Travail dissimulé : 31 août 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/01855

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N° RG 22/01855 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JDAD

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 31 AOUT 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE DIEPPE du 25 Mai 2022

APPELANT :

Monsieur [P] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me François GARRAUD de la SCP GARRAUD-OGEL-LARIBI, avocat au barreau de DIEPPE

INTIMEE :

S.A.S. NEXIRA

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Emmanuelle DUGUÉ-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Clémence MOREAU, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 28 Juin 2023 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 28 Juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Août 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 31 Août 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [P] [B] a été engagé par la société CNI Technologies par contrat de travail à durée indéterminée du 22 décembre 2008 en qualité de conducteur tour 3.

Les relations des parties étaient soumises à la convention collective importation exportation France métropolitaine.

Son contrat a été transféré à la SAS Nexira.

Le 20 décembre 2019, le médecin du travail a déclaré M. [B] inapte à tout poste de production exposé au bruit supérieur à 80dB.

Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement a été notifié au salarié le 9 mars 2020.

Par requête du 18 mai 2020, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Dieppe en contestation de son licenciement et paiement de rappel de salaires et indemnités.

Par jugement du 25 mai 2022, le conseil de prud’hommes a débouté M. [B] de toutes ses demandes, débouté la société Nexira de ses demandes et condamné chaque partie aux entiers dépens.

M. [B] a interjeté appel de cette décision le 3 juin 2022.

Par conclusions remises le 26 juillet 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens, M. [B] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, statuant à nouveau, dire que son licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamner la société Nexira au paiement des sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 32 837,39 euros,

indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus : 6 880,21 euros,

solde d’indemnité de licenciement: 9 302, 78 euros

liquidation de la clause de non-concurrence : 23 415, 82 euros,

article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros, outre les entiers dépens,

débouter la société Nexira de toutes ses demandes.

Par conclusions remises le 20 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens, la société Nexira demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en conséquence, débouter M. [B] de toutes ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur le licenciement

I – a) Sur l’origine de l’inaptitude

M. [B] rappelle qu’il a fait l’objet d’une reconnaissance de maladie professionnelle, tableau 42 pour atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels. Il estime que le fait que cette reconnaissance soit antérieure à son embauche est indifférent et soutient qu’eu égard aux conclusions du médecin du travail qui l’a déclaré inapte à tout poste exposé au bruit et à la connaissance de son employeur de sa situation de handicap, les dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail aurait dû lui être appliquées.

La société Nexira rappelle que si elle avait connaissance de son statut de travailleur handicapé, elle ignorait en revanche qu’il s’agissait d’une maladie professionnelle, que la visite médicale à l’issue de laquelle M. [B] a été déclaré inapte a été demandée par ses soins, avec insistance et sans aucun arrêt de travail préalable, qu’il n’y a pas eu de nouvelle reconnaissance de maladie professionnelle, que l’avis d’inaptitude ne précise pas l’origine professionnelle de l’état de santé justifiant le dit avis, qu’enfin, M. [B] ne justifie pas d’une aggravation de son état.

Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, l’application des dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail n’étant pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance-maladie du lien de causalité entre l’accident et l’inaptitude.

Si, en vertu de l’article L. 1226-6 du même code, ces règles ne sont pas applicables au rapport entre un employeur et son salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, survenu ou contractée au service d’un autre employeur, ce salarié peut prétendre au bénéfice de la protection dès lors qu’il existe un lien de causalité entre la rechute de l’accident du travail initial ou de la maladie professionnelle initiale et ses conditions de travail ou tout autre événement inhérent à ses fonctions au service du nouvel employeur. Il lui appartient d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, d’une part, certes, il est incontestable que l’inaptitude prononcée le 20 décembre 2019, en ce qu’elle porte sur tout poste exposant à un bruit supérieur à 80dB moyenne sur une journée d’exposition, est en lien avec le handicap de M. [B], comme résultant de l’incompatibilité entre le port de prothèses auditives et le port du casque anti-bruit, et par suite avec sa maladie professionnelle antérieure à son embauche.

