Travail dissimulé : 31 août 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/02047

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C3

N° RG 20/02047

N° Portalis DBVM-V-B7E-KPBU

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Adeline HURON

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 31 AOUT 2023

Appel d’une décision (N° RG 19/00248)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence

en date du 27 mars 2020

suivant déclaration d’appel du 03 juillet 2020

APPELANTE :

Madame [H] [R]

née le 26 janvier 1964 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Adeline HURON, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2020/007928 du 11/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEE :

La MDPH de [Localité 3], n° siret : [N° SIREN/SIRET 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparante en la personne de Mme [U] [E], régulièrement munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 mai 2023,

M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller, en présence de Mme Laëtitia CHAUVEAU, juriste assistant, ont entendu les représentants des parties en leurs observations,

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [H] [R], victime d’un accident du travail, a bénéficié des indemnités journalières de 2014 à 2016 puis a été placée en arrêt pour longue maladie jusqu’en 2018 et ne perçoit depuis lors que le revenu de solidarité active.

Le 22 décembre 2017, Mme [R] a déposé une demande d’Allocation Adultes Handicapés (AAH) rejetée par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de la Drôme en estimant que le taux d’incapacité requis n’était pas atteint.

La commission de recours amiable a ensuite confirmé ce rejet le 5 octobre 2018.

Le 8 janvier 2019, Mme [H] [R] a contesté cette décision devant le pôle social du tribunal de Lyon qui s’est dessaisi en faveur de celui du tribunal de Valence qui par jugement du 27 mars 2020 l’a déboutée de toutes ses demandes, a maintenu la décision du 5 octobre 2018 de la MDPH, et l’a condamnée aux dépens.

Le tribunal a estimé que « la requérante ne verse au débat aucun élément suffisant permettant de considérer que la CDAPH a pris une décision infondée en examinant son recours préalable ni aucun élément postérieur à la décision de nature à fonder sa contestation ».

Le 3 juillet 2020, Mme [R] a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 5 juin 2020.

Par arrêt du 16 décembre 2021, la cour a, avant dire droit, ordonné une expertise médicale aux frais avancés de la MDPH de la Drôme afin de dire s’il en résulte un taux d’incapacité au sens des articles L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale et dans ce cas, préciser si ce taux était au 27 décembre 2017 et au 5 mars 2018 :

* égal ou supérieur à 80 %,

* inférieur à 50 %,

* supérieur ou égal à 50 % mais inférieur à 80 %,

et dans ce dernier cas si Mme [R] était à ces dates susceptible de présenter une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

L’expertise s’est tenue le 5 juillet 2022 à l’issue de laquelle le Médecin expert, désigné en remplacement par ordonnance du 1er février 2022, le docteur [N], a conclu que « Mme [R] justifie d’un taux d’incapacité compris entre 50 et 79 % et qu’elle présentait une restriction substantielle et durable à l’accès à l’emploi.

Ce taux et cette restriction débutent au 27 décembre 2017».

Les débats ont eu lieu à l’audience du 11 mai 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 31 août 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [H] [R] selon ses conclusions d’appel déposées le 14 avril 2023 reprises à l’audience demande à la cour de :

– infirmer le jugement contesté en ce qu’il a maintenu la décision de la Maison de l’autonomie du 5 octobre 2018 ayant confirmé le refus du bénéfice de l’AAH,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et l’a condamnée aux éventuels dépens,

Statuant à nouveau,

– annuler la décision de la Maison de l’autonomie du 5 octobre 2018 ayant confirmé le refus du bénéfice de l’AAH,

– dire qu’elle peut bénéficier de l’AAH depuis le 27 décembre 2017,

– condamner la MDPH à lui verser l’AAH à compter du 27 décembre 2017,

– condamner la MDPH à payer les frais d’expertise,

– condamner la MDPH à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle, outre les entiers dépens.

Mme [R] soutient qu’elle peut bénéficier de l’AAH depuis le 27 décembre 2017 car, comme en attestent les différentes pièces médicales produites, elle rencontre des restrictions substantielles d’accès à l’emploi liées à des séquelles physiques consécutives à un accident du travail de 2014 et des difficultés psychiques apparues après le décès de sa mère en 2015. Ces certificats médicaux confirment son incapacité à travailler.

