Transmission de l’action déclaratoire de nationalité : conditions et limites en cas de décès du requérant

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Transmission de l’action déclaratoire de nationalité : conditions et limites en cas de décès du requérant
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Contexte de l’affaire

L’affaire concerne une action déclaratoire de nationalité française engagée par Mme [U] [T] [Y], représentante de sa mère décédée, [Z] [N] [M]. L’assignation a été délivrée le 16 septembre 2022, et la mère de Mme [U] est décédée le 17 octobre 2013.

Ordonnances et jugements

Le 16 novembre 2023, une ordonnance de clôture a été rendue, suivie d’un jugement le 27 mars 2024 qui a ordonné la réouverture des débats et la révocation de l’ordonnance de clôture. Les dernières conclusions d’incident du ministère public ont été notifiées le 2 juillet 2024, et celles de Mme [U] le 30 septembre 2024. L’audience de plaidoirie a été fixée au 3 octobre 2024, avec un délibéré prévu pour le 7 novembre 2024.

Régularité de la procédure

La procédure a été jugée régulière conformément à l’article 1040 du code de procédure civile, le ministère de la justice ayant délivré un récépissé le 24 avril 2023, attestant du respect des conditions requises.

Recevabilité de l’action

Le ministère public a soulevé l’irrecevabilité de l’action, arguant que la nationalité est un rapport personnel entre un individu et un État. Étant donné que [Z] [N] [M] était décédée avant l’introduction de l’instance, Mme [U] [T] [Y] ne pouvait pas agir en son nom.

Arguments de la demanderesse

Mme [U] [T] [Y] a soutenu que l’action déclaratoire de nationalité n’est pas strictement personnelle et qu’elle a un intérêt légitime à établir la nationalité de sa mère. Elle a cité une jurisprudence affirmant que les actions déclaratoires de nationalité française sont transmissibles aux héritiers.

Décision du tribunal

Le tribunal a conclu que, bien qu’une action puisse être transmissible, aucune action n’avait été engagée par [Z] [N] [M] avant son décès. Par conséquent, Mme [U] [T] [Y] n’avait pas qualité à agir, rendant son action irrecevable.

Conséquences de la décision

Mme [U] [T] [Y] a été condamnée aux dépens, et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée. La décision a été rendue publiquement le 7 novembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
22/13394
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

1/2/1 nationalité A

N° RG 22/13394
N° Portalis 352J-W-B7G-CXP6I

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Septembre 2022

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 07 Novembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [Z] [N] [M] décédée le 17 octobre2013 représentée par sa fille Madame [U] [T] [Y]
demeurant à [Adresse 5]
[Adresse 4]

élisant domicile chez Me Sheila HERRIOT
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Sheila HERRIOT, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, avocat plaidant, vestiaire #121

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Localité 2]

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Maryam MEHRABI, Vice-présidente

assistée de Madame Christine KERMORVANT, Greffière
Décision du 7 novembre 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 22/13394

MISE EN ETAT

A l’audience du 07 Février 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 07 Novembre 2024.

ORDONNANCE

Contradictoire
en premier ressort

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 789 du code de procédure civile,

Vu l’assignation délivrée le 16 septembre 2022 par [Z] [N] [M], décédée le 17 octobre 2013, représentée par sa fille Mme [U] [T] [Y],

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 16 novembre 2023,

Vu le jugement du 27 mars 2024 ayant ordonné la réouverture des débats et la révocation de l’ordonnance de clôture,

Vu les dernières conclusions d’incident du ministère public notifiées par la voie électronique le 2 juillet 2024,

Vu les dernières conclusions en réplique sur incident de Mme [U] [T] [Y] en sa qualité de représentante de [Z] [N] [M], notifiées par la voie électronique le 30 septembre 2024,

L’audience de plaidoirie de l’incident a été fixée au 3 octobre 2024 et le délibéré de l’incident fixé au 7 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 24 avril 2023. La condition de l’article 1040 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur la recevabilité de l’action

Par acte du 16 septembre 2022, Mme [U] [T] [Y], en sa qualité de représentante de [Z] [N] [M], a fait assigner le procureur de la République aux fins de voir constater que [Z] [N] [M] est de nationalité française et d’enjoindre à l’administration de lui délivrer le certificat de nationalité française de [Z] [N] [M].

Le ministère public soulève l’irrecevabilité de l’action déclaratoire de nationalité française engagée par Mme [U] [T] [Y] au nom de sa mère décédée. Il fait valoir que la nationalité est constituée par un rapport individuel et strictement personnel entre un Etat et un individu; qu’en l’espèce, [Z] [N] [M] est décédée le 17 octobre 2013 antérieurement à l’introduction de l’instance ; que Mme [U] [T] [Y] n’intervient donc pas en reprise d’instance introduite préalablement par sa mère revendiquée mais au nom de sa mère décédée.

La demanderesse soutient que l’action déclaratoire de nationalité française n’a pas un caractère strictement individuel et n’est pas purement personnelle ; qu’elle a en outre intérêt à ce qu’il soit déterminé si sa mère était bien de nationalité française ou pas.

Elle invoque la jurisprudence de la cour d’appel de Paris selon laquelle « Les actions déclaratoires de nationalité française sont transmissibles car elles n’ont pas un caractère strictement personnel, ni ne sont purement individuelles.
En effet, d’une part, de manière générale, les héritiers du titulaire d’un droit à caractère personnel peuvent, sauf exceptions légales ou conventionnelles, poursuivre l’instance engagée par leur auteur. Or, aucune exception n’est prévue en matière de nationalité.
D’autre part, il est d’une bonne administration de la justice que les appelants puissent reprendre l’action engagée par leur auteur car ils ont un intérêt à ce qu’il soit déterminé si celui-ci était ou non de nationalité française.
Les appelants justifiant de sa qualité d’héritière du défunt, il y a lieu de constater la reprise par cette dernière de l’instance engagée par ce dernier. »
En vertu de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Aux termes de l’article 29-3 du code civil, « Toute personne a le droit d’agir pour faire décider qu’elle a ou qu’elle n’a point la qualité de français.
Le procureur de la République a le même droit à l’égard de toute personne […]. »

L’action déclaratoire ou négatoire de nationalité française est ainsi réservée à la personne qui revendique avoir ou ne pas avoir la qualité de français, et au ministère public.

Par ailleurs, si une telle action est transmissible aux héritiers, force est toutefois de relever qu’en l’espèce aucune action déclaratoire n’a été engagée par [Z] [N] [M] avant son décès. En effet, cette dernière est décédée antérieurement à l’introduction de l’instance le 16 septembre 2022. Mme [U] [T] [Y] n’intervient donc pas à la présente procédure en sa qualité d’héritière pour reprendre une action engagée par [Z] [N] [M] mais a introduit la procédure au nom de celle-ci, indiquant être sa « représentante ».

Mme [U] [T] [Y] n’ayant pas qualité à agir, son action sera jugée irrecevable.

Sur les demandes accessoires

Mme [U] [T] [Y] qui succombe sera condamnée aux dépens.
Sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

La juge de la mise en état, statuant publiquement, par décision contradictoire, et rendue par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au sens de l’article 1040 du code de procédure civile ;

Juge Mme [U] [T] [Y] irrecevable en son action ;

Constate l’extinction de l’instance ;

Condamne Mme [U] [T] [Y] aux dépens.

Faite et rendue à Paris le 07 Novembre 2024

La Greffière La Présidente
Christine Kermorvant Maryam Mehrabi


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