Travail dissimulé : 31 août 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/03219

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N° RG 21/03219 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I3JZ

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 31 AOUT 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 08 Juillet 2021

APPELANTE :

S.N.C. NATUREO LE HAVRE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nathalie VALLEE de la SCP VALLEE-LANGUIL, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Mégane ROMEYER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [M] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Karim BERBRA de la SELARL LE CAAB, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Sophie DEFRESNE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 27 Juin 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 27 Juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Août 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 31 Août 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [M] [O] a été engagée par la SNC Naturéo Le Havre, entreprise spécialisée dans la distribution d’aliments biologiques  en traditionnel et libre-service, par contrat de travail à durée indéterminée du 7 avril 2015, en qualité d’employée polyvalente, catégorie employée, niveau N1A pour une durée mensuelle de travail de 169 heures.

Elle a été promue responsable Sec, employée E6 le 1er février 2019.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie.

Invoquant les manquements de l’employeur, Mme [M] [O] a saisi le conseil de prud’hommes du Havre le 10 décembre 2019 en résiliation judiciaire du contrat de travail.

Déclarée inapte à son poste de travail et à tout emploi au sein de l’entreprise suivant avis du 12 décembre 2019, le licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement a été notifié à la salariée le 25 janvier 2020.

Mme [M] [O] a alors à nouveau saisi le conseil de prud’hommes en contestation du licenciement.

Par jugement du 8 juillet 2021, le conseil de prud’hommes, qui a ordonné la jonction des procédures, a :

– dit la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail non fondée,

– dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [M] [O] est justifié,

– en conséquence, débouté Mme [M] [O] des demandes salariales et indemnitaires afférentes à la résiliation et à la rupture,

– dit que Mme [M] [O] aurait dû se voir appliquer la classification d’AM1,

– en conséquence, condamné la SNC Naturéo Le Havre à lui payer les sommes suivantes :

1 311,90 euros de rappel de salaire sur la requalification de son emploi,

131,19 euros au titre des congés payés y afférents,

1 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de classification,

1 500 euros de dommages et intérêts pour réparation de l’exécution déloyale du contrat de travail,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les intérêts légaux commenceront à courir à compter de la mise en demeure du défendeur devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 16 décembre 2019 pour les éléments de salaire et à compter de la mise à disposition du jugement pour les autres sommes,

– ordonné l’exécution provisoire,

– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [M] [O] à la somme de 2 636,12 euros,

– fait droit aux demandes principales de la SNC Naturéo Le Havre à l’exception de la réclamation au titre de la classification,

– débouté la SNC Naturéo Le Havre de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SNC Naturéo Le Havre aux éventuels dépens et frais d’exécution du jugement.

La SNC Naturéo Le Havre a interjeté un appel partiel de cette décision le 4 août 2021.

Par ses dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 17 mars 2022, la SNC Naturéo Le Havre demande à la cour de :

A titre principal :

infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que Mme [M] [O] aurait dû se voir appliquer la classification d’AM1,

– en conséquence, condamne la SNC Naturéo Le Havre à lui payer les sommes suivantes :

1 311,90 euros de rappel de salaire sur la requalification de son emploi, et131,19 euros au titre des congés payés y afférents,

1 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de classification,

1 000 euros de dommages et intérêts pour réparation de l’exécution déloyale du contrat de travail,

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les intérêts légaux commenceront à courir à compter de la mise en demeure du défendeur devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 16 décembre 2019 pour les éléments de salaire et à compter de la mise à disposition du jugement pour les autres sommes,

– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [M] [O] à la somme de 2 636,12 euros,

– fait droit aux demandes principales de la SNC Naturéo Le Havre à l’exception de la réclamation au titre de la classification,

– débouté la SNC Naturéo Le Havre de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SNC Naturéo Le Havre aux éventuels dépens et frais d’exécution du jugement.

le confirmer le jugement en ce qu’il a dit la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail non fondée, le licenciement pour inaptitude justifié, débouté Mme [M] [O] des demandes salariales et indemnitaires afférentes à la résiliation et à la rupture,

En conséquence, statuant à nouveau :

– fixer la moyenne du salaire brut mensuel à 2 255 euros,

– débouter Mme [M] [O] de sa demande présentée sur le prétendu mauvais positionnement dans la classification professionnelle (tant le niveau AM1 que le niveau AM2) et la condamner à lui rembourser le rappel de salaire, les congés payés afférents et les dommages et intérêts pour non-respect de classification,

– débouter Mme [M] [O] de sa demande fondée sur l’exécution déloyale du contrat de travail et la condamner à lui rembourser la somme de 1 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