Toutefois, ce seul lien ne permet aucunement d’établir une rechute de sa maladie professionnelle ou une aggravation qui trouverait son origine dans les conditions de travail de M. [B].

Au contraire, alors que le salarié, sur qui porte la charge de la preuve, ne produit aucun élément en ce sens, la société Nexira justifie que pendant les dix premières années d’exécution du contrat de travail, M. [B], qui était rencontré annuellement par le médecin du travail en raison des risques professionnels liés à son poste, et notamment l’exposition au bruit, a toujours été déclaré apte sans aucune restriction ou demande d’adaptation ou d’aménagement et sans s’être jamais plaint de la moindre difficulté. Ce n’est qu’à partir de mars 2018 que M. [B] va évoquer le fait que portant un appareil auditif, il peut être dispensé de porter son casque de protection anti-bruit, qui de surcroît, le gène et détériore son appareil, mais à aucun moment il ne va évoquer une détérioration de son état de santé. Après plusieurs relances de la part de l’employeur et du médecin du travail pour obtenir que M. [B] fournisse des informations techniques de son audio-prothésiste pour pouvoir adapter ses EPI et la réalisation d’une étude de poste, le médecin du travail a constaté que son poste ne pouvait pas être adapté à cette nouvelle contrainte de port d’un appareil auditif dont l’utilisation n’est pas établie avant mars 2018, étant précisé qu’il n’est pas non plus avéré que le port de ce matériel ait un lien avec l’évolution de l’état de santé et de la qualité de l’audition de M. [B], aucun document médical en ce sens n’étant produit.

D’autre part et en tout état de cause, alors que M. [B] soutient sans produire la moindre pièce justificative, que la société Nexira était informée que ses difficultés auditives avaient été reconnues en qualité de maladie professionnelle, la société Nexira, en communiquant à la procédure, le curriculum vitae de M. [B] auquel était joint sa reconnaissance de travailleur handicapé ainsi que le compte-rendu d’entretien d’embauche, rapporte la preuve que le salarié ne l’a pas informée que son handicap avait pour origine une maladie professionnelle. En outre, il convient de rappeler qu’il résulte des motifs adoptés ci-dessus que l’état de santé de M. [B] n’a fait l’objet d’aucun arrêt de travail visant sa maladie professionnelle, pas plus qu’il n’a obtenu la moindre reconnaissance de l’existence d’une rechute ou d’une aggravation de sa maladie professionnelle. De plus, l’avis du médecin du travail ne vise aucune origine professionnelle. Il n’est donc pas établi que l’employeur avait connaissance de cette situation au moment du licenciement.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris ayant débouté M. [B] de ses demandes financières à ce titre.

II – b) Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lesquelles comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.

En l’espèce, M. [B] soutient qu’alors qu’il est sourd à la suite d’une maladie professionnelle survenue antérieurement à son embauche, mais parfaitement connue de son employeur, ce dernier n’a pas adapté son poste de travail pour le protéger du bruit mais, de surcroît, lui a fournir des protections auditives incompatibles avec son appareillage, ce dont il s’est plaint à plusieurs reprises en vain.

Il convient de rappeler qu’il résulte des motifs adoptés précédemment que la société Nexira justifie avoir signalé dès l’embauche de M. [B], le risque professionnel d’exposition au bruit, de sorte que ce dernier a bénéficié d’une visite médicale périodique annuelle à l’issue de chacune desquelles il a été déclaré apte à son poste sans aucune restriction, aucun aménagement ou même observation. En outre, l’employeur justifie réaliser très régulièrement des analyses acoustiques pour vérifier le niveau sonore de l’exposition au bruit conformément au plan de prévention des risques établi dans l’entreprise.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. [B], ce dernier, avant mars 2018, n’a jamais évoqué la moindre difficulté. Ce n’est qu’à la suite de constatations faites par son supérieur hiérarchique quant à l’absence de port de son casque anti-bruit et après plusieurs remarques officieuses suivies d’un courrier de rappel à l’ordre officiel du 12 septembre 2019 que ce dernier a évoqué le port d’un appareil auditif qu’il estimait suffisamment protecteur et pouvant le dispenser du port du casque, et ce d’autant que cette situation le gênait et abîmait son appareil. Le certificat de son audio-prothésiste en ce sens date du 4 novembre 2019 et le seul courrier de plainte de M. [B] évoquant ce problème est postérieur à l’avis d’inaptitude, comme daté du 21 décembre 2019. De même, sa plainte auprès de l’inspection du travail date de janvier 2020, étant au demeurant fait observer qu’après réponse de l’employeur aux demandes d’explications sur la situation de M. [B], aucune suite n’a été donnée aux critiques et questionnements initiaux émis par l’inspecteur du travail sur la base des seules déclarations de M. [B].

