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Le déraillement a eu lieu le vendredi 27 mai 2016 à 18heures 30. Un ‘relevé de constatations immédiates’ a été rédigé par un préposé de la SNCF en présence d’un représentant de la société ECR. Il a été constaté que le 17ème wagon a déraillé, et que le 18ème wagon s’est décroché. L’attelage du 18ème wagon a été décrit comme ‘pendant’ mais sans signe de rupture. Il a été constaté que les traces du déraillement s’étendent sur environ 1.100 mètres.
Les mesures conservatoires suivantes ont été prises: les wagons 1 à 16 devaient être tractés à [Localité 13], les quatre derniers wagons restaient sur place avant d’être déplacés le lendemain. ECR, qui prétend avoir obtenu au préalable l’accord de la SNCF, a fait conduire tous les wagons sur le site de la société SANDERS, où ils ont été déchargés, ce que lui reproche la société SNCF RESEAU.
M. [I] a été désigné pour une mission d’expertise classique, de recherche des causes du déraillement et d’évaluation des préjudices en étant découlés. Au fil de ses opérations, qui se sont déroulées au contradictoire de toutes les parties présentes devant la Cour, il a rédigé plusieurs documents, qui témoignent de l’évolution de ses analyses et reprennent des interrogations constantes.
La Cour a conclu que la responsabilité de la société SANDERS BRETAGNE n’était pas démontrée et n’était donc pas retenue. En revanche, les sociétés SNCF RESEAU et ECR ont été jugées responsables du sinistre en raison de leur légèreté dans la prise de mesures nécessaires pour procéder à toutes les constatations utiles.
Le ‘Contrat d’Utilisation de l’Infrastructure du Réseau Ferré National’ régit les relations entre les sociétés SNCF RESEAU et ECR. La responsabilité de la société ECR a été partiellement exonérée en raison de la faute de la société SNCF RESEAU.
Les différentes parties ont réclamé des indemnisations pour les préjudices subis. La Cour a statué sur chaque demande et a fixé les montants des dommages et intérêts à verser par les parties responsables.
Les sociétés SNCF RESEAU et ECR ont été condamnées aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement de frais irrépétibles à différentes parties. Des sommes ont été fixées à titre d’indemnisation pour les frais de procédure.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°567
N° RG 21/00948 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RK56
S.A. SNCF RESEAU
SANDERS BRETAGNE
C/
S.A. SNCF RESEAU
S.A.S. EURO CARGO RAIL
S.A.S. MILLET
S.C.A. SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE ‘LE GOUESSANT’
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me VERRANDO
Me DEMIDOFF X2
Me BOURGES
Me DEPASSE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 Octobre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTES :
SNCF RESEAU SA inscrite au RCS de [Localité 11] sous le numéro 412 280 737, représentée par son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Alain DE BELENET de la SELARL LEXCASE SOCIETE D’AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
SANDERS BRETAGNE SAS inscrite au registre de commerce et des sociétés de Lorient sous le numéro B 339 304 727 prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 12]
[Localité 5]
Représentée par Me Patrick MOUREU de la SELARL MOUREU & associés, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
SANDERS BRETAGNE SAS inscrite au registre de commerce et des sociétés de Lorient sous le numéro B 339 304 727 prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 12]
[Localité 5]
Représentée par Me Patrick MOUREU de la SELARL MOUREU & associés, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail, , immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 480 890 656, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège
[Adresse 10]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Gildas ROSTAIN du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
MILLET SAS inscrite au registre de commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 353 644 149, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par l’AARPI JOBIN – GRANGIE – Avocats Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE ‘LE GOUESSANT’, immatriculée au RCS de Saint-Brieuc sous le numéro 777 379 843, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 16]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-Pierre DEPASSE de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
La société Euro Cargo Rail (ci-après ECR) est une entreprise ferroviaire de transport de marchandises. Dans le cadre de cette activité, elle fait notamment circuler ses trains sur la ligne ferroviaire [Localité 9]-[Localité 13] gérée par SNCF Réseau afin d’assurer l’approvisionnement de sociétés implantées localement.
La société MILLET loue des wagons, notamment à la société ECR.
La société SANDERS BRETAGNE est spécialisée dans la fabrication d’aliments pour animaux de ferme.
Elle dispose d’un site d’exploitation à ST GERAND, et en vertu d’une convention passée avec la SNCF, ce site est raccordé au réseau ferroviaire public par une portion de voie ferrée à usage privatif (dénommée Installation Terminale Embranchée ITE).
La société COOPERATIVE LE GOUESSANT dispose d’un site de stockage à ST GERAND, à proximité du site SANDERS BRETAGNE et desservi par la même ITE.
Elle a aussi conclu avec la société ECR un contrat de transport ferroviaire de marchandises le 07 octobre 2010, à effet du 1er juillet 2011, pour une durée de cinq années.
La ligne ferroviaire [Localité 9]-[Localité 13] est dédiée aux trains de marchandises et dessert notamment les sites des sociétés Sanders Bretagne et Le Gouessant implantées à [Localité 15], à proximité immédiate de [Localité 13], grâce à l’ITE.
Le 27 mai 2016, le train ECR n°534061, assurait la traction d’un convoi ferroviaire de 22 wagons de blé parti le 24 mai 2016 de [Localité 14] à destination du site de Sanders Bretagne à [Localité 13] lorsqu’il a déraillé au niveau du 17 ème wagon (n°076 4219-9), au point kilométrique 630,930, à quelques kilomètres de l’usine Sanders.
La marchandise appartenait à la société SANDERS, qui avait conclu un contrat de transport avec la société ECR, aux termes duquel cette dernière a mis à sa disposition, avant le transport, les wagons.
Ceux-ci ont été chargés par un prestataire de la société SANDERS.
Les wagons avaient été loués par la société ECR à la société MILLET.
Le 17ème wagon a déraillé, bogie de queue, aux environs du km 630+930 puis le 18ème wagon s’est décroché aux environs du km 632+400, ce qui a provoqué la rupture de la canalisation d’air comprimée (usuellement dénommée CG pour conduite générale) entraînant le freinage du convoi puis son arrêt. L’attelage du 18ème wagon est pendant mais sans signe de rupture.
Après relevage, les deux wagons ont été conduits à faible vitesse chez Sanders, avec l’accord de SNCF Réseau qui a autorisé un rapatriement à moins de 10 km/h à [Localité 13], l’accès à la section de ligne donnant accès au site de la société Sanders s’étant fait avec l’accord de l’agent circulation SNCF d'[Localité 9], conformément à la procédure d’exploitation de cette ligne à voie unique.
Le blé transporté devait pouvoir être stocké dans des locaux adaptés afin de ne pas être détérioré.
La desserte ITE a été bloquée durant plusieurs jours.
Un constat d’huissier a été réalisé le 30 mai 2016 à la demande de la société ECR au contradictoire de SNCF Réseau.
Ensuite SNCF réseau a saisi à deux reprises le Tribunal administratif de Rennes aux fins de voir désigner un expert avec pour mission de procéder aux constats sur le matériel roulant et l’infrastructure et se prononcer sur la ou les causes possibles du déraillement.