– juger que la demande de Mme [M] [O] au titre de la résiliation judiciaire est infondée et donc qualifiable de démission, raison pour laquelle il est demandé à la cour de la débouter de l’ensemble de ses demandes indemnitaires afférentes,

– juger que la demande de Mme [M] [O] au titre de l’existence d’un harcèlement moral est infondée et donc la débouter de l’ensemble de ses demandes indemnitaires afférentes,

– juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [M] [O] est fondé et donc la débouter de l’ensemble de ses demandes indemnitaires afférentes,

– débouter Mme [M] [O] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, la condamner à lui rembourser la somme de 1 500 euros à titre d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et au paiement d’une somme de 3 000 euros sur ce même fondement, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

A titre incident :

Sur le positionnement conventionnel et l’exécution loyale du contrat

– fixer la moyenne du salaire brut mensuel à 2 255 euros,

– limiter le montant de sa condamnation à titre de rappel de salaire à hauteur de 441,41 euros et la débouter de sa demande d’application du niveau AM2 et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi à ce titre, ou, à tout le moins, la fixer à 1 000 euros,

– débouter Mme [M] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi pour exécution déloyale du contrat de travail ou, à tout le moins, la fixer à 1 000 euros,

– juger que le mauvais positionnement dans la classification conventionnelle n’est pas un manquement suffisamment grave de nature à permettre de requalifier la résiliation judiciaire en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

– juger que la demande de Mme [M] [O] au titre de la résiliation judiciaire est infondée et donc qualifiable de démission, raison pour laquelle il est demandé à la cour de la débouter de l’intégralité de ses demandes indemnitaires afférentes

– débouter Mme [M] [O] de sa demande fondée sur l’exécution déloyale du contrat de travail et la condamner à lui rembourser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Sur le harcèlement moral et le licenciement

Si la cour jugeait que Mme [M] [O] a été victime de harcèlement moral, il est demandé de :

– fixer la moyenne du salaire brut mensuel à 2 255 euros,

– juger que la rupture intervenue le 25 janvier ‘2000″ doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et débouter Mme [M] [O] de sa demande de requalification de rupture en licenciement nul,

– fixer à de plus justes proportions sa demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans une fourchette maximale entre 6 765 euros (3 mois de salaire) et 11 257 euros (5 mois de salaire),

– débouter Mme [M] [O] de ses demandes de rappels de salaires et congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d’indemnité complémentaire de licenciement, de dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité ou, à tout le moins, la fixer à 1 000 euros, de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à tout le moins, la fixer à 1 000 euros, de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de prévention ou, à tout le moins, la fixer à 1 000 euros,

Et en tout état de cause, en cas de condamnation de la société :

– débouter Mme [M] [O] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, au titre tant de la première instance qu’en cause d’appel, et la condamner à lui rembourser la somme de 1 500 euros à titre d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les parties à prendre à leur charge les frais qu’elles ont respectivement engagées au titre des dépens de l’instance.

Par ses dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 31 décembre 2021, Mme [M] [O] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

fixé son salaire mensuel brut à 2 636,12 euros ;

jugé que la SNC Naturéo Le Havre a exécuté déloyalement le contrat de travail en violation de l’article L.1222-1 du code du travail ;

– le réformer pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

juger qu’elle aurait dû se voir appliquer la classification AM2, et à titre subsidiaire, juger qu’elle aurait dû, à tout le moins, se voir appliquer la classification AM1;

juger que la SNC Naturéo Le Havre a exécuté déloyalement le contrat de travail en violation de l’article L.1222-1 du code du travail ;

juger que la SNC Naturéo Le Havre s’est rendue coupable de harcèlement moral à son encontre, qu’elle a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral et que les manquements de la SNC Naturéo Le Havre sont suffisamment graves pour prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur ;

juger que la rupture intervenue le 25 janvier 2020 doit donc produire les effets d’un licenciement nul et en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire, juger que son licenciement pour inaptitude est nul car dû au comportement fautif de la SNC Naturéo Le Havre, ou à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– condamner la SNC Naturéo Le Havre à lui payer les sommes suivantes :

2 757,62 euros à titre de rappel de salaire sur la classification AM2, outre 275,76 euros au titre des congés payés y afférents,

à titre subsidiaire, 1 311,90 euros à titre de rappels de salaires sur la classification AM1, outre 131,19 euros au titre des congés payés y afférents,

803,34 euros à titre de rappel de salaires sur l’indemnité compensatrice de congés payés,

2 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait du non-respect de la classification conventionnelle,

2 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’exécution déloyale du contrat de travail,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention du harcèlement moral,

2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre principal, sur la rupture du contrat de travail,

