Your cart is currently empty!
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 09 Juin 2023
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/01219 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBNZV
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2020 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 19/02446
APPELANTE
Madame [J] [A]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Marc POTIER, avocat au barreau de MEAUX, toque : A0247
INTIMEES
S.A.S. [4]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946 substitué par Me Estelle MOINE, avocat au barreau de PARIS, toque : J 034
CPAM [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles BUFFET, Conseiller
M. Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par Mme [J] [A] d’un jugement rendu le 15 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l’opposant à la S.A.S. [4] en présence de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 5].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [J] [A], salariée assermentée de la S.A.S. [4] depuis le 1er janvier 2007 en qualité d’agent commercial de contrôle, a déclaré avoir été victime le 9 mars 2015 d’un accident du travail survenu dans les circonstances suivantes : qu’elle aurait fait l’objet d’incivilités et de coups de la part d’un voyageur démuni d’un titre de transport ; qu’elle aurait été blessée à la tête au dos ; qu’elle présentait des contusions ; que l’employeur a émis des réserves ; que par décision du 7 mai 2015, la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 5] a notifié à l’employeur la prise en charge de l’accident du 9 mars 2015 au titre de la législation sur les risques professionnels ; que le 1er mars 2017, Mme [J] [A] a saisi la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 5] aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur ; que le 10 juillet 2018, la Caisse lui a notifié un taux d’incapacité permanente de 0 % à compter du 11 mars 2018 ; qu’après l’échec de la tentative de conciliation, Mme [J] [A] a saisi par requête du 4 juillet 2019 le tribunal de grande instance de Bobigny, afin qu’il statue sur le demande de reconnaissance de la la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement en date du 15 janvier 2020, le tribunal a :
– déclaré recevable l’action de Mme [J] [A] en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la S.A.S. [4] ;
– dit celle-ci mal fondée ;
– débouté Mme [J] [A] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la S.A.S. [4] suite à l’accident du travail dont elle a été victime le 9 mars 2015 ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [J] [A] aux dépens de l’instance.
Le tribunal retient que Mme [J] [A] expose lors de son audition par la police le 9 mars 2015 qu’ils étaient deux contrôleurs ; que dans son audition du 14 février 2017, elle souhaite préciser que, dans le cadre de son travail de contrôleuse de bus, le jour de l’agression, son rôle n’était pas de contrôler les usagers mais de faire des « comptages » ce qui consiste à ne pas verbaliser les contrevenants dépourvus de titre de transport mais les inciter à régulariser leur situation en s’acquittant du montant du billet ; qu’elle soutient que son employeur n’a pas respecté les conditions de sécurité prévues pour ce type de mission ; que les pièces déposées ne confirment pas que la mission de contrôle présentait un risque particulier pour la sécurité des agents ni qu’elle devait être réalisée en présence d’au moins deux contrôleurs ; qu’il s’agissait d’une mission de prévention et non de répression qui, dès lors, ne présentait pas le même risque de confrontation et d’agression avec les passagers non titulaires d’un titre de transport ; qu’aucune pièce produite par Mme [J] [A] ne démontre l’existence de notes relatives à ces opérations et prescrivant un nombre de deux contrôleurs.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 20 janvier 2020 à Mme [J] [A] qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 12 février 2020.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, Mme [J] [A] demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
y faisant droit,
– infirmer le jugement entrepris ;
statuant à nouveau :
– reconnaître la faute inexcusable de la S.A.S. [4], en raison du manquement à une obligation de sécurité, car celle-ci aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié – l’employeur n’ayant pas mis en ‘uvre les mesures nécessaires pour l’en préserver ;
en conséquence,
– lui accorder la majoration de la rente avec effet rétroactif au 9 mars 2015, date de l’accident du travail ;
– condamner la S.A.S. [4] à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, ce préjudice moral étant médicalement constaté avec un stress post – traumatique ;
