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Traité OMPI sur les interprétations audiovisuelles

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Traité OMPI sur les interprétations audiovisuelles

Adoption du projet de loi de ratification

Le 31 mai 2018, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant la ratification du traité de l’OMPI  sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (traité de Pékin), une pure formalité car le droit interne est déjà parfaitement conforme aux stipulations du traité. En 1996, l’OMPI a entrepris un important processus d’adaptation des droits d’auteur et des droits voisins à l’ère numérique. Le traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (TIEP) a ainsi permis d’assurer, au plan international, la protection des droits des artistes-interprètes participant à un enregistrement sonore et des producteurs de phonogrammes.

Le « nouveau » traité, signé à Pékin en 2012 par la France et l’Union européenne, permettra d’étendre ces mêmes droits aux artistes-interprètes et exécutants du secteur audiovisuel, déjà consacrés dans les ordres juridiques français et communautaire.

Objectifs du Traité de Pékin

 

Le traité de Pékin vise à adapter les droits consacrés par les traités internationaux existants à l’ère du numérique.  En application du principe de « minimum conventionnel », il est attendu un renforcement, sur le plan international, du niveau des droits reconnus aux artistes-interprètes. Le traité de Pékin ouvre  aux producteurs cessionnaires, ainsi qu’aux personnes veillant aux droits des artistes-interprètes, la possibilité d’accorder des licences portant sur certains modes d’exploitation qui n’étaient pas couverts antérieurement, et de percevoir les rémunérations subséquentes.

En application du « traitement national » prévu par le traité, les artistes-interprètes de l’audiovisuel pourront, dans le cadre des exploitations de leurs oeuvres dans les États parties au traité, être traités comme les nationaux et être rémunérés en conséquence.

C’était déjà acquis, mais la reconnaissance de la protection juridique des mesures techniques de protection des interprétations audiovisuelles à la demande des artistes-interprètes fait également partie des acquis du minimum conventionnel comme du traitement national.

Rémunération des artistes-interprètes

L’article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle définit l’artiste-interprète comme « la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une oeuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes ». Cette définition se retrouve, pour l’essentiel, à l’article 3 de la convention de Rome et à l’article 2 du traité. Une protection est accordée aux artistes-interprètes ou exécutants qui sont ressortissants des États parties, ou lorsqu’ils y ont établi leur résidence habituelle.

Pour ce qui concerne le droit de radiodiffusion et, plus largement, de communication au public, le principe est celui d’un droit exclusif dont disposent les artistes interprètes ou exécutants.

Dans ce domaine, le Traité reprend la proposition de l’Union européenne d’assortir le traitement national d’un principe de réciprocité. En conséquence, le traitement national s’appliquera dans la mesure des notifications ou réserves faites par la partie contractante ; cette disposition opère donc un parallélisme parfait entre la protection prévue par un État membre et la protection à laquelle pourront prétendre ses nationaux dans un autre État partie.

Le traitement national ne porte que sur « les droits exclusifs expressément reconnus dans le présent traité et le droit à rémunération équitable » ce qui, pour l’Union européenne, permet d’exclure du champ du traitement national la copie privée qui constitue une exception au droit de reproduction.

L’article 11 du Traité ne pose pas le principe d’un droit à « rémunération équitable », contrairement à l’article 15 du TIEP : les États membres ont ainsi la possibilité de prévoir une simple rémunération équitable et doivent, le cas échéant, notifier cette intention auprès du directeur général de l’OMPI ainsi que les modalités de mise en oeuvre prévues éventuellement par la législation nationale. Le régime retenu est celui d’un régime « à la carte » (droit exclusif, droit à rémunération équitable ou absence de droit) ; le traitement national présente, en conséquence, la même flexibilité. Qu’il s’agisse du droit exclusif ou de la rémunération équitable, les États membres peuvent également décider qu’elles n’appliqueront ces dispositions qu’à l’égard de certaines utilisations ou qu’elles en limiteront l’application de toute autre manière, voire qu’elles n’appliqueront pas ces dispositions.

