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12 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/00347
Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 12 AVRIL 2023
(n° /2023)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00347 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG4BI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2022 du Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021036661
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEURS
S.A. FRANCESOIR GROUPE
[Adresse 2]
[Localité 3]
S.A.S. SHOPPER UNION FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentées par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Et assistées de Me Arnaud DIMEGLIO, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER
à
DEFENDEURS
S.A.R.L. GOOGLE FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 4]
SOCIÉTÉ GOOGLE LLC, société de droit étranger
[Adresse 1]
[Adresse 6]
SOCIÉTÉ GOOGLE IRELAND LIMITED, société de droit irlandais
[Adresse 8]
[Adresse 9]
[Adresse 7] – IRELAND
Représentées par la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
Et assistées de Me Suzanne CARYOL substituant Me Alexandra NERI du PARTNERSHIPS HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : J025
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 02 Mars 2023 :
Par jugement du 6 septembre 2022 rendu entre, d’une part, la SA France Soir Groupe et la Sas Shopper Union France et d’autre part, les sociétés Sarl Google France, Google LLC et Google Ireland Limited, le tribunal de commerce de Paris a :
– Dit irrecevable pour défaut d’intérêt à agir l’action des sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France à l’encontre de Google LLC et Google France
– Mis hors de cause Google LLC et Google France
– Débouté Google Ireland Limited de sa fin de non recevoir pour défaut de qualité à agir de la société France Soir Groupe
– Dit la société France Soir Groupe recevable
– Dit que la société Google Ireland Limited n’a pas, en déréférançant France Soir de son moteur de recherche Actualité, en suspendant l’accès de ses vidéos à sa plateforme You Tube et en désactivant son compte AdSence, porté atteinte à la liberté d’expression de Shopper Union France, l’éditeur de ses services
– Dit que Google Ireland Limited n’a pas, en déréférençant France Soir de ses services Actualités, You Tube et AdSence abusé de sa position dominante à l’égard Shopper Union France éditeur et gestionnaire du titre France Soir
– Débouté France Soir Goupe et Shopper Union France de leurs demandes au titre d’un abus de position dominante de Google et relatives à la loi sur les droits voisins
– S’est déclaré incompétent pour l’exécution des mesures conservatoires édictées par l’Autorité de la Concurrence dans sa décision du 9 avril 2020 sur les droits voisins
– Dit que Google Ireland Limited n’a pas bénéficié d’un avantage sans contrepartie ni soumis Shopper Union France à un déséquibre significatif ni ne s’est rendu coupable d’une rupture brutale de ses relations avec cette dernière
– Débouté les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France de leurs demandes sur le fondement de l’article L 442-1 du code de commerce
– Dit que Google Ireland Limited n’a pas dénigré France Soir Groupe et Shopper Union France et les déboute de leurs demandes sur le fondement du dénigrement
– Dit que Google Ireland Limited n’a pas violé le Règlement UE 2019/1150 du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services intermédiaires en ligne dite “Platfom to Business”
– Dit que sur le fondement de l’article 31 du code de procédure civile, France Soir Groupe et Shopper Union France sont irrecevables en leur action sur le fondement de l’article L 111-7 du code la consommation et en leur action sur le fondement de l’article 6 II de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique loi de 2004 dite LCEN
– Débouté les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France de toutes leurs autres demandes à titre principal comme subsidiaire
– Condamné in solidum les société France Soir Groupe et Shopper Union France à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile les sommes suivantes :
– 10 000 euros à Google LLC
– 10 000 euros à Google France
– 50 000 euros à Google Ireland Limited
– Ordonné l’exécutoin provisoire
– Condamné in solidum les société France Soir Groupe et Shopper Union France aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 28 septembre 2022, les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France ont interjeté appel de cette décision.
