Travail dissimulé : 28 juillet 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/04540

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EP/KG

MINUTE N° 23/585

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 28 JUILLET 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/04540

N° Portalis DBVW-V-B7F-HWJ5

Décision déférée à la Cour : 19 Octobre 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

L’ASSOCIATION ALSACE SANTE AU TRAVAIL – AST 67

Association de droit local inscrite au registre des association près du Tribunal d’Instance de Strasbourg, sous le volume XVIII n°17, numéro SIRET 778859306, prise en la personne de son Président

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sébastien BENDER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIME :

Monsieur [R] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Angélique COVE, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant, M. PALLIERES, Conseiller rapporteur et M. LE QUINQUIS, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

L’Association Alsace Santé au Travail 67 (ci-après sous le vocable Ast 67) exerce, sur tout le Bas-Rhin, une activité de service interentreprises de santé au travail.

Monsieur [R] [J] a été embauché par l’Association Interentreprises de Médecine du Travail du Bas-Rhin, aux droits de laquelle intervient l’Ast 67, en qualité de médecin du travail, selon contrat de travail à durée indéterminée du 28 février 1992, avec effet au 1er mars 1992.

Le 5 octobre 2015, Monsieur [J] a présenté un épisode de malaise avec troubles de la parole, bégaiement, oppression thoracique, anxiété.

Une déclaration d’accident du travail et un certificat médical initial étaient établis s’agissant d’un accident survenu sur le lieu de travail et pendant le temps de travail.

Cet accident a été reconnu comme relevant des risques professionnels par la Caisse primaire d’assurance-maladie, selon décision du 20 juin 2016.

Monsieur [J] a été placé en arrêt de travail du 5 au 11 octobre 2015 puis en mi-temps thérapeutique du 12 octobre jusqu’au 13 décembre 2015.

La Caisse primaire d’assurance-maladie a considéré son état de santé comme étant consolidé à la date du 13 décembre 2015, suite à l’accident survenu le 5 octobre 2015, puis, a fixé la date de consolidation au 5 mai 2017, suite à avis de son médecin conseil.

Un taux d’incapacité permanente a été reconnu par la Caisse primaire d’assurance maladie à raison de 5%, reconnaissant des troubles anxieux.

Par avis du 3 juillet 2018 du Dr [U] [M], médecin du travail, lors d’une visite de reprise, Monsieur [J] a été déclaré inapte avec mention : tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Le 13 juillet 2018, l’Ast 67 a saisi le Conseil de prud’hommes de Strasbourg, en la forme des référés, aux fins d’annulation de l’avis d’inaptitude du 3 juillet 2018.

Selon une ordonnance rendue par la formation des référés du Conseil de prud’hommes de Strasbourg, en date du 25 octobre 2018, il a été décidé :

– d’une part, de désigner Mme [Z] [X] en qualité de médecin inspecteur du travail avec mission de se prononcer sur le respect des formalités de l’article R 4624-42 du code du travail et sur l’avis d’inaptitude du 3 juillet 2018 et expliciter les éléments médicaux retenus au soutien de cet avis ;

– d’autre part, de condamner l’Ast 67 ” à reprendre (le) versement des salaires à compter du 3 aout 2018, à titre de provision, et déduction faite des éventuels paiements intervenus au titre de la prévoyance et des indemnités journalières de sécurité sociale “.

Après déduction faites des indemnités de la Cpam et de la prévoyance, le salaire a été versé par l’Ast à compter du mois d’août 2018 jusqu’à fin février 2019, date de fin d’arrêt de travail.

L’Ast 67 n’a plus maintenu le salaire à partir du mois de mars 2019, au motif que Monsieur [J] n’était plus en arrêt de travail.

Il a donc été procédé à l’exécution forcée de l’ordonnance de référé.

L’Ast 67 a saisi le Juge de l’Exécution puis a repris le versement du salaire de Monsieur [J] à compter de mai 2019.

