Travail dissimulé : 28 juillet 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/04545

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EP/KG

MINUTE N° 23/587

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 28 JUILLET 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/04545

N° Portalis DBVW-V-B7F-HWKH

Décision déférée à la Cour : 30 Septembre 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [S] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A. CREDIT ET SERVICES FINANCIERS – CRESERFI représentée par son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. PALLIERES, Conseiller rapporteur et M. LE QUINQUIS, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Crédit et Services Financiers (ci-après sous le vocable Creserfi) est la société de financement du groupe Csf, groupe d’établissements financiers.

Madame [S] [N] née [H] a été engagée par la société Creserfi à compter du 11 juin 2012 en qualité de Conseillère, par contrat à durée indéterminée à temps complet.

Elle était affectée à l’agence de [Localité 6], d’abord située [Adresse 5], puis [Adresse 3], et était placée sous la responsabilité hiérarchique du Directeur d’agence.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des sociétés financières.

Madame [S] [N] a été placée en arrêt maladie par son médecin traitant le 7 mai 2015, arrêt maladie ininterrompu jusqu’au 16 janvier 2018, date de l’avis d’inaptitude physique rendu par le médecin du travail, suivant : ” Inapte au poste occupé ; capacités médicales restantes compatibles avec un travail similaire dans un autre environnement professionnel “.

Le 7 février 2018, la société Creserfi a adressé à Madame [N] 5 propositions de reclassement, pour des postes situés dans 5 villes différentes.

Suite au refus de la salariée, par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 mai 2018, l’employeur a notifié à Madame [S] [N] son licenciement pour inaptitude suite au refus des propositions de reclassement.

Par requête du 4 mars 2019, Madame [S] [N] née [H] a saisi le Conseil de prud’hommes de Strasbourg, section commerce, de demandes de nullité du licenciement et d’indemnités, outre aux fins de rappel de salaires pour retenue injustifiée, et d’indemnité suite à une clause de non concurrence.

Par jugement du 30 septembre 2021, ledit conseil, en sa formation de départage, a :

– débouté Madame [S] [N] de ses demandes relatives à la nullité du licenciement et aux dommages et intérêts y afférents ;

– débouté Madame [S] [N] de sa demande relative à l’indemnité compensatrice de préavis ;

– constaté que Madame [S] [N] s’est désistée de sa demande relative au remboursement des retenues sur salaires ;

– condamné la Sa Creserfi à payer à Madame [S] [N] une indemnité de :

* 16 044 euros, au titre de la clause de non-concurrence de droit local, majorée des intérêts au taux légal à compter de ce jour;

* 1 600 euros (mille six cents euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

– ordonné l’exécution provisoire des dispositions qui précédent ;

– débouté la Sa Creserfi de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 29 octobre 2021, Madame [S] [N] a interjeté un appel du jugement limité au rejet de ses demandes de nullité du licenciement et aux dommages et intérêts y afférents.

Par écritures transmises par voie électronique le 18 juillet 2022, Madame [S] [N] sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes afférentes, à la nullité de son licenciement, et de sa demande condamnation de la Sa Creserfi à lui verser la somme de 48 132 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, et que la Cour statuant, à nouveau, :

– dise et juge que son licenciement est nul pour cause de harcèlement moral,

– condamne la société Creserfi à lui payer les sommes de :

* 48 132 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral suite à harcèlement moral,

* 5 348 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens ;

Elle sollicite, également, le rejet de l’appel incident.

Par écritures transmises par voie électronique le 1er septembre 2022, la Sa Crédit et Services financiers (Creserfi), qui a formé un appel incident, sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée au titre des frais irrépétibles et aux dépens et en ce qu’il a rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles, et que la Cour statuant, à nouveau , :

– déboute Madame [S] [N] de l’ensemble de ses demandes,

– ordonne à Madame [S] [N] le remboursement de la somme de 1 600 euros,

et, en tout état de cause,

– condamne Madame [S] [N] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

L’ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 7 septembre 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement

Selon les dispositions de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L1152-2 du même code, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

A. Sur les faits invoqués par la salariée

Madame [S] [N] née [H] soutient qu’elle a fait l’objet d’actes répétés de harcèlement moral de la part de Madame [UC] [K], qui a remplacé Monsieur [Z], comme directeur de l’agence de [Localité 6], à compter de septembre 2013.

