Titre de presse : 19 mars 1996 Cour de cassation Pourvoi n° 93-15.806

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Titre de presse : 19 mars 1996 Cour de cassation Pourvoi n° 93-15.806
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19 mars 1996
Cour de cassation
Pourvoi n°
93-15.806

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

I – Sur le pourvoi n° B 93-15.806 formé par la société Drillers, société anonyme, dont le siège est …,

en cassation d’un arrêt rendu le 30 avril 1993 par la cour d’appel de Paris (1re chambre, section B) , au profit :

1°/ de M. Yvon X…, demeurant …,

2°/ de M. Louis Y…, demeurant …,

défendeurs à la cassation ;

II – Sur le pourvoi n° T 93-17.914 formé par M. Louis Y…, demeurant …,

en cassation du même arrêt rendu au profit :

1°/ de M. Yvon X…,

2°/ de la société anonyme Drillers, défendeurs à la cassation ;

M. Yvon X…, défendeur au pourvoi n° B 93-15.806, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt;

La demanderesse au pourvoi principal n° B 93-15.806 invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt;

Le demandeur au pourvoi incident n° B 93-15.806 invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;

Le demandeur au pourvoi n° T 93-17.914 invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt;

LA COUR, en l’audience publique du 6 février 1996, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Mme Clavery, MM. Lassalle, Armand-Prevost, conseillers, MM. Le Dauphin, Rémery, conseillers référendaires, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre;

Sur le rapport de M. le conseiller Tricot, les observations de Me Foussard, avocat de la société Drillers, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Y…, de Me Vuitton, avocat de M. X…, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Joint le pourvoi n° B 93-15.806 et le pourvoi n° T 93-17.914, qui attaquent le même arrêt;

Attendu, selon l’arrêt déféré, qu’après la mise en redressement judiciaire de la société La Barbotine et la nomination de M. X… en qualité d’administrateur avec une mission d’assistance, le 16 janvier 1989, le Tribunal, statuant sur le rapport favorable de l’administrateur judiciaire, a autorisé la poursuite de l’activité de la société jusqu’au 13 juin 1989; que, par un nouveau jugement, il a prolongé la période d’observation jusqu’au 16 janvier 1990; que l’administrateur judiciaire s’étant aperçu, en novembre 1989, que le chiffre d’affaires de la société avait été délibérément augmenté par M. Y…, associé et directeur dans la société, dans le but de faire apparaître faussement une situation positive, il a demandé la conversion du redressement en liquidation judiciaire, laquelle a été prononcée le 18 décembre 1989; que, le 4 novembre 1988, M. Y… avait constitué, avec six autres personnes, la société Drillers à laquelle la société La Barbotine avait vendu, le même jour, le titre de presse “Le Guide national de l’hôtellerie” qu’elle éditait jusqu’alors; que, par un contrat de régie publicitaire conclu le 21 février 1989, la société Drillers a confié à la société La Barbotine, pour une durée de cinq ans ayant commencé à courir le 15 juin 1988, la charge de prospecter, de recueillir et de promouvoir par tous les moyens à sa convenance la publicité à insérer dans le Guide national de l’hôtellerie, de la facturer, d’en encaisser le montant auprès de la clientèle ou de tout intermédiaire, à charge par elle de verser à la société Drillers 60 % des recettes 90 jours après la date de parution du guide; que celui-ci ayant été édité en septembre 1989 et la société La Barbotine n’ayant effectué aucun règlement, la société Drillers a assigné M. X… pour qu’il soit condamné personnellement à l’indemniser de son préjudice; que M. X… a appelé en garantie M. Y… sur le fondement d’un engagement que celui-ci avait pris à son égard le 29 novembre 1989;

Sur le pourvoi n° B 93-15.806 :

Donne acte à la société Drillers de ce qu’elle s’est désistée de son pourvoi en tant qu’il était formé contre M. Y…;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, du pourvoi principal :