Sur les séquelles physiques, elle reprend les éléments mentionnés sur le certificat médical du 17 juin 2021 établi par le docteur [I] qui a constaté « un état de santé altéré portant atteinte à son autonomie » et noté :

– une hypotension orthostatique iatrogène,

– des douleurs dorso-ulnaire du poignet gauche chronicisées par fissure du ligament scapho ulnaire depuis 2014 diminuant les capacités de préhension de cette main non dominante et nécessitant un traitement antalgique quotidien et port d’orthèse.

– des cervicalgies sur discopathie et arthrose depuis 2019 nécessitant des soins de kinésithérapie bi hebdomadaire, à l’origine aussi de syndrome vertigineux, instabilité à la marche diminuant son autonomie ainsi que des migraines,

– une gonalgie droite due à une chondropathie fémorotibiale médicale stade IV et rotulienne de stade II-III limitant son autonomie de déplacement et de portage.

Sur les difficultés psychiques (liées au décès de sa mère) : atteinte d’un syndrome anxio-dépressif chronique notamment évoqué par le docteur [I] (certificat du 17 juin 2021: « syndrome dépressif avec somatisations multiples empêchant une vie sociale normale ») et par le docteur [T], psychiatre, sur le formulaire rattaché à la demande d’AAH le 5 juin 2021, elle précise suivre un traitement lourd et voir un psychiatre une fois par mois. Elle observe que ce psychiatre a aussi fait état, le 13 septembre 2021, de trouble obsessionnel compulsif (TOC) invalidant et d’une incapacité physique et psychique de travailler.

Elle s’appuie également sur l’attestation de sa soeur chez laquelle elle réside dont il ressort qu’elle « ne peut pas faire des tâches ménagères, le repas, les courses et gérer ses médicaments et elle a besoin d’aide pour cela ».

Sur le taux d’incapacité, elle fait valoir que les troubles dont elle souffre l’ont conduite à s’isoler perdant ainsi toute forme de vie sociale et qu’elle a été hospitalisée en service psychiatrique pendant presque 3 mois en 2016 ce qui confirme la gravité de la situation.

Enfin elle rappelle que, dans dans son rapport du 14 septembre 2022, le médecin expert mandaté par la cour a retenu un taux d’incapacité compris entre 50 et 79 %.

La MDPH de la Drôme au terme de ses conclusions d’appel déposées le 13 mars 2023 reprises à l’audience demande à la cour de :

– confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Valence dans son jugement du 27 mars 2020,

– dire que Mme [R] ne remplissait pas et ne remplit pas les conditions d’attribution de l’AAH,

– rejeter les indemnités demandées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ou à tout le moins, leur réduction à de plus justes proportions..

Maintenant ses conclusions initiales, la MDPH de la Drôme soutient qu’il n’existe pas d’argument suffisant pour modifier le taux d’incapacité au vu de l’évaluation faite par l’équipe pluridisciplinaire réalisée après la visite médicale avec la médecin psychiatre, le docteur [D], le 2 octobre 2018, laquelle a estimé que l’état de santé de Mme [R] était compatible avec une activité professionnelle à temps partiel.

Elle expose que Mme [R] présente d’une part, une déficience motrice et d’autre part, une déficience psychique ; la première résultant de douleurs séquellaires de son accident du travail de 2014, de douleurs rachidiennes et de gonalgies tandis que la seconde est consécutive à un événement de vie survenu en 2015 considérée par la MDPH comme une pathologie réactionnelle.

Elle explique que Mme [R] possède, en revanche, les critères pour la RQTH dont elle a bénéficié jusqu’au 3 décembre 2020 puisqu’elle présente des restrictions d’aptitude concernant son travail d’aide soignante.

Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Suite au dépôt de sa demande d’attribution de l’AAH effectuée le 22 décembre 2017, un premier refus a été notifié le 2 mars 2018 à Mme [R], née le 26 janvier 1964, par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées en raison d’un taux d’incapacité reconnu comme étant inférieur à 50 %, confirmé le 5 octobre 2018 lors d’un nouvel examen de la demande.

