Traitement audiovisuel des affaires judiciaires

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Traitement audiovisuel des affaires judiciaires

L’actualité audiovisuelle judiciaire

Comme pour toute actualité, le principe de la liberté d’expression s’applique. Toutefois, en présence de droits en conflit (présomption d’innocence, image des personnes …), un équilibre a été fixé entre les intérêts des personnes impliquées dans une affaire judiciaire et le droit à l’information du public.

Le cadre juridique du traitement des affaires judiciaires en cours, est principalement fixé par les dispositions des conventions de chaînes. Lorsqu’une procédure judiciaire en cours est évoquée à l’antenne, la chaîne doit veiller à ce que :

– l’affaire soit traitée avec mesure, rigueur et honnêteté ;

– le traitement de l’affaire ne constitue pas une entrave caractérisée à la procédure.;

– l’expression de tous les points de vue doit être respecté : à l’occasion du procès en appel des faucheurs d’OGM, le CSA avait ainsi mis en demeure France 3, via la nature très controversée du débat sur les organismes génétiquement modifiés et son traitement dans le cadre d’une affaire judiciaire en cours, à assurer une présentation plus équilibrée des différents points de vue (principe de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion et interdiction de toute présentation partiale).

Le respect des droits de la personne (présomption d’innocence…) est également pris en compte. L’éditeur de service doit veiller à éviter la complaisance dans l’évocation de la souffrance humaine (application du principe de dignité humaine) et à faire preuve de mesure lorsqu’il diffuse des informations ou des images concernant une victime ou une personne en situation de détresse. Le CSA a ainsi mis en demeure TF1 (21 septembre 2004) lors de la diffusion del’émission “Le Droit de savoir : faits divers, “Ils ont tué Marjorie !” pour avoir diffusé des scènes portant atteinte à la dignité humaine (visualisation du corps repêché de la victime, scènes d’interrogatoire de prévenus, luxe de détails dans la narration du meurtre de la jeune Marjorie et les conditions de recel de son corps).

Le principe du respect des droits de la personne est repris par l’ensemble des conventions de chaînes et implique notamment le respect :

– de la vie privée de la personne ;
– du droit sur son image ;
– de son honneur et de sa réputation (le droit de réponse audiovisuel a vocation à s’appliquer)

Les conventions prévoient également une obligation de retenue et de prudence dans la diffusion d’images ou des témoignages et que soit évitée “la complaisance dans l’évocation de la souffrance humaine.” Dans tous les cas, lorsque des témoignages relevant de la vie privée des personnes sont recueillis, ceux-là doivent être autorisés par le consentement éclairé des personnes concernées.

Il résulte de l’esprit des conventions conclues avec le CSA, que le traitement de l’information relatif à des procédures judiciaires ou à des faits susceptibles de donner lieu à une information judiciaire nécessite une attention particulière des éditeurs de services.

La présentation des décisions de justice

Concernant la présentation des décisions de justice, le CSA a eu l’opportunité de rappeler que ces décisions, conformément à la loi, ne doivent pas être commentées ni donner lieu à des propos de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance et lorsque l’affaire est en cours, que :

– l’émission en cause ne se substitue pas à l’instruction ;
– l’émission ne trouble pas le déroulement normal de la justice ;
– le pluralisme soit assuré par la présentation des différentes thèses en présence.

La protection spécifique des mineurs délinquants

Les conditions de passage des mineurs délinquants à la télévision doivent respecter les dispositions pénales, réglementaires ou conventionnelles relatives à la diffusion d’informations sur un mineur. Les représentants légaux des mineurs (parents, tuteurs…) ainsi que le mineur lui-même, doivent donner leur autorisation pour ces passages. Concernant les “mineurs en situation difficile”, le CSA a introduit dans les conventions de chaînes une disposition imposant la protection totale de l’identité du mineur par un procédé technique approprié (image et nom masqués). Par ce biais, le CSA souhaite préserver l’intérêt de l’enfant.

Hors du cadre de la régulation du CSA, rappelons que des dispositions légales spécifiques sont applicables en l’espèce. Ainsi, selon l’article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881, est puni de 15 000 euros d’amende le fait de diffuser, de quelque manière que ce soit, des informations relatives à l’identité ou permettant l’identification :

1) d’un mineur ayant quitté ses parents, son tuteur, la personne ou l’institution qui était chargée de sa garde ou à laquelle il était confié ;

2) d’un mineur délaissé au sens des articles 227-1 et 227-2 du code pénal, c’est à dire dans une situation où sa santé, sa sécurité, sa moralité ou son éducation sont gravement compromises (Cour de cassation, ch. crim., 17 octobre 2001) ;

3) d’un mineur qui s’est suicidé ;

4) d’un mineur victime d’une infraction.

