Travail dissimulé : 24 juillet 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00061

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Travail dissimulé : 24 juillet 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00061
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Arrêt n° 23/00235

24 Juillet 2023

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N° RG 22/00061 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FUY5

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

15 Décembre 2021

17/00385

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 – Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt quatre Juillet deux mille vingt trois

APPELANT :

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 6]

représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

Madame [O] [F]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par l’association [7], prise en la personne de Mme [A] [C], salariée de l’association munie d’un pouvoir spécial

Société [8]- ME [P] [J]- MANDATAIRE AD LITEM

[Adresse 2]

[Localité 4]

non présente, non représentée

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 3]

représentée par M. [Y], muni d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carole PAUTREL, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Amarale JANEIRO, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation du 12.06.2023

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Carole PAUTREL, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Né le 22 janvier 1954, Monsieur [T] [F] a été employé par la société [8] en qualité de:

– monteur du 8 mai 1972 au 25 octobre 1974;

– monteur soudeur du 2 mai 1979 au 30 novembre 1982;

– chef soudeur du 1er décembre 1982 au 1er mars 1985.

Il a déclaré une maladie professionnelle inscrite au tableau 30E à l’appui d’un certificat médical initial en date du 11 août 2011.

Le 4 décembre 2012, la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle (ci-après la caisse ou CPAM) a informé Monsieur [F] de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles relatif aux affections consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante.

Le 20 juin 2013, la caisse a fixé le taux d’incapacité permanente de Monsieur [F] à 80% et lui a attribué une rente mensuelle d’un montant de 1 397,53 euros à compter du 12 août 2011 (soit au lendemain de la consolidation). Suite à l’aggravation de son état , son taux d’incapacité permanente a été porte à 100 % à compter du 2 juillet 2014.

Le 21 mars 2013 Monsieur [F] a introduit une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle.

Parallèlement, Monsieur [F] a saisi le FIVA d’une demande d’indemnisation de ses préjudices personnels et a accepté les offres suivantes du Fonds :

réparation du préjudice moral : 88 900 euros ;

réparation du préjudice physique : 30 000 euros ;

réparation du préjudice d’agrément : 30 000 euros;

réparation du préjudice esthétique : 3 000 euros.

réparation du préjudice d’incapacité fonctionnelle : 100 874,48€.

Monsieur [F] est décédé le 16 octobre 2014.

Le FIVA , saisi par les ayants droit,le 29 juillet 2015 et le 6 janvier 2016 d’une demande d’indemnisation de leurs préjudices moraux , les a indemnisés de la façon suivante:

Mme [Z] [E] (mère) : 12 000 euros;

Mme [O] [F] : 32 600 euros;

-M.[R] [F] (enfant) : 8 700 euros ;

M.[W] [F] (enfant) : 8 700 euros;

Mlle [I] [F] (petit enfant) : 3 300 euros;

Mlle [S] [F] (petit enfant) : 3 300 euros.

L’instance en faute inexcusable a été reprise par Madame [O] [F], veuve de M. [T] [F] .

Maître [P] [J], mandataire judiciaire, désigné par ordonnance du juge du tribunal de grande instance de Sarreguemines du 13 octobre 2017 en qualité de mandataire ad litem de la société [8] dont la clôture de la liquidation judiciaire était intervenue le 19 décembre 2014, a été mis en cause

La SAS [8] a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, clôturée le 19 décembre 2013, et que Maître [J], mandataire judiciaire a été désigné en qualité de mandataire ad litem, par ordonnance du TGI de Sarreguemines en date du 13 octobre 2017, ce derenier ayant été attrait dans la procédure.

Par ailleurs, la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle a également été mise en cause.

