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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 11 JANVIER 2023
(n°005/2023, 18 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/05478 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDK6K
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS 3ème chambre – 3ème section – RG n° 18/05900
Jonction avec le dossier RG 21/06701
APPELANTES
S.A.R.L. SCHOOL PACK
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CASTRES sous le numéro 394 685 804
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 6]
Assistée de la SELARL Jean Jacques SAVENIER & Associés en qualité d’administrateur judiciaire représentée par Me [M] [O], [Adresse 2]
(procédure de sauvegarde, jugement du tribunal de commerce de Castres du 16.04 2021)
Représentée de Me Roland PIROLLI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0161
Assistée de Me Olivier RICHARD de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.S.U. SONAT
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 326 315 314
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée de Me Michèle MERGUI, avocat au barreau de PARIS, toque : R275
INTIMEES
S.A.R.L. SCHOOL PACK
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CASTRES sous le numéro 394 685 804
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 6]
Assistée de la SELARL Jean Jacques SAVENIER & Associés en qualité d’administrateur judiciaire représentée par Me [M] [O], [Adresse 2]
(procédure de sauvegarde, jugement du tribunal de commerce de Castres du 16.04 2021)
Représentée de Me Roland PIROLLI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0161
Assistée de Me Olivier RICHARD de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.S. HOLDHAM
Société au capital social de 10 315 500 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CAEN sous le numéro 352 998 827
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Frédéric DUMONT de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221
S.A.S.U. SONAT
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 326 315 314
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée de Me Michèle MERGUI, avocat au barreau de PARIS, toque : R275
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Déborah BOHÉE, conseillère et Mme Françoise BARUTEL, conseillèrechargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société Holdham appartient au groupe Hamelin fondé à [Localité 7] en 1864, qui se présente comme le leader européen de la papeterie scolaire réalisant en 2017 un chiffre d’affaires annuel de 400 millions d’euros.
Elle commercialise des fournitures scolaires et de bureau pour les étudiants, les écoliers et les professionnels sous la marque ‘OXFORD’, dont notamment les cahiers OXFORD, l’agenda scolaire OXFORD ou encore les cahiers-chemises et cahiers-trieurs OXFORD.
La société Holdham est titulaire de plusieurs marques OXFORD, bénéficiant, selon elle, d’une importante renommée et notamment :
– la marque française verbale n° 1710600 (n°600) déposée le 7 décembre 1971, régulièrement renouvelée, qu’elle a acquise le 4 avril 2005, et qui est enregistrée pour divers produits de la classe 16, et notamment ‘papier et articles en papier ; carton et articles en carton ; papeterie et toutes sortes de papier’ ;
– la marque semi-figurative française n° 3163404 (n°404) déposée le 7 mai 2002, régulièrement renouvelée pour désigner dans les classes 9 et 16 les ‘Agendas, planificateurs de temps ou outils similaires électroniques ou opérés électroniquement mais à l’exception de tout appareil ou support contenant principalement des oeuvres culturelles, éducatives, scientifiques ou plus généralement informatives ou intellectuelles. Produits de papeterie’ ;
La société Holdham est réservataire depuis le 22 janvier 2003 du nom de domaine my-oxford.com, lequel renvoie vers le site internet dédié à la présentation des produits des différentes gammes OXFORD.
La société School Pack, fondée en 1994 et dont le siège social se situe à [Localité 8] (81), exerce une activité de négoce et de distribution de produits de maroquinerie scolaire (cartables, trousses, besaces, sacs de sport …) notamment sous la marque School Pack.
M. [E] [G] est associé et directeur commercial de la société School Pack.
Par acte de cession du 7 mars 2000, Mme [W] [B], compagne de M. [E] [G], a acquis de la société Hepco-France la marque verbale ‘Oxford’ n°1374270 (n°270) désignant en classe 18 des ‘bagage ; valises et sacs de voyage’. Cette cession a été inscrite au registre national des marques le 13 avril 2000.
A la suite de négociations entre M. [F], directeur général du groupe Hamelin, et M. [E] [G], la société Modling, filiale du groupe Hamelin, a conclu le 8 avril 2002 avec Mme [B] un contrat de licence de la marque OXFORD n° 270, pour une durée de 5 ans, ‘pour ses produits de bagagerie et de maroquinerie à l’exclusion des couvertures d’agendas’, stipulant le versement d’une redevance annuelle de 8% du chiffre d’affaires généré au titre des ventes des produits contractuels.
Le groupe Hamelin et Mme [B] ont également conclu un protocole d’accord par lequel ils se confirmaient mutuellement que les couvertures d’agenda, qui peuvent présenter les caractéristiques d’un produit de maroquinerie et sont assemblées à un agenda, ne feront pas l’objet d’une redevance.
Le 24 février 2005, M. [F] a adressé un courriel à M. [E] [G], sur son adresse professionnelle de la société School Pack, pour lui indiquer que la société Modling et le groupe Hamelin n’avaient plus l’intention de commercialiser des produits de maroquinerie sous la marque OXFORD, en précisant ‘même si nous respecterons bien entendu les conséquences de notre contrat jusqu’à son terme. […] Vous pourriez également souhaiter reprendre votre liberté et réorienter l’exploitation de votre licence sans attendre la fin de notre contrat’.