Elle invoque les faits suivants

1. Madame [K] lui a causé une surcharge de travail en lui demandant d’accomplir de nouvelles tâches, notamment, de travailler le samedi, de traiter ses dossiers, d’effectuer la formation de nouveaux collaborateurs,

2. Madame [K] l’a critiquée en lui reprochant de se disperser,

3. Madame [K] lui envoyait des mails alors qu’elles étaient à quelques bureaux de distance,

4. Madame [K] a eu un comportement insidieux et perfide, en l’humiliant au téléphone, donnant des ordres par écrit puis l’inverse au téléphone, en faisant disparaître ses affaires en son absence, en la dérangeant à 2 reprises concernant le stationnement d’un véhicule et en mettant en doute ses explications, en détournant ses courriels entrants pour s’immiscer dans le traitement des dossiers sans l’avertir, en tentant de créer la discorde entre elle et ses clients en détournant les courriels et en annonçant aux clients le refus de financement, en critiquant son travail auprès de tiers, en procédant à de nombreux changements dans son agenda, en mentant sur une fiche de contrôle permanent de fin mars 2015 la mettant en position délicate à l’égard de la direction,

5. Madame [K] a porté atteinte à sa dignité en la critiquant sur son apparence auprès du directeur de la banque Lcl de [Localité 6], car elle est noire, en l’imitant en grimaçant pendant des réunions devant tous les collègues, en ne lui disant plus bonjour et en ne communiquant plus avec elle que par courriels.

Madame [S] [N] née [H] fait état d’un comportement généralisé de Madame [K] à l’égard des autres salariés.

6. une dégradation de son état de santé.

B. Sur la matérialité des faits

Si la charge de la preuve des actes répétés de harcèlement moral ne repose pas sur le salarié, les faits invoqués doivent être établis, par ce dernier, en leur matérialité, que ce soit l’ancienne version de l’article L1154-1 du code du travail qui soit applicable, au regard de la date de l’avis d’inaptitude, ou le nouvel article L 1154-1 précité.

1. La diversité des fonctions, confiées par Madame [K] à Madame [S] [N] née [H], est reconnue par l’employeur.

Madame [S] [N] née [H] justifie avoir travaillé, au moins, un samedi, avoir assuré des rendez-vous à [Localité 2] et au point rencontre de [Localité 4] (pièce salariée n°57), que Madame [K] lui a demandé d’assurer la formation de nouveaux collaborateurs, qu’elle a travaillé le dimanche de Pâques 5 avril 2015 et reçu un mail le 6 avril 2015 (lundi de Pâques) de Madame [B], qu’elle a travaillé le mardi 14 avril 2015 à 23 H 45 (en envoyant un courriel ; pièce salariée n°22).

La réception d’un courriel, le 14 avril 2015, à 17 H 55 de Madame [K], qui n’est que la transmission d’un courriel du même jour à 17 H 51, envoyée par la directrice de la relation adhérents à Madame [K], concernant une réclamation client, n’emporte aucun effet.

Toutefois, le courriel du même jour à 20 H 26 de Madame [K] établit que la salariée pouvait être sur son lieu de travail à cette heure tardive, alors que, par ailleurs, Madame [K] a envoyé à 19 H 22, un courriel à Madame [N] lui demandant ce qu’il en était (pièce salariée n°62).

Il est reconnu par l’employeur que Madame [N] pouvait être amenée à effectuer des rendez-vous à [Localité 2] et [Localité 4].

2. Madame [S] [N] née [H] produit un bilan trimestriel, suite à un entretien du 25 mars 2014, dans lequel Madame [K] a noté : ” vous n’êtes ni à l’objectif visites, ni documents. Vous vous êtes dispersée et fixé des objectifs de convention au détriment du nombre. Pour rattraper votre objectif visite, il faudra réaliser 13 visites minimum par semaine’ “.

Il est établi que Madame [K] a porté une appréciation critique sur Madame [S] [N] née [H].

3. Madame [S] [N] née [H] produit un courriel du 26 février 2015 de Madame [K] (pièce de la salariée n°66), qui ne comporte aucun reproche mais est constitué d’une demande de rendez-vous pour le 28 février. L’utilisation d’un courriel, par Madame [K], est sans emport, alors que Madame [S] [N] née [H] pouvait être en rendez-vous client.

Ce fait ne peut être retenu.

4. Madame [S] [N] née [H] produit :

– des attestations de témoin de Madame [P] [J], relative à un comportement déplacé de Madame [K], mais ce comportement, rapporté par Madame [J], ne concerne pas Madame [S] [N] née [H].