Selon rapport d’expertise du 17 mai 2019, le Dr [X], a conclu que l’avis d’inaptitude du 3 juillet 2018 est validé avec une modification de forme : ” Monsieur le Dr [J] est inapte au poste de médecin du travail. Il est inapte à tout autre poste au sein de l’Ast 67. Tout maintien du salarié dans un emploi serait préjudiciable à sa santé “.

Par requête du 31 mai 2019, Monsieur [R] [J] a saisi le Conseil de prud’hommes de Strasbourg, section encadrement, de demandes de rappels de salaires, et de résiliation judiciaire de son contrat, outre d’indemnisations en conséquence.

Cette instance a été enregistrée sous le numéro Rg 19/422.

Par requête du 5 juin 2019, l’Association Santé au Travail 67 (Ast 67) a saisi la même juridiction d’une demande de répétition d’indu au titre des salaires versés depuis le 4 août 2018.

Cette instance a été jointe à la précédente.

Entre temps, par ordonnance du 10 octobre 2019, le Conseil de prud’hommes, en formation de départage, statuant en la forme des référés, a :

– dit et jugé que Monsieur [R] [J] est inapte au poste de médecin du travail et à tout poste au sein de l’Ast 67, tout maintien dans un emploi étant préjudiciable,

– débouté Monsieur [R] [J] de sa demande de dommages et intérêts,

– condamné l’Association Santé au Travail 67 (Ast 67) à payer à Monsieur [R] [J] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens.

En cours d’instance, après autorisation de l’inspection du travail, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 janvier 2020, l’Ast 67 a notifié à Monsieur [R] [J] son licenciement pour inaptitude.

Par jugement du 29 mars 2021, le Conseil de prud’hommes, statuant au fond, a :

– fixé le salaire mensuel brut de référence à 8 221,46 euros bruts,

– dit et jugé que le licenciement pour inaptitude était fondé,

-débouté Monsieur [J] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’Ast 67,

– condamné l’Ast 67 à payer à Monsieur [J] les sommes suivantes :

* 36 156,10 euros bruts à titre de rappel de salaires,

* 14 463,36 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

* 59 773, 72 euros à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné I’Ast 67 aux frais et dépens de l’instance.

– condamné I’Ast 67 au paiement de 1 500 euros à Monsieur [J] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire de droit,

– débouté les parties de leurs plus amples moyens et conclusions.

Par déclaration du 28 octobre 2021, l’Association Santé au Travail 67 (Ast 67) a interjeté un appel, du jugement, limité à ses condamnations.

Par écritures transmises par voie électronique le 1er septembre 2022, l’Association Santé au Travail 67 (Ast 67) sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a imposé le maintien de salaire au profit du Dr [J], l’a condamnée à un complément d’indemnité de licenciement ainsi qu’une indemnité de congés payés,

et que la Cour, statuant à nouveau, :

– déboute Monsieur [R] [J] de ses demandes et ordonne le remboursement des salaires versés à Monsieur [J] au titre de la reprise de paiement.

Pour le surplus,

– déboute Monsieur [J] de son appel incident.

En tout état de cause,

– condamne Monsieur [J] à lui payer la somme 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et les dépens.

Par écritures transmises par voie électronique le 5 avril 2022, Monsieur [R] [J], qui a formé un appel incident, sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, et que la Cour, statuant à nouveau, :

– prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’Ast 67 à la date du 7 janvier 2020,

– dise et juge que son salaire moyen doit s’établir à 8 221,46 euros ,

– condamne l’Ast 67 à lui payer les sommes suivantes :

* 24 170,03 euros brut au titre du préavis,

* 2 417 euros brut au titre des congés payés y afférents,

*165 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Subsidiairement,

– dise et juge que l’inaptitude est d’origine professionnelle,

– condamne l’Ast 67 à verser à Monsieur [J] la somme de 24 170,03 euros bruts au titre du préavis ;

En tout état de cause,

– condamne l’Ast 67 à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, et les dépens.