Par une première ordonnance du 16 juin 2016, le Tribunal Administratif de Rennes a désigné Monsieur [I] en qualité d’Expert Judiciaire. Ses investigations étaient menées au contradictoire de Sanders Bretagne, chargeur, Millet, propriétaire des wagons déraillés et ECR. Le Gouessant est intervenu à la procédure.
L’Expert Judiciaire a rendu son rapport de constat le 12 novembre 2016.
SNCF Réseau a sollicité du Tribunal Administratif de Rennes un complément de mission validé par ordonnance du 1er décembre 2016. Les investigations de Monsieur [I] ont été menées au contradictoire de la concluante, de SNCF Réseau, de Millet, de Le Gouessant et de Sanders Bretagne.
Entre décembre 2016 et juillet 2018, l’expert judiciaire a organisé 3 réunions d’expertise, diffusé 23 notes et répondu à de nombreux dires diffusés par les parties.
Le document de synthèse du 26 juillet 2018 décrit les investigations diligentées afin de comprendre les causes du déraillement et consigne les conclusions de l’expert sur les causes du déraillement et les préjudices.
Un dernier rapport d’expertise judiciaire a été déposé par Monsieur [I] le 28 février 2019.
Par acte en date du 13 décembre 2016, la société Le Gouessant a assigné la société ECR pour demander sa condamnation à lui régler la somme de 213.142,00 euros ramenée ultérieurement à la somme de 156.505,00 euros au titre des surcoûts générés par l’approvisionnement de son exploitation par route.
Par actes en date des 23, 26 et 27 décembre 2016, la société ECR a dénoncé la procédure engagée par Le Gouessant et assigné en intervention forcée les sociétés SNCF Réseau, Millet SAS et Sanders Bretagne.
Par acte en date du 10 mai 2017, la société Sanders a assigné à son tour les sociétés SNCF Réseau, ECR, et Millet aux fins de les voir condamnées à l’indemniser de son préjudice évalué à la somme de 72.190,00 euros.
La société Millet a formulé une demande reconventionnelle contre la société ECR au titre des dommages subis par ses wagons, valorisée à la somme de 56.265,32 euros selon conclusions régularisées à l’audience du 19 juin 2019.
Les affaires ont été jointes et SNCF Réseau a soulevé l’incompétence rationae materiae de la juridiction judiciaire pour connaître des demandes de la société Millet dirigées à son encontre.
Par jugement du 18 septembre 2019, le Tribunal de Commerce de Lorient a, au visa de l’article 31 du Code de Procédure Civile, dit SNCF Réseau irrecevable en son exception d’incompétence et renvoyé la cause à la mise en état.
Par jugement du 25 janvier 2021, le tribunal de commerce de Lorient a:
-dit que Ies sociétés EURO CARGO RAIL, SNCF RESEAU et SANDERS BRETAGNE sont pleinement responsables du déraillement du 27 mai 2016, tant collégialement qu’individuellement;
En conséquence,
– condamné la société EURO CARGO RAIL à payer à la SOCIETE COOPERATIVE LE GOUESSANT la somme de 156.505 € à titre de dommage et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2016;
– condamné la société EURO CARGO RAIL à payer à la société MILLET SAS la somme de 56.265,32 € à titre de dommages et intérêts ;
– débouté la société SANDERS BRETAGNE de sa demande en réparation in solidum de son préjudice de 66.345 € formée à l’encontre des sociétés EURO CARGO RAIL et SNCF RESEAU ;
– débouté la société SNCF RESEAU de sa demande en réparation in solidum de son préjudice de 476.332,14 € formée à l’encontre des sociétés EURO CARGO RAIL et SANDERS BRETAGNE ;
– débouté la société EURO CARGO RAIL de sa demande en réparation in solidum de son préjudice de 50.988,14 € formée à l’encontre des sociétés SANDERS BRETAGNE et SNCF RESEAU ;
– condamné la société SANDERS BRETAGNE à payer à la société EURO CARGO RAIL la somme de 70.923,44 € de dommages et intérêts au titre de la garantie des condamnations supportées par la société EURO CARGO RAIL;
– condamné SNCF RESEAU à payer à ECR la somme de 70.923,44 € de dommages et intérêts au titre de la garantie des condamnations supportées par Ia société EURO CARGO RAIL;
– condamné la société EURO CARGO RAIL à payer à la SOCIETE COOPERATIVE LE GOUESSANT une somme de 6.000 € au titre de l’articIe 700 du code de procédure civile;
– condamné la société EURO CARGO RAIL à payer à la société MILLET SAS une somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– débouté les sociétés EURO CARGO RAIL, SNCF RESEAU et SANDERS BRETAGNE de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– ordonné l’exécution provisoire;
– condamné les sociétés ECR, SNCF RESEAU et SANDERS à raison d’un tiers chacun, aux entiers dépens de I’instance comprenant notamment Ies frais d’expertise judiciaire avancés par la société SNCF RESEAU d’un montant de 80.144,84 €, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 136,58 € TTC;
Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute ;
Les sociétés SANDERS BRETAGNE et SNCF RESEAU sont appelantes à titre principal du jugement.
Par conclusions du 17 février 2022, la société COOPERATIVE LE GOUESSANT a demandé que la Cour:
– confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de Lorient du 25 janvier 2021 ;
– dise que l’inexécution contractuelle de la société EURO CARGO RAIL a bien causé un préjudice à la Coopérative LE GOUESSANT à hauteur de 156.505 euros HT ;
– condamne la société EURO CARGO RAIL à payer la somme de 156.505 euros HT sauf à parfaire avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2016 ;
– condamne la société EURO CARGO RAIL au paiement d’une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile qui s’ajouteront à la somme de 6.000 euros allouée par le Tribunal de Commerce de Lorient en première instance ;
– condamne la société EURO CARGO RAIL aux dépens de première instance et d’appel ;
Par conclusions du 12 septembre 2022, la société SANDERS BRETAGNE a demandé que la Cour:
– déclare la Société SANDERS BRETAGNE recevable et fondée en son appel, et en toutes ses contestations et demande, et y faisant droit,
– constate que c’est à tort et de façon incohérente que le Tribunal de Commerce de Lorient a jugé SANDERS BRETAGNE responsable du déraillement tant collégialement avec SNCF RESEAU et ECR (nouvellement DB CARGO FRANCE), qu’individuellement.
– constate qu’il n’existe aucune preuve d’une faute de SANDERS BRETAGNE et d’un lien de causalité de cette faute avec le déraillement.
– constate que DB CARGO FRANCE (anciennement EURO CARGO RAIL) engage sa responsabilité contractuelle envers SANDERS BRETAGNE.
– constate que SNCF RESEAU engage sa responsabilité contractuelle envers SANDERS BRETAGNE
– constate que SANDERS BRETAGNE a subi un préjudice de 66.345 € à raison du déraillement.
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la responsabilité collégiale et individuelle de SANDERS BRETAGNE aux côtés de DB CARGO FRANCE (anciennement EURO CARGO RAIL) et SNCF RESEAU dans le déraillement.
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la condamnation de SANDERS BRETAGNE à payer à EURO CARGO RAIL (nouvellement DB CARGO FRANCE) la somme de 70923,44 € au titre de la garantie d’un tiers des condamnations supportées par la Société EURO CARGO RAIL (nouvellement DB CARGO FRANCE).