Par jugement du 15 décembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :

– déclaré le jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle ;

– déclaré recevable le recours de Madame [O] [F] ;

– dit que la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [T] [F] et inscrite au tableau n°30 des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de son employeur la SAS [8];

– ordonné la majoration à son maximum de la rente allouée à Madame [F] dans les conditions prévues à l’article L. 452-2 alinéa 3 du Code de la Sécurité sociale ;

– dit que cette majoration sera versée par la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle ;

– ordonné l’octroi à Mme [F] de l’indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation dans les conditions prévues par l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale;

– dit que cette indemnité sera versée par la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle ;

– fixé l’indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [T] [F] résultant de sa maladie professionnelle inscrite au tableau 30 aux sommes de :

25 000 euros au titre des souffrances morales,

20 000 euros au titre des souffrances physiques,

2 000 euros au titre du préjudice d’agrément,

– rejeté la demande au titre du préjudice esthétique;

– fixé l’indemnisation des préjudices moraux des ayant droits de M. [F] de la façon suivante:

Mme [Z] [E] (mère) : 12 000 euros;

Mme [O] [F] : 32 600 euros;

M.[R] [F] (enfant) : 8 700 euros ;

M. [W] [F] (enfant) : 8 700 euros;

Mlle [I] [F] (petit enfant) : 3 300 euros;

Mlle [S] [F] (petit enfant): 3 300 euros.

– dit que ces sommes seront versées par la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle au FIVA;

– rappelé que la Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle est fondée à exercer son action récursoire contre la SAS [8];

– condamné la SAS [8] à rembourser à la Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle l’ensemble des sommes, en principal et intérêts, qu’elle sera tenue d’avancer sur le fondement des articles L.452-1 a L.452-3 du Code de la Sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de Monsieur [F];

– condamné la SAS [8] aux entiers frais et dépens de la procédure;

– condamné la SAS [8] à verser au FIVA la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamné la SAS [8] à verser à Mme [O] [F] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par acte remis au greffe le 4 janvier 2022, le FIVA a interjeté appel partiel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR du 22 décembre 2021.

Par ordonnance du 1er février 2023, le Président du pôle social rectifiait ledit jugement en ce que l’indemnité forfaitaire était versée au FIVA, subrogé dans les droits des ayant-droits de feu Monsieur [F] et non à Madame [F].

Par conclusions datées du 16 décembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour de :

– déclarer le FIVA recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

– réformer le jugemlent, en ce qu’il a :

.fixé l’indemnisation des préjudices personnels de monsieur [T] [F], résultant de sa maladie professionnelle inscrite au tableau n°30 aux sommes de : 25 000 euros au titre des souffrances morales, 20 000 euros au titre des souffrances physiques, 2000 euros au titre du préjudice d’agrément,

. rejeté la demande au titre du préjudice esthétique

Et, statuant à nouveau sur ce point,

– fixer l’indemnisation des préjudices personnels de M. [F] comme suit :

Souffrances morales 88 900.00 euros

Souffrances physiques 30 000.00 euros

Préjudice d’agrément 30 000.00 euros

Préjudice esthétique 3 000.00 €

TOTAL 151 900.00 €

– juger que la CPAM de Moselle devra verser ces sommes au FIVA, créancier subrogé, en application de l’article L452-3 alinéa 3, du Code de la sécurité sociale, soit un total de 151900,00 euros;

– condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du Code de procédure civile.

Par conclusions datées du 9 mars 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de :

– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux subis par Monsieur [F].

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société [8] à rembourser à la caisse les sommes en principal et intérêts qu’elle sera tenue de verser en application des dispositions des articles L.452-1 à L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale.

Madame [O] [F], représentée par l’association [7] n’a pas formé de conclusions.

Maître [P] [J], mandataire judiciaire, es-qualité de mandataire ad litem de la société [8], n’a pas comparu, quoique régulièrement convoqué par LRAR reçue le 11 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, ainsi qu’aux pièces déposées par elles.

SUR CE,

Il sera rappelé que l’appel est limité à la réparation sollicité par le FIVA , créancier subrogé dans les droits de la victime qu’il a indemnisée, concernant les souffrances physiques et morales endurées ainsi que les préjudices esthétique et d’agrément subis par Monsieur [T] [F].

SUR LES PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX DE MONSIEUR [F]

Le FIVA sollicite l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux subis par Monsieur [F] aux sommes suivantes : souffrances morales 88 900.00 euros,souffrances physiques 30 000.00 euros, préjudice d’agrément 30 000.00 euros et préjudice esthétique 3 000.00 euros.