Statuant sur l’appel interjeté par Mme [R] à l’encontre du jugement rendu par la juridiction sociale de [Localité 3] le 27 mars 2020 maintenant ces refus, la cour a ordonné, par arrêt avant dire droit du 16 décembre 2021, une expertise médicale réalisée le 5 juillet 2022 par le docteur [N].

Selon les conclusions expertales reprises dans le rapport déposé le 19 septembre 2022, « il résulte des pièces, de l’examen clinique et de l’entretien que Mme [R] justifie d’un taux d’incapacité compris entre 50 et 79 % et qu’elle présentait une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi.

Ce taux et cette restriction débutent au 27/12/2017 ».

L’allocation aux adultes handicapés est versée sous réserve de remplir diverses conditions liées à la résidence, à l’âge et au taux d’incapacité permanente.

En application des articles L. 821-1, L. 821-2, R. 821-2 et D. 821-1 du code de la sécurité sociale ici applicables, toute personne résidant sur le territoire métropolitain ayant dépassé l’âge d’ouverture du droit à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et dont l’incapacité permanente est au moins égale à 80 % perçoit une allocation aux adultes handicapés.

Cette allocation est également versée à toute personne dont l’incapacité permanente, est inférieure à 80 % mais atteint 50 % et à laquelle la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

Selon l’article L.114 du code de l’action sociale et des familles « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».

L’article D. 821-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale dispose que le pourcentage d’incapacité est apprécié d’après le guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l’annexe 2-4 du code de l’action sociale et des familles.

Ce guide barème indique des fourchettes de taux d’incapacité à partir d’une analyse des interactions entre trois facteurs : la déficience, l’incapacité et le désavantage.

La déficience est toute perte de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique. La déficience correspond à l’aspect lésionnel et équivaut, dans la définition du handicap, à la notion d’altération de fonction.

L’incapacité est toute réduction résultant d’une déficience, partielle ou totale, de la capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain. L’incapacité correspond à l’aspect fonctionnel dans toutes ses composantes physiques ou psychiques et équivaut, dans la définition du handicap, à la notion de limitation d’activité.

Le désavantage correspond aux limitations voire l’impossibilité de l’accomplissement d’un rôle social normal en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels. Le désavantage et donc la situation concrète de handicap résulte de l’interaction entre la personne porteuse de déficiences et/ou d’incapacités et son environnement.

Un taux d’incapacité de 50 à 75 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale. L’entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d’efforts importants ou de la mobilisation d’une compensation spécifique.

Toutefois l’autonomie est conservée pour les actes de la vie quotidienne.

Un taux de 80 à 95 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l’ensemble des actions que doit mettre en oeuvre une personne, vis-à-vis d’elle-même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu’elle doit être aidée totalement ou partiellement ou surveillée dans leur accomplissement ou ne les assure qu’avec les plus grandes difficultés, le taux de 80 % est atteint ou s’il y a déficience sévère avec abolition complète d’une fonction ou encore s’il y a une indication explicite dans le guide barème.

Les actes de la vie quotidienne portent notamment sur les activités suivantes :

– se comporter de façon logique et sensée ;

– se repérer dans le temps et les lieux ;

– assurer son hygiène corporelle ;

– s’habiller se déshabiller de façon adaptée ;

– manger des aliments préparés ;

– assumer l’hygiène de l’élimination urinaire et fécale ;

– effectuer les mouvements (se lever, s’asseoir, se coucher) et les déplacements au moins à l’intérieur d’un logement.

La demande d’allocation aux adultes handicapés, accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, est adressée à la maison départementale des personnes handicapées compétente.

– Sur le taux d’incapacité de Mme [R],

L’appelante soutient qu’outre les conclusions du docteur [N], les éléments médicaux versés aux débats justifient que lui soit reconnu, à compter du 27 décembre 2017, un taux d’incapacité d’au moins 50 %.

Mme [R] rappelle en substance être atteinte de séquelles physiques caractérisées par des douleurs aux cervicales et à la main, plus précisément une lésion au poignet visée au certificat médical du 11 février 2016.