– condamner la S.A.S. [4] à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, de première instance et d’appel, en allouant pour ces derniers, à Me Marc Potier membre de l’AARPI Potier Sellin, avocat, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle expose qu’il est constant qu’aucun moyen de sécurité n’était mis en place au moment de cette campagne de comptage ; qu’elle ne s’est pas mise volontairement en danger ; que c’est bien l’employeur qui a mis son agent en situation d’insécurité, en organisant une opération de comptage avec un seul agent de contrôle pour un bus complet qui peut prendre beaucoup de voyageurs et avec pour seul accompagnement un agent de comptage, sachant que ce secteur est une zone urbaine très sensible ; que son employeur n’a pas mis en place les mesures de sécurités nécessaires alors qu’elle avait conscience du danger pour que cette campagne de comptage se déroule bien, la S.A.S. [4] connaissant parfaitement les difficultés du terrain situé en zone urbaine très difficile ; que l’agent de comptage, venant d’un service extérieur, n’avait aucune formation en cas de conflit dans un environnement et secteur urbain sensible ; qu’en son article 24 page 14, le règlement intérieur prévoit encore que chaque salarié doit utiliser les moyens de protection mis à sa disposition ; qu’il convient alors de s’interroger sur le point de savoir quelles mesures de protection la société a mises à sa disposition ; qu’elle a utilisé son téléphone personnel pour avertir son supérieur hiérarchique et afin que la police soit aussi avertie.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la S.A.S. [4] demande à la cour de :
– recevoir Mme [J] [A] en son appel, le disant bien fondé ;
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en toutes ses dispositions ;
à titre principal, sur l’absence de faute inexcusable de la societe [4] :
– constater que Mme [J] [A] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de la société [4] à l’origine de son accident du travail du 9 mars 2015 ;
– débouter Mme [J] [A] de ses demandes tendant à la reconnaissance d’une faute inexcusable de la société [4] ;
à titre subsidiaire : sur la demande d’indemnisation
– constater qu’aucune incapacité permanente n’a été reconnue, le taux d’IPP ayant été fixé définitivement à 0 % ;
– constater que Mme [J] [A] ne peut prétendre à la majoration d’une rente qui n’existe pas ;
– constater que Mme [J] [A] ne rapporte pas la preuve du lien certain, direct et exclusif entre le préjudice invoqué et l’accident du travail ;
– débouter Mme [J] [A] de ses demandes d’indemnisation ;
en tout état de cause :
– condamner Mme [J] [A] au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Elle expose que Mme [J] [A] se montre incapable de démontrer l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur au regard des critères cumulatifs posés par la jurisprudence ; que, le jour des faits, l’assurée n’était pas en mission de contrôle contrairement à ce qu’elle soutenait dans ses premières écritures et dans sa première déposition du 9 mars 2015 ; que la mission de « validation assistée » telle que prévue dans le planning de mars 2015 consiste uniquement à accueillir les clients par la porte avant, se présenter en disant « bonjour » et rappeler simplement la règle à chaque client qui est de valider un titre de transport ; qu’un agent détaché dans le cadre d’une validation assistée ne peut en aucun cas solliciter la vérification du titre de transport d’un passager, ni dresser le moindre procès-verbal ni obliger un passager contrevenant à descendre du bus ; qu’en raison de la nature même de cette mission de comptage, le personnel ne travaille pas en équipe constituée (comme lors des missions de contrôle) mais en groupes de 2 à 4 personnes, lesquelles ne sont pas exposées à une situation d’insécurité et/ou de danger ; que, l’assurée, pourtant forte d’une expérience de 8 ans, n’a manifestement pas respecté la mission de « comptage » qui lui était dévolue le 9 mars 2015 ; qu’elle a outrepassé la mission qui lui était dévolue ce jour-là et qu’en réalité elle s’est mise en danger par son propre comportement, totalement inadapté aux circonstances de l’espèce et à sa mission de comptage ; qu’au regard de l’exercice d’une simple fonction de comptage des clients, elle n’avait aucune obligation légale ou conventionnelle de fournir un téléphone portable professionnel à sa salariée ; qu’en ne mettant absolument pas en pratique ce qu’elle avait appris au cours de sa formation initiale, l’assurée a manqué de discernement et s’est mise délibérément en danger ; qu’aussi, il ne peut en aucun cas lui être reproché de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour garantir la sécurité de son agent, dès lors que ce dernier n’a pas respecté sa mission ni les règles imposées lors des campagnes de « comptage » ; qu’en l’absence de conscience du danger et compte tenu des efforts réalisés pour mettre en place des mesures de protections adaptées à chaque type de mission confiée à ses salariés, aucune faute inexcusable ne saurait être reconnue à son encontre ; que l’assurée ne perçoit aucune rente ; qu’aucune séquelle physique ou morale n’a été identifiée permettant à Mme [J] [A] de prétendre à l’indemnisation d’un quelconque préjudice ; que les pièces médicales produites se rapportent à une intervention chirurgicale un an après les faits, sans démonstration d’un lien de causalité avec l’accident.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 5] demande à la cour de :
– statuer ce que de droit sur les mérites de l’appel interjeté par Mme [J] [A] quant au principe de la faute inexcusable et la majoration de la rente ;
dans l’hypothèse où la cour retiendrait la faute inexcusable de l’employeur :
– ramener à de plus justes proportions la somme allouée à Mme [J] [A] au titre des souffrances endurées ;
en tout état de cause :
– rappeler que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 5] avancera les sommes éventuellement allouées à Mme [J] [A] dont elle récupérera le montant sur l’employeur ;
– condamner tout succombant aux entiers dépens.