Pour rappel, la loi a fixé la clé de répartition de la rémunération équitable (268 millions d’euros en 2017) entre les différentes catégories d’ayants droit de la musique, de l’audiovisuel ou de l’image fixe. Ainsi, la rémunération pour copie privée des phonogrammes bénéficie pour 50 % aux auteurs, pour 25 % aux artistes-interprètes, et pour 25 % aux producteurs. Celle des vidéogrammes est répartie à parts égales entre les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs. Enfin, la rémunération pour copie privée des autres oeuvres bénéficie à parts égales aux auteurs et aux éditeurs. Les assujettis à la rémunération sont les fabricants ou importateurs de supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’oeuvres lors de la mise en circulation en France de ces supports. La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 a également assujetti, pour la première fois, un service à la rémunération pour la copie privée : les services d’enregistrement vidéo à distance (NPVR).

Question du droit moral

L’article 5 du traité de Pékin consacre de manière très limitée le droit moral dans la mesure où l’artiste-interprète ou l’exécutant ne peut se prévaloir du droit à la paternité « lorsque le mode d’utilisation de l’interprétation ou exécution impose l’omission de cette mention ». De plus, le périmètre du droit au respect de l’interprétation est beaucoup moins large que celui retenu en droit français puisque la déclaration commune relative à cet article indique que seules « les modifications qui, objectivement, sont gravement préjudiciables à la réputation de l’artiste-interprète ou exécutant » peuvent être considérées comme portant atteinte à ce droit, et ajoute que « le simple recours à de nouvelles techniques ou de nouveaux supports ou à des techniques ou supports modifiés ne constitue pas en soi une modification ».

Ces dispositions permettent cependant la reconnaissance, au plan international, d’un droit moral aux artistes-interprètes prenant en compte la nature particulière des fixations. Il convient de noter à cet égard que le droit moral n’a pas fait l’objet d’une harmonisation dans le droit de l’Union européenne. L’article 5 stipule que l’atteinte au droit moral post mortem peut être écartée par les États membres qui ne reconnaissaient pas le droit moral antérieurement à la ratification du traité ou à leur adhésion.

Question des droits patrimoniaux

Aux articles 6 à 11, le traité prévoit un certain nombre de droits patrimoniaux qui, en substance, correspondent à ceux prévus par le TIEP et consacrés dans l’acquis communautaire par les directives 2001/29 et 2006/115.  Comme le précise l’article 6, les artistes-interprètes ou exécutants jouissent d’un droit exclusif sur les interprétations ou exécutions non fixées pour ce qui concerne, d’une part, leur fixation, et d’autre part, leur radiodiffusion et leur communication au public – à condition qu’elles n’aient pas déjà été radiodiffusées. Aux termes de l’article 7, ils bénéficient également du droit exclusif de reproduction, qui s’applique pleinement dans l’environnement numérique.

À l’instar de l’article 8 du TIEP, l’article 8 du traité de Pékin reconnait aux artistes-interprètes le droit de distribution : « les artistes-interprètes ou exécutants jouissent du droit exclusif d’autoriser la mise à la disposition du public de l’original et de copies de leurs interprétations ou exécutions fixées sur fixations audiovisuelles par la vente ou tout autre transfert de propriété ». Pour les conditions de d’épuisement de ce droit, le traité renvoie aux législations des parties contractantes.

L’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas expressément une telle prérogative au profit des artistes-interprètes, pourtant prévu à l’article 9 de la directive 2006/115 du 12 décembre 2006 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle.

Le droit de location commerciale au public de copies fixées est, quant à lui, autorisé en application de l’article 9 du traité et ce, même après la distribution des interprétations ou exécutions concernés.

Les articles 10 et 11 accordent aux artistes-interprètes une série de prérogatives qui relève du droit de communication au public tel qu’il est entendu en droit français. En effet, l’article 10 leur octroie un droit de mise à disposition tandis que l’article 11 concerne le droit de radiodiffusion ainsi que le droit de communication au public des prestations fixées. Il est néanmoins important de préciser que les États contractants peuvent choisir de remplacer les prérogatives visées par le premier alinéa de l’article 11 par un droit de rémunération équitable (deuxième alinéa du même article) ou même décider qu’ils n’appliqueront aucune de ces deux options (troisième alinéa du même article) ; il s’agit du régime « à la carte » précédemment décrit.

La France n’a pas mis en oeuvre de système de rémunération équitable pour le droit de radiodiffusion et de communication au public des artistes-interprètes de l’audiovisuel, le code de la propriété intellectuelle reconnaissant des droits exclusifs pour ces types d’exploitation. Le champ de ces droits est par ailleurs très large et aucune distinction n’est faite selon les modes ou techniques de diffusion.