Elle fait état également de difficultés psychiques consécutives au décès de sa mère en 2015 ayant des conséquences sur sa vie sociale et professionnelle. Le certificat médical établi par le docteur [I] le 2 mai 2017, joint à la demande d’AAH, décrit notamment un « syndrome dépressif avec traitements diminuant la vigilance empêchant la conduite automobile, perte d’autonomie globale », « un ralentissement psychomoteur global, mémoire, capacité d’apprentissage limitées, comportement de repli » et évoque une « perte d’autonomie sur les travaux ménagers, courses, épaulement dans les démarches par perte de confiance. Nécessité de soutien familial rapproché ».

En sa qualité d’intimée, la MDPH de la Drôme, maintenant ses conclusions initiales, précise qu’à trois reprises depuis 2015, le bénéfice de l’AAH a été refusé à Mme [R]. Elle observe que cette dernière présente une déficience motrice et une déficience psychique anciennes.

S’agissant des lésions physiques, elle fait valoir que Mme [R] a été consolidée sans séquelles de son accident du travail et estime que les « autres pathologies décrites sont fréquentes et en rapport avec l’âge, sans caractère de gravité ». Ainsi au regard du guide-barème, elle retient un taux d’incapacité inférieur à 50 % au motif que le « retentissement sur la vie quotidienne porte essentiellement sur l’incapacité à poursuivre son travail d’aide-soignante, sur la réalisation des tâches ménagères lourdes et sur le port de charges lourdes » et qu’en revanche, Mme [R] « est autonome pour les actes essentiels de la vie, ainsi que pour la plupart des activités domestiques ».

S’agissant de la déficience psychique, elle expose qu’il s’agit plus d’une pathologie réactionnelle suite au décès de la mère de Mme [R] qui a nécessité des soins mais ne relevant pas du handicap.

De son côté, le docteur [N], médecin expert désigné par la cour, s’il note lui aussi l’existence d’un traumatisme du poignet gauche chez une droitière entraînant toutefois des séquelles mesurées, il relève en revanche « une dépression majeure nécessitant une hospitalisation et traitement avec idées suicidaires correspondant à une dépression sévère voire pré-sévère » justifiant que soit attribué à Mme [R], selon lui, un taux d’incapacité compris entre 50 et 79 %.

Comme l’a indiqué l’expert, il ressort effectivement des certificats médicaux produits que le syndrome dépressif dont Mme [R] souffre, à l’origine de son traitement et du suivi psychiatrique et de son hospitalisation du 9 juin 2016 au 1er septembre 2016, présente un caractère suffisamment sévère pour engendrer des conséquences importantes sur sa vie quotidienne se manifestant notamment par un repli, une perte d’élan vital et également une mémoire et une capacité d’apprentissage limitées.

Dès lors, au regard des conclusions sans équivoque de l’expert et du guide barème, un taux d’incapacité compris entre 50 % et 75 % doit être attribué à Mme [R].

Sur la restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi,

Mme [R] fait valoir des restrictions substantielles et durables d’accès à l’emploi expliquant qu’il a été constaté par différents médecins qu’elle n’est pas en capacité de travailler et qu’elle a bénéficié en outre d’une orientation vers le marché du travail de la part de la commission de droits et de l’autonomie des personnes handicapées sur la période du 4 décembre 2015 au 3 décembre 2020.

Sur ce point, la MDPH de la Drôme considère en revanche que malgré les difficultés évoquées par Mme [R], cette dernière pourrait travailler au moins à mi-temps sur un poste adapté à ses restrictions ce qui pourrait d’ailleurs avoir un effet bénéfique sur son état de santé comme l’a dit le docteur [D], médecin psychiatre, à l’issue d’une visite médicale du 2 octobre 2018. Tout en notant que le renouvellement n’a pas été sollicité à ce jour, l’intimée rappelle que Mme [R], reconnue travailleur handicapé jusqu’au 3 décembre 2020, pourrait dans ce cadre être accompagnée pour trouver un emploi, autre que celui d’aide soignante et en adéquation avec ses restrictions d’activités. Elle écarte finalement toute restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi.

Étant observé qu’il n’est pas contesté que Mme [R], auparavant aide soignante, est sans emploi depuis 2014, les éléments versés aux débats permettent de conclure à l’existence d’une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi en lien avec le syndrome dépressif sévère dont souffre Mme [R] et également, comme l’a relevé le docteur [N] au terme de son rapport, en raison des séquelles physiques précédemment décrites dans une moindre mesure.

