Titre de presse : 31 mai 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 08/08703

·

·

Titre de presse : 31 mai 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 08/08703
Ce point juridique est utile ?

31 mai 2011
Cour d’appel de Paris
RG n°
08/08703

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRÊT DU 31 Mai 2011

(n° 4 , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 08/08703

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 Mai 2008 par le conseil de prud’hommes de PARIS section encadrement RG n° 06/03350

APPELANT

Monsieur [E] [G]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Yves ROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P 253 substitué par Me Otto LEMON, avocat au barreau de PARIS, toque : P 253

INTIMÉ

Me [D] [V] – Mandataire liquidateur de la SA EYEDEA PRESSE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Hubert DE FREMONT, avocat au barreau de VERSAILLES substitué par Me Caroline PEYRATOUT, avocat au barreau de PARIS, toque : G0143

PARTIE INTERVENANTE :

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Adresse 2], représenté par Me Christophe LOPEZ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, conseiller, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, président

Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, président

– signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [E] [G] a été engagé par l’Agence Générale d’Images, aux droits de laquelle vient la société EYEDA PRESSE, par contrat à durée indéterminée non écrit à compter du 3 avril 1995 en qualité de laborantin.

Ayant obtenu la carte de presse le 9 juin 2000, il a exercé, à partir du 1er septembre 2000, la profession de journaliste reporter photographe au service de l’agence GAMMA, aux droits de laquelle vient la société EYEDA PRESSE. Un contrat de travail à durée indéterminée du 21 octobre 2002 a officialisé son activité de journaliste reporter photographe avec reprise d’ancienneté au 1er septembre 2000.

A l’occasion d’un reportage sur les émeutes d’octobre 2005 en Seine-Saint-Denis, [E] [G] qui se trouvait sur place depuis plusieurs semaines, a fourni de l’aide à une équipe de CANAL + chargée de réaliser un reportage pour le magazine 90 Minutes. [E] [G] a perçu de la part de CANAL + une rétribution de 1 330 €.

Dans un article paru dans le quotidien LE MONDE du 13 novembre 2005, consacré aux difficultés des journalistes à exercer leur métier pendant la crise des banlieues, il est rapporté les propos suivants d’un journaliste de CANAL + : ‘pour notre enquête à [Localité 4], nous avons rémunéré un photographe de l’agence GAMMA qui était déjà sur place et qui nous a permis d’établir des contacts et de nouer des relations de confiance.’

Convoqué à un entretien préalable le 25 novembre 2005, [E] [G] s’est vu notifier son licenciement pour faute par lettre du 19 décembre 2005 ainsi rédigée :

‘Nous vous avons demandé de nous faire part de vos explications concernant le contenu de l’article paru dans le journal LE MONDE du 13/14 novembre 2005 intitulé ‘la crise des banlieues interpelle la pratique du journalisme’. En effet, cet article cite l’affirmation suivante : ‘pour notre enquête à [Localité 4], nous avons rémunéré un photographe de l’agence GAMMA qui était déjà sur place.’

Il est avéré que vous êtes le photographe concerné, et donc que vous avez perçu une rétribution, fait que vous n’avez d’ailleurs pas contesté.

Cette situation est pour nous inacceptable compte tenu de votre lien de subordination concrétisé dans votre contrat de travail signé le 21 octobre 2002.

L’article 3 de votre contrat de travail précise d’ailleurs :

‘Vous êtes employé à temps plein, et tenu à une obligation d’exclusivité ainsi qu’à une obligation de loyauté. Aussi, vous ne devez avoir, à l’insu de la société, aucun intérêt direct ou indirect ni aucune fontion dans une agence de presse et/ou entreprise de presse ou communication concurrente, ni plus généralement une autre occupation professionnelle même non concurrente.

La Direction de l’agence tient à vous aviser qu’elle attache un prix particulier à ce que, conformément à la lettre et à l’esprit de l’article 7 de la convention collective des journalistes, vous déclariez obligatoirement, par écrit à la direction de votre rédaction, les collaborations extérieures que vous pourriez envisager qu’elles soient sous votre propre nom, anonyme ou sous un pseudonyme.

Nous vous demandons en conséquence de ne pas vous engager avant d’avoir reçu un accord formel, dans le délai prescrit par la convention collective.’

C’est notamment pour cela que lors de notre entretien nous vous avons précisé que vous n’aviez à aucun moment pris la précaution préalable d’avertir même oralement un membre de la direction des agences joignable à tout moment y compris le week-end.