Suite à l’abandon de la licence par le groupe Hamelin, la société School Pack expose qu’elle a conclu avec Mme [B] le 30 août 2008 un contrat de licence portant sur la marque Oxford n°270 ‘pour ses produits de bagagerie et de petite maroquinerie, d’une part (soit sacs de voyages, valises, board-cases, sacs à dos, trousse de toilette, porte-monnaie, portefeuilles c’est-à-dire tous les contenants utilisés pour un usage de voyage) et ses produits de maroquinerie scolaire d’autre part (soit cartables, besaces, sacs reporter, sacs bowling, sacs à dos et trousses)’. Deux autres contrats de licence ont été conclus successivement le 30 août 2011, pour la période se terminant le 31 août 2014, puis le 30 août 2014, pour la période se terminant le 31 août 2017. Ces contrats de licence n’ont pas été publiés.
De juin à septembre 2016, le groupe Hamelin et M. [E] [G] de la société School Pack ont entamé des négociations en vue de l’acquisition par le groupe Hamelin de la marque Oxford n°270. Ces négociations n’ont pas abouti.
Suivant contrat du 19 septembre 2016, inscrit au Registre national des marques le 26 septembre 2016, la société School Pack a acquis de Mme [B] la marque OXFORD n° 270.
Le 3 octobre 2016, la société School Pack a déposé une demande d’enregistrement d’une marque verbale française OXFORD n° 4304005 pour désigner différents produits et notamment des ‘cartables ; trousses scolaires’. La société Holdham a formé opposition devant l’INPI et par décision du 27 juin 2017, le directeur de l’INPI a rejeté la demande d’enregistrement, ce rejet étant définitif la société School Pack n’ayant pas exercé de recours à l’encontre de cette décision.
La société Holdham expose avoir constaté fin 2017 l’utilisation du signe OXFORD par la société School Pack dans un graphisme imitant celui de ses titres, pour désigner des cartables et trousses scolaires, notamment par les distributeurs de celles-ci, sur le site Internet Rayon d’or édité par la société Sonat, ainsi que dans le catalogue de l’enseigne Système U d’août 2017. Elle a mis en demeure la société School Pack le 11 décembre 2017, a fait réaliser des constats les 23 et 26 mars 2018, attestant selon elle de la poursuite de ces agissements, puis après y avoir été autorisée, a fait procéder à des saisies-contrefaçons, les 18 et 23 avril 2018 au siège de la société Sonat éditant le site rayondor-bagages.fr, et le 18 avril 2018 au siège de la société School Pack.
C’est dans ces conditions, que la société Holdham a par actes du 17 mai 2018 fait assigner les sociétés School Pack et Sonat devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques et atteinte aux marques renommées.
Dans son jugement rendu le 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a notamment:
– Rejeté le moyen tiré de la forclusion par tolérance de la société Holdham SA, soulevé par la société Sonat,
– Rejeté le moyen tiré de la nullité pour déceptivité des marques Oxford, dont est titulaire la société Holdham,
– Dit qu’en faisant usage non autorisé du signe ‘OXFORD’ pour désigner des trousses scolaires et des cartables, les sociétés School Pack SARL et Sonat SASU ont commis des actes de contrefaçon des marques ‘OXFORD’ n° 1710600 et n° 3163404, dont est titulaire la société Holdham SA,
– Dit que cet usage non autorisé par les sociétés School Pack SARL a porté atteinte aux marques renommées ‘OXFORD’ n° 600 et n° 404, dont est titulaire la société Holdham SA,
– Condamné in solidum les sociétés School Pack SARL et Sonat SASU à payer à la société Holdham SA, la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice matériel résultant des actes de contrefaçon et d’atteinte à la renommée des marques OXFORD n°600 et n°404 et la somme de 60.000 euros, en réparation de son préjudice moral,
– Dit que la société Sonat SASU sera tenue in solidum au paiement de ces sommes à hauteur de la somme de 75.000 euros,
– Fait interdiction aux sociétés School Pack SARL et Sonat SASU de faire usage directement ou indirectement du signe ‘OXFORD’ ou de tout autre signe reproduisant ou imitant les marques ‘OXFORD’ n° 1710600 et n°3163404 de la société Holdham, pour désigner des articles de bagagerie scolaire, sous astreinte de 50 euros par infraction et par jour, passé le délai de 30 jours après la signification du présent jugement et l’astreinte courant sur huit mois,
– Ordonné à la société School Pack SARL de procéder à ses frais au rappel des articles actuellement mis en vente dans toutes les enseignes, et de tous éléments et visuels (supports publi-promotionnels, pages Internet, publications sur les réseaux sociaux, etc.) portant le signe contrefaisant et à leur destruction sous contrôle d’huissier, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, passé le délai de 30 jours après la signification du présent jugement, l’astreinte courant sur huit mois,
– Dit n’y avoir lieu à publication judiciaire de la décision,
– Débouté la société School Pack SARL de sa demande reconventionnelle en interdiction d’usage, par la société Holdham, du signe OXFORD pour des produits de papeterie scolaire,
– Condamné la société School Pack SARL à garantir la société Sonat SASU de l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre,
– Condamné les sociétés Sonat SASU et School Pack SARL aux dépens,
– Condamné les sociétés Sonat SASU et School Pack SARL à payer à la société Holdham SA, la somme globale de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Ordonné l’exécution provisoire,
– Autorisé la SCP DEPREZ-GUIGNOT & Associés, avocat, à recouvrer directement contre les défenderesses, ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Les sociétés School Pack et Sonat ont respectivement interjeté appel de ce jugement les 22 mars et 8 avril 2021. Les deux déclarations d’appel ont été jointes par ordonnance du 4 juin 2021.
La société School Pack a été placée en sauvegarde judiciaire selon jugement d’ouverture prononcé par le tribunal de commerce de Castres le 16 avril 2021.