L’ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 21 février 2023.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur le rappel de salaires et la demande de l’employeur de restitution

Selon l’article L 4624-7 du code du travail, en sa version applicable à la date de la saisine en référé du Conseil de prud’hommes,

I.-Le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes en la forme des référés d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L 4624-2, L 4624-3 et L 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige.

II.-Le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers. A la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification.

III.-La décision du conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

IV.-Le conseil de prud’hommes peut décider, par décision motivée, de ne pas mettre tout ou partie des honoraires et frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive. Ces honoraires et frais sont réglés d’après le tarif fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget.

Selon l’article L 1226-4 du code du travail, lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail.

En cas de licenciement, le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité mentionnée à l’article L 1234-9. Par dérogation à l’article L. 1234-5, l’inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d’une indemnité compensatrice.

L’article L 1226-11, du même code, applicable en cas d’origine professionnelle de l’inaptitude, édicte que lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail.

L’Association Alsace Santé au Travail soutient que :

– dès lors que la décision en la forme des référés du Conseil de prud’hommes se substitue à l’avis d’inaptitude attaqué, l’article L 1226-4 n’aurait pas vocation à s’appliquer,

– Monsieur [J] n’était plus en arrêt maladie depuis le 1er mars 2019,

– le texte légal ne réglemente pas le délai de la procédure et il s’est passé 15 mois entre l’introduction de sa contestation et la décision du Conseil de prud’homme sur sa contestation, et elle n’a pas à supporter les conséquences de ce délai.

La réforme de la contestation des avis d’inaptitude n’a pas modifié les articles L1226-4 et L 1226-11, et n’a eu aucun effet sur leur application. D’ailleurs l’employeur ne précise pas quel est le fondement juridique qui devrait conduire à écarter l’application de l’article L 1226-4, ou de l’article L 1226-11.

L’obligation de l’employeur de reprendre le paiement du salaire à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’avis d’inaptitude, s’il n’a pas licencié, ou reclassé le salarié demeure toujours en vigueur.

La contestation de l’avis d’inaptitude ne libère pas l’employeur de cette obligation.

A défaut d’accord des parties sur l’amiable compositeur, et en l’absence de texte spécifique, tel l’article 700 du code de procédure civile, le juge ne statue pas en équité.

Or, en l’absence de disposition dérogatoire, les articles L 1226-4 et L 1226-11, selon l’origine de l’inaptitude, s’appliquent.

Les montants doivent être versés sans déduction des éventuelles prestations sociales et de prévoyance (Cass. Soc. 18 décembre 2013 n°12-16 460).

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement de la somme de 36 156, 10 euros, dont le montant, en son quantum, n’est pas discuté.

Dès lors, il en sera de même sur le rejet de la demande, de l’employeur, de répétition d’indu, au titre des salaires versés après avis d’inaptitude.

II. Sur le rappel de salaires au titre des congés payés

En l’absence de distinction, par le législateur, des éléments de salaire concernés, ” le salaire correspondant à l’emploi que le salarié occupait avant la suspension du contrat de travail “, au sens des articles 1226-4 et 1226-11 du code du travail, doit s’entendre de tous les éléments du salaire, dont le bénéfice des congés payés.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement, à ce titre, de la somme, également, non contestée en son quantum, de 14 463, 36 euros.

III. Sur le montant de l’indemnité de licenciement

Selon l’article 5 de l’annexe réglant les dispositions particulières aux cadres de la Convention collective nationale des services de santé au travail interentreprises, sous réserve de dispositions légales et réglementaires plus favorables, le cadre licencié alors qu’il compte au moins 1 an d’ancienneté ininterrompue dans le service de santé au travail interentreprises a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement (distincte de l’indemnité de préavis) calculée comme suit, compte tenu du nombre d’années de présence dans le service de santé au travail interentreprises :

– pour la tranche inférieure ou égale à 5 ans de présence : 1 mois d’appointements ;

– pour la tranche strictement supérieure à 5 ans et inférieure ou égale à 10 ans : 2/5 de mois d’appointements par année de présence ;

– pour la tranche strictement supérieure à 10 ans : 3/5 de mois d’appointements par année de présence.