En plus de cette situation, nous vous rappelons que nous sommes déjà intervenus auprès de vous à plusieurs reprises, interventions confirmées dans nos courriers recommandés du 22 juin et du 19 juillet 2005.

Dans notre courrier du 19 juillet 2005, nous vous indiquions d’ailleurs en conclusion : ‘le présent courrier est une dernière alerte en ce qui nous concerne et j’espère avoir dès le retour du mois de septembre des éléments plus positifs’.

Il s’avère aujourd’hui que nos différentes alertes n’ont pas été suivies d’effet mais qu’au contraire nous nous retrouvons dans une situation nouvelle particulièrement inadmissible.

Votre conduite mettant en cause le bon fonctionnement de l’agence, ceci nous conduit donc par la présente à décider de votre licenciement pour faute’.

Par jugement du 16 mai 2008, le conseil de prud’hommes de Paris, présidé par le juge départiteur, a dit que le licenciement de [E] [G] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, et a fixé son ancienneté en qualité de journaliste au 1er janvier 1999. Il a condamné la société EYEDA PRESSE à verser à [E] [G] les sommes suivantes :

– 1 600,50 € à titre de complément d’indemnité compensatrice de préavis

– 160,05 € au titre des congés payés y afférents

– 3 669,97 € à titre de complément d’indemnité de congédiement

– 1 519,55 € à titre de rappel de prime d’ancienneté

– 25 000,00 € à titre d’indemnité de licenciement

– 1 800,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud’hommes a ordonné à la société EYEDA PRESSE de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois.

[E] [G] a relevé appel de cette décision. Il sollicite la confirmation des dispositions du jugement entrepris faisant droit à ses demandes. Pour le surplus, il demande à la cour :

– de condamner la société EYEDA PRESSE à lui payer la somme de 15 576,45 € net à titre de complément sur l’indemnité conventionnelle de licenciement, et à titre subsidiaire, la somme de 10 224,08 € ;

– de prononcer la nullité de l’article 5 de son contrat de travail emportant cession de ses droits d’auteur sur le fondement de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ; à titre subsidiaire, de dire que la clause est privée d’effet ;

– d’ordonner la cessation par la société EYEDA PRESSE de toute exploitation du fonds photographique constitué par [E] [G] entre le 30 septembre 2002 et le 19 mars 2006

– de condamner la société EYEDA PRESSE, sous astreinte de 300 € par jour de retard dans les quinze jours à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, à restituer à [E] [G] l’intégralité du fonds photographique constitué entre le 30 septembre 2002 et le 19 mars 2006.

– condamner la société EYEDA PRESSE à lui verser 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le mandataire liquidateur de la société EYEDA PRESSE, Maître [D] [V], demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de débouter [E] [G] de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire, si la cour prononçait la nullité de la clause de cession de droits d’auteur, il lui est demandé de condamner [E] [G] au remboursement de l’ensemble des salaires qu’il a perçus au cours des relations contractuelles avec la société EYEDA PRESSE, de mettre hors de cause le mandataire liquidateur s’agissant de la demande de restitution du fonds photographique et, en toute hypothèse, de condamner [E] [G] à la somme de 2 000 €sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’AGS CGEA IDF OUEST, intervenante forcée, demande à la cour de débouter [E] [G] de l’intégralité de ses demandes et à titre subsidiaire de dire et juger que, s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale, étant entendu que la garantie de l’AGS ne pourra excéder six fois le plafond des cotisations maximum au régime d’assurance chômage tel qu’applicable en 2005 en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.

Pour les prétentions et moyens des parties, il est fait référence aux conclusions visées par le greffier, reprises et soutenues oralement à l’audience du 30 mars 2011.

SUR QUOI, LA COUR

Sur le licenciement de [E] [G]

[E] [G] fait valoir que l’article 7 de la convention collective des journalistes – qui prévoit expressément qu’en cas de collaboration extérieure à caractère fortuit, le journaliste peut exceptionnellement être dispensé de l’autorisation de son employeur dès lors que cette collaboration ne porte aucun préjudice à l’entreprise à laquelle il appartient – est applicable au cas d’espèce ; qu’il s’est contenté de jouer auprès de l’équipe de CANAL +, la nuit du 1er novembre 2005, le rôle de ‘fixeur’ qui consiste à faire bénéficier à une autre rédaction de ses contacts privilégiés afin de l’introduire de manière sécurisée dans un milieu hostile et de pouvoir couvrir l’événénement ; que l’agence GAMMA était parfaitement informée de cette collaboration ; que la somme versée par CANAL + constituait une gratification correspondant à une pratique professionnelle usuelle ; que cette collaboration de très courte durée présentait un caractère exceptionnel et impromptu, dicté par des conditions difficiles et dangereuses ; qu’elle n’a causé aucun préjudice à l’agence GAMMA qui a bénéficié, à titre exclusif, des clichés de [E] [G] ; que les prétendues alertes dont l’employeur fait mention dans la lettre de licenciement ne sont pas fondées.