Le 20 avril 2021, la société Holdham a fait procéder à la saisie-attribution d’une somme de 83.868,70 euros sur le compte bancaire de la société Sonat.
Le 21 juin 2021, la société Holdham a déclaré sa créance auprès du mandataire de School Pack.
Les parties ont été invitées à régler ce litige par une mesure de médiation qui ne s’est pas avérée concluante.
Par ordonnance du magistrat délégataire du Premier président de la cour d’appel de Paris rendue le 7 septembre 2021, la demande de la société School Pack d’arrêt de l’exécution provisoire a été rejetée.
Vu les dernières conclusions numérotées 7, transmises le 11 octobre 2022, par la société School Pack qui demande à la cour de:
Vu les articles 2222, 2224 et 2234 du code civil,
Vu les articles 566 et 567 du code de procédure civile,
Vu les articles L.713-3, L.713-5, L.714-5, L.716-5, L.716-14 du code de la propriété intellectuelle, dans leur version applicable,
Vu l’article 9 de la directive européenne n°89/104/CEE du 21 décembre 1988
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats,
‘ INFIRMER le jugement rendu le 26 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a notamment :
– Rejeté le moyen tiré de la forclusion par tolérance de la société Holdham SA, soulevé par la société Sonat ;
– Dit qu’en faisant usage non autorisé du signe “OXFORD” pour désigner des trousses scolaires et des cartables, les sociétés School Pack SARL et Sonat SASU ont commis des actes de contrefaçon des marques “OXFORD” n°1710600 et n°3163404, dont est titulaire la société Holdham SA ;
– Dit que cet usage non autorisé par les sociétés School Pack SARL a porté atteinte aux marques renommées “OXFORD” n°1710600 et n°3163404, dont est titulaire la société Holdham SA ;
– Condamné in solidum les sociétés School Pack SARL et Sonat SASU à payer à la société Holdham SA, la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice matériel résultant des actes de contrefaçon et d’atteinte à la renommée des marques OXFORD n°1710600 et n°3163404 et à la somme de 60.000 euros, en réparation de son préjudice moral ;
– Dit que la société Sonat SASU sera tenue in solidum au paiement de ces sommes à hauteur de la somme de 75.000 euros ;
– Fait interdiction aux sociétés School Pack SARL et Sonat SASU de faire usage directement ou indirectement du signe “OXFORD” ou de tout autre signe reproduisant ou imitant les marques “OXFORD” n°1710600 et n°3163404 de la société Holdham, pour désigner des articles de bagagerie scolaire, sous astreinte de 50 euros par infraction et par jour, passé le délai de 30 jours après signification du présent jugement et l’astreinte courant sur huit mois ;
– Ordonné à la société School Pack SARL de procéder à ses frais au rappel des articles actuellement mis en vente dans toutes les enseignes, et de tous éléments et visuels (supports publi-promotionnels, pages Internet, publications sur les réseaux sociaux, etc.) portant signe contrefaisant et à leur destruction sous contrôle d’huissier, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, passé le délai de 30 jours après la signification du présent jugement, l’astreinte courant sur huit mois ;
– Condamné la société School Pack SARL à garantir la société Sonat SASU de l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre ;
– Condamné les sociétés Sonat SASU et School Pack SARL aux dépens ;
– Condamné les sociétés Sonat SASU et School Pack SARL à payer à la société Holdham SA, la somme globale de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
ET STATUANT A NOUVEAU :
> SUR L’IRRECEVABILITE DE L’ACTION EN RAISON DE LA PRESCRIPTION
‘ JUGER l’action introduite par Holdham irrecevable en raison de l’écoulement du délai de
prescription à la date de son assignation ;
‘ DEBOUTER par conséquent Holdham de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions;
> SUR L’IRRECEVABILITE DE L’ACTION EN RAISON DE LA FORCLUSION
‘ JUGER l’action introduite par Holdham sur le fondement de sa Marque OXFORD de 1971
(n°1710600) irrecevable en raison de la forclusion par tolérance ;
‘ JUGER l’action introduite par Holdham sur le fondement de sa Marque OXFORD de 2002
(n°3163404) irrecevable en raison de la forclusion par tolérance ;
‘ JUGER qu’aucune mauvaise foi ne peut être retenue à l’égard de School Pack dans le dépôt et l’usage de la Marque OXFORD de 1986 ;
‘ DEBOUTER par conséquent Holdham de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions;
> SUR LA CONTREFAÇON ALLEGUEE DE LA MARQUE OXFORD DE 1971
A TITRE PRINCIPAL
‘ JUGER que Holdham est déchue de ses droits sur la Marque OXFORD de 1971 (n°1710600), faute de l’avoir exploitée, telle que déposée, pendant une période ininterrompue de 5 années ;
‘ PRONONCER par conséquent la déchéance des droits de Holdham sur la Marque OXFORD de 1971 (n°1710600) à la date d’expiration du délai de 5 ans suivant la première publication de l’enregistrement de cette marque au BOPI, et à fortiori à la date de l’assignation délivrée par Holdham (17 mai 2018) ;
‘ DEBOUTER par conséquent Holdham de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions;
A TITRE SUBSIDIAIRE
‘ JUGER que le signe « OXFORD » utilisé par School Pack ne contrefait pas la Marque OXFORD de 1971 (n°1710600) ;
‘ DEBOUTER par conséquent Holdham de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
> SUR LA CONTREFAÇON ALLEGUEE DE LA MARQUE OXFORD DE 2002
‘ JUGER que le signe « OXFORD » utilisé par School Pack ne contrefait pas la Marque OXFORD de 2002 (n°3163404) ;
‘ DEBOUTER par conséquent Holdham de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions;
> SUR LES MESURES ET DEMANDES INDEMNITAIRES SOLLICITEES PAR Holdham
‘ DEBOUTER Holdham de ses demandes d’interdiction d’usage du signe « OXFORD » et de rappel des produits litigieux sous astreinte ;
‘ DEBOUTER Holdham de sa demande incidente de réévaluation du préjudice économique à la somme de 1.000.000 € ;
‘ DEBOUTER Holdham de sa demande incidente de réévaluation du préjudice moral à la somme de 100.000 € ;
‘ DEBOUTER Holdham de sa demande incidente de publication judiciaire ;
‘ DEBOUTER au surplus Holdham de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
> SUR LES DEMANDES FORMULEES PAR School Pack
‘ JUGER les demandes reconventionnelles formulées par School Pack parfaitement recevables;
‘ CONDAMNER Holdham à verser à School Pack la somme de 315.000 € à titre d’indemnisation du préjudice commercial et financier subi ;
‘ CONDAMNER Holdham à verser à School Pack la somme de 40.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
‘ CONDAMNER Holdham aux entiers frais et dépens.