Ces dispositions ne sont pas applicables si la publication est réalisée à la demande des personnes ayant la garde du mineur ou des autorités administratives ou judiciaires. On prendra garde en particulier à l’application de l’interdiction de dévoiler l’identité du mineur vicitime d’une infraction qui, reprise dans les recommandations du CSA, a un champ d’application particulièrement étendu.

Les interdictions / restrictions spécifiques

Au titre de l’article 39 de la loi du 29 juillet 1881, il est interdit de rendre compte des procès en diffamation lorsqu’ils concernent des faits relatifs :

– A la vie privée d’une personne ;
– A des faits qui remontent à plus de dix années ;
– A des faits constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée (réhabilitation ou révision judiciaire).

D’autres contentieux font également l’objet de restrictions particulières. Ainsi, il est interdit de rendre compte des débats et de publier des pièces de procédures concernant les questions de filiation, les actions à fins de subsides, les procès en divorce, la séparation de corps, les nullités de mariage et les procès relatifs à l’avortement. Précisons que l’interdiction ne s’applique pas au dispositif des décisions, qui lui peut toujours être publié. Les publications techniques (enseignement…) échappent à l’interdiction à la condition que soit respecté l’anonymat des parties.

L’interdiction légale mise en place doit être rapprochée du pouvoir des présidents des juridiction civiles d’interdire le compte rendu des procès lorsque cela est justifié.

Les délibérations intérieures aux cours et tribunaux et celles des jurys sont également protégées par les secret et ne peuvent donner lieu à compte rendu.

Les infractions aux interdictions posées par l’article 39 de la loi du 29 juillet 1881, sont punies d’une amende de de 18000 euros.

Toujours en matière de contentieux judicaire, précisons que l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881, interdit d’ouvrir ou d’annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et correctionnelle, sous peine de six mois d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (ou de l’une de ces deux peines seulement).

Les émissions traitant des affaires judiciaires

Le principe général applicable a été posé par la recommandation du CSA n°92-03 du 24 avril 1992 relative aux émissions dites de « télévérité » ou à la reconstitution de faits réels :

Pour les procédures en cours : il n’appartient pas à la télévision de se substituer aux tribunaux, soit en présentant comme coupable une personne qui n’a pas été condamnée, soit, à l’inverse, en affirmant l’innocence d’une personne condamnée ou impliquée.

Pour les affaires jugées, la liberté de traitement s’impose. En effet, l’invocation d’un droit à l’oubli au bénéfice des détenus qui le souhaiteraient reviendrait à rendre impossible la diffusion de toute émission relative à des affaires jugées et constituerait un obstacle à la liberté éditoriale et au droit à l’information. Toutefois, certaines précautions s’imposent : aucun élément relatif à la vie présente de la personne condamnée ne doit être diffusé ou révélé à l’antenne. Lorsque le condamné s’exprime dans l’émission, il a le droit, s’il le demande à la protection de son image (floutage, masquage de la voix …). Des précautions (non précisées par le CSA) doivent être prises par les éditeurs et producteurs de l’émission, afin de préserver les possibilités de réinsertion des personnes condamnées et améliorer leur sécurité ainsi que celle de leur famille. Par ailleurs, les propos tenus pendant les émissions doivent être nuancés.

Ces principes ont été rappelés à la chaîne France 2 à l’occasion de la diffusion de l’émission “Faites entrer l’accusé” (mise en demeure du 7 janvier 2010).

Les “docufictions” judiciaires

Dans une lettre circulaire du 26 septembre 1994, le CSA a eu l’opportunité de rappeler les règles applicables à la diffusion de téléfilm / docufictions inspirés de faits réels inspirés d’affaires et instructions judiciaires. Afin de préserver la sérénité de la justice et d’éviter toute interférence entre des programmes de divertissement et le cours de la justice, le CSA a fortement conseillé aux chaînes de télévision de ne pas diffuser des oeuvres de fiction inspirées de faits réels lorsqu’une procédure judiciaire concernant ces mêmes faits est en cours.

Pour les affaires jugées, la liberté de création est applicable, sous réserve du respect des principes généraux (respect du nom des personnes, signature d’un contrat d’adaptation audiovisuelle en cas de besoin, respect de la vie privée etc.).


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