Ainsi il doit être reconnu un taux d’incapacité compris entre 50 % et 75 % à Mme [R] ainsi qu’une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi de sorte que les décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées des 2 mars 2018 et 5 octobre 2018 doivent être annulées par voie d’infirmation.

Sur la date et la période d’attribution de l’AAH au bénéfice de Mme [R],

En application des dispositions de l’article L.821-4 du code de la sécurité sociale, l’AAH est accordée, pour une durée déterminée par décret en Conseil d’Etat, à partir du mois qui suit le dépôt de la demande et plus précisément :

– de 1 à 10 ans pour un taux d’incapacité au moins égal à 80 % (sous certaines conditions, sans limitation de durée),

– de 1 à 5 ans pour un taux d’incapacité compris entre 50 et 79 %.

En application de l’article L. 821-7 du code de la sécurité sociale, « la gestion de la prestation prévue à l’article L. 821-1, du complément de ressources et de la majoration pour la vie autonome est confiée aux organismes du régime général chargés du versement des prestations familiales.

Toutefois, lorsqu’une caisse de mutualité sociale agricole est compétente pour verser à une personne handicapée les prestations familiales dont elle bénéficie ou serait susceptible de bénéficier ou lorsque le bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés relève d’un régime de protection sociale agricole en application de l’article L. 160-17, cet organisme assure la gestion de l’allocation, du complément de ressources et de la majoration pour la vie autonome ».

Mme [R] sollicite l’attribution de l’AAH depuis le 27 décembre 2017 et a précisé à l’audience qu’elle lui soit versée pour la durée maximale : 5 ans.

Quant à la MDPH intimée qui sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a maintenu les refus notifiés à Mme [R], elle n’a fait valoir aucun moyen à ce titre.

Au terme de son rapport, le docteur [N] a retenu la date du 27 décembre 2017, « plus cohérente puisque le syndrome dépressif majeur a débuté en 2015 au moment du décès de la mère de Mme [R] [H] » et a donc écarté celle du 5 mars 2018 visée dans le cadre de la mission d’expertise.

Compte tenu du fait que Mme [R] avait déposé sa demande d’AAH le 27 décembre 2017, date à retenir en l’espèce, elle pourra donc faire valoir ses droits auprès des services de la MDPH de la Drôme et prétendre à ladite prestation à compter du 1er janvier 2018 correspondant au premier jour du mois suivant le dépôt de la demande jusqu’au 5 juillet 2022, date de l’expertise réalisée par le médecin expert.

Etant rappelé qu’avant de se retrouver sans emploi depuis 2014, Mme [R] a occupé des postes en tant qu’aide soignante en maison de retraite, pour un service de soins infirmiers à domicile selon son CV joint à la demande d’AAH et qu’elle ne fait pas état au demeurant d’une quelconque activité agricole, il s’ensuit qu’elle dépend, pour le versement de cette prestation, des organismes du régime général chargés du versement des prestations familiales et ainsi de la caisse d’allocations familiales.

Enfin il convient de souligner que, dans le précédent arrêt de la cour, l’expertise a été ordonnée aux frais avancés de la MDPH de la Drôme. Il n’y a donc pas lieu de condamner de nouveau la MDPH à ce titre.

Sur les mesures accessoires,

La MDPH en ce qu’elle succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Il serait inéquitable de faire application des dispositions de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 à la MDPH, liée par l’avis de l’équipe pluridisciplinaire spécialisée de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement RG 19/00248 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence le 27 mars 2020.

Statuant à nouveau,

Annule la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées du 2 mars 2018 confirmée par décision du 5 octobre 2018 refusant à Mme [H] [R] le bénéfice de l’AAH.

Dit que Mme [H] [R] pouvait bénéficier de l’AAH du 1er janvier 2018 au 5 juillet 2022 et la renvoie devant la MDPH de la Drôme pour l’attribution de cette prestation dont le versement sera assuré par la caisse d’allocations familiales.

Condamne la MDPH de la Drôme aux dépens de première instance et d’appel.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président