943,99 à titre de complément d’indemnité de licenciement

5 272,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

527,22 euros au titre des congés payés y afférents,

18 040 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire, s’il n’était pas fait droit à la demande de reclassification en AM2,

4 510 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

451 euros au titre des congés payés y afférents,

18 040 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la SNC Naturéo Le Havre aux entiers dépens qui comprendront les éventuels frais et honoraires d’exécution de la décision à intervenir.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 8 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail

I- a) Sur la classification

Mme [M] [O] soutient que :

– promue au poste de responsable sec par avenant signé le 1er février 2019, elle ne devait pas être classée comme employée échelon E6, mais comme agent de maîtrise à l’échelon AM2 auquel renvoie la convention collective, dès lors qu’elle était responsable du secteur épicerie, ce qui correspond dans la grille de salaires au poste de responsable d’unité commerciale ou de point de vente et également de responsable secteur, poste classé AM2,

– elle a bien réalisé les tâches qui ressortent de la fiche de fonction responsable sec et qui correspondent à la classification AM2 de la convention collective de mars à septembre 2018 et alors il appartient à la SNC Naturéo Le Havre qui s’oppose à sa demande, d’établir qu’elle n’aurait en réalité effectué que certaines tâches de ce poste, tout en restant sur son ancien poste de mars à septembre 2018,

– le problème de classification avait déjà été dénoncé par les syndicats et M. [S], responsable sec bénéficie du niveau AM1.

Aussi, elle sollicite un rappel de salaire sur la base de la classification AM2 depuis le 1er février 2019 et, subsidiairement, la confirmation du jugement entrepris ayant retenu la classification AM1, ainsi que la réparation du préjudice résultant du non-respect par l’employeur de sa classification conventionnelle, lequel a eu une incidence sur les indemnités de sécurité sociale et de prévoyance au cours de son arrêt de travail de juin 2019 à janvier 2020.

L’employeur réplique que :

– le conseil de prud’hommes a inversé la charge de la preuve en estimant qu’il lui incombait de prouver le positionnement de Mme [M] [O] au niveau E6 de la classification professionnelle, la salariée devant démontrer qu’elle assurait de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’elle revendiquait, preuve qu’elle ne rapportait pas,

– le conseil de prud’hommes a retenu que les fonctions de Responsable Sec de Mme [M] [O] se situaient au niveau AM1 de la classification professionnelle sans même préciser les raisons pour lesquelles les missions qui lui étaient dévolues correspondaient à ce niveau au mépris des dispositions conventionnelles,

– l’accord de branche prévoit expressément qu’il appartient à chaque entreprise d’adapter la classification conventionnelle et de classer ses propres emplois selon les fonctions réellement exercées par les salariés,

– en retenant que Mme [M] [O], en qualité de Responsable Sec chez Natureo, devait être classée à un niveau AM1, le conseil de prud’hommes a commis une confusion entre les notions de ‘vendeur confirmé’ (niveau E6) et de ‘responsable d’unité commerciale’ (niveau AM1), le premier étant un responsable de rayon, comme Mme [M] [O], exécutant les directives et pouvant coordonner une équipe, alors que le second dirige une structure, répond aux objectifs économiques et commerciaux et gère tout le personnel d’un point de vente,

– au sein des entreprises exploitées sous l’enseigne Natureo, les salariés évoluant au responsable sec sont toujours positionnés au niveau E6, et il n’y a pas de passage automatique au niveau AM1 dés 6 mois d’ancienneté,

– le courrier des représentants du personnel dont se prévaut Mme [M] [O] ne portait pas sur sa situation mais sur les conditions de travail de façon générale,

– c’est la grande ancienneté de M. [S] qui a justifié son passage au niveau d’agent de maîtrise, ancienneté dont Mme [M] [O] ne bénéficiait pas, ce qui explique la différence de classification.

La qualification professionnelle d’un salarié se détermine selon les fonctions réellement et concrètement exercées.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

En cas de différent sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il y a lieu de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu’il requiert au regard de la convention collective applicable.

En l’espèce, engagée en qualité d’employée polyvalente catégorie employé niveau 1A, par avenant signé le 1er février 2019, Mme [M] [O] a été affectée aux fonctions de ‘Responsable sec, catégorie Employé, niveau E6″.

Aux termes de la fiche de poste Responsable frais/sec signée par les parties le 11 février 2019,la mission générale à ce titre est de coordonner ‘l’activité commerciale, humaine et économique de son univers en vue de la satisfaction du client’, et il est précisé que cette fonction relève d’un statut de non manager, employé (E6/E7) et de coordinateur.

Son positionnement hiérarchique le situe après son N+2, le Responsable de secteur et son N+1, le Directeur de magasin.