Vu les dernières conclusions d’appelant n° 3, notifiées par RPVA le 11 mai 2022, par la société Sonat qui demande à la cour de:
Vu le jugement du tribunal judicaire de Paris du 26 février 2021,
Vu les articles du Livre VII code de la propriété intellectuelle,
Vu les pièces versées au débat,
– DE CONFIRMER le Jugement en ce qu’il a :
– condamné la société School Pack SARL à garantir la société Sonat SASU de l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre,
– D’INFIRMER le Jugement en ce qu’il a :
– Rejeté le moyen tiré de la forclusion par tolérance de la société Holdham SA, soulevé par la société Sonat SASU,
– Rejeté le moyen tiré de la nullité pour déceptivité des marques OXFORD, dont est titulaire la société Holdham SA,
– Dit qu’en faisant usage non autorisé du signe “OXFORD” pour désigner des trousses scolaires et des cartables, les sociétés School Pack SARL et Sonat SASU ont commis des actes de contrefaçon des marques « OXFORD » n°1710600 et n°3163404, dont est titulaire la société Holdham SA,
– Dit que cet usage non autorisé par les sociétés School Pack SARL a porté atteinte aux marques renommées « OXFORD » n°1710600 et n°3163404, dont est titulaire la société Holdham SA,
– Condamné in solidum les sociétés School Pack SARL et Sonat SASU à payer à la société Holdham SA, la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice matériel résultant des actes de contrefaçon et d’atteinte à la renommée des marques OXFORD n°1710600 et n°3163404 et la somme de 60 .000 euros, en réparation de son préjudice moral,
– Dit que la société Sonat SASU sera tenue in solidum au paiement de ces sommes à hauteur de la somme de 75.000 euros,
– Fait interdiction aux sociétés School Pack SARL et Sonat SASU de faire usage directement ou indirectement du signe « OXFORD » ou de tout autre signe reproduisant ou imitant les marques « OXFORD » n°1710600 et n°3163404 de la société Holdham, pour désigner des articles de bagagerie scolaire, sous astreinte de 50 euros par infraction et par jour, passé le délai de 30 jours après la signification du présent jugement et l’astreinte courant sur huit mois,
– Condamné les sociétés Sonat SASU et School Pack SARL aux dépens,
– Condamné les sociétés Sonat SASU et School Pack SARL à payer à la société Holdham SA, la somme globale de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Ordonné l’exécution provisoire,
ET STATUANT À NOUVEAU
– Recevoir la société Sonat en toutes ses demandes, les dire bien fondées, et y faire droit
– Prononcer la déchéance de la marque française n°1710600 OXFORD dont est titulaire la société Holdham
– Débouter la société Holdham de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A TITRE SUBSIDIAIRE
Fixer le montant des condamnations de la société Sonat à 1 040 euros, ordonner la désolidarisation des condamnations et Ordonner la restitution à la Société Sonat des sommes saisies le 20/04/2021 au titre de l’exécution provisoire,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
– Débouter la Société Holdham de son appel incident, de toutes ses demandes fins et conclusions;
– Condamner la société Holdham à payer à la société Sonat la somme de 15 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société Holdham en tous les dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera effectué par la SELARL JRF & ASSOCIES représentée par Maître Stéphane FERTIER conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile .