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté SANDERS de sa demande de condamnation de DB CARGO FRANCE (anciennement EURO CARGO RAIL) à lui payer la somme de 66.345 € en réparation de son préjudice.
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté SANDERS de sa demande de condamnation de SNCF RESEAU à payer la somme de 66.345 € en réparation de son préjudice.
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté SANDERS de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du CPC.
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné SANDERS BRETAGNE à supporter les dépens comprenant les frais d’expertise.
– confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté SNCF RESEAU et DB CARGO FRANCE (anciennement EURO CARGO RAIL) de leurs demandes de réparation de leurs propres préjudices à l’encontre de SANDERS.
– condamne DB CARGO FRANCE (anciennement EURO CARGO RAIL) à payer à la Société SANDERS BRETAGNE la somme de 66.345 €, assorti des intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
– à titre subsidiaire constate que SNCF RESEAU engage sa responsabilité délictuelle envers SANDERS BRETAGNE
– condamne in solidum DB CARGO FRANCE (anciennement EURO CARGO RAIL) et SNCF RESEAU, ou l’une qui le devra mieux que l’autre, à payer à la Société SANDERS BRETAGNE la somme de 66.345 €, assorti des intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
– en tout état de cause, condamne DB CARGO FRANCE (anciennement EURO CARGO RAIL) à payer à la Société SANDERS BRETAGNE la somme de 66.345 €, assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
– condamne in solidum DB CARGO FRANCE (anciennement EURO CARGO RAIL) et SNCF RESEAU, ou l’une qui le devra mieux que l’autre, à payer à SANDERS BRETAGNE la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– déboute SNCF RESEAU et DB CARGO FRANCE (anciennement EURO CARGO RAIL) et toute partie à la présente procédure de toutes leurs demandes, fins et conclusions, à l’encontre de SANDERS BRETAGNE.
Par conclusions du 27 Octobre 2021, la SAS MILLET a demandé que la Cour:
– déboute la société SNCF RESEAU de son appel contre la société MILLET SAS ;
– confirme le jugement en ce qu’il a condamné la société EURO CARGO RAIL à payer à la société MILLET SAS la somme de 56.265,32€ à titre de dommages et intérêts ;
– confirme le jugement en ce qu’il a condamné la société EURO CARGO RAIL à payer à la société MILLET SAS la somme de 6.000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– condamne celui ou celle qui succombera devant la Cour à payer à la société MILLET SAS la somme de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles, mis en ‘uvre devant la Cour ; – condamne celui ou celle qui succombera aux entiers dépens de l’appel et dise que ceux-ci pourront être recouvrés par Maître [N] [J] pour ceux dont il aura fait l’avance sur le fondement de l’article 699 du Code de Procédure Civile ;
Par conclusions du 23 août 2022, la société SNCF RESEAU a demandé que la Cour:
– déclare la Société SNCF RESEAU recevable et fondée en son appel tant principal qu’incident, et en toutes ses contestations et demandes, et y faisant droit,
– infirme le jugement sur tous les chefs critiqués et particulièrement en ce qu’il :
– Dit que la société SNCF RESEAU est pleinement responsable du déraillement du 27 mai 2016, tant collégialement [aux côtés des sociétés EURO CARGO RAIL et SANDERS BRETAGNE] qu’individuellement ;
– Déboute la société SNCF RESEAU de sa demande en réparation in solidum de son préjudice de 476.332,14 € formée à l’encontre des sociétés EURO CARGO RAIL et SANDERS BRETAGNE ;
– Condamne SNCF RESEAU à payer à [la société EURO CARGO RAIL] ECR la somme de 70.923,44 € de dommages et intérêts au titre de la garantie des condamnations supportées par la société EURO CARGO RAIL ;
– Déboute la société SNCF RESEAU de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne les sociétés ECR, SNCF RESEAU et SANDERS à raison d’un tiers chacun, aux entiers dépens de l’instance comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire avancés par la société SNCF RESEAU d’un montant de 80.144,84 €, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 136,58 € TTC ;
– Dit toutes autres demandes, fins et conclusions de SNCF RESEAU injustifiées et en tout cas mal fondées, l’en déboute ;
Et statuant à nouveau :
– constate que c’est à tort et de façon incohérente que le Tribunal de commerce de Lorient a jugé SNCF Réseau responsable du déraillement tant collégialement avec ECR (DB Cargo France) et Sanders qu’individuellement ;
– constate que les causes du déraillement sont constituées, prioritairement et selon une démonstration claire et non contestée de l’expert judiciaire, par un défaut de serrage de l’attelage entre le 17 ème et le 18 ème wagons et dans une moindre mesure par un mauvais chargement de ces derniers ;
– constate à l’inverse que la cause du déraillement liée à un défaut de gauche de la voie ou d’usure du rail ne fait l’objet d’aucune démonstration particulière et que l’existence même d’un gauche de voie n’est pas établie, compte tenu notamment de l’absence de traces de danse qui auraient été présentes sur les rails dans ce cas et du fait que les wagons suivants n’ont pas déraillé ;
– constate que la société DB Cargo France engage sa responsabilité contractuelle envers la société SNCF Réseau du fait de ce déraillement ;
– constate que la société Sanders engage sa responsabilité délictuelle ou à défaut sa responsabilité contractuelle envers SNCF Réseau du fait de ce déraillement ;
– constate que la société SNCF Réseau a subi un préjudice du fait de ce déraillement s’élevant à la somme de 476 332,14 € ;
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné SNCF Réseau à garantir la société ECR (DB Cargo France) à hauteur d’un tiers des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice des sociétés Millet et Le Gouessant ;
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté SNCF Réseau de ses demandes indemnitaires formées à l’encontre des sociétés ECR (DB Cargo France) et Sanders ;
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné SNCF Réseau à supporter un tiers des dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise ;
– déclare toutes autres parties irrecevables et en tout cas non fondées en leurs appels incidents et demandes de condamnation présentées à l’encontre de SNCF Réseau, les en débouter ;
– condamne in solidum la société DB Cargo France et la société Sanders, ou l’une qui le devra mieux que l’autre, à verser à SNCF Réseau une somme qui
sera fixée à 476 332,14 € au titre de la réparation des préjudices subis du fait du déraillement ;
– déboute les sociétés DB Cargo France et Sanders de leurs demandes formées à l’encontre de SNCF Réseau ;
– à titre subsidiaire, limite la part de responsabilité imputée à SNCF Réseau à hauteur de 15% maximum ;
– condamne , in solidum la société DB Cargo France et la société Sanders, ou l’une qui le devra mieux que l’autre, à indemniser SNCF Réseau en considération d’un préjudice subi du fait du déraillement à hauteur de 476 332,14 € ;
-infirme le jugement entrepris en limitant le montant du préjudice indemnisable de la société Millet à 33 005,32 € ;
– infirme le jugement entrepris en constatant que faute de justificatifs, le montant du préjudice subi par la société Le Gouessant n’est pas établi ;
– rejette comme non fondées toutes prétentions contraires ou plus amples à l’encontre de la concluante ;
– condamne in solidum la société DB Cargo France et la société Sanders, ou l’une qui ledevra mieux que l’autre, à relever et garantir SNCF Réseau de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
– condamne in solidum la société DB Cargo France et la société Sanders, ou l’une qui le devra mieux que l’autre, à verser à SNCF Réseau la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamne in solidum la société DB Cargo France et la société Sanders, ou l’une qui le devra mieux que l’autre, aux entiers dépens, en ce compris la somme de 80 144,84 € au titre des frais d’expertise judiciaire avancés par SNCF Réseau, et avec distraction pour les dépens d’appel au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
Par conclusions du 16 août 2022, la société DB CARGO FRANCE anciennement dénommée EURO CARGO RAIL (ECR) a demandé que la Cour:
– juge que c’est à tort que le Tribunal de commerce de Lorient a jugé la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail responsable du déraillement alors que ni le caractère fautif de la tension d’attelage des wagons 17 et 18 ni son rôle causal dans le déraillement ne sont avérés.