Aucun manquement à l’obligation de sécurité ne peut être imputé à la société Nexira, de sorte que le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

I – b-) Sur le manquement à l’obligation de reclassement

M. [B] reproche à son employeur de n’avoir fait aucune demande particulière pour lui faire bénéficier d’une formation lui permettant de se maintenir dans l’emploi et indique que la seule proposition qui lui a été faite, de surcroît, dans le cadre d’un emploi précaire, montre à elle seule le peu de sérieux avec lequel l’obligation de reclassement a été exécutée, s’agissant d’une entreprise qui emploie 250 salariés et qui a réalisé en 2018 un chiffre d’affaire de 100 millions d’euros.

Dès lors que le licenciement est fondé sur une inaptitude qui n’est pas d’origine professionnelle, l’article L.1226- 2 du code du travail, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2018, dispose que lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L’article L. 1226-2-1 du même code précise dans son alinéa 2, que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

La présomption instituée par ce texte ne joue que si l’employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En l’espèce, la société Nexira justifie avoir consulté, dès le 24 décembre 2019, M. [V], directeur industriel de tous les établissements de la société, les directeurs desdits établissements, M. [U], le directeur général, ainsi que le secrétariat général du service des ressources humaines et les directeurs de chaque service de l’établissement de [Localité 5]. Cette demande était précise, en ce qu’elle comportait le poste tenu par M. [B] sur lequel il avait été déclaré inapte et toutes les préconisations du médecin du travail. Il était, de surcroît, demandé, que tous les postes vacants soient proposés, afin de les soumettre au médecin du travail pour éventuelle adaptation, ainsi qu’au salarié, pour proposition sous réserve de sa mobilité et de ses compétences. Toutes les personnes consultées ont répondu négativement à cette démarche.

Néanmoins, la société Nexita ne s’est pas contentée de cette absence de possibilité de reclassement et a alors créé pour M. [B] un poste d’assistant préparateur d’échantillons dans le cadre de l’intégration de la société Starlight au sein de la société Nexira. Il s’agissait d’un poste de production aux caractéristiques proches du poste tenu antérieurement par M. [B], y compris sur le plan salarial et validé par le médecin du travail dans son mail du 17 janvier 2020. En revanche, il est exact qu’il n’était pas situé à [Localité 5], mais à [Localité 4] (plus éloigné du domicile de M. [B] vivant dans l’Oise) et qu’il s’agissait d’un contrat à durée déterminée de six mois. Toutefois, en l’absence de tout autre poste disponible, il s’agit d’un poste qui était le plus comparable possible avec celui occupé antérieurement par M. [B].

Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que l’employeur a présenté au salarié une proposition de reclassement conforme aux exigences de l’article L. 1226-2 du code de travail de sorte qu’il est bien fondé à solliciter le bénéfice de la présomption instituée par l’article L. 1226-2-1 du même code, M. [B] n’évoquant aucun élément pertinent permettant de renverser cette présomption.

II – Sur la liquidation de la clause de non-concurrence

M. [B], faisant valoir que son employeur n’a pas valablement dénoncé la clause de non-concurrence présente à son contrat de travail, il est bien fondé à en solliciter la liquidation sur les 24 mois prévus contractuellement.