À la lecture de l’article 8 de la directive 2006/115, il semblerait que la possibilité de prévoir une rémunération équitable soit uniquement prévue dans le droit de l’Union européenne pour les phonogrammes, et non pour les fixations audiovisuelles. Pourtant, telle n’est pas l’interprétation retenue par certains États membres ; une discussion a alors eu lieu sur la possibilité qui leur serait laissée de faire des notifications au titre de l’article 11 du présent traité, mais n’a pas abouti.

Enfin, l’article 13 reconnaît aux États contractants la possibilité de prévoir, dans leur législation nationale, des exceptions ou limitations aux droits des artistes-interprètes « de même nature que celles qui y sont prévues en ce qui concerne la protection du droit d’auteur sur les oeuvres littéraires et artistiques ». Ces exceptions doivent concerner des « cas spéciaux où il n’est pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’interprétation ou exécution ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’artiste-interprète ou exécutants ».

Il s’agit donc d’une reprise de la règle du « test en trois étapes » prévue, pour le droit d’auteur, par l’article 9 de la convention de Berne et rappelée dans les traités OMPI de 1996 élaborés pour les droits voisins.

Les exceptions et limitations ont été harmonisées, pour l’ensemble des titulaires de droit d’auteur et de droits voisins, par la directive 2001/29 relative à certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Seuls les logiciels et le droit sui generis des bases de données, pour lesquels le droit de l’Union européenne avait déjà prévu des exceptions et limitations spécifiques, ne sont pas couverts par l’harmonisation opérée par cette directive. Son article 5 prévoit ainsi une liste d’exceptions exhaustive, mais facultative.

Cession des droits

La question de la cession des droits des artistes-interprètes aux producteurs audiovisuels a été abordée dans le Traité à la demande des États-Unis qui souhaitaient ainsi obtenir une validation de leur système du « work made for hire », dont relèvent les oeuvres audiovisuelles.  Afin de faire aboutir les négociations, le traité de Pékin ne revêt aucun caractère contraignant et couvre l’ensemble des modèles existants au sein des États membres de l’OMPI, permettant alors à chacun d’eux de conserver ses traditions juridiques qui précisent les conditions dans lesquelles s’opère la cession des droits au producteur et ses contreparties.

L’article 12 prévoit donc une présomption de cessions, prévue en droit interne à l’article L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que : « La signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une oeuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète. Ce contrat fixe une rémunération distincte pour chaque mode d’exploitation de l’oeuvre. ». Le Traité n’impose donc pas la création d’un régime de cession implicite des droits patrimoniaux au bénéfice du producteur.

Durée de la protection des droits

S’inspirant de l’article 14 de l’accord ADPIC et de l’article 17 du TIEP, l’article 14 du traité de Pékin prévoit une durée de protection minimale de cinquante ans à compter de la fin de l’année où l’interprétation ou exécution a fait l’objet d’une fixation. Tant le droit communautaire que le droit national sont conformes à cette stipulation.

Protection juridique des mesures techniques de protection

À l’instar du TIEP, le traité prévoit, à son article 15, que doivent être assurées « une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont mises en oeuvre par les artistes-interprètes ou exécutants dans le cadre de l’exercice de leurs droits en vertu du présent traité et qui restreignent l’accomplissement, à l’égard de leurs interprétations ou exécutions, d’actes qui ne sont pas autorisés par les artistes interprètes ou exécutants concernés ou permis par la loi ».

Le chapitre IV de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, a transposé les articles 6 et 7 de la directive 2001/29 qui visent à lutter plus efficacement contre la contrefaçon en introduisant des sanctions en cas de contournement d’une mesure technique efficace de protection d’une oeuvre, d’une interprétation, d’un phonogramme, d’un vidéogramme ou d’un programme. Ces sanctions s’appliquent également aux actes de contournement d’une mesure d’information sur le régime des droits afférents à une oeuvre ou à une prestation protégée par un droit voisin. Les actes préparatoires destinés à faciliter ou à permettre ces actes de contournement sont également incriminés. En droit interne, ces dispositions ont déjà été codifiées aux articles L. 331-5 et L. 331-11 du code de la propriété intellectuelle.


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