SUR CE,
Sur la faute inexcusable
L’employeur est tenu envers son salarié d’une obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Il a, en particulier, l’obligation de veiller à l’adaptation des mesures de sécurité pour tenir compte des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. Il doit éviter les risques et évaluer ceux qui ne peuvent pas l’être, combattre les risques à la source, adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants. Les articles R.4121-1 et R.4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Le manquement à cette obligation de sécurité a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été l’origine déterminante de l’accident du travail subi par le salarié, mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes y compris la faute d’imprudence de la victime, auraient concouru au dommage.
Il incombe au salarié de prouver que son employeur, qui devait ou qui aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, étant rappelé que la simple exposition au risque ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable de l’employeur ; aucune faute ne peut être établie lorsque l’employeur a pris toutes les mesures en son pouvoir pour éviter l’apparition de la lésion compte tenu de la conscience du danger qu’il pouvait avoir.
La conscience du danger, dont la preuve incombe à la victime, ne vise pas une connaissance effective du danger que devait en avoir son auteur. Elle s’apprécie in abstracto par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d’activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations.
En l’espèce, Mme [J] [A] a été engagée par la S.A.S. [4] en qualité d’agent commercial de contrôle. La déclaration d’accident du travail établie le 11 mars 2015 fait état du fait que la salariée aurait déclaré avoir fait l’objet d’incivilités et de coups de la part d’un voyageur démuni d’un titre de transport le 9 mars 2015 à 13 heures. Cet accident a été pris en charge par la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels.
L’assurée a déclaré lors de son audition du 14 février 2017 que l’incident serait survenu, non lors d’une opération de contrôle de titres de transport comme elle l’avait initialement déclaré, mais lors d’une opération de comptage, ce qui consistait à ne pas verbaliser les contrevenants dépourvus de titres de transport et à les inciter à régulariser leur situation en s’acquittant du montant du billet.
S’agissant de la conscience du danger relative à la mission de comptage, l’assurée dépose plusieurs attestations de collègues. Ainsi, Mme [T] [U], indique que cette mission est confiée au minimum à deux agents assermentés afin de passer le relais en cas de besoin et pour des raisons de sécurité. M. [V] [S] précise que les missions de comptage s’effectuent normalement en équipe de à 4 ou 6 agents de contrôle ou de médiation. Pour M. [D] [M], un agent de contrôle ne doit pas être seul avec un agent de comptage, pour des raisons de sécurité. Ce point est confirmé par M. [G] [P], chef d’équipe.
Il n’est pas contesté par la société que l’assurée était la seule agent de contrôle présente avec l’agent de comptage.
La société dépose le témoignage de M. [E] [N], responsable contrôle-médiation qui indique que la mission de comptage ne consiste qu’à demander aux voyageurs s’ils ont pensé à valider leur titre de transport et à compter le nombre de voyageurs. Selon lui, le nombre d’agents nécessaires était déterminé selon les zones, la fréquentation, le nombre de voyage et le nombre de portes. Toutefois, le témoin indique n’être arrivé à son poste que depuis 2016, soit postérieurement à l’accident. Il n’est donc pas démontré que les pratiques qu’il rapporte étaient en vigueur au moment de l’accident du travail. La société ne produit aucune documentation relative au déroulement d’une telle opération de nature à étayer ses assertions.
Les témoignages rapportés par l’assurée, dont celui d’un agent de maîtrise, qui rapportent que la règle de principe pour des opérations de comptage était la présence d’au moins deux agents de contrôle en plus de l’agent de comptage établissent le fait que, nonobstant l’absence de contrôle des titres de transport et de verbalisation, la société avait conscience des risques auxquels elle exposait l’assurée.