– juge que la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail n’engage pas sa responsabilité contractuelle ou délictuelle envers la société Le Gouessant, dont le préjudice n’est en tout état de cause non justifié.
– juge que la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail n’engage pas sa responsabilité contractuelle envers la société Millet
– juge que c’est à juste titre que le Tribunal de commerce de Lorient a jugé la société SNCF Réseau responsable du déraillement et l’a déboutée de ses demandes contre la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail .
– juge que la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail n’engage pas sa responsabilité contractuelle envers SNCF Réseau mais qu’au contraire, cette dernière est responsable envers la société DB Cargo France.
– juge que c’est à juste titre que le Tribunal de commerce de Lorient a jugé la société Sanders Bretagne responsable du déraillement et l’a déboutée de ses demandes contre la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail
– juge que la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail n’engage pas sa responsabilité contractuelle envers Sanders Bretagne mais qu’au contraire, cette dernière est responsable envers la société DB Cargo France.
– juge que la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail a subi un préjudice de 50.988,14 euros du fait du déraillement.
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail à payer à la société coopérative Le Gouessant la somme de 156.505,00 euros à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2016 et à la société Millet SAS la somme de 56.265,32 euros de dommages et intérêts.
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail à payer aux sociétés Le Gouessant et Millet la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile chacune.
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail à un tiers des dépens en ce y compris les frais d’expertise judiciaire avancés par SNCF Réseau d’un montant de 80.144,84 euros, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 136,58 euros.
– ordonne la restitution entre les mains de la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail des sommes réglées aux sociétés Le Gouessant et Millet au titre de l’exécution provisoire.
– confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les sociétés SNCF Réseau et Sanders Bretagne de leurs demandes indemnitaires contre la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail .
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail de ses demandes indemnitaires formés contre SNCF Réseau et Sanders Bretagne ainsi que de des demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamne in solidum la société SNCF Réseau et la société Sanders Bretagne à payer à la société ECR la somme de 50.988,14 euros en réparation des préjudices subis du fait du déraillement.
– condamne in solidum la société SNCF Réseau et la société Sanders Bretagne à payer à la société ECR la somme de 10.000,00 au titre des frais irrépétibles de première instance.
– déclare toutes les autres parties non fondées en leurs demandes de condamnations à l’encontre de la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail et les en débouter.
Subsidiairement,
– juge que le déraillement a prioritairement sinon exclusivement été causé par un mauvais entretien de voies anciennes et de réemploi, et dans une moindre mesure par un mauvais chargement des wagons et la tension d’attelage entre les wagons dont le rôle causal n’est pas avéré.
– juge qu’il convient de faire application d’un coefficient de vétusté de 40 % aux demandes de réparations de SNCF Réseau
– juge que la part de responsabilité de la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail sera limitée à 15 %.
– condamne in solidum ou l’une à défaut de l’autre les sociétés SNCF Réseau et Sanders Bretagne à relever et garantir la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
– condamne in solidum ou l’une à défaut de l’autre les sociétés SNCF Réseau et Sanders Bretagne à payer à la société DB Cargo France, anciennement dénommée Euro Cargo Rail la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamne in solidum ou l’une à défaut de l’autre les sociétés SNCF Réseau et Sanders Bretagne aux entiers dépens en ce y compris les frais d’expertise.
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur le déraillement:
Le déraillement a eu lieu le vendredi 27 mai 2016 à 18heures 30.
Un ‘relevé de constatations immédiates’ a été rédigé par un préposé de la SNCF en présence d’un représentant de la société ECR.
Il a été constaté que le 17ème wagon a déraillé, et que le 18ème wagon s’est décroché.
L’attelage du 18ème wagon a été décrit comme ‘pendant’ mais sans signe de rupture.
Il a été constaté que les traces du déraillement s’étendent sur environ 1.100 mètres.
Les mesures conservatoires suivantes ont été prises:
– les wagons 1 à 16 devaient être tractés à [Localité 13],
– les quatre derniers wagons restaient sur place avant d’être déplacés le lendemain.
ECR, qui prétend avoir obtenu au préalable l’accord de la SNCF, a fait conduire tous les wagons sur le site de la société SANDERS, où ils ont été déchargés, ce que lui reproche la soiété SNCF RESEAU.
La société ECR répond à ce grief que les préconisations du ‘relevé de constatations immédiates’ ne revêtaient pas un caractère obligatoire et que le chargement des wagons (blé), était périssable et devait rapidement être entreposé dans un endroit sûr.
Parallèlement, la société SNCF RESEAU a fait procéder aux mesures de remise en état de la voie, en prenant soin toutefois de laisser sur le bas-coté la portion de rail sur laquelle a eu lieu le déraillement.
Le 15 juin 2016, la société SNCF RESEAU a déposé une requête à fins de constat devant le Président du tribunal administratif de Rennes et M. [Z] [I], expert judiciaire, a été désigné, à seule fin de constat.
Le constat a été réalisé le 1er juillet suivant au contradictoire de toutes les parties présentes à l’instance devant la Cour.
Le constatant a indiqué dans son constat que ‘nous n’avons donc pas eu accès à la voie dans l’état tel qu’elle se trouvait à l’issue du déraillement, que ce soit avant ou juste après les opérations de relevage des wagons accidentés. Le fait d’entamer les travaux a de surcroît fait disparaître d’éventuels indices, malgré les deux constats d’huissier qui ont été versés au dossier. Par exemple l’altimétrie des files de rail n’a pas été contrôlée (…)or, celle-ci est un élément important dont la non-conformité aurait pu constituer un indice permettant d’expliquer les raisons du déraillement. Il en va de même de la danse de la voie au passage des essieux.’.
Le constatant a aussi indiqué que le déchargement des deux wagons accidentés avant son intervention ne lui avait ‘pas permis de juger de la répartion du blé dans les différents compartiments de la trémie ni de faire procéder à d’éventuelles pesées de contrôle’.
Il répétera qu’il n’a pas pu vérifier l’altimétrie des files de rail et que ‘cette omission est regrettable dans le sens où ce paramètre géométrique (dévers en courbe) est un élément déterminant pour la bonne tenue de la voie de tout convoi ferroviaire’, en soulignant cette phrase dans son rapport de constat.