La société Nexira rappelle qu’elle a dénoncé la clause de non-concurrence le 23 septembre 2020 lors de l’audience de tentative de conciliation devant le conseil de prud’hommes et qu’elle a réglé la période intermédiaire d’application de la clause, soit la somme de 5 032, 50 euros, de sorte qu’elle s’estime déchargée de toute obligation contractuelle à ce titre.

Au nom du principe selon lequel le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler, la levée de la clause de non-concurrence doit intervenir au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires.

Ainsi, ni une disposition conventionnelle, ni une clause contractuelle, ne peuvent valablement prévoir la possibilité pour l’employeur de renoncer à la clause de non-concurrence après le départ effectif du salarié de l’entreprise. Même si cette renonciation intervient pendant le préavis, elle est inopposable au salarié dès lors que celui-ci est dispensé de l’exécuter.

La clause de non-concurrence s’applique à la date effective de fin de contrat, à l’issue de la période de préavis ou au départ du salarié, en cas de dispense de préavis.

L’employeur peut renoncer à l’application de la clause de non-concurrence dans les conditions éventuellement prévues dans le contrat ou par une convention collective, ou avec l’accord du salarié si aucune disposition contractuelle ou conventionnelle ne le prévoit. La renonciation doit être claire, non équivoque et notifiée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception.

La renonciation tardive de l’employeur à l’exécution de l’obligation de non-concurrence ouvre droit pour le salarié au paiement de la contrepartie financière, cette renonciation étant inopérante.

Toutefois, si la dispense tardive de l’obligation de non-concurrence ne décharge pas l’employeur de son obligation d’en verser au salarié la contrepartie pécuniaire, celle-ci ne lui est due que pour la période pour laquelle le salarié a effectivement respecté ladite clause.Il incombe à l’employeur, qui se prétend délivré de l’obligation de payer la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence, de rapporter la preuve de la violation de cette clause par le salarié, faute de quoi la contrepartie est due.

Enfin, la contrepartie pécuniaire est due dès que le salarié respecte son obligation de non-concurrence sans qu’il y ait lieu de rechercher l’existence d’un préjudice.

En l’espèce, le contrat de travail conclue entre les parties stipule une clause de non-concurrence d’une durée de deux ans dont la validité n’est pas remise en cause et pour laquelle la contrepartie financière et les conditions de renonciation sont prévues comme suit :

‘En contrepartie de l’obligation de non-concurrence prévue ci-dessus, Monsieur [P] [B] percevra après al cessation effective de son contrat de travail et pendant toute la durée de cette interdiction une indemnité spéciale forfaitaire égale à 30 % de la moyenne mensuelle du salaire perçu par lui au cours de ses trois derniers mois de présence dans la société CNI Technologies.

[…]

La société CNI Technologies pourra cependant libérer Monsieur [P] [B] de l’interdiction de concurrence – et par là même se dégager du paiement de l’indemnité prévue en contrepartie – soit à tout moment au cours d el’exécution du contrat, soit à l’occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée au plus tard le jour de la cessation effective des fonctions.’

Il est constant que l’employeur n’a pas renoncé à cette clause dans le délai contractuellement prévu, puisque sa décision est intervenue le 23 septembre 2020, soit plus de six mois après le licenciement pour inaptitude de M. [B]. Il est tout aussi constant que M. [B] a respecté son obligation pendant les deux années qui ont suivi la rupture du contrat de travail.

C’est donc à juste titre qu’il sollicite le solde de son indemnité forfaitaire, à savoir la somme de 23 415,82 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.

III – Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Nexira aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés tant en première instance qu’en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. [P] [B] de sa demande au titre de la clause de non-concurrence et de sa demande au titre des frais irrépétibles et a statué sur les dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant;

Condamne la SAS Nexira à payer à M. [P] [B] la somme de 23 415,82 euros au titre du solde de l’indemnité forfaitaire due en application de la clause de non-concurrence ;

Condamne la SAS Nexira aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Déboute la SAS Nexira de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Nexira à payer à M. [P] [B] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.

La greffière La présidente