Bien mieux, la première attestation (pièce Madame [S] [N] née [H] n°9) permet de relever que Madame [K] prenait toujours en exemple Madame [N], vantant les qualités professionnelles et relationnelles de Madame [N].

Aucun fait d’humiliation, ou d’ordres-contre ordres, n’est matériellement établi.

– un courriel (sa pièce n°25), qui émane d’elle, adressé à Madame [K], faisant état qu’il a été ” touché à (ses) affaires ” et sollicitant l’endroit où ont été déplacés sa bannette avec sa pochette des taux et son cahier de rendez-vous.

– un échange de courriels du 23 avril 2015 avec Madame [K] sur l’emplacement du véhicule de service devant l’agence, au cours duquel Madame [K] a précisé : ” je ne comprends pas votre justification “,

– des courriels des 16 avril et 21 avril 2015 (pièce salariée n°27) justifiant que Madame [K] recevait les courriels adressés à Madame [N], sans en être destinataire,

– un courriel du 21 avril 2015, qu’elle a adressé à Madame [K], demandant, à cette dernière, des explications sur un refus, de prêt, adressé à une adhérente, plutôt qu’une demande de complément, justifiant de l’intervention de Madame [K] dans un dossier de Madame [S] [N] née [H],

– un courriel du 10 avril 2015 qu’elle a adressée à Madame [K] pour se plaindre de plusieurs changements dans son agenda,

– la copie de la fiche de contrôle permanent (pièce de la salariée n°29) et un échange de courriels avec Madame [K] (pièce de la salariée n°30).

Ces derniers documents n’établissement aucunement que Madame [K], dans le cadre de son pouvoir de contrôle, ait menti sur l’erreur dans la constitution du dossier client Stinner, alors qu’il résulte de cet échange que Madame [S] [N] née [H] n’a pas su archiver correctement les éléments du dossier.

Ce dernier fait n’est donc pas matériellement établi.

En outre, Madame [S] [N] née [H] fait référence à la pièce de l’employeur n°20-4, au soutien d’un fait de critiques de son travail auprès de tiers, par un courriel, sans en avoir reçu copie.

Dans un courriel du 15 avril 2015 à 14 H 44, Madame [K] a effectué une analyse des pièces du dossier [A] [V], géré par Madame [S] [N] née [H], attirant l’attention de Monsieur [M] [LB], conseiller Tlv, du groupe, chargé du financement, sur des particularités du dossier et des incohérences des pièces transmises par Madame [A] [V].

Ce courriel n’a pas été adressé en copie à Madame [N].

Ce fait est donc matériellement établi.

5. Aucun des faits, d’atteinte à la dignité, invoqués par la salariée n’est matériellement établi.

6. Madame [S] [N] née [H] fait valoir que la Cpam a reconnu son arrêt maladie du 7 mai 2015, ayant débouché sur son licenciement pour inaptitude, comme maladie professionnelle, et produit des attestations de témoin de membres de sa famille, d’amis, et d’anciens collègues de travail, outre une lettre du 7 mai 2015 de son médecin généraliste, le Dr [L] [E], un certificat médical du 12 octobre 2015 de Dr [F] [JT], psychiatre, et une attestation du 12 octobre 2015 de Monsieur [R] [C], masseur kinésithérapeute.

Les faits, dont la matérialité est établie, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

C. Sur les éléments apportés par l’employeur

La Sa Crédit et Services Financiers (Creserfi) fait valoir, sur les faits précités :

– Sur le point 1 :

Madame [S] [N] née [H] a souligné, elle-même, lors de son entretien annuel du 27 février 2015, qu’elle appréciait la diversification de ses tâches, alors que la formation des nouveaux collaborateurs rentre dans le cadre de ses attributions.

Il résulte effectivement de la conclusion apportée par la salariée à l’entretien annuel du 27 février 2015, qu’elle ” souhaiterait mettre officiellement son savoir être et faire au service de son agence et par conséquent donner un appui en formation Ade si besoin à l’entreprise et devenir Sénior “.

A aucun moment de l’entretien, ou des autres compte rendus d’entretien avec un représentant de l’employeur, elle ne fait état d’une surcharge de travail.

L’employeur produit également un tableau répertoriant le nombre de rendez-vous réalisés en 2013, 2014 et 2015 (avant arrêt de travail), dont il résulte que les rendez vous clients avaient diminué entre 2013 et 2014, alors que les chiffres, mentionnés pour le début d’année 2015, ne permettent pas de conclure à une augmentation déraisonnable.