M. [I] s’est ensuite vu attribuer une mission d’expertise classique, de recherche des causes du déraillement et d’évaluation des préjudices en étant découlés.
Au fil de ses opérations, qui se sont déroulées au contradictoire de toutes les parties présentes devant la Cour, il a rédigé plusieurs documents, qui témoignent de l’évolution de ses analyses et reprennent des interrogations constantes.
Compte tenu du fait que ses conclusions tenant à la mise hors de cause de la qualité des wagons et de la conduite du conducteur ne font l’objet d’aucune contestation, ses rapports ne seront analysés que sous l’angle des trois parties mises en causes: SNCF RESEAU, ECR et SANDERS BRETAGNE.
Le premier document rédigé par l’expert est intitulé ‘document de synthèse’ et est daté du 26 juillet 2018. Il s’agit en fait d’une note aux parties et il contient les réponses aux premiers dires.
Il y est de nouveau mentionné l’avertissement selon lequel ‘nous n’avons pas eu accès à toutes les informations nécessaires à la compréhension exhaustive des causes du déraillement’, l’expert rappelant les constatations ou plutôt l’absence de constatations relatives au chargement et à l’état de la voie.
Il est développé dans ce document des calculs réalisés sur la base d’autres calculs qui avaient été demandés à un sapiteur, le laboratoire CETIM; sur cette base, l’expert conclut que la cause de l’accident est due en substance à ‘l’état d’entretien défavorable de la voie’, lequel ressortait donc de la responsabilité de SNCF RESEAU.
Dans ce même document, il est répondu à un dire de la SNCF relatif aux conséquences d’un défaut de serrage de l’attelage entre les wagons 17 et 18 par rapport au serrage des autres attelages du train. L’expert conclut que la SNCF ne démontre pas qu’un tel défaut soit à l’origine d’un déséquilibre conduisant au déraillement et conclut qu’il aurait en tout état de cause fallu pouvoir procéder au constat de la scène de l’accident, ce qui n’a pas été possible.
Le 29 novembre 2018 est ensuite rendu le pré-rapport d’expertise, qui témoigne d’une évolution sur certains points de l’analyse de l’expert.
Le principal est que suite à la production par la société SNCF RESEAU de certains documents normatifs sur les voies ferrées, l’expert judiciaire conclut que les calculs du CETIM sont inexacts et reprend ses propres calculs pour conclure que finalement, malgré un profil de champignon de rail usé, défavorable à la tenue en voie, le contact rail-roue pouvait être considéré comme ‘acceptable’ et que ‘par conséquent, d’autres causes de la sortie de voie de l’essieu doivent être recherchées ailleurs, tout au moins en partie’.(souligné par la Cour).
S’agissant de la question du serrage de l’attelage entre les wagons 17 et 18, l’expert conclut en disant que la SNCF dans un dire apporte la démonstration théorique qui manquait antérieurement, que ce défaut pouvait conduire au déraillement. Pour autant, il rappelle ne pas avoir pu procéder au constat de la scène et s’interroge sur le caractère contradictoire d’une photo de l’attelage prise par SNCF RESEAU, le jour de l’accident; la SNCF a toutefois démontré qu’une photo prise par ECR, le jour de l’accident, est identique.
L’expert judiciaire continue son pré-rapport en exonérant l’état des voies de leur caractère complètement causal, et en précisant que s’agissant des autres causes possibles soit le devers ou gauche de voie, la géométrie de voie imparfaite, le serrage des attelages, et la répartition du blé dans les wagons, il n’a pu procéder aux constatations utiles.
Après un nouvel avertissement, l’expert propose ‘une ou plusieurs hypothèses causales’ du déraillement, qu’il va classer de la plus vraisemblable à la moins vraisemblable:
– tension d’attelage incorrecte,
– gauche de voie, devers de valeur incorrecte, à ajouter au profil de rail défavorable à la tenue en voie,
– mauvaise répartition du chargement de céréales.
Le rapport d’expertise définitif du 28 février 2019 contient les réponses aux dires des parties émis sur son pré-rapport.
Il est notamment précisé en réponse à un dire de la SNCF que si le calcul du contact roue-rail pouvait être considéré comme acceptable, la valeur du calcul était tout de même proche de la valeur limite qui serait considérée comme inacceptable; il est dit aussi que les mesures d’écartement réalisées quelques années auparavant ne peuvent servir de preuves de l’écartement au moment du sinistre, qui n’a donc pu être vérifié.
Il est indiqué à ECR que les analyses de son bureau d’études ne peuvent être prises en considération et qu’aucune sorte de crédit ne peut être donnée aux résultats obtenus, étant truffés d’erreurs, incertitudes ou invraisemblances: par exemple, l’hypothèse d’une dilatation des rails par la chaleur alors que les relevés météorologiques sont formels sur une température de 20 degrés environ, excluant un tel phénomène, ou des effets inversés et contraires aux lois de la physique.
L’expert reprend ensuite les calculs de son pré-rapport pour indiquer que le rapport roue-rail était donc acceptable et écrit ensuite en gras que ‘la ou les causes complémentaires du déraillement ne peuvent être trouvées que dans des domaines que nous n’avons pas été en mesure d’explorer dans le cadre de la présente expertise contradictoire, pas plus que lors du référé constat’.
Ces domaines sont listés comme étant le devers ou gauche de voie, la géométrie imparfaite, le serrage des attelages, le chargement du blé.
Après renouvellement de l’avertissement, l’expert conclut par un tableau relatant sans hiérarchie causale les hypothèses pouvant être retenues, rappelant que ces hypothèses sont indépendantes les unes des autres mais ont pu se cumuler entre elles pour créer le déraillement:
– tension d’attelage insuffisante entre les wagons 17 et 18, qui apparait sur les photos identiques prises par SNCF RESEAU et ECR le jour de l’accident,
– gauche de voie à ajouter au profil d’usure du champignon du rail, défavorable à la tenue en voie, l’hypothèse étant basée sur le délestage de la roue externe du troisième essieu du wagon 17, mais pas de trace flagrante de danse sur le coupon de rail préservé par SNCF RESEAU,
– mauvaise répartition longitudinale du chargement de blé: aucun constat de la répartition.
Ces rappels conduisent la Cour à ne pas retenir la responsabilité de SANDERS BRETAGNE.
La société SANDERS BRETAGNE n’est pas un professionnel du transport ferroviaire et est le client de la société ECR, qui lui a remis ses wagons le 30 mai 2016 sans aucun avertissement visant, à tout le moins pour les deux wagons ayant déraillé, à en conserver intact le chargement.
Elle n’a dès lors commis aucune faute en les déchargeant.
L’hypothèse d’un mauvais chargement est purement théorique et ne repose sur aucune constatation.
Au demeurant, le chargement a été accepté par la société ECR lorsque celle-ci a émis un document intitulé Reconnaissance d’Aptitude au Transport (RAT).
En conséquence, la responsabilité de la société SANDERS BRETAGNE, non démontrée, n’est pas retenue.
La société SNCF RESEAU et la société ECR ont fait preuve d’une égale légèreté en ne se donnant pas les moyens nécessaires pour procéder à toutes les constatations utiles. Professionnelles du transport ferroviaire, elles connaissent les principales causes de déraillement et étaient parfaitement à même de déterminer ce qui devait être constaté en priorité.