Vu les dernières conclusions d’intimée et d’appel incident, numérotées 4, transmises le 3 octobre 2022, par la société Holdham qui demande à la cour de:
Vu les articles L. 713-3, L. 713-5, L. 716-14 et L .716-15 du code de la propriété intellectuelle,
CONFIRMER le Jugement en ce qu’il a :
– REJETE le moyen tiré de la forclusion par tolérance de Holdham SA ;
– REJETE le moyen tiré de la nullité pour déceptivité des marques OXFORD de Holdham ;
– JUGE qu’en faisant un usage non autorisé du signe « OXFORD » pour désigner des trousses scolaires et des cartables, les sociétés School Pack et Sonat ont commis des actes de contrefaçon des marques « OXFORD » n°1710600 et n°3163404, de la société Holdham SA ;
– JUGE que cet usage non autorisé par les sociétés School Pack et Sonat a porté atteinte aux marques renommées « OXFORD » n°1710600 et n°3163404, de la société Holdham SA ;
– CONDAMNE in solidum les sociétés School Pack et Sonat à réparer le préjudice matériel et moral de la société Holdham ;
– FAIT interdiction aux sociétés School Pack et Sonat de faire usage directement ou indirectement du signe « OXFORD » ou de tout autre signe reproduisant ou imitant les marques « OXFORD » n°1710600 et n°3163404 de la société Holdham sous astreinte ;
– ORDONNE à la société School Pack de procéder à ses frais au rappel des articles actuellement mis en vente dans toutes les enseignes, et de tous éléments et visuels (supports publi promotionnels, pages Internet, publication sur les réseaux sociaux, etc.) portant le signe contrefaisant et à leur destruction sous contrôle d’huissier sous astreinte;
– ORDONNE l’exécution provisoire
INFIRME le Jugement en ce qu’il :
– CONDAMNE in solidum les sociétés School Pack et Sonat à payer à la société Holdham la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice matériel résultant des actes de contrefaçon et d’atteinte à la renommée des marques OXFORD n°1710600 et n°3163404 ;
– CONDAMNE in solidum les sociétés School Pack et Sonat à payer à la société Holdham la somme de 60.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– DIT que Sonat sera tenue in solidum au paiement de ces sommes à hauteur de 75.000 euros ;
– DIT n’y avoir lieu à publication judiciaire de la décision
ET STATUANT A NOUVEAU :
– REJETER le moyen tiré de la déchéance pour défaut d’usage de la marque n°1710600;
– CONDAMNER in solidum les sociétés School Pack et Sonat à payer à la société Holdham la somme de 1.000.000 euros en réparation du préjudice matériel résultant des actes de contrefaçon et d’atteinte à la renommée des marques OXFORD n°1710600 et n°3163404 ;
– CONDAMNER in solidum les sociétés School Pack et Sonat à payer à la société Holdham la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– ORDONNER la publication de la décision à intervenir par extraits dans trois journaux ou magazines de diffusion nationale, au choix de la société Holdham, aux frais avancés de School Pack et Sonat, dans la limite de 15.000 euros Hors Taxes par publication selon la forme suivante :
« Par décision du [‘], la Cour d’appel de Paris a jugé que les sociétés School Pack et Sonat en désignant des trousses et des cartables sous le signe OXFORD ont commis contrefait les marques OXFORD de la société Holdham et ont commis une atteinte à leur renommée et les a condamnés à verser à Holdham la somme de [‘] € de dommages-intérêts ».
– CONDAMNER solidairement les sociétés School Pack et Sonat à verser à la société Holdham vingt mille (25.000) euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– DEBOUTER School Pack de sa demande de condamnation de la société Holdham au paiement d’une somme 315.000 euros au titre de dommages et intérêts;
– CONDAMNER les sociétés Sonat et School Pack aux dépens ;
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur le chef du jugement non contesté
La cour constate que le chef du jugement, qui a débouté la société School Pack de sa demande reconventionnelle en interdiction d’usage par la société Holdham du signe OXFORD pour ses produits de papeterie scolaire, n’est pas contesté en appel.
Sur la forclusion par tolérance
La société School Pack fait valoir que l’action en contrefaçon intentée par la société Holdham vise bien l’exploitation qu’elle fait de la marque Oxford n°270 déposée en 1986 ; que cette exploitation de la marque pour des trousses et cartables a commencé dès 2008 par la conclusion du premier contrat de licence, et s’est poursuivie de manière continue par la signature des contrats de licence successifs ; que son usage du signe ‘OXFORD’ pour des trousses et des cartables s’est toujours inscrit dans le cadre des droits qu’elle détient sur la marque Oxford n°270 de 1986.
Elle ajoute que les cartables, comme les trousses, sont compris dans la catégorie générale des bagages en ce qu’un cartable est un type de bagage rectangulaire destiné à transporter notamment du matériel scolaire, et qu’une trousse a une fonction de contenant et de rangement, et est utilisée pour le transport d’objets personnels ; que l’EUIPO a d’ailleurs considéré dans une décision du 26 octobre 2018 rendue dans une procédure d’opposition relative à la marque OXFORD n°270 que la commercialisation par la société School Pack notamment de trousses et de cartables, inclus dans la catégorie des bagages, caractérisait un usage sérieux de sa marque.
Elle soutient, au visa de l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle et de l’article 9 §1 de la directive européenne n°89/104/CEE du 21 décembre 1988 que la société Holdham ne peut sur le fondement de sa marque antérieure Oxford de 1971 s’opposer à l’usage par la société School Pack de la marque postérieure Oxford n°270 de 1986 dès lors qu’elle en avait toléré l’usage pendant plus de cinq ans à la date de son assignation ; que cette tolérance ressort d’un ensemble d’éléments précis et concordants à savoir la connaissance de la marque dont la société Holdham a obtenu une licence dès 2002 – son exploitation par le groupe Hamelin pour des cartables, des sacs et des trousses en 2003 et 2004 – le courrier de 2005 dont l’objet était bien des produits de bagagerie scolaire invitant la société School Pack à reprendre toute liberté quant à l’exploitation de la licence – l’exploitation de la marque par la société School Pack entre 2008 et 2019 justifiée par la production de catalogues et de factures – les contacts entre les parties en 2016 pour le rachat de la marque et du circuit d’approvisionnement de trousses.