La Cour relève, par ailleurs, comme les premiers juges, que la possibilité de travailler le samedi est expressément prévue par le contrat de travail.

Des déplacements de la salariée à [Localité 2] sont également reconnus par l’employeur, mais le contrat de travail stipule, en son article 4, qu’en raison de la nature des fonctions confiées, la salariée pourrait être amenée à effectuer des déplacements pour se rendre sur des points rencontre auxquels elle pourrait être affectée de façon temporaire ou définitive.

Par ailleurs, l’employeur justifie, par des courriels des 18 février et 29 mai 2013, respectivement de Messieurs [T] [U] et [I] [W] [Z], que le bail du point rencontre de [Localité 2] a été résilié avec effet au 31 août 2013 et que le déménagement des locaux a été effectué le 13 juin 2013, soit avant l’arrivée de Madame [K].

S’agissant des déplacements au point rencontre de [Localité 4], établis par le bilan du 28 janvier 2014, ils ne sont que l’exécution de la clause précitée.

Le fait que la salariée reçoive, le dimanche de Pâques 5 avril 2015, un courriel d’un client, ne l’obligeait pas à y répondre le dimanche ou le lundi suivant, en l’espèce, jour férié, et Madame [S] [N] née [H] ne fait état d’aucune obligation qui lui aurait été imposée par l’employeur, à ce titre.

Il en est de même de l’envoi d’un courriel, le mardi 14 avril 2015 à 23 H 45.

S’agissant des courriels du 14 avril 2015 de 19 H 22 et 20 H 26, comme retenu par les premiers juges, si Madame [K] a sollicité une réponse, en dehors des horaires normaux de bureau, ce fait reste, à défaut d’autre élément, unique et trouve son explication dans le caractère d’urgence de la réponse à apporter à l’adhérent, alors que Madame [S] [N] née [H] allait être en congés du 15 au 20 avril 2015, comme l’établit le bulletin de paie correspondant.

Comme les premiers juges, la Cour relève, également, que les bulletins de paie de Madame [S] [N] née [H], couvrant la période de juin 2014 à mai 2015, ne font pas apparaître d’heures supplémentaires, à l’exception de celles assimilées effectuées en février 2015 à la demande de l’employeur.

Le contrat de travail stipule un temps de travail de 1 491, 75 heures par an, et Madame [S] [N] née [H] n’invoque pas qu’elle réalisait de manière habituelle des heures supplémentaires, alors que l’employeur fait état que les conseillers travaillent, en moyenne, 33 H 15 par semaine.

Il ne peut, dès lors, être retenu l’existence d’une surcharge de travail.

– Sur le point 2 :

Selon l’employeur, Madame [K] a juste reproché à Madame [S] [N] née [H] de se disperser dans l’organisation de son travail et non dans les tâches.

L’employeur produit une évaluation, réalisée par Monsieur [Z], ancien directeur d’agence, selon laquelle l’intéressé précisait à Madame [S] [N] née [H] : ” faites attention tout de même à ne pas vouloir en faire trop ou savoir trop et vous disperser. Priorisez les tâches et faites de votre organisation le moteur de votre montée en compétences “.

Il souligne que Madame [S] [N] née [H], elle-même, avait reconnu que son organisation était à parfaire, ce qui est confirmé par l’analyse et le commentaire de la salariée dans l’évaluation 2013/2014 (pièce employeur n°2-4).

– Sur le point 4 :

Selon l’employeur, le placard de Madame [S] [N] née [H] débordait, de telle sorte que cette dernière étant en congés au mois d’avril 2015, sa bannette avait été mise dans le placard de Monsieur [SU], et qu’en tout état de cause, il s’agissait d’outils de travail n’appartenant pas à Madame [N].

La Cour relève que le carnet de rendez-vous professionnel et la bannette, avec la pochette des taux, constituent des outils professionnels, de telle sorte que l’employeur peut parfaitement les déplacer, et en prendre connaissance s’il y a lieu, n’étant pas couvert par le droit au respect de la vie privée.

S’agissant de l’échange de courriels, concernant l’emplacement du véhicule, l’employeur soutient que la demande de Madame [K] était légitime dès lors que la salariée n’avait pas replacé le véhicule sur la place de garage prévue à cet effet.