Le montant de l’indemnité ainsi calculé ne peut dépasser la valeur de 12 mois d’appointements (hors majoration du fait de l’âge du salarié, ci-dessous mentionnée).

Le taux de 3/5 de mois est majoré de 50 % lorsque le licenciement intervient après le 57e anniversaire de l’intéressé. Cette majoration s’ajoute à l’indemnité calculée ci-avant.

Le 57e anniversaire mentionné à l’alinéa précédent est déterminé par référence à l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite fixé à 62 ans au 1er alinéa de l’article L 161-17-2 du code de la sécurité sociale.

Si cet âge d’ouverture du droit à une pension de retraite venait à être repoussé dans le temps, l’âge au-delà duquel la majoration de 50 % du taux de 3/5 s’applique serait repoussé d’autant.

Par mois d’appointements, il faut entendre 1/12 des rémunérations versées à l’intéressé au cours des 12 mois précédents, compte tenu de la durée effective de travail au cours de cette période, à l’exclusion des gratifications de caractère aléatoire ou temporaire et des sommes versées à titre de remboursement de frais.

L’Association Alsace Santé au Travail fait valoir que la convention collective prévoit un plafonnement de l’indemnité de licenciement à 12 mois, et que le Conseil de prud’hommes n’a pas respecté cette limitation dans le cadre du montant accordé au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Le salaire mensuel de référence conventionnel, appelé appointement, en l’espèce, s’élève à la somme, non contestée, de 8 221, 46 euros bruts.

Le certificat de travail fait état d’une reprise d’ancienneté au 1er juillet 1991.

A la date d’envoi de la lettre de licenciement, Monsieur [R] [J] présentait donc une ancienneté de 28 ans d’activité.

Monsieur [R] [J] est né le 17 novembre 1948 et avait donc 71 ans, à la date du licenciement, alors que l’âge possible de départ à la retraite était toujours à 62 ans.

Le détail du calcul de l’indemnité, non précisé par le salarié, et qui aurait dû vérifié par les premiers juges, se présente comme suit :

8 221, 46

+ (2/5 X 8 221, 46) X 5 = 16 442, 92

+ (3/5 X 8 221, 46) X 18 = 88 791, 77

Soit au total 113 456, 15 euros.

Cette somme dépasse 12 mois d’appointements, de telle sorte que la base de l’indemnité est ramenée à 12 mois, soit 98 657, 52 euros.

A cette somme, s’ajoute la majoration qui se présente comme suit :

– 50 % de 88 791, 77 euros = 44 395, 88 euros.

En conséquence, l’indemnité conventionnelle de licenciement due s’élève à la somme de 143 053, 40 euros nets.

Monsieur [R] [J] ayant perçu la somme de 98 830 euros, le solde dû est de 44 223, 40 euros nets.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé sur le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

IV. Sur la résiliation judiciaire du contrat, et la nullité du licenciement

La demande de résiliation judiciaire ne peut aboutir dès lors que le salarié a été licencié avant que les premiers juges n’aient eu à statuer.

Toutefois, les juges doivent rechercher si la demande était justifiée, et si c’est le cas, la rupture est prononcée, aux torts de l’employeur, à la date d’envoi de la lettre de licenciement et produit, s’agissant d’un salarié protégé (médecin du travail), les effets d’un licenciement nul.

En l’espèce, Monsieur [R] [J] soutient, comme manquements de l’employeur, justifiant sa demande de nullité du licenciement :

– le salaire n’aurait pas été versé depuis mars 2019,

– son salaire de la journée du 3 juillet 2018 n’aurait pas été versé,

– l’employeur a maintenu le salaire de Monsieur [J] en déduisant l’indemnité journalière de sécurité sociale,

– les congés payés n’ont plus été alimentés pendant la période de maintien de salaire,

– l’employeur l’aurait menacé d’épuiser ses congés payés alors qu’il était en inaptitude,

– l’employeur l’a convoqué à une nouvelle visite médicale de reprise alors qu’il n’était plus en arrêt et que l’inaptitude avait été constatée,

– l’employeur aurait sali sa réputation en l’accusant de profiter de la situation.