Elle ajoute que l’action fondée sur la marque semi-figurative OXFORD de 2002 est également forclose, celle-ci constituant l’exacte copie d’une autre marque semi-figurative déposée le 26 mai 1972 et appartenant également à la société Holdham ; qu’un nouveau dépôt de marque portant sur le même signe n’est pas de nature à remettre juridiquement en cause la tolérance, et que la société Holdham ne peut par le truchement de sa marque de 2002 qui remonte à 1972 s’opposer à l’usage par School Pack de sa marque postérieure de 1986 dont elle avait toléré l’usage pendant plus de cinq ans à la date de l’assignation ; qu’au surplus en application de l’article 9§1 de la directive n°89/104 la marque OXFORD de 2002 est protégée par rapport à la marque OXFORD de 1986 du fait de l’écoulement du délai quinquennal de forclusion, et le corollaire de cette protection prévu par l’article 9§3 de la même directive est que la société Holdham dont la marque postérieure est protégée par la forclusion ne peut réciproquement s’opposer à l’usage du droit antérieur détenu par la société School Pack.
Elle prétend enfin que la société Holdham fait un usage erroné de l’exception de mauvaise foi, l’article 716-5 ne visant pas le fait d’invoquer de mauvaise foi la forclusion par tolérance mais le fait d’avoir déposé de mauvaise foi une marque postérieure dont la tolérance est invoquée; qu’aucune mauvaise foi ne peut être retenue à son encontre.
La société Sonat soutient que la société Holdham est irrecevable à agir en contrefaçon, dès lors que cette dernière a toléré pendant plus de cinq ans l’usage de la marque OXFORD par la déposante originaire, aux droits de laquelle vient la société School Pack, soit depuis au moins le 2 avril 2002, date à laquelle elle a conclu des conventions avec Mme [B] ; qu’en signant une licence de marque, la société Holdham avait bien connaissance de l’existence et de l’usage qui était fait de la marque OXFORD n°270; que la société School Pack prouve l’usage de la marque OXFORD pendant de nombreuses années pour des produits de bagagerie scolaire; que ces produits ont été communiqués au public et ont fait l’objet de publicités.
La société Holdham soutient que l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle n’est pas applicable en l’espèce ; que cette fin de non-recevoir ne vise que le cas particulier de l’action tendant à faire juger que l’usage d’une marque postérieure enregistrée contrefait une marque antérieure ; que les actes de commercialisation de trousses et de cartables par la société School Pack ne constituent pas un usage de la marque de Mme [B] acquise par la société School Pack en 2016 au sens de l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle.
Elle fait valoir que la forclusion par tolérance suppose de démontrer être titulaire d’une marque postérieure enregistrée couvrant les produits et services pour lesquels la tolérance est invoquée, et qu’en l’espèce la société School Pack ne détient aucune marque Oxford désignant des cartables et des trousses puisque la marque n°270 désigne des ‘bagages, valises et sacs de voyage’ ; que les cartables ne sont pas visés même implicitement par la marque puisqu’ils ne sont pas dans la même sous-catégorie que les sacs de voyage et les valises au sein de la classe 18 selon la classification de [Localité 9] ; que les trousses ne sont pas davantage visées par la marque n°270 en ce qu’elles n’appartiennent même pas à la classe 18 ; que c’est la raison pour laquelle la société School Pack a éprouvé le besoin de déposer une nouvelle marque OXFORD visant ces produits en 2016, et que la société Holdham n’a pas toléré cette marque puisqu’elle a formé une opposition ; que la décision de l’EUIPO visée par l’appelante est impropre à caractériser la prétendue forclusion par tolérance.
Elle soutient qu’en outre il n’est pas démontré qu’elle a toléré l’exploitation de la marque enregistrée ; que les accords de 2002 sont impropres à caractériser cette tolérance alors qu’elle n’a pas eu connaissance ni avant ni après 2002 d’un usage de la marque n° 270 pour les produits visés de ‘bagages, valises et sacs de voyage’ ; que lorsqu’elle a mis fin en 2005 aux accords de 2002 elle a indiqué que la marque n°270 pourrait être exploitée pour les produits qu’elle vise, sans cependant autoriser son exploitation pour des produits qu’elle ne désigne pas tels que les trousses et les cartables ; qu’en tout état de cause elle n’a jamais eu connaissance de l’exploitation par School Pack du signe Oxford avant 2016 pour des trousses et des cartables ; qu’aucun des catalogues produits par School Pack ne présente des cartables avec le signe Oxford; qu’une seule facture relative à des sacs à dos sous la référence Oxford ne permet pas de prouver la connaissance par la société Holdham de la commercialisation de tels produits, outre qu’elle date du 12 juin 2014 soit moins de 5 ans avant l’assignation introductive ; que les quantités de trousses vendues sont minimes au regard de la taille du marché ; que les contrats de licence conclus entre Mme [B] et la société School Pack n’ont pas été publiés ; que le fait d’avoir participé au même salon ne prouve pas la commercialisation par la société School Pack de trousses et cartables sous le signe Oxford.
Elle en conclut que son action n’est pas forclose que ce soit sur le fondement de la marque déposée en 1971 ou sur celle déposée en 2002 ; que la forclusion s’applique ou pas à l’action en contrefaçon en son entier sans qu’il y ait lieu de différencier les droits invoqués ; que l’action n’est pas forclose car ce qui est poursuivi c’est l’usage contrefaisant par la société School Pack du signe OXFORD à compter de 2016 pour désigner des trousses et des cartables, qui ne sont pas visés par la marque n°270.
