la caisse primaire d’assurance maladie.

SUR QUOI LA COUR

L’appel est limité à l’inopposabilité à la société [5] de la décision de la CPAM [Localité 4] portant attribution à la salariée d’une rente basée sur un taux d’IPP de moins de 10 %.

La CPAM [Localité 4] fait valoir que’:

– ce n’est pas parce que l’expert a retenu un état antérieur évoluant pour son propre compte qu’il n’existe pas un taux d’IPP à la suite de l’accident du travail du 15 novembre 2012′;

– l’expert ne se prononce ni sur une consolidation ni sur une guérison ni sur un taux d’IPP’;

– le taux d’IPP notifié à l’employeur le 8 janvier 2014 avec mention des voies et délais de recours n’a jamais été contesté de sorte que cette décision est définitive.

La société [5] fait valoir :

– que le contentieux de l’opposabilité de la décision attributive de rente relève, suivant plusieurs décisions de jurisprudence, de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale’;

– qu’il est logique de considérer qu’une décision attributive d’une incapacité permanente partielle à compter d’une consolidation tardive lui soit déclarée inopposable puisqu’elle prend en considération des lésions qui ne sont pas considérées par l’expert comme en rapport avec l’accident du travail’;

– qu’en l’espèce, la salariée a bénéficié de l’attribution d’un taux d’IPP de 6 % sur la base d’un rapport médical faisant état de séquelles d’une tendinopathie du supra-épineux épaule gauche faites d’une discrète limitation des amplitudes et de douleurs invalidantes provoquant une fatigabilité rapide n’ayant pas entraîné d’aménagement du poste de travail’; que suivant le rapport de l’expert, une rechute a été déclarée le 4 décembre 2012 avec un arrêt de travail jusqu’au 15 décembre 2012 pour une «’contracture trapèze gauche, limitation des amplitudes articulaires de l’épaule gauche’» puis que des prolongations sont ensuite intervenues pour «’persistance névralgie cervico brachiale gauche’», et que la rechute doit être considérée comme en rapport avec l’accident du travail mais non les prolongations postérieures pour une pathologie cervicale avec névralgie cervico brachiale gauche non documentée en relation avec l’accident’; qu’il en résulte que les séquelles évaluées résultaient non de l’accident du travail mais d’un état antérieur’;

– que la CPAM [Localité 4] ne peut lui reprocher de ne pas avoir contesté le taux d’IPP, car le litige porte sur l’imputabilité des séquelles à l’accident et non sur l’évaluation médicale du taux d’incapacité permanente partielle

Sur ce,

L’employeur n’est pas recevable à contester la décision fixant le taux d’incapacité permanente partielle dont il admet qu’elle lui a été régulièrement notifiée. En revanche, il est recevable à contester l’opposabilité à son égard de la décision d’attribution d’une rente, et il lui appartient pour cela de démontrer que les séquelles indemnisées sont sans lien avec l’accident du travail. Or, en l’espèce, s’il résulte du rapport du docteur [G] que la salariée a présenté, postérieurement à l’accident du travail, une lésion sans lien avec celui-ci, s’agissant d’une pathologie cervicale avec névralgie cervico brachiale gauche, il n’est en rien caractérisé que les séquelles indemnisées par la rente attribuée (ou le capital attribué, étant observé qu’en application des articles L.4341-1, L.434-2 et R.434-1 du code de la sécurité sociale, il est alloué une indemnité en capital lorsque le taux d’incapacité permanente partielle est inférieur à 10 % et une rente lorsque ce taux est égal ou supérieur à 10 %) sont en rapport avec cette lésion et non avec les lésions résultant de l’accident, à savoir une tendinite de l’épaule gauche et un lumbago. En effet, suivant les conclusions médicales figurant sur la décision de notification du taux d’incapacité permanente partielle, les séquelles indemnisées sont uniquement celles d’une «’tendinopathie du supra épineux épaule gauche’» et non, même pour partie, celles d’une pathologie cervicale’; le rapport du docteur [G] ne comporte aucun élément contraire et la société [5] ne fournit aucun élément contraire. Dès lors, le jugement sera infirmé et la décision attributive de rente ou de capital basée sur un taux d’IPP de moins de 10 % sera déclarée opposable à la société [5].

La société [5] sera condamnée aux dépens exposés en appel. L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile et donc de rejeter les demandes présentées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du 12 mars 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan en ce qu’il a déclaré inopposable à la société [5] la décision attributive de rente basée sur un taux d’IPP de moins de 10 %,

Statuant de nouveau sur le point infirmé et y ajoutant,

Déclare opposable à la Sas [5] la décision attributive de rente ou de capital basée sur un taux d’IPP de moins de 10 %,

Condamne la Sas [5] aux dépens exposés en appel,

Rejette les demandes présentées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame SORONDO, Conseiller, par suite de l’empêchement de Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame BARRERE, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, P/LA PRÉSIDENTE empêchée