Par actes d’huissier des 16 janvier et 10 février 2023, les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France ont fait assigner en référé les sociétés Google LLC, Google France et Google Ireland Limited devant le premier président de cette cour afin de, postérieurement au jugement entrepris, juger que les droits des sociétés Shopper Union France et France Soir Groupe sont en péril. Il convient donc d’ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire portant sur la condamnation à 70 000 euros d’article 700 du code de procédure civile des sociétés France Soir Groupe et Shopper Union Groupe, de fixer l’audience de plaidoirie de cette affaire, de débouter les sociétés Google France, Google LLC et Google Ireland Limited de leurs demandes, de les condamner à payer aux sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions en réplique du 28 février 2022 et soutenues oralement lors de l’audience du 2 mars 2022, les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France ont maintenu l’intégralité de leurs demandes
Par conclusions notifiées le 24 février 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie du 2 mars 2022, les sociétés Google Ireland Limited, Google LLC et Google France demandent de déclarer les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France irrecevables en leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6 septembre 2022 et les en débouter. A titre subsidiaire, il convient de statuer selon les règles de droit applicables sur les demandes d’arrêt de l’exécution provisoire formées par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France et les sociétés Google Ireland Limited, Google LLC et Google France s’en remettent à l’appréciation du juge quant à l’existence d’éventuelles conséquences manifestement excessives. Il y a lieu de statuer selon les règles de droit applicables sur la demande de fixation de l’appel à jour fixe formée par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France, les sociétés Google Ireland Limited, Google LLC et Google France s’en remettant à l’appréciation du juge quant à l’existence d’un péril pesant sur les prétentdus droits des appelantes et dans l’hypothèse où l’appel serait fixé à jour fixe, fixer un calendrier aux termes duquel les sociétés Google Ireland Limited, Google LLC et Google France disposeront d’un délai suffisant et d’au moins deux mois à compter de l’ordonnance à venir pour régulariser leurs conclusions. Il convient de condamner solidairement les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France à supporter les dépens et à verser aux sociétés Google Ireland Limited, Google LLC et Google France la somme de 4 0000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France de leurs demandes plus amples ou contraires, en particulier au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
En vertu de l’article 514-3 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2020, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Il ressort du texte précité que deux conditions cumulatives doivent être réunies pour que le premier président puisse suspendre l’exécution provisoire prononcée : il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision entreprise et l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
1- Sur la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire :
Les sociétés Google Ireland Limited, Google LLC et Google France estiment irrecevables les demandes d’arrêt de l’exécution provisoire en l’absence de conséquences manifestement excessives survenues postérieurement au jugement. En effet, les pertes de revenus alléguées, la perte de trafic de Shopper Union et la perte de revenus publicitaires résultent de facteurs antérieurs à la décision entreprise.
En outre, aucune pièce n’est versée aux débats démontrant la réalité de la situation financière des sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France ni qu’elles seraient dans l’impossibilité de payer la somme de 70 000 euros objet de la condamnation de première instance.
Les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France considèrent qu’elles sont recevables en leur action contre les sociétés Google dont les décisions constituent assurément une atteinte à la liberté d’expression en raison d’une analyse erronée des 3 services de Google, des règles de Google qui ne sont ni communiquées ni acceptées et une absence de mise en balance des intérêts (une règle abusive, une censure disproportionnée, une absence de finalité). Il y a également un abus de position dominante de la part des sociétés Google, des pratiques abusives et des discriminations de leur part.
Cette atteinte à la liberté d’experssion se poursuit postérieurement à la décision entreprise et les déréférencements mettent les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France dans une situation financière délicate qui se poursuit postérieurement au jugement du tribunal de commerce.
En outre, les demanderesses estiment qu’elles n’ont pas eu droit à un procès équitable devant le tribunal de commerce de Paris en raison de la durée anormalement courte de la procédure, de la partialité de certains magistrats consulaires, de leur partie pris concernant l’efficacité des vaccins autorisés en France qui constituent une violation des dispositions de l’article 7-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature sur les conflits d’intérêt et de l’article L 111-7 du code de l’organisation judiciaire. Il y a donc des chances sérieuses de réformation de l’ordonnance entreprise.
Il ressort des pièces produites aux débats que les sociétés Shopper Union France et France Soir Groupe reprochent aux trois sociétés Google d’avoir déréférencé le site France Soir dans ses services “Google Actualités” et “Discover”, supprimé leur chaine You Tube et bloqué leur accès aux services de monétisation de contenus “AdSense” “AdExchange” et “AdManager” .
Cette décision a été confirmé par jugement du 6 septembre 2022 du tribunal de commerce de Paris.
Il apparaît que l’assignation devant cette juridiction est du 15 juillet 2021 et le jugement litigieux du 6 septembre 2022 ne rapporte aucune observation de la part des sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France pour s’opposer à l’exécution provisoire du jugement en cas de condamnation prononcée à leur encontre.
C’est ainsi que n’est recevable en application des dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile la demande d’arrêt de l’exécution provisoire qui ne porte que sur des éléments intervenus postérieurement au 6 septembre 2022.
Dans ces conditions, les éléments selon lesquels il est possible de se fonder doivent être apparus postérieurement à la décision du 6 septembre 2022.