A cet égard, le ‘relevé de constatations immédiates’ versé aux débats est indigent: des cases ne sont pas remplies, il n’est pas signé et les constatations sont minimales.
Contrairement à ce que conclut ECR, les mesures décidées contradictoirement dans ce document sur le sort du train après l’accident devaient être respectées, à tout le moins dans un premier temps, afin que des constatations approfondies puissent avoir lieu.
Pour autant, la société SNCF RESEAU lui ayant facturé une réparation provisoire de la voie pour lui permettre de déplacer les deux parties du train, cette dernière avait connaissance de l’acheminement des wagons à ST GERAND.
Enfin, la société SNCF RESEAU a fait procéder aux réparations de la voie avant de demander la désignation d’un constatant qui ne pourra que constater et répéter qu’il lui a toujours manqué des éléments essentiels à son analyse.
S’agissant de l’état de la voie, il est toujours apparu à l’expert judiciaire comme une des causes du déraillement, y compris après rectification de ses calculs: compte tenu de l’usure constatée du champignon du rail, la valeur de contact roue-rail définitivement calculée est très proche de la valeur limite acceptable et dans son pré-rapport, l’expert a souligné que s’il déclarait acceptable cette valeur, il n’en excluait pas pour autant que l’état de la voie soit partiellement à l’origine du déraillement puisqu’il écrivait que si d’autres causes pouvaient être responsables de celui-ci, ce n’était ‘qu’en partie’.
S’agissant du défaut de serrage de l’attelage, il est justifié par la photo identique de ce dernier prise le jour du déraillement par le préposé de SNCF RESEAU et celui d’ECR.
La SNCF a remis des calculs réalisés par son propre expert démontrant que tel qu’il apparaissait sur les photos, le serrage pouvait conduire à une sortie de rail précisément conforme à celle qui fut constatée.
Après avoir examiné ces calculs, l’expert judiciaire a conclu qu’ils étaient mathématiquement satisfaisants et que la SNCF apportait la démonstration de sa thèse.
En tout état de cause, l’usure de la voie n’a pu qu’amplifier le mécanisme de sortie de voie engendré par le défaut de serrage.
Ces conditions conduisent la Cour à considérer les sociétés SNCF RESEAU et ECR également responsables du sinistre.
Sur le Contrat d’Utilisation de l’Infrastructure du Réseau Ferré National:
Le ‘Contrat d’Utilisation de l’Infrastructure du Réseau Ferré National’ ou CUI, régit les relations entre les sociétés SNCF RESEAU et ECR.
Ses conditions générales disposent dans leur article 19 ‘que l’entreprise ferroviaire (nb ECR) sera tenue pour responsable des dommages matériels et immatériels causés à SNCF RESEAU, à ses biens, ses préposés, ses prestataires ou aux tiers, durant l’utilisation de l’infrastructure du réseau ferré national, et ayant pour origine les personnes ou marchandises transportées, un défaut des matériels ou une faute dans l’utilisation de l’infrastructure.
Elle est exonérée en tout ou partie de sa responsabilité dans la mesure où l’évènement dommageable est consécutif (…)à une faute ou à un ordre de SNCF RESEAU’
La Cour ayant retenu une faute à l’encontre de la société SNCF RESEAU, la société ECR est exonérée de la moitié de sa responsabilité dans ses rapports envers la société SNCF RESEAU.
Dans leurs rapports entre elles et vis-à-vis des autres parties, leur contribution à la dette sera de moitié chacune.
Les préjudices:
La Coopérative LE GOUESSANT:
La Coopérative LE GOUESSANT dirige ses demandes exclusivement contre la société ECR.
Son préjudice a résulté du fait que le déraillement a entraîné pendant plusieurs jours la mise hors service de la ligne ITE qui dessert son site d’exploitation et qu’elle a dû acheminer les marchandises par d’autres moyens que par le rail.
Elle a évalué son préjudice à la somme de 156.505 euros HT.
Cette somme a été retenue par l’expert après qu’elle ait répondu dans un dire du 11 octobre 2018, à ses interrogations.
Elle est contestée par les sociétés SNCF RESEAU et ECR, qui formulent dans leurs conclusions des griefs identiques à ceux exprimés devant l’expert, soit l’insuffisance des pièces versées aux débats dans le dire du 11 octobre 2018: la coopérative LE GOUESSANT verse en effet aux débats des tableaux établis par ses soins, sans les accompagner des factures correspondantes.
La Cour relève toutefois qu’il a été répondu de manière précise aux interrogations de l’expert judiciaire et qu’il a été établi des tableaux calculant pour chaque transport la différence entre le prix de transport prévu (train) et le prix réel (camion).
Les tableaux contiennent la date, le nom du transporteur, le numéro du camion, le numéro du bon de livraison, les quantités.
D’autre part, les sociétés SNCF RESEAU et ECR demandent à la Coopérative d’apporter des preuves impossibles, comme celle de ne jamais avoir utilisé de camions pour transporter du blé entre janvier et juin 2016; sur ce point, seul un examen de la comptabilité analytique de la Coopérative, nécessitant l’intervention d’un sapiteur, aurait éventuellement pu permettre d’apporter les précisions demandées.
Elles remettent aussi en cause ses explications quant aux organisations qui ont dû être trouvées pour pallier l’absence de ligne ferroviaire, alors même que par définition, toute organisation ponctuelle nécessaire pour pallier les conséquences d’un accident nécessite la mise en place de procédures inhabituelles – et coûteuses.
A l’examen des derniers dires, il n’a jamais été demandé à l’expert de se faire aider par un sapiteur, seul moyen qui aurait permis de lever les interrogations des sociétés SNCF RESEAU et ECR.
D’autre part, la société ECR, bénéficiaire depuis 2011 d’un contrat de transport ferroviaire de marchandise signé avec la Coopérative LE GOUESSANT, avait toutes les données en main pour vérifier, au regard des transports réalisés l’année précédente, si les quantités alléguées par la société Coopérative LE GOUESSANT étaient justifiées.
Surtout, elle avait eu connaissance, selon l’article 6-2 de son contrat, du planning des livraisons de juin 2016, et pouvait donc vérifier que les quantités et dates invoquées par la Coopérative LE GOUESSANT dans ses tableaux correspondaient aux quantités et dates des livraisons qu’elle aurait dû opérer.
Or, elle n’a pas contesté ces points.
De la même façon, la Coopérative invoque des coûts dus au fait que ce contrat venait à échéance fin juin 2016 sans être renouvelé, et que des dispositions avaient été prises qui ont dû être modifiées en urgence.
La société ECR, principale intéressée à la cessation du contrat et à ses conséquences avait là encore la possibilité de les contester utilement, ce qu’elle n’a pas fait.
Dès lors, l’évaluation réalisée par l’expert est retenue par la Cour.
La demande est formée contre la société ECR sur un fondement contractuel.
Les sociétés ECR et LE GOUESSANT ont en effet signé un contrat de transport ferroviaire de marchandises, avec entrée en vigueur le 1er juillet 2011 pour une durée de cinq années.