Il ne bénéficie pas d’une délégation de pouvoir mais d’une délégation de signature après validation du directeur du magasin.

La description de ses activités et responsabilités est la suivante :

– respecter et faire respecter à l’équipe qu’il coordonne la politique commerciale Natureo, la législation et réglementation en vigueur, ainsi que les règles du groupe et spécifiquement celles d’hygiène, de sécurité et de qualité interne,

– développer et obtenir des résultats économiques et commerciaux de son univers : analyse des résultats, mise en place de plans d’action, contrôle et proposition des leviers de développement,

– garantir la bonne gestion des marchandises, de la réception à l’encaissement : réception, litiges, stockage, mise en rayon, inventaires, DI, encaissements, fiabilisation des stocks,

– garantir la bonne gestion des flux financiers : respecter et faire respecter les procédures caisse et coffre.

L’accord de branche applicable relatif à la classification des emplois prévoit trois catégories professionnelles :

– les employés dont les niveaux s’échelonnent de E1 à E7,

– les agents de maîtrise, dont les niveaux vont de AM1 à AM2

– les cadres C1 et C2.

Il est spécifié que le passage d’un niveau et/ou d’une catégorie à une autre n’est pas automatique, sauf s’agissant du passage du niveau E1 à E2 et de l’obtention d’un certificat de qualification professionnelle.

Chaque catégorie est définie de la manière suivante :

– employés : ils travaillent à partir de consignes ou de directives données par leur(s) responsable(s). Ils exécutent leur travail et peuvent selon leur niveau : distribuer, coordonner et contrôler le travail d’autres employés selon les consignes et/ou directives données par leur(s) responsable(s)

– agent de maîtrise : ils travaillent à partir d’objectifs définis par l’encadrement ou la direction de l’entreprise.

Ils peuvent :

– soit être chargés de distribuer, coordonner et contrôler le travail d’un ensemble de personnel (employés et/ou agents de maîtrise), de manière permanente et sous leur responsabilité

– soit avoir une fonction d’importance équivalente en raison de la compétence technique, administrative ou commerciale ou de la responsabilité assumée.

Les critères classants sont au nombre de 4 :

– connaissances / technicité

– relations commerciales/professionnelles

– responsabilité

– relations commerciales/professionnelles.

Il appartient à chaque entreprise de déterminer pour chaque emploi, à l’aide de ces quatre critères et de la description du contenu de l’emploi, le niveau qui lui correspond le mieux.

Selon la grille de classification telle qu’elle résulte de l’annexe 1, le niveau E6 répond aux critères suivants :

– connaissance/technicité : titulaire des connaissances théoriques et techniques et d’un savoir faire adapté à l’activité. Connaissances spécialisées des produits et complètes des procédures, méthodes, outils, techniques, équipements de travail. Autres emplois que la vente : niveau de connaissances minimum équivalent à celui d’un BAC et/ou expérience équivalente

– relations commerciales/professionnelles : filière vente : informe, conseille, oriente, sert et encaisse le client ; toutes filières : en relation avec des interlocuteurs de niveaux différents et échange avec les autres services ou les personnes extérieures à l’entreprise.

– responsabilité : prises de décisions et/ou actions, dans le respect des directives, dont les effets se constatent au niveau d’une équipe ou d’une activité. Peut participer à la coordination et à l’adaptation du travail d’une équipe.

– initiative/autonomie : nécessite une autonomie dans l’exécution du travail à réaliser à partir des directives. Prend des initiatives fréquentes pour résoudre des problèmes nécessitant une analyse préalable et une action adaptée.

A titre d’exemple, sont cités : vendeur référent, second de rayon, assistant administratif.

La même grille décrit les fonctions d’agent de maîtrise AM1 de la manière suivante :

– connaissance/technicité : maîtrise d’une spécialité professionnelle (technique, administrative, commerciale) et pour les autres emplois que la vente, un niveau équivalent à celui d’un BAC +3 et/ou expérience équivalente,

– relations commerciales/professionnelles : coordination d’informations internes et externes à l’entreprise ou entre différents secteurs, nécessitant le traitement d’informations d’ordre quantitatif et qualitatif,

– responsabilité : prises de décisions et/ou actions dans le respect des objectifs. Peut manager des employés,

– initiative/autonomie : travail réalisé à partir d’objectifs précis à atteindre, nécessite une autonomie se traduisant par l’analyse des données en fonction des objectifs, les choix des moyens et des méthodes les plus appropriés et connus, la proposition et la réalisation des ajustements afin d’atteindre les objectifs.

A titre d’exemple, sont cités : manager d’unité commerciale, adjoint au responsable de rayon.