Le mandataire liquidateur de la société EYEDA PRESSE soutient que le licenciement de [E] [G] est fondé sur une violation de son obligation de loyauté et d’exclusivité, prévue à l’article 3 de son contrat de travail ; qu’il a collaboré avec une équipe de CANAL + moyennant rétribution, sans autorisation préalable de sa rédaction, en violation des dispositions de son contrat de travail et de l’article 7 de la convention collective des journalistes qui prévoit que les collaborations extérieures des journalistes doivent être au préalable déclarées par écrit à l’employeur sauf en cas de collaboration fortuite ; qu’ayant duré près de deux semaines, la collaboration ne pouvait être qualifiée de fortuite ; que celle-ci a causé un préjudice à la société EYEDA PRESSE, dès lors qu’elle a permis à une rédaction concurrente de réaliser un reportage télévisé contenant des images similaires, ce qui a eu pour effet de porter atteinte au caractère exclusif des clichés commercialisés par EYEDA PRESSE ;

A titre subsidiaire, le mandataire liquidateur réclame la réduction du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui serait allouée au salarié.

L’AGS CGEA IDF OUEST s’associe aux explications du mandataire liquidateur.

Considérant qu’il est reproché à [E] [G] d’avoir violé l’obligation d’exclusivité et de loyauté prévue dans son contrat de travail ; qu’il résulte de l’article du journal LE MONDE du 13 novembre 2005 versé aux débats, de l’attestation de Monsieur [O] [S], réalisateur du reportage pour l’émission télévisée 90 Minutes diffusée sur CANAL +, ainsi que de l’attestation du rédacteur en chef de l’émission 90 Minutes, qu’en raison de la dangerosité de la situation et de la difficulté de couvrir cet événement, les journalistes de CANAL + ont travaillé avec le concours de [E] [G] pendant près de deux semaines, notamment la nuit, afin de se protéger mutuellement et de bénéficier d’un échange de moyens et d’informations ; qu’il résulte de ces éléments que cette collaboration présentait un caractère imprévu, lié à l’actualité, et a également eu pour but d’assurer la sécurité du salarié sur le lieu du reportage ; qu’il n’est pas démontré par le salarié que la société EYEDA PRESSE était au courant de cette collaboration ; que cependant, la convention collective des journalistes dispense d’autorisation préalable les collaborations extérieures fortuites, dès lors qu’elles ne portent aucun préjudice à l’entreprise à laquelle appartient le journaliste ; que l’employeur ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice du fait de la diffusion télévisée du reportage pour lequel [E] [G] a apporté son concours ; qu’en effet, le salarié verse aux débats un article du journal LE MONDE daté du 13 novembre 2005 reproduisant ses clichés pris à [Localité 4] le 30 octobre 2005, ce qui démontre bien que la société EYEDA PRESSE a pu exploiter, à titre exclusif, les photographies de son journaliste bien avant la diffusion télévisée du reportage en cause ; que la collaboration du salarié ne peut dès lors s’analyser en une activité concurrentielle et déloyale vis-à-vis de son employeur justifiant son licenciement pour faute ; qu’il s’ensuit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant que [E] [G] était âgé de trente-quatre ans à la date de son licenciement et bénéficiait d’une ancienneté de dix ans et demi au sein de la société EYEDA PRESSE ; que son salaire moyen s’élevait à 3 228,50 € ; qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a alloué la somme de 25 000 € à [E] [G] à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

[E] [G] expose que son employeur lui a versé 2 428,25 € par mois au titre de son indemnité compensatrice de préavis alors même que son salaire s’élevait à 3 228,50 € ; qu’il lui est donc dû un complément de 1 600,50 € pour les deux mois de préavis, ainsi que les congés payés afférents.

Considérant que la demande de [E] [G] n’est pas contestée ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande du salarié de ce chef ;

Sur l’ancienneté de [E] [G] en qualité de journaliste

La convention collective des journalistes prévoit en son article 23 le versement d’une prime d’ancienneté à partir de cinq années d’ancienneté dans la profession.

