Travail dissimulé : 31 juillet 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 23/00241

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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés

ORDONNANCE DE REFERE

du 31 Juillet 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 23/00241 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BLLBF

S.A.S.U. HUMI FORMATION

C/

[V] [D]

Copie exécutoire délivrée

le : 31 Juillet 2023

à :

Me Delphine AFFRIAT, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Prononcée à la suite d’une assignation en référé en date du 24 Mai 2023.

DEMANDERESSE

S.A.S.U. HUMI FORMATION, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Delphine AFFRIAT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Vanessa BISMUTH-MARCIANO, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDEUR

Monsieur [V] [D], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Farah SOUMRI, avocat au barreau de MARSEILLE

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L’affaire a été débattue le 26 Juin 2023 en audience publique devant

Estelle DE REVEL, Conseiller,

déléguée par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Juillet 2023.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Juillet 2023.

Signée par Estelle DE REVEL, Conseiller et Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties :

Par acte des 23 et 24 mai 2023, la société HUMI Formation a assigné M. [V] [D] devant le premier président de cette cour, pour l’audience du 26 juin 2023 aux fins de voir :

‘Ordonner et au besoin dire et juger que l’exécution provisoire par la société Humi Formation du jugement du 9 mars 2023 du conseil de prud’hommes de Marseille risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives pour la société ;

En conséquence,

Ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 9 mars 2023 par le conseil de prud’hommes de Marseille

Subsidiairement,

Ordonner la consignation des sommes exécutoires par décision du conseil de prud’hommes de Marseille le 9 mars 2023, sur le compte CARPA de Maître Delphine Affriat, avocat au barreau de Marseille,

Condamner M. [D] à payer à la société Humi Formation la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens’.

A l’audience du 26 juin 2023, la requérante représentée par son conseil, reprenant oralement les termes de ses dernières conclusions et les conclusions qu’elle a fait viser par le greffe, après rejet de la fin de non recevoir tiré de l’absence d’observation sur l’exécution provisoire en première instance, fait valoir que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives tenant au risque de liquidation judiciaire, de non restitution des fonds en cas d’infirmation de la décision, et qu’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision entreprise.

En réponse, le requis représenté par son conseil reprenant oralement les conclusions notifiées le 23 juin 2023, sollicitant la condamnation de la requérante aux dépens et l’allocation d’un montant de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, conclut à l’irrecevabilité des demandes.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions, il convient de se référer à l’acte d’assignation et aux conclusions, ensuite développées oralement par chacune des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Par jugement du 9 mars 2023, bénéficiant de l’exécution provisoire de plein droit, le conseil de prud’hommes de Marseille a condamné la société Humi Formation à payer à M. [D] divers montants, à titre de rappels de salaire et d’indemnités pour la rupture du contrat de travail.

Sur la recevabilité de la demande en matière d’exécution provisoire de droit

Selon l’article R. 1454-28 du code du travail, à moins que la loi ou le règlement n’en dispose autrement, les décisions du conseil de prud’hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud’hommes peut ordonner l’exécution provisoire de ses décisions. Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :

1° Le jugement qui n’est susceptible d’appel que par suite d’une demande reconventionnelle ;

2° Le jugement qui ordonne la remise d’un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer ;

3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.

Ainsi, selon les prévisions de l’article R. 1454-14, 2°, bénéficie de l’exécution provisoire de droit, dans les limites précitées, le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre :

– des salaires et accessoires du salaire ainsi que des commissions ;

– des indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;

– de l’indemnité compensatrice et de l’indemnité spéciale de licenciement en cas d’inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l’article L. 1226-14;

– de l’indemnité de fins de contrat prévue à l’article L. 1243-8 et de l’indemnité de fins de mission mentionnée à l’article L. 1251-32.

Selon les dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, issues du décret n° 2019-133 du 11 décembre 2019, lorsque l’exécution provisoire est de droit, elle peut être arrêtée, en cas d’appel, par le premier président lorsqu’il existe un motif sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

La requérante qui ne conteste pas ne pas avoir fait valoir d’observations devant le conseil de prud’hommes sur l’exécution provisoire de la décision, expressément sollicitée par le requis, soutient que :

– il existe un moyen sérieux de réformation de la décision

– l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance, en ce que le montant réclamé correspond à plus de 50% du chiffre d’affaire qu’elle réalise et qu’au vu de la liasse fiscale, elle a cumulé des dettes équivalentes à deux fois le montant du chiffre d’affaire.

Il ressort de la liasse fiscale de l’année 2022 que la trésorerie disponible de la société s’élève à 1 670 euros, que le chiffre d’affaire est de 36 240 euros et les dettes sociales et fiscales sont de l’ordre de 63 682 euros.

Ce document justifie d’importantes difficultés financières.

Ayant été établi en mai 2023, il s’en déduit que les difficultés financières se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

La requérante fait par ailleurs état d’un moyen sérieux de réformation du jugement s’agissant des griefs qu’elle a retenu contre le requis dans le cadre du licenciement.

Il en résulte que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de droit est recevable.

Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de droit

Conformément à l’article 514-3 susvisé c’est seulement si les deux conditions sont cumulativement remplies que l’exécution provisoire peut être arrêtée.

– sur les moyens sérieux de réformation :

La société soutient que la faute grave est établie en ce que M. [D] ne respectait pas les directives de son employeur refusant d’exécuter le travail qui lui était demandé et avait des comportements déplacés avec les différents stagiaires qu’il encadrait.

La cour relève que dans son jugement, le conseil de prud’hommes n’a pas analysé la totalité des fautes reprochées au salarié dès lors qu’il ait fait état de ‘comportements déplacés avec différents stagiaires au point que l’organisme de formation avec lequel travaillait M. [D] n’a plus souhaité travailler avec lui et a mis un terme à la prestation’, auquel les premiers juges n’ont pas répondu.

Le conseil de prud’hommes a ainsi insuffisamment caractérisé la faute grave entraînant un risque sérieux d’infirmation de la décision.

– sur les conséquences manifestement excessives :

Les conséquences manifestement excessives s’apprécient par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.

Si l’exécution d’une décision portant condamnation à payer certaines sommes peut, dans certaines circonstances, être de nature à causer à celui qui en est l’objet certaines difficultés, elle n’implique cependant pas, en soi, l’existence de conséquences manifestement excessives.

La société fait valoir un risque de cessation des paiements au cas de règlement des condamnations et verse des éléments comptables – la liasse fiscale – qui justifient de difficultés financières importantes.

Elle excipe d’un risque d’absence de restitution des causes de la condamnation au cas d’infirmation du jugement, en soutenant qu’elle ignore l’adresse exacte, la profession et les revenus du salarié et produit les vaines recherches de La Poste pour la remise d’un pli recommandé à M. [D].

Les conditions de conséquences manifestement excessives posées par l’article 514-3 du code de procédure civile apparaissent justifiées, il convient par conséquent de faire droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Nous, Estelle de Revel, siégeant sur délégation de la première présidence et statuant publiquement par mise à disposition au greffe,

Déclarons la société Humi Formation recevable en sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire de droit

Ordonnons l’arrêt de l’exécution provisoire de plein droit assortissant le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 9 mars 2023

Condamnons M. [D] aux dépens

Rejetons la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Le greffier Le président