Enfin, s’agissant du niveau AM2, il est décrit les critères suivants :

– connaissance/technicité : maîtrise d’une ou plusieurs spécialités professionnelles (technique, administrative, commerciale) permettant l’étude, la mise en oeuvre et l’amélioration de moyens et procédés dans ces domaines,

– relations commerciales/professionnelles : coordination d’informations internes et externes à l’entreprise dans l’équipe de travail ou entre différents secteurs, nécessitant le traitement d’informations d’ordre quantitatif et qualitatif,

– responsabilité : prises de décisions et/ou actions pouvant avoir un impact économique à court terme sur une unité commerciale. Peut manager des employés et/ou des agents de maîtrise,

– initiative/autonomie : travail réalisé à partir d’objectifs, nécessité d’être force de proposition en termes d’adaptation, d’amélioration des procédures, des méthodes en fonction du contexte, ces propositions étant soumises à validation. Requiert une autonomie pour organiser le travail en fonction de l’activité (gestion du planning, priorisation des activités à gérer….)

A titre d’exemple, sont cités : responsable d’unité commerciale ou point de vente, responsable de secteur.

Compte tenu du descriptif des fonctions de la salariée dès lors qu’elle a été affectée au poste de responsable sec, si cette activité n’impliquait pas le management d’une équipe ayant seulement à l’égard des salariés pour rôle de faire respecter la politique commerciale de l’entreprise, néanmoins, en terme de gestion des marchandises, la salariée devait garantir la bonne gestion des marchandises de la réception à l’encaissement, comprenant notamment la résolution des litiges et la fiabilisation des stocks et pour ce faire était en relation avec les services internes, mais aussi externes (fournisseurs, concurrents, professionnels de la zone d’activité) et devait ainsi procéder à la coordination d’informations internes et externes à l’entreprise, nécessitant le traitement d’informations d’ordre quantitatif et qualitatif, ce qui impliquait de prendre des initiatives fréquentes pour résoudre des problèmes nécessitant une analyse préalable et une action adaptée.

Ainsi, alors que la classification telle qu’elle résulte des définitions conventionnelles ne dépend pas de l’ancienneté du salarié, explication donnée par l’employeur pour justifier de la classification en AM1 de M. [S], mais des fonctions effectivement exercées, la fonction de responsable sec relève pour l’essentiel des critères de la classification AM1en terme d’initiative, responsabilité et relations commerciales, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant statué en ce sens.

Alors que la rémunération de base de la salariée pour 169 heures de travail mensuelles auraient dû s’élever à 2 404,98 euros pour la classification AM1, et non 2 086,45 euros comme proposé par l’employeur, la cour confirme le jugement entrepris ayant statué sur le rappel de salaire et les congés payés afférents dus compte tenu de la classification retenue.

La différence entre le salaire perçu et celui qu’elle aurait dû percevoir à un impact sur le calcul des indemnités journalières qui lui ont été versées au cours de son arrêt maladie de juin 2019 à janvier 2020, ce qui lui cause un préjudice financier dont la réparation a été justement appréciée en première instance faute pour la salariée de produire un calcul plus précis du manque à gagner subi.

La cour confirme donc le jugement entrepris sur ce point.

I – b) Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Mme [M] [O] soutient que l’employeur a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail en modifiant temporairement son contrat de travail de mars à septembre 2018,en la chargeant d’occuper, outre ses fonctions d’employée polyvalente, celles de responsable sec pour remplacer un salarié, sans régulariser un avenant et sans lui accorder une quelconque compensation financière.

L’employeur conteste avoir manqué à ses obligations aux motifs qu’il peut modifier temporairement les fonctions de la salariée sans avoir recours à un avenant et qu’il n’était pas tenu de la rémunérer sur la même base que le salarié remplacé pendant sa période d’intérim partiel.

En application de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur incombe au salarié.

En l’espèce, embauchée en qualité d’employée polyvalente, et rémunérée alors sur la base du niveau E2, il n’est pas contesté que de mars à septembre 2018, l’employeur a confié à Mme [M] [O] des fonctions supplémentaires en qualité de responsable sec, peu important qu’elle ait aussi été maintenue dans ses fonctions initiales ou qu’elle ait aussi, pendant cette période de sept mois, suivi un parcours de formation d’une durée totale de 74 heures en extérieur.

Or, le changement de fonction emportant une autre qualification constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié et cette acceptation doit être matérialisée par la signature d’un avenant au contrat, la seule poursuite par le salarié aux nouvelles conditions n’étant pas suffisante.