[E] [G] sollicite la reconnaissance de son statut de journaliste professionnel à compter du 1er janvier 1999 au motif qu’il exerçait dès cette date les fonctions de journaliste photographe dans un état de subordination vis-à-vis de l’agence GAMMA et tirait de cette activité ses ressources principales ; que son employeur n’ayant pris en compte son ancienneté qu’à partir du 1er septembre 2000, il ne lui a versé la prime d’ancienneté qu’à partir de juin 2005 alors qu’elle aurait dû lui être versée à compter du 1er janvier 2004 ; qu’ainsi, un rappel de 1 519,55 € lui est dû.

Le mandataire liquidateur de la société EYEDA PRESSE soutient que le salarié n’apporte pas la preuve qu’il remplissait les conditions posées par l’article L. 7111-3 du code du travail pour prétendre à la qualification de journaliste professionnel dès le 1er janvier 1999 ; qu’un protocole d’accord transactionnel relatif à la cession de droits d’exploitation daté du 31 janvier 2003 entre l’agence GAMMA, l’agence STILLS, l’agence MPA et [E] [G], indique en préambule que par contrat et accords, [E] [G] a été engagé par l’Agence GAMMA à compter du 01/09/2000 et était préalablement pigiste à l’agence STILLS et à l’agence MPA ; qu’il était toujours laborantin entre le 1er janvier 1999 et le 1er septembre 2000 et qu’il lui arrivait de soumettre des reportages à l’agence GAMMA de sa propre initiative.

Considérant qu’il résulte de l’article L.7111-3 du code du travail qu’est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ;

Considérant qu’en application de l’article L. 7712-1 du code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties

Considérant que le salarié verse aux débats un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine du 11 mai 2006 opposant la société GAMMA à plusieurs journalistes dont Monsieur [G] ; que ce jugement a confirmé le redressement URSSAF dont la société a fait l’objet relativement à la rémunération versée à [E] [G] sous forme de droits d’auteur pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000, estimant que la présomption de salariat de l’article L. 7712-1 du code du travail s’appliquait dès lors qu’il était établi que ‘le montant de certaines rémunérations laissait présumer une relation continue entre le journaliste et l’agence, et l’existence d’un travail régulier et habituel du premier au profit du second’ ; que la société EYEDA PRESSE ne verse aucune pièce permettant de contredire cette affirmation; qu’en conséquence, il y a lieu de fixer l’ancienneté de [E] [G] au sein de l’agence GAMMA en qualité de journaliste professionnel au 1er janvier 1999; que le jugement entrepris est confirmé sur ce point ;

Considérant en conséquence qu’il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de prime d’ancienneté du salarié ; que le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a alloué 1 519,55 € à titre de rappel de prime d’ancienneté ;

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

[E] [G] fait valoir qu’il aurait dû percevoir une indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur la base d’une ancienneté de dix ans et neuf mois, remontant au 3 avril 1995, incluant ainsi les cinq années où il a exercé en qualité de laborantin ; que c’est à tort que la société EYEDA PRESSE lui a versé une indemnité conventionnelle calculée sur la base d’une ancienneté remontant au 1er septembre 2000 ; que l’ancienneté d’un salarié doit s’apprécier non pas au regard de sa date d’entrée dans la profession de journaliste mais au regard de la date d’entrée au service de son employeur.

A titre subsidiaire, il sollicite le cumul de deux indemnités conventionnelles : celle correspondant à son activité de laborantin pour la période du 3 avril 1995 au 31 août 2000, en application de la convention collective des agences de presse, et celle correspondant à son activité de journaliste en application de la convention collective des journalistes pour la période du 1er septembre 2000 au 25 février 2006.

Le mandataire liquidateur de la société EYEDA PRESSE et L’AGS CGEA IDF OUEST font valoir qu’en application de l’article L. 7112-3 du code du travail tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation, l’indemnité conventionnelle de licenciement d’un journaliste ne doit être calculée qu’en fonction des seules années passées dans l’exercice de la profession.