S’agissant de l’atteinte à la liberté d’expression alléguée par les demanderesses, il apparait que la Commission Paritaire des Publications et Agences de presse (CPPAP) a, par décision du 5 décembre 2022, refusé de renouveler l’agrément Information Politique et Générale (IPG) de la société Shopper Union France qui avait expiré le 30 septembre précédent. C’est ainsi que les demanderesses considèrent qu’à la suite de cette décision elles ont perdu la possibilité d’obtenir des dons défiscalisables, ce qui constituait 92% de leurs revenus, comme cela est attesté par leur expert-comptable.
Pour autant, cette décision a été privée d’effet à la suite d’une ordonnance du tribunal administratif de Paris du 13 janvier 2023. Il est indiqué que l’exécution de la décision du 6 décembre 2022 par laquelle la CPPAP a refusé le renouvellement de l’inscription du site francesoir.fr est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision. Un pourvoi en cassation est en cours devant le Conseil d’Etat, mais aucune décision n’a été rendue à ce jour.
C’est ainsi que la société France Soir Groupe a retrouvé son agrément puisque l’ordonnace du tribunal admnistratif de Paris précisait qu’il est enjoint à la CPPAP de rétablir le régime d’aide dont bénéficiait le titre de presse préalablement à la décision refusant le renouvellement de son agrément, et ce à compter de la date du 30 novembre 2022.
Dans ces conditions, la société France Soir Groupe a été rétablie dans sa situation antérieure et ses droits à pouvoir bénéficier des dons défiscalisables.
C’est ainsi que les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France ne produisent donc aux débats aucun élément nouveau postérieur à la décision du 6 septembre 2022 pour attester de conséquences manifestement excessives liées à l’exécution provisoire du jugement entrepris.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement du 6 septembre 2022 du tribunal de commerce de Paris présentée par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France est irrecevable.
2- Sur la demande de statuer à jour fixe :
Selon l’article 917 du code de procédure civile, “si les droits d’une partie sont en péril, le premier président peut, sur requête, fixer le jour auquel l’affaire sera appelée par priorité. Il désigne la chambre à laquelle l’affaire est distribuée.
Les dispositions de l’alinéa qui précède peuvent également être mises en oeuvre par le premier président de la cour d’appel ou par le conseiller de la mise en état à l’occasion de l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en matière de référé ou d’exécution provisoire”.
Selon l’article 918 du même code, “la requête doit exposer la nature du péril, contenir les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives.”
Pour autant, selon la jurisprudence développée sur la base de ces deux textes, l’article 918 du code de procédure civile n’est pas applicable lors qu’il a été fait application de l’alinéa 2 de l’article 917, de sorte que la demande de statuer à jour fixe n’a pas à être nécessairement formulée par requête et peut très bien résulter d’une assignation.
Les demandeurs considèrent qu’à la suite des mesures de déréférencement prises par les sociétés du groupe Google, elles sont mises en péril par l’impossibilité de communiquer leurs actualités sur les mêmes supports que leurs concurrents, ce qui les pénalise nécessairement et perdent des moyens essentiels de communication et de rémunération. C’est pourquoi, il y a lieu de prévoir une assignation à jour fixe.
Il ressort des pièces produites aux débats que les demanderesses ne sont pas actuellement privées de leur droit d’exercer leur liberté d’expression car le site France Soir est toujours accessible sur internet et est toujours référencé sur le moteur de recherche Google, ce qui lui permet d’être toujours accessible aux internautes qui peuvent lire ses articles.
En outre, aucun élément n’est produit aux débats sur la situation financière actuelle de la société France Soir Groupe laissant à penser que cette dernière serait en péril au niveau financier et que cette mise en péril résulterait de ses déréférencements par les sociétés du groupe Google.
Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de statuer à jour fixe en appel présentée par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France.
3- Sur les autres demandes :
Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés Google Ireland Limited, Google LLC et Google France leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens. Il leur sera donc allouée une somme globale de 3 000 euros sur ce fondement.
A l’inverse, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France leurs fraisirrépétibles et aucune somme ne leur sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront laissés à la charge in solidum des sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France.
PAR CES MOTIFS,
Déclarons irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 6 septembre 2022 du tribunal de commerce de Paris dont appel présentée par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France ;
Rejetons la demande de statuer à jour fixe formée sur le fondement de l’article 917 du code de procédure civile par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France ;
Rejetons la demande de condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile formée par les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France ;
Condamnons in solidum les sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France à payer aux sociétés Google Ireland Limited, Google LLC et Google France une somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Laissons in solidum aux sociétés France Soir Groupe et Shopper Union France la charge des dépens de l’instance.
ORDONNANCE rendue par M. Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Président