Ainsi, outre qu’aucun avenant même prévoyant la modification temporaire n’a été régularisé, et alors que cette charge supplémentaire n’a pas été valorisée financièrement, la prime 3ème clef étant sans lien avec ses attributions supplémentaires, comme étant destinée à compenser le fait d’accomplir minimum 3 ouvertures et/ou fermetures dans la semaine, la SNC Naturéo Le Havre a manqué à son obligation d’exécution loyale de ses obligations, ce qui justifie sa condamnation à lui verser une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande sur ce fondement, qualifiant d’exécution déloyale du contrat de travail la demande au titre du non respect des temps de repos alors qu’il était saisi d’une demande spécifique sur ce fondement, à laquelle il a fait droit en la qualifiant d’exécution déloyale dans son dispositif.

I- c ) Sur le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires

Mme [M] [O] reproche à l’employeur de ne pas avoir respecté les prescriptions relatives aux repos quotidiens et hebdomadaires, ainsi que cela résulte des plannings, comme ayant eu un repos quotidien inférieur à 11 heures et ayant travaillé 7 jours d’affilée, ce qui lui cause un préjudice dont elle sollicite réparation à hauteur de 5 000 euros.

La SNC Naturéo Le Havre qui ne conteste pas avoir commis que deux petites erreurs involontaires sur toute la durée du contrat de travail de Mme [M] [O], considère que Mme [M] [O] n’apporte pas d’élément permettant de caractériser son préjudice.

Conformément aux dispositions des articles L.3131-1 et L.3132-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives et il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine.

Or, il ressort des plannings versés aux débats, et n’est au demeurant pas contesté par l’employeur, que :

– entre le jeudi 28 et le vendredi 29 janvier 2019, Mme [M] [O] a bénéficié d’un repos de 10 heures,

– la semaine du 6 au 12 mai 2019, Mme [M] [O] a travaillé 7 jours d’affilée.

Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation compte tenu du droit du salarié à la protection à sa santé et sa sécurité, que la cour indemnise à hauteur de 300 euros, compte tenu du nombre de manquements, infirmant ainsi le jugement entrepris.

I-d) Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, Mme [M] [O] soutient avoir été victime, à compter de son retour de congès maternité en février 2019, de harcèlement moral caractérisé par une mise à l’écart orchestrée par sa supérieure hiérarchique, Mme [H], directrice du magasin, qui n’a eu de cesse de la rabaisser, de lui retirer des responsabilités, pour finalement s’en prendre violemment à elle le 1er juin 2019, en présence de son adjoint, M. [F], à telle enseigne qu’elle a dû, très choquée, quitter son lieu de travail, et que son médecin lui a prescrit un arrêt de travail renouvelé jusqu’à ce que le médecin du travail prononce son inaptitude.

Au soutien de ses allégations, Mme [M] [O] produit :

– l’attestation de M. [C], ancien directeur du supermarché qui, après avoir précisé que plusieurs collaboratrices ont subi du harcèlement, se traduisant par ‘l’isolation totale de la personne, avec une équipe de collègues qui ne communiquait plus avec le collaborateur visé, son travail était constamment critiqué et remis en question sur son sérieux, tout cela orchestré par la responsable du secteur sec elle-même’, témoigne que Mme [M] [O] a elle-même subi cette’mise en isolation’, sans néanmoins décrire des faits précis permettant d’illustrer cet isolement, alors que par ailleurs, l’employeur explique qu’il a été licencié en juillet 2018 et qu’il porte une hostilité manifeste à l’égard de la société,

– l’attestation de M. [Y], boucher, qui témoigne que Mme [M] [O] a subi le harcèlement de Mme [H] pendant des mois, cette dernière s’étant, avec sa collègue Mme [V] [A], acharnée sur elle, ‘en lui reprochant sans cesse la qualité de son travail, qu’elle était une incapable’ et ayant monté toute l’équipe contre elle, sans que le directeur de l’époque, M. [L], qui était au courant, n’intervienne ; il ajoute qu’en septembre 2016, M. [L] a annulé au dernier moment la formation diplômante que Mme [M] [O] devait faire au profit de Mme [K]. Il en résulte qu’alors que la salariée évoque une situation de harcèlement moral à compter de février 2019, M. [Y] évoque des faits antérieurs,

– l’attestation d’une cliente du magasin, Mme [U], qui indique avoir entendu le 21 mai 2019, alors qu’elle se trouvait à la caisse du magasin, les échanges entre deux caissières, lesquelles proféraient des ‘paroles dégradantes, dévalorisantes’ au sujet d’une personne qui semblait être leur responsable, avant qu’une indique qu’il s’agissait de [M], laquelle se trouve être sa voisine qu’elle savait travailler à Naturéo, ce qui l’a mise mal à l’aise. Leurs jardins étant mitoyens, elle a rapporté les propos ainsi tenus à Mme [M] [O]. Il convient d’observer que l’intéressée n’a pas été en mesure de préciser les propos qu’elle qualifie de dégradants et dévalorisants,