Il fait valoir qu’avant de décéder, Monsieur [F] a subi d’importantes souffrances physiques du fait des interventions chirurgicales, radiothérapies et chimiothérapies subies. Le FIVA soutient par ailleurs l’existence d’un préjudice moral caractérisé par la spécificité de la situation des victimes de l’amiante, amenées à constater le développement de la maladie et son évolution, ainsi qu’un préjudice esthétique important du fait d’un amaigrissement considérable et d’un appareillage en oxygénothérapie pendant plusieurs semaines avant son décès. Enfin, le FIVA sollicite un préjudice d’agrément dès lors que Monsieur [F] ne pouvait plus s’adonner à ses activités de loisir habituelles.

La caisse s’en rapporte à l’appréciation de la cour.

************************

Il résulte de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale qu’« indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. […] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur. »

Les dispositions de cet article, telle qu’interprétée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, ne font pas obstacle à ce qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur et indépendamment de la majoration de rente servie à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, celle-ci puisse demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé, mais aussi de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Sur les souffrances physiques et morales

Il ressort du certificat médical initial du 11 août 2011 que Monsieur [F], alors âgé de 57 ans, présentait un fibrosarcome de grade 1 initialement pleural avec envahissement costal depuis 2006, puis avec nodules pleuraux témoins de métastases du sarcome en 2008, puis tumeur apicale gauche en 2009, avec progression tumorale (pièce n°1 du FIVA). Les pièces médicales produites établissent qu’il a subi des souffrances physiques importantes liées à une intervention chirurgicale, de lourds traitements (chimiothérapie puis radiothérapie) et à la dégradation globale de son état avec aggravation de la dyspnée et la perte de capacité respiratoire et un important déficit moteur avec impossibilité à la marche (pièces n°21 à 23 du FIVA).

Les souffrances physiques décrites justifient l’allocation d’une somme de 30000 euros de dommages intérêts.

S’agissant des souffrances morales endurées par Monsieur [F] résultant de la dégradation progressive de son état de santé et de l’angoisse liée au fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’amiante et de son évolution vers une issue potentiellement mortelle, elles seront réparées par l’allocation d’une somme de 70 000 euros de dommages-intérêts.

Sur le préjudice esthétique

Le préjudice esthétique correspond à une altération de l’apparence physique de la victime.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur [F] a subi, avant son décès, des traitements lourds qui ont altéré son image (pâleur, asthénie). Est notée également une déformation thoracique ( cf pièce n° 23 du FIVA)

En conséquence, la cour fixe à la somme de 2000 euros le préjudice esthétique subi par Monsieur [F] avant son décès.

Sur le préjudice d’agrément

L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.

En l’espèce, force est de constater que le FIVA ne rapporte pas la preuve de la pratique régulière par Monsieur [F] antérieurement à sa maladie professionnelle d’une activité spécifique sportive ou de loisir, quelle qu’elle soit.

La demande présentée par le FIVA au titre du préjudice d’agrément sera ainsi rejetée.

C’est donc en définitive une somme totale de 102000 euros que la caisse devra verser au FIVA, créancier subrogé, au titre des préjudices extrapatrimoniaux subis par Monsieur [F].

Sur les dépens

L’issue du litige conduit la cour à condamner la société [8] aux dépens d’appel et à confirmer

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans la limite de sa saisine, sur l’appel partiel du FIVA,

INFIRME le jugement entrepris du 15 décembre 2021 du Pôle social du Tribunal judiciaire de Metz rectifié par ordonnance du 1er février 2023 de son président, en ce qu’il a fixé à la somme de 25000 euros les souffrances morales endurées, à la somme de 20 000 euros les souffrances physiques endurées et à la somme de 2000 euros le préjudice d’agrément, et en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation du FIVA présentée au titre du préjudice esthétique enduré par Monsieur [T] [F].

En conséquence, statuant à nouveau sur ces points,

FIXE l’indemnité réparant le préjudice moral subi par Monsieur [F] à la somme de 70 000 euros.

FIXE l’indemnité réparant le préjudice physique subi par Monsieur [F] à la somme de

30 000 euros.

FIXE l’indemnité réparant le préjudice esthétique subi par Monsieur [F] à la somme de 2000 euros.

DEBOUTE le FIVA de sa demande formée au titre du préjudice d’agrément subi par Monsieur [T] [F] .

DIT que la CPAM de Moselle devra verser ces sommes au FIVA, créancier subrogé

CONSTATE que la cour n’est pas saisie des autres dispositions du jugement entrepris .

CONDAMNE la société [8] aux dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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