Elle ajoute que la société School Pack fait preuve de mauvaise foi en s’opposant à son action légitime en contrefaçon des marques dont elle est titulaire depuis 1971 ; que cette mauvaise foi résulte du déroulement des faits, à savoir la conclusion d’un accord de licence par le groupe Hamelin en 2002 pour lever la menace formulée par M. [G] d’éviter qu’un tiers ne vienne dénaturer l’image de la marque OXFORD, puis la proposition faite en 2016 au groupe Hamelin d’acquérir la marque, puis la cession de la marque à la société School Pack et le dépôt par cette dernière d’une marque OXFORD pour des trousses et cartables et enfin la commercialisation par l’appelante de cartables sous le signe Oxford ; que cette mauvaise foi prive la société School Pack de la possibilité d’invoquer la forclusion par tolérance prévue à l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle.
En application de l’article L. 716-5 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle ‘Est irrecevable toute action en contrefaçon d’une marque postérieure enregistrée dont l’usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n’ait été effectué de mauvaise foi.
Toutefois, l’irrecevabilité est limitée aux seuls produits et services pour lesquels l’usage a été toléré’.
En outre, l’article 9 de la directive européenne n° 89/104 du 21 décembre 1988, applicable au cas d’espèce, énonce :
1. Le titulaire d’une marque antérieure telle que visée à l’article 4 paragraphe 2, qui a toléré, dans un Etat membre, l’usage d’une marque postérieure enregistrée dans cet Etat membre pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage, ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de cette marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que le dépôt de la marque postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi.
2. Tout Etat membre peut prévoir que le paragraphe 1 s’applique au titulaire d’une marque antérieure visée à l’article 4 paragraphe 4 point a) ou d’un autre droit antérieur visé à l’article 4 paragraphe 4 point b) ou c).
3. Dans le cas visés au paragraphe 1 ou 2, le titulaire d’une marque enregistrée postérieure ne peut pas s’opposer à l’usage du droit antérieur bien que ce droit ne puisse plus être invoqué contre la marque postérieure.
Le point de départ du délai de forclusion commence à courir à compter de la date à laquelle le titulaire de la marque antérieure a eu connaissance de l’usage de la marque seconde qu’il a toléré.
En l’espèce, sont versés au débat les trois contrats de licence autorisant l’exploitation de la marque OXFORD n°270 par la société School Pack à compter respectivement des 1er septembre 2008, 1er septembre 2011 et 1er septembre 2014, ainsi que les copies des catalogues School Pack pour chaque année de 2008 à 2018 présentant des sacs à dos et des sacs besaces commercialisés sous la marque OXFORD mentionnée à la fois sur les sacs et sur les catalogues (2008 et 2016), et toute une collection de trousses de différentes formes et couleurs vendues sous la marque OXFORD figurant tant sur les catalogues que sur les trousses elles-mêmes. Sont également produites des factures en 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 adressées aux sociétés Cora, Auchan, Casino, Intermarché et Système U portant sur des milliers de trousses et de sacs.
Ces éléments, nonobstant le fait que la marque verbale Oxford n°270 est exploitée dans une typographie ‘anglais antique’ n’en altérant pas le caractère distinctif , établissent que la société School Pack exploite depuis 2009 ladite marque OXFORD pour des trousses et des sacs, la société Holdham prétendant vainement que la marque n°270 ne désigne pas les trousses et les sacs alors que, servant au transport d’objets personnels, ces produits font partie de la catégorie générale des bagages pour lesquels la marque n°270 est déposée, et que la société Holham peut d’autant moins soutenir le contraire qu’elle a pris cette marque en licence pour pouvoir commercialiser des trousses et des sacs scolaires.
Cette exploitation, vainement contestée par la société Holdham, est enfin corroborée par le mail du 21 juin 2016 adressé par M. [G] à M. [J], membre de la direction générale du groupe Hamelin ‘ayant le pouvoir d’engager à titre habituel la société’ ainsi que cela figure sur l’extrait Kbis, par lequel le premier précise au second, ‘nous avons pris bonne note de l’intérêt que vous portez au rachat éventuel de la marque OXFORD dans la classe 18, de l’ensemble de la collection School Pack actuelle ainsi que du sourcing de fabrication des trousses en Asie; (…). Avant de poursuivre dans le détail votre demande de renseignements sur la valorisation de la collection de trousses OXFORD, nous pouvons déjà vous avancer les chiffres suivants : depuis plus de 3 ans le CA HT des trousses OXFORD est supérieur à 600 000 euros HT annuel, (…)’, courriel auquel M. [J] répond le 30 juin 2016 ‘ (…) je vous confirme notre intérêt pour ce projet’, à savoir le rachat de la marque litigieuse n°270.
Les moyens opposés par la société Holdham relatifs au caractère minime de l’exploitation de la marque n°270 par la société School Pack pour des trousses et des sacs, outre qu’ils manquent en fait, sont au demeurant inopérants, l’article L.716-4-5 du code de la propriété intellectuelle précité nécessitant de prouver la tolérance de l’usage de la marque pour les produits visés sans exiger la preuve d’un usage quantitativement important de la marque en cause.
La société Holdham ne peut pas davantage sérieusement soutenir, nonobstant le fait que les contrats de licence autorisant l’exploitation de la marque OXFORD n°270 par la société School Pack de 2008 à 2016 n’ont pas été publiés, ne pas avoir eu connaissance de la commercialisation par la société School Pack, de 2009 à 2016, dans les enseignes de grande distribution, de trousses et sacs scolaires à la marque OXFORD, alors qu’elle est à la tête d’un groupe qui est un des leaders de la papeterie scolaire vendue notamment en grandes surfaces, dont les commerciaux sont nécessairement présents dans les rayons ‘fournitures scolaires’ des magasins en particulier lors des rentrées scolaires, et que les trousses, les cartables et sacs scolaires sont présentés dans les mêmes rayons, ou à tout le moins à proximité des cahiers, agendas et autres fournitures scolaires vendus par le groupe Hamelin.