– l’attestation de son conjoint, M. [J], qui témoigne que Mme [H] la ‘mettait régulièrement…de fermeture, voir systématiquement alors que c’est censé être à tour de rôle’, ce qui la contraignait à rentrer tard et impactait leur vie de famille et qu’elle lui a téléphoné en pleurs le 1er juin vers 11h30, en lui faisant part d’une altercation très violente avec Mme [H] et M. [F] à la suite de laquelle elle avait quitté son poste de travail. Il précise qu’à son retour à leur domicile Mme [M] [O] était’extrêmement choquée’ et qu’elle lui avait précisé avoir quitté son poste par peur d’être agressée physiquement,

– l’attestation de sa soeur, Mme [T] [O], qui témoigne qu’elle lui a raconté cette altercation alors qu’elle était encore sous le choc et qui indique que depuis ce jour elle n’est plus la même, ‘elle a perdu sa joie de vivre et est constamment fatiguée’ ,

– l’attestation de M. [S], membre du CHSCT, qui indique avoir demandé avec ses collègues une enquête CHSCT le 16 juillet 2019 au vu de la situation de Mme [M] [O], que lors de la réunion qui s’est tenue le 19 juillet suivant, l’ambiance était tendue jusqu’à devenir intenable, et qu’en dépit de ses demandes réitérées, il n’a pas été en mesure d’entendre les salariés individuellement, les salariés revenant avec le directeur, demandant à être entendu en groupe. M. [S] précise que ‘Il nous a semblé que la parole des salariés dans ces conditions ne pourrait être véritablement libre, spontanée, ce qui rend l’enquête inutile. Nous avons donc décidé de mettre fin à ces auditions’ ; néanmoins, il ne décrit aucun fait laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral dont aurait été victime Mme [M] [O],

– l’attestation de Mme [X], engagée à compter du 23 décembre 2020,qui témoigne du harcèlement dont elle a elle-même été victime de la part de Mme [H] et qui a conduit à son arrêt maladie, sans évoquer aucun fait concernant Mme [M] [O] avec laquelle elle n’a jamais travaillé,

– le certificat du docteur [N], psychiatre, du 7 novembre 2019 qui certifie l’avoir rencontrée à trois reprises depuis le 7 octobre précédent,

– le certificat de son médecin traitant, Mme [I] qui indique que Mme [M] [O] est en arrêt de travail depuis le 3 juin 2019 pour une anxiété apparue suite à une altercation avec une responsable à son travail,

– la feuille d’accident du travail remplie par l’employeur, relative à un accident du travail survenu le 1er juin 2019, à la suite duquelle Mme [M] [O] présentait des crises d’angoisses et des troubles anxieux,

– le courrier de recours adressé à la CRA par Mme [M] [O] le 14 octobre 2019 pour contester la décision de refus de prise en charge de son arrêt maladie au titre d’accident du travail.

Si le caractère accidentel n’a finalement pas n’a pas été reconnu, néanmoins, Mme [M] [O] a été en arrêt maladie à compter du 3 juin 2019 et jusqu’à ce que le médecin du travail l’a déclare inapte le 12 décembre 2019 en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise.

Alors qu’il ne résulte pas de ce qui précède que des responsabilités ont été retirées à la salariée à compter de son retour de congé de maternité comme elle l’allègue, puisqu’au contraire à compter de février 2019, elle a été promue responsable sec, que lors de l’entretien annuel d’évaluation du 19 février 2019, Mme [M] [O] expliquait que [T] ([H]) était présente pour elle, qu’elle l’aiguille dans sa nouvelle prise de poste sur lequel elle continue de la former, décrivant une bonne cohésion d’équipe, [T] sachant les féliciter pour leur travail quand il le faut, concluant en disant qu’elles sont d’accord sur ses capacités et les axes à améliorer, ayant encore beaucoup de choses à apprendre, que le contrôleur du travail, avisé de la déclaration d’accident du travail, a procédé à un contrôle le 2 juillet 2019, auquel il n’a pas été donné de suites négatives pour l’employeur, que l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction peut organiser un entretien lorsque des difficultés sont portées à sa connaissance, que le 1er juin 2019, il est établi qu’a été organisée une rencontre entre la salariée, Mme [H], directrice et M. [F], son adjoint, qui, le matin même, avait constaté la tenue catastrophique du magasin la veille, informant alors [T] qui se trouvait en jour de récupération puisqu’il ne pouvait le remettre en état et procéder à l’inventaire prévu le même jour ; refusant d’entendre les faits et les axes d’amélioration proposés, c’est Mme [M] [O] qui s’est braquée, a haussé le ton et quitté le magasin à l’issue de l’entretien, sans prévenir quiconque, avant de revenir 20 minutes plus tard pour déposer son téléphone d’astreinte, puis repartir, que d’ailleurs, le caractère professionnel de cet événement n’a pas été retenu par la caisse primaire d’assurance maladie sans que ne soit justifié d’un recours contre cette décision, il ne résulte pas l’existence de faits répétés qui, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer une situation de harcèlement moral dont aurait été victime Mme [M] [O].