Considérant qu’en vertu de l’article L. 7112-3 du code du travail, le journaliste congédié du fait de l’employeur a droit à une indemnité qui est calculée en fonction des seules années passées dans l’exercice de la profession de journaliste, sauf pour l’intéressé à lui préférer, si elle est plus favorable, l’indemnité légale de licenciement prenant en compte la totalité des années de service dans l’entreprise ; que l’indemnité prévue par l’article précité ne peut se cumuler avec une autre indemnité conventionnelle de licenciement ; que c’est à bon droit que les premiers juges ont calculé le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement sur la base d’une ancienneté remontant au 1er janvier 1999 ; que le jugement est confirmé en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 3 669,97 € à titre de complément d’indemnité de congédiement ;

Sur la restitution et la cessation d’exploitation du fonds photographique constitué par Monsieur [G] entre le 30 septembre 2002 et le 19 mars 2006

L’article 5 du contrat de travail de [E] [G] stipule : ‘il est expressément convenu que le règlement de votre salaire de base de photographe professionnel emporte obligatoirement cession au profit de l’agence au fur et à mesure de leur création des droits de propriété intellectuelle afférents aux photographies réalisées par vous même ou en pool, sous réserve du respect de votre droit moral (conformément à l’article L. 132-6, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle).

Il est d’ores et déjà prévu que cette cession est consentie à titre exclusif pour le monde entier et pour la durée légale de protection accordée par la législation française, étant expressément convenu par les parties que cette transmission des droits cédés perdura au delà de la fin du présent contrat et ce qu’elle qu’en soit la cause.

Ces droits qui pourront être exploités directement ou cédés par l’agence, sont constitués des droits de reproduction, de représentation, d’adaptation, de distribution, de location et de prêt, quelque soit le support employé, la destination informelle culturelle ou publicitaire de l’oeuvre, les procédés de communication au public connus ou non encore connus à ce jour (…)’

Il est ensuite énuméré les types de droits cédés – reproduction, représentation, adaptation – et leur étendue et destination respectives.

[E] [G] soutient que cette clause de cession est nulle, étant contraire à l’article L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle qui prohibe la cession globable d’oeuvres futures ainsi qu’à l’article L. 131-4 du même code qui prévoit une rémunération proportionnelle de l’auteur sur l’exploitation de ses oeuvres ; que cette clause ne prévoit aucune rémunération complémentaire du salarié pour toute exploitation de ses photographies postérieurement au contrat de travail.

A titre subsidiaire, il fait valoir que la clause doit être privée d’effet ; qu’elle stipule que la cession sera confirmée tous les ans dans un document particulier qui identifiera les oeuvres en cause, ce qui n’a jamais été le cas.

Le mandataire liquidataire de la société EYEDA PRESSE expose que la clause ne peut s’analyser en une cession globale d’oeuvres futures, dès lors qu’il est prévu que la cession se fait au fur et à mesure de la création des oeuvres ; que l’article L. 132-36 du code de la propriété intellectuelle issu de la loi HADOPI du 12 juin 2009 prévoit que la convention liant un journaliste professionnel, qui contribue à l’élaboration d’un titre de presse, et l’employeur, emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des oeuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu’elles soient ou non publiés ; que l’exploitation des photographies postérieurement à la fin du contrat de travail se poursuit quand bien même la rémunération du photographe était forfaitaire.

L’AGS expose qu’elle n’est pas concernée par la demande de restitution du fonds photographique.

Considérant que la clause du contrat de travail prévoyant une cession au profit de l’agence de presse au fur et à mesure de leur création des droits de propriété intellectuelle sur les photographies réalisées par [E] [G], n’est pas constitutive d’une cession globale d’oeuvres futures prohibée par le code de la propriété intellectuelle ; qu’il est cependant prévu dans le contrat que la cession sera confirmée tous les ans dans un document particulier qui identifiera les oeuvres en cause ; qu’il n’est pas contesté que cette confirmation annuelle des oeuvres cédées n’a jamais eu lieu ; que la cession des droits d’exploitation sur les photographies de [E] [G] n’ayant pas été mise en oeuvre régulièrement, il y a lieu d’ordonner la cessation d’exploitation du fonds photographique constitué par [E] [G] entre le 30 septembre 2002 et le 19 mars 2006 et sa restitution ; que le jugement entrepris est infirmé sur ce point ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande relative à l’exploitation et à la restitution de son fonds photographique ;

Y AJOUTANT,

ORDONNE la cessation par la société EYEDA PRESSE de toute exploitation du fonds photographique de [E] [G] constitué entre le 30 septembre 2002 et le 19 mars 2006;

DIT que Maître [D] [V], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société EYEDA PRESSE doit restituer à [E] [G] l’intégralité du fonds photographique constitué entre le 30 septembre 2002 et le 19 mars 2006 ;

MET LES DEPENS à la charge de Maître [D] [V], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société EYEDA PRESSE.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x