Au terme de ce contrat, la société ECR devait effectuer tous les transports ferroviaires requis par la Coopérative LE GOUESSANT, selon un planning lui étant remis au plus tard trente jours ouvrés avant le premier jour du trimestre, et comportant les volumes transportés et les dates de livraison souhaitées.
Il est constant que la ligne desservant le site de St Gérand étant hors d’usage, les transports n’ont pas été réalisés.
La société ECR est fondée à contester l’analyse de la coopérative LE GOUESSANT selon laquelle devrait s’appliquer l’article 9 du contrat ‘responsabilité du transporteur’, cet article et ses alinéas ne s’appliquant qu’en cas de transport effectif réalisé pour le compte de la Coopérative LE GOUESSANT.
En l’espèce, les marchandises étaient transportées pour le compte de la société SANDERS BRETAGNE.
En revanche s’appliquent les dispositions de l’article 5 ‘obligations du transporteur’, qui prévoient, en substance, que la société ECR a l’obligation de réaliser les transports lui ayant été demandés, sauf ‘cas de force majeure ou de responsabilité de l’opérateur de régulation ferroviaire’.
Cet article prévoit aussi que ‘dans le cas où le retard du transporteur met en cause l’approvisionnement normal des usines du client et contraint ce dernier à faire appel à un autre transporteur (…), le transporteur s’engage à rembourser au client les frais correspondant’.
La mise hors service de la ligne ITE desservant le site de ST GERAND lors du déraillement d’un train dont elle assurait le transport n’a bien entendu pas de caractère d’extériorité pour la société ECR et la force majeure ne peut être retenue.
D’autre part, il vient d’être dit qu’elle était également responsable, avec le gestionnaire du réseau, de la mise hors service de la ligne, et dès lors, la cause d’exclusion n’est pas applicable à l’espèce.
En conséquence de ce qui précède, la société ECR est condamnée à payer à la Coopérative LE GOUESSANT une somme de 156.505 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2016, à titre de dommages et intérêts, et le jugement est confirmé de ce chef.
La société SNCF RESEAU devra à la société ECR garantie à hauteur de la moitié de cette somme.
La société SANDERS BRETAGNE:
La société SANDERS BRETAGNE réclame la somme de 66.345 euros, indemnisant le préjudice résultant de l’impossibilité d’avoir pu utiliser le branchement ITE pendant la durée de la remise en état de la voie principale.
Elle a dû faire transporter les marchandises en train jusqu’à un autre site proche, puis les faire amener par camions de ce site à celui de ST GERAND. Elle a dû aussi louer des wagons, car une partie de ceux dont elle était propriétaire étaient bloqués sur le site de ST GERAND.
Le montant de son préjudice a été validé par l’expert.
Il n’est pas contesté par la société ECR.
Le poste location de wagons est contesté par la société SNCF RESEAU et avait fait l’objet de critiques de sa part dans son dire numéro 12 critiquant la méthode de calcul du surcoût de location des wagons, par rapport au coût habituel.
La société SANDERS BRETAGNE a répliqué dans un dire que le calcul ne tenait pas compte d’un surcoût du prix de location, mais d’un nombre plus important de wagons loués sur la période, pour compenser l’immobilisation de certains d’entre eux.
La Cour retient son analyse et son préjudice est fixé à la somme de 66.345 euros.
La demande formée contre la société ECR:
Le déraillement a eu lieu alors que la société ECR réalisait un transport pour le compte de la société SANDERS BRETAGNE.
La demande d’indemnisation formée contre la société ECR ne fait état d’aucun préjudice relatif aux marchandises transportées.
Le déraillement a causé un dommage aux infrastructures de la société SNCF RESEAU, qui a conduit à l’impossibilité d’utiliser l’embranchement exploité par la société SANDERS BRETAGNE par la convention de raccordement de l’installation terminale embranchée.
Le sinistre a donc bien son origine dans l’exécution du contrat de transport et la responsabilité contractuelle de la société ECR envers la société SANDERS BRETAGNE est engagée de plein droit sur le fondement des dispositions de l’article 133-1 du code de commerce.
Il a été dit plus haut que la société ECR ne pouvait se prévaloir de la force majeure.
Elle est condamnée à payer à la société SANDERS BRETAGNE la somme de 66.345 euros à titre de dommages et intérêts, portant intérêts au taux légal à compter de l’assignation puisque ces dommages et intérêts constituent des frais avancés par la société SANDERS BRETAGNE.
Les demandes contre la société SNCF RESEAU:
La société SANDERS BRETAGNE ne fonde pas sa demande sur la convention de mise à disposition de l’ITE.
Ayant donc conclu un contrat de transports de marchandises avec la société ECR, titulaire d’une licence d’entreprise ferroviaire, elle conclut que son dommage s’inscrit dans une chaîne de transport la rendant usager du service public industriel et commercial géré par la société SNCF RESEAU, dont elle peut, à ce titre, rechercher la responsabilité devant un tribunal judiciaire.
La société SNCF RESEAU ne peut entendre limiter le droit à indemnisation de la société SANDERS BRETAGNE par l’application d’une clause contractuelle insérée dans le contrat conclu entre la société ECR et la Coopérative LE GOUESSANT, celui-ci n’étant pas opposable à la société SANDERS BRETAGNE
De la même façon, elle ne peut lui opposer un Document de Référence du Réseau Ferré National ne visant expressément que les entreprises ferroviaires, aucune rupture d’égalité ne pouvant être invoquée à l’égard du traitement différencié d’une entreprise de transport ferroviaire et d’un simple usager.
Il a été démontré plus haut que la responsabilité de la société SNCF était engagée dans le déraillement et elle a donc contribué par sa faute au même préjudice que celui causé par la société ECR.
La société SNCF RESEAU est condamnée en conséquence in solidum avec la société ECR à payer à la société SANDERS BRETAGNE la somme de 66.345 euros à titre de dommages et intérêts, portant intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Dans leurs rapports entre elles, les sociétés SNCF RESEAU et ECR contribueront à la dette à hauteur de moitié chacune et se devront mutuellement garantie à cette hauteur.
Les demandes de la société MILLET:
La société MILLET réclame à la société ECR une somme de 56.265,32 euros au titre des frais de remise en état des deux wagons ayant déraillé, puisqu’elle en était propriétaire, les ayant donnés en location à la société ECR.
Le quantum du préjudice a été validé par l’expert.
Il n’est pas contesté par la société ECR.
Il est contesté par la société SNCF RESEAU qui demande qu’en soit déduit le chiffre d’affaire généré par la location de wagons supplémentaires à la société LE GOUESSANT suite au sinistre.
Cette contestation est infondée, d’une part car seule l’éventuelle marge aurait pu être déduite du préjudice et non le montant de la location, ensuite parce qu’à défaut d’être loués à la société SANDERS BRETAGNE, les wagons auraient été loués à un client tiers. A cet égard, les explications de la société SNCF RESEAU sont peu compréhensibles, l’examen de sa pièce numéro 18 ne permettant pas de constater qu’il y était dit qu’en tout état de cause, lesdits wagons étaient réservés par la société MILLET à la société LE GOUESSANT.
Ensuite, la société SNCF RESEAU conclut que le poste ‘essieu’ devrait être réduit. Il s’agit d’un poste indemnisant la perte de diamètre des essieux.