– l’employeur n’aurait jamais pris en compte les demandes d’aménagement de postes préconisées par le Dr [M].

S’agissant du défaut de paiement des salaires, comme relevé par les premiers juges, si l’employeur a tardé à respecter son obligation légale, en exécution de l’article L 1226-4 (ou L 1226-11, en cas d’inaptitude d’origine professionnelle), avant licenciement, ce retard n’est pas, en l’espèce, d’une gravité telle qu’elle rendait impossible le maintien des relations contractuelles, alors que l’employeur a repris le paiement des salaires, hors congés payés, le jour même du dépôt de la requête aux fins de résiliation judiciaire (31 mai 2019), et avant que l’employeur n’ait connaissance de cette requête ; la Cour relève, néanmoins, que la prétention soumise aux premiers juges, n’était pas une prise d’acte à requalifier, contrairement à ce qui est précisé dans les motifs du jugement, mais une demande de résiliation judiciaire.

S’agissant de la déduction des indemnités journalières, cette dernière avait été prévue par le Conseil de prud’hommes statuant en la forme des référés, de telle sorte que l’employeur a pu être induit en erreur.

S’agissant des congés payés, le manquement n’apparaît pas suffisamment grave, alors que, par ailleurs, la complexité des dispositions, mises en place par le législateur, a pu induire en erreur l’employeur pensant ne pas être tenu au paiement de congés payés en raison de l’absence de reconnaissance, par la Cpam du dernier arrêt de travail, avant déclaration d’inaptitude, comme rechute de l’accident du travail du 5 octobre 2015.

S’agissant de la journée du 3 juillet 2018, il s’agit du jour de la déclaration d’inaptitude.

Selon l’employeur, la visite médicale a eu lieu de 11 h à 12 h 05. Il n’est pas établi qu’en dehors de ce temps, Monsieur [R] [J] ait travaillé ou se soit tenu à la disposition de son employeur.

Le défaut de paiement de ce temps ne constitue pas un manquement suffisamment grave justifiant l’absence de maintien des relations contractuelles.

Sur l’épuisement des congés payés acquis, l’employeur n’a pas procédé à un tel épuisement et l’éventuelle menace ne constitue pas un manquement suffisamment grave.

Il en est de même de la convocation de Monsieur [J], à la demande de l’employeur, à une visite médicale de reprise le 7 mai 2019.

Monsieur [R] [J] reproche, par ailleurs, indirectement à l’employeur d’avoir user de la possibilité de contester l’avis d’inaptitude du 3 juillet 2019. Toutefois, Monsieur [R] [J] ne démontre aucun abus dans l’exercice d’un droit d’ester en justice de son employeur.

Enfin, Monsieur [R] [J] ne précise pas qu’elles auraient été les préconisations, du médecin du travail, le Dr [M], dont il n’aurait pas été tenu compte par l’employeur.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [R] [J] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur, et la Cour ajoutant au jugement, déboutera Monsieur [R] [J] de sa demande, nouvelle, de dommages et intérêts pour licenciement nul, Monsieur [R] [J] demandant, en premier ressort, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

V. Sur la demande subsidiaire d’indemnité de préavis et sur l’origine professionnelle de l’inaptitude

En application de la loi des 16-24 août 1790 et l’article L 1226-14 du code du travail, si le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé, apprécier la régularité de la procédure d’inaptitude, le respect par l’employeur de son obligation de reclassement et le caractère réel et sérieux du licenciement, il demeure compétent, sans porter atteinte à ce principe, pour rechercher si l’inaptitude du salarié avait ou non une origine professionnelle et accorder, dans l’affirmative, les indemnités spéciales prévues à l’article L 1226-14 du code du travail (Cass. Soc. 11 septembre 2019 n°17-31.321, 18-14.971).