Attendu que la société Drillers reproche à l’arrêt d’avoir limité à la moitié de son préjudice la condamnation prononcée à l’encontre de M. X…, alors, selon le pourvoi, d’une part, que la présence de l’administrateur judiciaire, chargé d’assister le débiteur et donc de le contrôler, par elle-même de nature à garantir la restitution des fonds encaissés par le débiteur en sa qualité de mandataire, excluait qu’une faute puisse être imputée au mandant du débiteur pour n’avoir pas exigé des sûretés ou un paiement immédiat, lesquelles ne pouvaient que renchérir le coût de la prestation et compromettre la poursuite de l’activité voulue par législateur; d’où il suit qu’en retenant une faute à la charge de la société Drillers, les juges du fond ont violé les articles 1382 et 1993 du Code civil, 408 du Code pénal, 26, 31, 32, 33 et 35 de la loi du 25 janvier 1985; alors, d’autre part, que faute d’avoir constaté l’existence de circonstances particulières révélant la nécessité pour la société Drillers, en sa qualité de mandant, d’exiger des sûretés et de refuser les délais de paiement conformes à l’usage, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1382 et 1993 du Code civil, 408 du Code pénal, 26, 31, 32, 33 et 35 de la loi du 25 janvier 1985; et alors, enfin, que le fait pour un cocontractant de prendre un risque n’est pas en lui-même constitutif d’une faute, réserve faite du cas où ce risque présentant un caractère anormal, une faute d’imprudence peut être constatée; qu’ayant omis de dire en quoi le risque éventuellement pris par la société Drillers pouvait être considéré comme anormal et révélait une faute, les juges du fond ont encore privé leur décision de base légale au regard des articles 1382 et 1993 du Code civil, 408 du Code pénal, 26, 31, 32 et 35 de la loi du 25 janvier 1985;

Mais attendu que la cour d’appel a relevé que la société Drillers avait pris un risque en acceptant de contracter avec la société La Barbotine le 21 février 1989, avec effet rétroactif au 15 juin 1988, sans exiger de garantie pour la sauvegarde de ses droits sur les encaissements effectués par la société mandataire, dès lors que leur restitution était différée de plusieurs mois et que M. X… ne pouvait encourir aucune responsabilité en ce qui concerne les fonds encaissés par la société La Barbotine mais dissipés avant le 16 janvier 1989; que, par ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a écarté le caractère exclusif de la faute de l’administrateur judiciaire et relevé les circonstances particulières justifiant la constitution de sûretés a caractérisé les fautes commises par la société Drillers et légalement justifié sa décision; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches;

Et sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, du pourvoi incident :

Attendu que M. X… reproche à l’arrêt de l’avoir déclaré responsable pour moitié du préjudice subi par la société Drillers, alors, selon le pourvoi, d’une part, que la situation comptable présentée par l’expert-comptable de la société La Barbotine, le 31 août 1989, faisait état d’un résultat positif; que, toutefois, les opérations de contrôle effectuées à la requête de l’administrateur ont fait découvrir un chiffre d’affaires artificiellement majoré; qu’aux termes d’un écrit du 29 novembre 1989, M. Y… a reconnu être seul responsable de cette situation; que dès lors, en retenant une part de responsabilité de l’administrateur à raison de la majoration artificielle du chiffre d’affaires, l’arrêt a violé la volonté des parties résultant de l’acte du 29 novembre 1989 et, partant, l’article 1134 du Code civil; alors, d’autre part, qu’en reprochant à l’administrateur de ne pas avoir vérifié l’exactitude des comptes fournis par l’expert de la société tandis qu’il avait par ailleurs constaté que cette vérification avait été effectuée en novembre 1989 par l’administrateur, laquelle avait permis de découvrir la fraude et conduit M. X… à demander immédiatement la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, prononcée le 18 décembre 1989, l’arrêt n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article 1382 du Code civil; et alors, enfin, que le contrat de régie publicitaire ne faisait pas obligation à la société La Barbotine de rendre indisponible sur un compte spécial les sommes encaissées au fur et à mesure de l’encaissement; que dès lors, en reprochant à l’administrateur de n’avoir pas pris suffisamment tôt l’initiative d’immobiliser les recettes publicitaires litigieuses, l’arrêt a violé l’article 1134 du Code civil;

Mais attendu que, sans donner force obligatoire à l’acte du 29 novembre 1989 auquel la société Drillers n’était pas partie, ni déduire du contrat de régie publicitaire des obligations qu’il ne comportait pas, la cour d’appel a constaté que l’administrateur judiciaire avait laissé exécuter par la société La Barbotine ce contrat souscrit avec la société mandante sans s’assurer préalablement, par tous moyens utiles, et notamment par une analyse approfondie de la situation financière de son administrée, que celle-ci avait les capacités réelles de l’exécuter, et sans veiller, comme il l’a fait à partir d’avril 1989, à ce que les recettes publicitaires soient individualisées de manière que la société mandataire soit en mesure, le moment venu, de restituer l’intégralité des sommes détenues pour le compte de la société Drillers; qu’ainsi, la cour d’appel a légalement justifié sa décision; d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune des ses branches;

 


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