Le risque d’agression ne pouvait être ignoré par la société qui produit une synthèse des incidents sur son réseau, 46% ayant lieu à [Localité 6], zone où devait s’opérer le comptage. Il importe donc peu que le registre des dangers graves et imminents ne comporte aucune mention antérieurement à l’accident dont a été victime l’assurée.
Relativement aux mesures de prévention, il est démontré par ces témoignages que la société a contrevenu aux règles établies en demandant à l’assurée d’assurer le comptage avec un seul agent ne disposant pas du titre de médiateur ou de contrôleur. La société ne démontre pas avoir pris des mesures spécifiques dans le cadre des missions de comptage, la version du guide pratique pour les agents environnement sécurité des réseaux [4] déposée aux débats étant incomplète.
L’assurée avait reçu une formation en qualité d’agent de médiation, attestée par un diplôme du 9 janvier 2007, impliquant de savoir calmer et gérer les situations dysfonctionnement. Elle n’ignorait pas qu’elle ne devait, en tout état de cause, pas bloquer la sortie d’un client en infraction, au regard du guide des pratiques pour les agents environnement sécurité édité le 25 septembre 2007, antérieurement à l’accident.
La lecture des extraits photographiques de la vidéoprotection démontre que l’assurée, après avoir vu monter un client sans payer s’est approchée de lui alors qu’il était assis au fond du bus et a appelé la police, qu’elle est sortie puis est remontée. L’individu est devenu menaçant, s’est levé et a commencé à l’interpeller vivement, la faisant reculer dans une rangée de sièges. Alors que l’agent de comptage s’interposait, l’individu a tenté de la frapper une première fois, avant de réussir à la faire tomber au sol, sans que l’exploitation de la vidéo ne permette de constater la trace d’un coup porté.
S’il apparaît ainsi que l’assurée a dépassé les exigences d’un simple comptage et n’a pas respecté les règles de non interposition, cette faute ne remplit pas les conditions d’une faute intentionnelle ou d’une faute inexcusable de l’assurée, non alléguée en l’espèce.
Les témoignages déposés par l’assurée prouvent néanmoins l’insuffisance des mesures prises par l’employeur pour prévenir l’accident. La faute inexcusable de ce dernier sera donc retenue.
Le jugement déféré sera donc infirmé, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action de Mme [J] [A] en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la S.A.S. [4].
Sur les conséquences de l’accident
En l’absence de toute incapacité permanente partielle, aucune rente n’a été versée à l’assurée de telle sorte qu’aucune majoration de rente n’est due.
Les lésions consécutives à l’accident sont un traumatisme crânien à la face avec luxation de la mâchoire inférieure et déviation de la cloison nasale. Elle a présenté des contusions de l’hémi-thorax droit, une contusion du bassin et un choc émotionnel. Il est fait état le 28 mars 2017 d’une humeur demeurant dysphorique avec insomnie subtotale avec un état de stress post-traumatique avec des phénomènes de réviviscences nocturnes. Il est constaté que l’assurée présente une autodévaloisation et un isolement affectif sthénique ; elle est très irritable avec versatilité de l’humeur, présentant un terrain anxieux important avec des attaques de panique.
Le préjudice de la douleur sera donc qualifié de modéré et justement indemnisé par l’octroi d’une somme de 5 000 euros de dommage et intérêts.
Il sera fait droit à l’action récursoire de la caisse au titre du préjudice moral.
La S.A.S. [4], qui succombe, sera condamnée aux dépens et au paiement au profit de Mme [J] [A] de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La procédure ne nécessitant pas de représentation obligatoire par avocat, la demande formée au titre de l’article 699 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE recevable l’appel de Mme [J] [A] ;
CONFIRME le jugement rendu le 15 janvier 2020 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en ce qu’il a déclaré recevable l’action de Mme [J] [A] en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la S.A.S. [4] ;
L’INFIRME pour le surplus ;
DIT que la S.A.S. [4] a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail de Mme [J] [A] survenu le 9 mars 2015 ;
DÉBOUTE Mme [J] [A] de sa demande de majoration de rente ;
FIXE le préjudice de la douleur de Mme [J] [A] à la somme de 5 000 euros ;
CONDAMNE la S.A.S. [4] à rembourser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 5] toutes les sommes dont cette dernière sera tenu de faire l’avance à Mme [J] [A] en application des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que le coût de l’expertise ;
CONDAMNE la S.A.S. [4] à payer à Mme [J] [A] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la S.A.S. [4] aux dépens ;
DÉBOUTE Me Potier de sa demande de distraction.
La greffière Le président