Comme les premiers juges, la Cour considère qu’il relève du pouvoir de direction, confié à Madame [K], directrice d’agence, d’interroger la salariée sur le stationnement du véhicule de service, et on ne peut reprocher à Madame [K] de préciser, en des termes courtois, qu’elle ne comprend pas la réponse qu’il lui a été faite.

S’agissant de l’accès à la messagerie professionnelle de Madame [N], l’employeur rappelle que les courriers, adressés sur l’outil informatique mis à disposition du salarié, par l’employeur, pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels.

Selon les échanges de courriels, produits en pièces 19-1 à 19-4 par l’employeur, l’accès à la messagerie professionnelle de Madame [S] [N] née [H] a été justifié par l’absence de cette dernière pour cause de congés à partir du 15 avril 2015, Madame [S] [N] née [H] demandant le 21 avril 2015 à 14 H 35 la suppression du mécanisme d’accès.

La Cour relève que Madame [S] [N] née [H] ne soutient pas que l’employeur aurait eu accès à des messages autres que professionnels, de telle sorte que l’accès à la messagerie professionnelle n’apparaît pas fautive.

S’agissant du courriel du 21 avril 2015, adressé directement à une cliente, Madame [A] [V], dont le dossier était géré par Madame [N], l’employeur fait valoir que des pièces complémentaires avaient été sollicitées par Monsieur [LB], le 15 avril 2015, pour l’étude d’un financement, alors que Madame [S] [N] née [H] était en congés, et que reprenant la main, Madame [K] s’est aperçue d’éléments troublants de telle sorte qu’elle a refusé le prêt.

Les échanges de courriels en cause sont produits (pièces employeur n°20-1 à 20-6) et confirment la version de l’employeur, étant rappelé que Madame [K] est la directrice d’agence et n’a pas outrepassé le pouvoir de direction qui lui est confié.

S’agissant des changements dans l’organisation du travail et de l’agenda, de Madame [S] [N] née [H], l’employeur soutient que la salariée s’appuie uniquement sur un courriel qui ne reflète pas la réalité, qu’à la demande Madame [S] [N] née [H], Madame [K] a procédé à un aménagement de l’agenda de cette dernière en prévoyant davantage de plages consacrées au suivi des dossiers, et que Madame [S] [N] née [H] ne respectait pas cette organisation et prévoyait des rendez vous de vente au cours des périodes de suivi des dossiers, de telle sorte que cela pouvait conduire Madame [K] à devoir réajuster l’agenda de Madame [S] [N] née [H].

Il justifie, par la production :

– d’un échange de courriels du 27 février 2015 (pièces employeur n°17), entre Madame [K] et Madame [S] [N] née [H], que cette dernière avait demandé 2 heures d’administratif par jour de présence pour avoir plus de temps pour traiter les dossiers, et que ces 2 heures lui ont été accordées,

– d’un courriel du 10 avril 2015 (pièce employeur n°21), de Madame [K] que Madame [S] [N] née [H] n’a pas respecté les directives, données antérieurement, sur les plages de prospection et de suivi,

– d’un courriel du 22 avril 2015 (pièce employeur n°23), de Madame [K], que Madame [S] [N] née [H] n’a pas respecté, pour le 28 avril, la plage destinée au suivi.

Il en résulte que la salariée ne saurait reprocher à sa directrice d’agence de procéder à des modifications de son agenda.

– Sur le point 6 :

L’employeur précise que les 2 médecins, et le kinésithérapeute n’ont pas pu procéder aux constatations médicales leur permettant de certifier que l’état de santé de la salariée soit dû à une situation de harcèlement moral.

Il précise que la qualification, par la Cpam, de maladie professionnelle ne signifie pas que Madame [S] [N] née [H] ait été victime de harcèlement moral.

Il ajoute que le médecin du travail n’a pas rendu un ” avis d’inaptitude professionnelle “, que les témoins, sont soit des membres de la famille de la salariée, soit des amis, soit une ancienne collègue lors d’une précédente expérience professionnelle, et que Madame [S] [N] née [H] ne verse aucune attestation d’anciens collègues présents au moment de la survenance des prétendus faits de harcèlement invoqués.

La Cour n’est pas tenue par la qualification de maladie professionnelle, retenue par la Cpam, alors que, par ailleurs, comme invoqué par l’employeur, la maladie professionnelle n’implique pas nécessairement l’existence de faits de harcèlement moral.