En application de l’article 4 de l’annexe réglant les dispositions particulières aux cadres de la conventions collective nationale du 20 juillet 1976, le préavis, pour les cadres, est d’une durée de 3 mois.

L’inaptitude est d’origine professionnelle lorsqu’elle a, même partiellement, pour origine, un accident du travail ou une maladie professionnelle, et le Conseil de prud’hommes n’est pas lié par la décision de la Cpam concernant l’origine de l’inaptitude.

Or, selon le rapport d’expertise du Dr [X], médecin inspecteur régional du travail, désigné par le Conseil de prud’hommes dans le cadre de la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude :

– depuis 2002, Monsieur [J] a eu plusieurs accidents du travail qui ont affecté profondément son état de santé, comme l’a notifié le Dr [K], dans son expertise du 14 novembre 2016 à la demande de la Cpam,

– l’accident du travail du 5 octobre 2015, reconnu par la Cpam, a considérablement aggravé l’état de santé de Monsieur [J],

– la gravité de l’état de santé de Monsieur [J] est attestée par plusieurs médecins, généralistes et spécialistes et par des médecins experts (certificats médicaux présents dans le dossier médical à partir de 2016), de telle sorte que cette gravité est indéniable.

L’accident du travail du 5 octobre 2015 est décrit comme suit : Malaise survenu suite à des visites professionnelles : consultation de salariés-hospitalisation-urgence-rédaction d’avis d’inaptitude.

Cet accident du travail fait suite à 4 accidents du travail antérieurs :

– accident du 19 août 2002 : agression d’un salarié,

– accident du 27 juin 2011 (sur lequel l’expert ne donne aucune précision),

– accident du 5 juin 2012 : la victime a trébuché en regagnant à pied le parking où était garée sa voiture, avec rechute d’accident du travail.

Il en résulte que l’avis d’inaptitude de Monsieur [J], établi initialement par le Dr [M], était justifié, de telle sorte que l’argument de l’employeur d’une collusion frauduleuse, entre le Dr [M] et le Dr [J] avec délivrance d’un avis d’inaptitude de complaisance, est contredit par l’expert.

Par ailleurs, cette inaptitude fait suite, pour partie, à des accidents du travail, et a donc une origine professionnelle.

En conséquence, Monsieur [R] [J] est en droit de solliciter une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis.

Infirmant le jugement entrepris sur la demande subsidiaire, la Cour condamnera l’Association Alsace Santé au Travail à payer à Monsieur [R] [J] la somme de 24 170, 03 euros au titre de l’indemnité précitée.

VI. Sur les demandes annexes

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant pour l’essentiel, l’Association Alsace Santé au Travail sera condamnée aux dépens d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, l’Association Alsace Santé au Travail sera condamnée à payer à Monsieur [R] [J] la somme de 1 500 euros.

La demande, de l’Association Alsace Santé au Travail, à ce titre, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement du 19 octobre 2021 du Conseil de prud’hommes de Strasbourg SAUF :

– en ses dispositions relatives au solde d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– sur le rejet de la demande d’indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

CONDAMNE l’Association Alsace Santé au Travail à payer à Monsieur [R] [J] la somme de 44 223, 40 euros nets (quarante quatre mille deux cent vingt trois euros et quarante centimes), à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

DEBOUTE Monsieur [R] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

DIT que l’inaptitude de Monsieur [R] [J] a une origine professionnelle ;

CONDAMNE l’Association Alsace Santé au Travail à payer à Monsieur [R] [J] la somme de 24 170, 03 euros bruts (vingt quatre mille cent soixante et onze euros et trois centimes) au titre de l’indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis ;

CONDAMNE l’Association Alsace Santé au Travail à payer Monsieur [R] [J] la somme de 1 500 euros (mille cinq euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE l’Association Alsace Santé au Travail de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’Association Alsace Santé au Travail aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,