Ainsi, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté les demandes au titre du harcèlement moral.

I- e) Sur l’absence de prévention du harcèlement moral

En l’absence de harcèlement moral, mais aussi, alors que la salariée ne s’est jamais plainte de ses conditions de travail avant de saisir la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire, qu’elle a été en arrêt de travail de manière continue à la suite de l’événement du 1er juin 2020, il ne peut être reproché à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral en ne prenant pas toutes les mesures immédiates propres à le faire cesser.

Aussi, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté la demande à ce titre.

II – Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

II-a) Sur la demande de résiliation judiciaire

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, et que ce dernier le licencie, le juge doit rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et celle-ci prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement. C’est seulement dans le cas contraire que le juge doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée si les manquements reprochés à l’employeur sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

A l’appui de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, Mme [M] [O] invoque les manquements suivants :

– harcèlement moral

– absence de prévention du harcèlement moral

– non-respect des durées maximales du travail et temps de repos

– manquement à l’obligation de loyauté

– non-respect de la classification conventionnelle.

Au vu des développements qui précèdent, seuls les manquements relatifs au non-respect des durées maximales du travail et temps de repos, à l’obligation de loyauté et au non-respect de la classification conventionnelle sont établis.

Alors que ce dernier manquement impacte la rémunération de la salariée mensuellement pour des sommes non négligeables puisqu’elle était rémunérée sur une base de 1 805,73 euros pour 169 heures de travail alors qu’elle aurait dû l’être sur la base de 2 404,98 euros pour la même durée de travail, le manquement, qui affecte un élément essentiel du contrat de travail, est suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Aussi, et alors que Mme [M] [O] a été licenciée pour inaptitude le 25 janvier 2020, il convient de prononcer la résiliation judiciaire à cette date.

II-b) Sur les conséquences de la rupture

Compte tenu du salaire de Mme [M] [O] pour une classification AM1 pour 169 heures de travail, à laquelle s’ajoute la prime d’astreinte de 150 euros, à savoir 2554,98 euros brut, il convient de condamner la SNC Naturéo Le Havre à lui payer les sommes suivantes :

– indemnité compensatrice de préavis : 5 109,96 euros

– congés payés afférents : 510,99 euros

– rappel au titre de l’indemnité de licenciement

en considération d’une ancienneté de 4 ans et 11 mois, préavis inclus : 3140,49 – 2 212,76 = 927,73 euros

– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [M] [O] pouvant prétendre à une indemnisation comprise entre 3 et 5 mois de salaire, au regard de son ancienneté (4 ans et 9 mois) et de son salaire, mais en prenant en considération le fait qu’elle ne justifie pas de sa situation postérieurement au 5 octobre 2020, date de son inscription à Pôle emploi, il convient de condamner la SNC Naturéo Le Havre à lui payer la somme de 8 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Conformément à l’article L.1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner à la SNC Naturéo Le Havre de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [M] [O] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois.

III – Sur les dépens et les frais irrépétibles

En qualité de partie principalement succombante, il y a lieu de condamner la SNC Naturéo Le Havre aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [M] [O] la somme de 1 000 euros en appel en sus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a statué sur la classification de l’emploi, le rappel de salaire subséquent et les dommages et intérêts pour non respect de la classification, a rejeté les demandes au titre du harcèlement moral et de prévention du harcèlement moral, a statué sur les dépens et frais irrépétibles ;

L’infirme en ses autres dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au 25 janvier 2020 ;

Condamne la SNC Naturéo Le Havre à payer à Mme [M] [O] les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour exécution déloyale

du contrat de travail : 1 000,00 euros

dommages et intérêts pour non-respect

des temps de repos : 300,00 euros

indemnité compensatrice de préavis : 5 109,96 euros

congés payés afférents : 510,99 euros

rappel au titre de l’indemnité de licenciement : 927,73 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse : 8 500,00 euros

Ordonne à la SNC Naturéo Le Havre de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [M] [O] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois,

Y ajoutant,

Condamne la SNC Naturéo Le Havre aux entiers dépens d’appel,

Condamne la SNC Naturéo Le Havre à payer à Mme [M] [O] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel,

Déboute la SNC Naturéo Le Havre de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en appel.

La greffière La présidente