Par ailleurs, le médecin généraliste et le médecin psychiatre, qui font état de problèmes au travail, n’attestent pas de l’existence d’un harcèlement moral comme cause des problèmes de santé, le médecin généraliste mettant entre parenthèses ” harcèlement moral “, ce qui signifie qu’il ne fait que reprendre les déclarations de la patiente.

Aucun des 2 médecins n’a constaté de faits constitutifs de harcèlement moral.

De même, l’avis d’inaptitude du médecin du travail, qui précise : ” inapte au poste occupé ; capacités médicales restantes compatibles avec un travail similaire dans un autre environnement professionnel ” ne permet pas de confirmer l’existence de faits constitutifs de harcèlement moral.

Enfin, les témoins, dont les attestations sont produites par Madame [S] [N] née [H], ne peuvent attester de l’existence de tels faits.

Madame [P] [J] ne fait état d’aucun fait au préjudice de Madame [N].

La force probante de l’attestation de témoin de Monsieur [X] [N] ne saurait être retenue, l’époux de la salariée ayant un intérêt personnel direct à la solution du litige.

Les autres personnes, ayant apporté leur témoignage à Madame [S] [N] née [H], n’ont pas été témoins de faits de harcèlement moral, et ne font, pour certains, que reprendre les déclarations de la salariée.

Le comportement, prétendu harcelant, de Madame [K], à l’égard des autres collaborateurs de l’agence, est, enfin, démenti par les attestations de témoin de Monsieur [D] [Y], ancien collaborateur, Monsieur [I] [W] [SU], et Madame [G] [O], collaborateurs.

D. Sur la synthèse et les demandes de dommages et intérêts

Il résulte des motifs supra que l’employeur renverse la présomption et que les faits de harcèlement moral sont inexistants.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Ajoutant au jugement, la Cour rejettera la demande, nouvelle, de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice moral pour harcèlement moral.

II. Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Madame [S] [N] née [H] sollicite une indemnité compensatrice de préavis (cf dispositif de ses écritures) au motif que l’inaptitude a une origine professionnelle.

Si l’inaptitude physique fait suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, il n’y a pas de préavis. Le salarié perçoit une indemnité d’un montant égal à l’indemnité compensatrice de préavis.

Par ailleurs, et surtout, les premiers juges ont :

– débouté Madame [S] [N] née [H] de ses demandes relatives à la nullité du licenciement et aux dommages et intérêts y afférents,

– débouté Madame [S] [N] née [H] de sa demande relative à l’indemnité compensatrice de préavis.

Or, la déclaration d’appel est ainsi rédigée : ” infirmation’. en ce qu’elle : déboute Madame [N] de ses demandes de nullité du licenciement et aux dommages et intérêts y afférents “.

Il en résulte que Madame [S] [N] née [H] n’a pas interjeté appel du rejet de la demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de telle sorte que le jugement est définitif sur ce rejet.

III. Sur les demandes annexes

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

La demande, de la Sa Crédit et Services Financiers (Creserfi), de remboursement de la somme de 1 600 euros, sera rejetée.

Succombant à hauteur d’appel, Madame [S] [N] née [H] sera condamnée aux dépens d’appel.

Pour le même motif, sa demande, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur de Cour, sera rejetée.

Madame [S] [N] née [H] sera condamnée à payer à la Sa Crédit et Services Financiers (Creserfi) la somme de 1 000 euros, au titre des frais irrépétibles exposés par l’employeur à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

DIT que le jugement du 30 septembre 2021 du Conseil de prud’hommes de Strasbourg est définitif en ce qu’il a débouté Madame [S] [N] née [H] de sa demande relative à l’indemnité compensatrice de préavis ;

CONFIRME, en toutes ses autres dispositions dont il a été fait appel, le jugement du jugement du 30 septembre 2021 du Conseil de prud’hommes de Strasbourg ;

Y ajoutant,

DEBOUTE Madame [S] [N] née [H] de sa demande d’indemnisation en réparation d’un préjudice moral pour harcèlement moral ;

DEBOUTE la Sa Crédit et Services Financiers (Creserfi) de sa demande de remboursement par Madame [S] [N] née [H] de la somme de 1 600 euros ;

DEBOUTE Madame [S] [N] née [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés à hauteur d’appel ;

CONDAMNE Madame [S] [N] née [H] à payer à la Sa Crédit et Services Financiers (Creserfi) la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d’appel ;

CONDAMNE Madame [S] [N] née [H] aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,