Travail dissimulé : 3 août 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00080

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DLP/SC

Caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Or (CPAM)

C/

S.A.S.U. [4]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 03 AOUT 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00080 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FTSX

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de DIJON, décision attaquée en date du 19 Janvier 2021, enregistrée sous le n°18/00210

APPELANTE :

Caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Or (CPAM)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par M. [E] [F] (Chargé d’audience) en vertu d’un pouvoir général

INTIMÉE :

S.A.S.U. [4]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Maître Irène NGANDO, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Juin 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, Président,

Olivier MANSION, Président de chambre,

Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sandrine COLOMBO,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, et par Sandrine COLOMBO, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Le 16 octobre 2017, la société [4] ([4]) a déclaré que sa salariée, Mme [U], avait été victime d’un accident survenu, le 5 octobre 2017 à 16h10, dans les circonstances suivantes : “Lors d’une discussion avec son supérieur hiérarchique quant à sa participation à une action de formation “négociation” sur le site de [Localité 5], la salariée s’est agacée, a quitté le bureau s’estimant être victime de chantage”.

Le certificat médical initial, établi le 6 octobre 2017, a mentionné une dépression réactionnelle de type burn-out.

Par courrier du 16 octobre 2017, l’employeur a fait part à la CPAM de Côte-d’Or (la CPAM) de ses réserves quant au caractère professionnel de l’accident.

La CPAM a procédé à une instruction du dossier par l’envoi de questionnaires aux parties. Un agent s’est également rendu au sein de la société et a rencontré Mme [U], le directeur ainsi que la responsable des ressources humaines.

Par notification du 11 janvier 2018, la CPAM a informé la société [4] de la prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

L’employeur a alors saisi la commission de recours amiable de la contestation de cette décision, laquelle ne s’est pas prononcée dans les délais.

Par courrier recommandé du 1er juin 2018, la société [4] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale afin de se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge.

Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal a fait droit à cette demande mais a rejeté celle aux fins d’annulation de la décision de la caisse.

Par déclaration enregistrée le 27 janvier 2021, la CPAM a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions reçues à la cour le 20 mars 2023 et reprises à l’audience sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré,

– confirmer le bien-fondé de la décision de prise en charge de l’accident du travail litigieux,

– déclarer opposable à la société [4] la décision de prise en charge de l’acident du travail dont Mme [U] a été victime le 5 octobre 2017,

– débouter la société [4] de ses demandes.

Par ses dernières écritures reçues à la cour le 26 avril 2023 et reprises à l’audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la société [4] demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il lui a déclaré inopposable la décision de la CPAM du 11 janvier 2018, emportant prise en charge de l’accident dont a été victime Mme [U] le 5 octobre 2017 au titre de la législation professionnelle,

– dire et juger que le caractère professionnel du sinistre déclaré par Mme [U] n’est pas établi,

– annuler la décision en date du 11 janvier 2018 de prise en charge au titre d’un accident de travail en faveur de Mme [U],

– condamner la CPAM à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la CPAM aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L’OPPOSABILITE DE LA DECISION DE PRISE EN CHARGE

Au soutien de son appel, la CPAM se prévaut de la survenance d’un événement brusque et soudain au temps et au lieu du travail, de constatations médicales rattachables à l’accident du 5 octobre 2017 et de l’absence de preuve de la part de l’employeur d’une cause totalement étrangère au travail.

En réponse, la société [4] fait valoir qu’aucune altercation n’est intervenue le 5 octobre 2017 entre Mme [U] et M. [X], que le caractère de soudaineté n’est nullement établi et que la salariée ne voulait tout simplement pas réaliser la formation de 3 jours qui lui était présentée par son manager.

Aux termes de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chef d’entreprise.

L’article précité édicte une présomption d’imputabilité en faveur de l’assuré dès lors que le fait accidentel s’est manifestement soudainement au temps et au lieu du travail mais il appartient à la victime d’en rapporter la preuve.

Il est constant que cette preuve peut être rapportée par tous moyens, mais que les seules allégations de la victime, quelque soit par ailleurs sa bonne foi et son honorabilité, sont insuffisantes en l’absence de témoin direct des faits.

Il revient ensuite à l’employeur qui entend contester cette présomption légale d’imputabilité de prouver l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.

Ici, aux termes de son rapport du 19 décembre 2017, l’enquêteur de la caisse a conclu en ces termes :

– Mme [U] déclare avoir subi un choc émotionnel le 5 octobre 2017 vers 10h à l’occasion d’un entretien avec son responsable hiérarchique.

– Elle a travaillé normalement après l’entretien. Elle a travaillé également le lendemain jusqu’à midi.

– L’employeur conteste et estime qu’il n’y a eu aucun fait accidentel le 5 octobre 2017. Il n’y a pas eu d’altercation au cours de cet entretien où le responsable hiérarchique tentait de convaincre sa collaboratrice du bien-fondé de cette formation.

– Le témoin (M. [J]) indique qu’il n’a pas entendu d’altercation verbale au cours de cet entretien de la part du responsable hiérarchique.

M. [J] n’a pas été témoin direct de l’incident litigieux et a précisé avoir “entendu [T] [U] s’emporter dans le bureau”. Il a ajouté : “Je ne qualifierai pas d’agressivté les propos tenus par M. [X]”.

L’enquêteur de la caisse précise encore qu’il n’a pas pu rencontrer Mme [B] qui était absente.

Ainsi, il convient, en l’absence notamment de témoin direct des faits litigieux, d’adopter les motifs pertinents du premier juge qui a déclaré inopposable à l’employeur la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels. Il sera simplement ajouté que la décision de la caisse ne peut reposer sur les seules affirmations de la salariée alors même que la teneur des propos tenus par M. [X] n’est pas connue et qu’aucun lien direct et certain ne peut être fait entre cette prétendue “altercation” et l’arrêt de travail de la salariée prescrit plus de 24h plus tard et faisant de surcroît état d’une pathologie par nature progressive. En outre, Mme [U] a travaillé normalement les 5 et 6 octobre suivants et n’a consulté son médecin traitant qu’au cours de la journée du 6 octobre 2017. Les éléments du dossier, en ce qu’ils résultent notamment de l’enquête admnistrative, ne permettent pas de déterminer un fait acidentel précis, soudain et anormal.

En conséquence, la caisse sera déboutée de sa demande d’opposabilité et le jugement confirmé sur ce point. Il le sera également en ce qu’il a écarté la demande de la société [4] d’annulation de la décision de la CPAM du 11 janvier 2018 de prise en charge de l’accident litigieux. Il sera à cet égard précisé que le juge du contentieux de la sécurité sociale est juge du litige qui lui est déféré et non de la décision administrative de la commission ou de la caisse ayant statué.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens.

L’abrogation, au 1er janvier 2019, de l’article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l’espèce, la procédure ayant été introduite en 2018, il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens de première instance.

Les dépens d’appel seront supportés par la CPAM qui succombe et supportera une indemnité au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la CPAM de Côte-d’Or à payer en cause d’appel à la société [4] la somme de 1 500 euros,

Dit n’y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,

Condamne la CPAM de Côte-d’Or aux dépens d’appel.

Le Greffier Le Président,

Sandrine COLOMBO Delphine LAVERGNE-PILLOT