La société MILLET a proposé deux types de calculs, dont le moins élevé est simplement l’application d’un barême en usage dans le secteur ferroviaire (montant forfaitaire par essieu reprofilé) , pour arriver à un total de 2.800 euros.
SNCF RESEAU demande que le préjudice soit limité à la somme de 1.890 euros qui est le coût de l’usure au millimètre rapporté au coût d’un essieu, omettant que la société MILLET, dans un tel cas de figure, réclame aussi le prix des deux essieus détruits, pour 5.520 euros selon facture fournie à l’expert.
Le montant forfaitaire de 2.800 euros pour les essieux, qui est donc le préjudice minimal, est retenu.
La demande indemnitaire de la société MILLET est formée sur le fondement contractuel de l’article 10 du contrat de location de wagons conclu avec la société ECR le 1er mars 2013, selon lequel les dommages liés à des incidents d’exploitation (déraillement, choc, rupture d’attelage) sont à la charge du locataire.
Ce dernier ne peut s’exonérer de son obligation de réparation qu’en rapportant la preuve que les dommages sont dus à un vice propre du matériel, un cas de force majeure, à une faute du loueur, au fait d’un tiers (article 10.2).
Il a été dit que la qualité du matériel n’était pas en cause et que le déraillement n’était pas un cas de force majeure pour la société ECR, responsable du sinistre conjointement avec la société SNCF RESEAU.
Consécutivement, la société ECR est condamnée à payer à la société MILLET la somme de 56.265,32 euros à titre de dommages et intérêts.
La société SNCF RESEAU lui devra sa garantie à hauteur de la moitié de cette somme.
Les demandes de la société ECR:
La société ECR conclut avoir subi un préjudice de 50.988,14 euros, dont elle demande le paiement à la société SNCF RESEAU.
Ce préjudice se décompose comme suit:
– perte de jouissance de deux locomotives durant 20 jours: 27.689,20 euros,
– frais réglés à SNCF RESEAU au titre de deux locomotives bloquées à [Localité 13]: 23.298,94 euros.(réparations provisoires de la voie pour permettre aux locomotives de circuler après l’accident et avant réparations définitives).
L’expert a validé ce montant.
La société SNCF RESEAU conteste le poste du préjudice de jouissance au motif que la société ECR ne justifie pas que l’usage des deux locomotives lui a manqué de manière effective durant 20 jours. Elle soutient que le parc de locomotives de la société ECR est suffisant pour lui permettre de faire face sans dommage à l’immobilisation de deux locomotives, et conclut qu’il n’est pas justifié de frais de location de matériel de substitution.
Cette contestation est justifiée et le préjudice de la société ECR est fixé à la somme de 23.298,94 euros.
La société SNCF RESEAU, tenue dans ses rapports avec la société ECR à une responsabilité partielle de moitié, lui paiera donc la somme de 11.649,17 euros à titre de dommages et intérêts.
Les demandes de la société SNCF RESEAU:
La société SNCF RESEAU réclame la somme de 476.332,14 euros HT au titre des frais de remise en état de la voie ferrée.
Le quantum a été validé par l’expert, la facture de traverses de chemin de fer correspondant à environ 1,150 km, en adéquation donc avec le constat, et le coût global étant homogène avec les coûts habituellement constatés pour ce type de voie.
La société ECR demande l’application d’une décote de 40% compte tenu de la vétusté de l’installation.
Cette vétusté étant précisément à l’origine du déraillement, elle ne peut être contestée par la société SNCF RESEAU, qui aurait dû faire procéder à la réfection de la voie à bref délai compte tenu de l’usure du champignon de rail.
L’application d’un coefficient d’amortissement de 40% lui permettra d’être indemnisée à la juste hauteur du préjudice réellement subi et le montant du dommage est fixé à la somme de 285.799,28 euros.
La société SNCF RESEAU forme ses demandes contre la société SANDERS BRETAGNE et la société ECR.
La société SANDERS BRETAGNE n’ayant commis aucune faute, la société SNCF RESEAU est déboutée des prétentions émises contre elle.
S’agissant de la société ECR, il a été rappelé plus haut les dispositions de l’article 19 du CUI (Contrat d’Utilisation de l’Infrastructure du Réseau Ferré National) selon lesquelles l’entreprise ferroviaire est responsable des dommages causés à SNCF RESEAU sauf faute de SNCF RESEAU.
Cette faute ayant été caractérisée et la Cour ayant dit que dans leurs rapports entre elles, les sociétés SNCF RESEAU et ECR étaient responsables par moitié du déraillement, la société ECR est condamnée à payer à la société SNCF RESEAU la somme de 142.899,64 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles:
Les sociétés SNCF RESEAU et ECR, qui succombent, sont condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise et de procédure devant le juge des référés du tribunal administratif.
Elles sont condamnées in solidum à payer, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile:
– à la Coopérative LE GOUESSANT la somme de 6.000 euros,
– à la société MILLET la somme de 5.000 euros,
– à la société SANDERS BRETAGNE la somme de 10.000 euros.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE à payer:
– à la COOPERATIVE LE GOUESSANT la somme de 156.505,00 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2016,
– à la société MILLET la somme de 56.265,32 euros.
L’infirme pour le solde.
Statuant à nouveau:
Dit que les sociétés SNCF RESEAU et EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE sont responsables du sinistre survenu le 27 mai 2016.
Dit que la société SANDERS BRETAGNE n’est pas responsable du sinistre et rejette toutes les demandes formées contre elle.
Dit que dans leurs rapports entre elles, la société EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE est exonérée de la moitié de sa responsabilité envers la société SNCF RESEAU.
Dit que dans les rapports entre la société SNCF RESEAU et la société EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE, la contribution à la dette vis-à-vis des autres parties sera de moitié chacune.
Dit en conséquence que la société SNCF RESEAU doit garantir la société EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE à hauteur de la moitié des condamnations confirmées au bénéfice de la COOPERATIVE LE GOUESSANT et de la société MILLET.
Condamne in solidum les sociétés SNCF RESEAU et EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE à payer à la société SANDERS BRETAGNE la somme de 66.345 euros.
Dit que dans leurs rapports entre elles, les sociétés SNCF RESEAU et EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE se doivent recours et garantie à hauteur de la moitié de cette condamnation.
Condamne la société SNCF RESEAU à payer à la société EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE la somme de 11.649,17 euros.
Condamne la société EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE à payer à la société SNCF RESEAU la somme de 142.899,64 euros.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne in solidum les sociétés SNCF RESEAU et EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE aux dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise et les dépens engagés devant le juge des référés du tribunal administratif.
Condamne in solidum les sociétés SNCF RESEAU et EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE à payer sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile:
– à la COOPERATIVE LE GOUESSANT la somme de 6.000 euros,
– à la société MILLET la somme de 5.000 euros,
– à la société SANDERS BRETAGNE la somme de 10.000 euros.
Dit que pour les condamnations aux dépens et frais irrépétibles, les sociétés SNCF RESEAU et EURO CARGO RAIL (ECR) désormais dénommée DB CARGO FRANCE se doivent mutuellement recours et garantie à hauteur de la moitié des condamnations.
LE GREFFIER LE PRESIDENT