La connaissance par la société Holdham de cette exploitation est corroborée par le fait que le groupe Hamelin connaît la société School Pack pour avoir négocié avec son fondateur et directeur commercial un contrat de licence en 2002 relativement à la marque n° 270 OXFORD que le groupe a exploitée pour des trousses et des sacs scolaires en 2003 et 2004, avant de cesser cette exploitation en 2005 tout en invitant M. [G] à reprendre sa liberté pour l’exploitation de sa marque, ce dont il se déduit, contrairement aux allégations de l’intimée, sa tolérance, à cette date, à ce que la marque OXFORD n° 270 soit exploitée par la société School Pack ou par un tiers pour des produits de maroquinerie scolaires.
L’ensemble de ces éléments précis et concordants démontre que la société Holdham a eu nécessairement connaissance de l’existence et de l’exploitation effective de la marque n°270 OXFORD par la société School Pack pour des produits de maroquinerie et bagagerie scolaire, à tout le moins dès le mois de septembre 2009, et qu’elle en a sciemment toléré son usage depuis cette date.
La société Holdham, invoque enfin en vain la supposée mauvaise foi de la société School Pack, qui aurait exercé envers elle un chantage tant au moment des négociations du contrat de licence que de celles du projet de cession de la marque, cette prétendue mauvaise foi, outre qu’elle n’est pas démontrée, étant sans pertinence, l’article 716-5 du code de la propriété intellectuelle excluant la forclusion seulement lorsque le dépôt de la marque postérieure a été effectué de mauvaise foi, circonstance étrangère au cas d’espèce et qui n’est pas alléguée.
Ainsi, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner le moyen tiré de la prescription, il y a lieu de dire qu’en application de l’article L.716-5 susvisé, la société Hodham, qui a toléré l’usage par la société School Pack de la marque OXFORD n°270 pour des produits de bagagerie scolaire depuis 2009, soit une période de plus de cinq ans à la date de l’assignation introductive du 17 mai 2018, est dès lors irrecevable en son action en contrefaçon sur le fondement de ses marques OXFORD n° 600 et n° 404.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions.
Sur la demande reconventionnelle de la société School Pack
La société School Pack demande à être indemnisée à hauteur de 315 000 euros du trouble commercial et financier qu’elle a subi en ce qu’elle a supporté des coûts pour le rappel des produits, que la procédure de sauvegarde a occasionné des frais de plus de 18 000 euros et que ses clients distributeurs ont procédé à un déréférencement partiel et à une baisse brutale des commandes entraînant de manière durable une perte de chiffre d’affaires.
Elle soutient que sa demande de dommages-intérêts, qui constitue la conséquence et le complément de la défense opposée à la demande principale devant les premiers juges, est donc recevable en appel.
La société Holdham oppose que cette demande nouvelle en appel est irrecevable, et qu’elle est en tout état de cause infondée.
La cour rappelle que l’article 566 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, et que l’article 567 du même code énonce que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.
La demande de dommages et intérêts formée par la société School Pack en appel au titre du trouble commercial et financier subi du fait de l’exécution du jugement de première instance constitue la conséquence et le complément de sa défense opposée à la demande principale devant les premiers juges. Elle est dès lors recevable.
Il est avéré que l’exécution du jugement de première instance qui a fait interdiction à la société School Pack de faire usage du signe OXFORD pour des articles de bagagerie scolaire et lui a ordonné de procéder à ses frais au rappel des articles mis en vente, lui a occasionné un préjudice commercial et financier, la société Holdham ne pouvant se prévaloir de la décision du délégataire du premier président qui a rejeté la demande de la société School Pack de suspension de l’exécution provisoire, pour prétendre infondées les demandes de cette dernière, alors au contraire qu’elle a poursuivi l’exécution du jugement à ses risques et périls.
S’il est incontestable que l’exécution du jugement entrepris ayant condamné la société School Pack à procéder au rappel et à la destruction des trousses et cartables scolaires commercialisés sous la marque OXFORD lui a nécessairement causé un trouble commercial et financier, et ce d’autant qu’un article est paru dans le journal Ouest France relatant les éléments dudit jugement, il n’est cependant pas démontré que la perte de chiffre d’affaires subie par la société School Pack en 2022 à hauteur de 220 000, dans un marché concurrentiel, soit imputable en totalité au comportement de la société Holdham.
Il n’est pas non plus démontré que la procédure de sauvegarde dont la société School Pack a fait l’objet, et dont les causes peuvent être diverses, soit imputable à la société Holdham, de sorte que les coûts relatifs à cette procédure allégués pour un montant de 18 000 euros ne peuvent être pris en compte au titre de la réparation du préjudice commercial.
La société School Pack justifie en revanche que les coûts de rappel de ses produits se sont élevés à 15 831 euros.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour évalue le préjudice commercial et financier subi par la société School Pack à un montant de 100 000 euros, et condamne la société Holdham en paiement de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate que la société Hodham a toléré l’usage par la société School Pack de la marque OXFORD n°1374270 depuis 2009 pour des produits de bagagerie scolaire,
Déclare irrecevable l’action de la société Holdham en contrefaçon sur le fondement de ses marques OXFORD n° 1710600 et n° 3163404,
Condamne la société Holdham à payer à la société School Pack la somme de 100 000 euros en réparation du trouble commercial et financier,
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,
Condamne la société Holdham aux dépens de première instance et d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile la condamne à verser à ce titre, pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel, une somme de 30 000 euros à la société School Pack, et de 12 000 euros à la société Sonat.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE