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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 06 AVRIL 2023
N° RG 22/03544 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZXC
LA CHAMBRE D’AGRICULTURE DE LA CHARENTE
c/
Madame [H] [C]
Monsieur [X] [N]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 05 avril 2022 (R.G. 21/01583) par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire d’ANGOULEME suivant déclaration d’appel du 21 juillet 2022
APPELANTE :
La Chambre d’ AGRICULTURE DE LA CHARENTE
Établissement public-loi du 31 janvier 1924-Organisme consulaire – Siret 181 600 016 000 24 – Dont le siège est [Adresse 6] Prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Christophe GRIS de la SELARL LEX & G, avocat au barreau de CHARENTE
INTIMÉS :
[H] [C]
née le 27 Janvier 1977 à [Localité 3]
de nationalité Française
Profession : Exploitant agricole,
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Bernard COTRIAN de la SELARL TAILLEFER-CONSEIL, avocat au barreau de CHARENTE
[X] [N]
né le 17 Mars 1972 à [Localité 2]
de nationalité Française
Profession : Architecte,
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Pierre-jean PEROTIN, avocat au barreau de BORDEAUX
et assisté de Me Lola BERNARDEAU de la SCP interbarreaux DROUINEAU LE LAIN VERGER BERNARDEAU, avocat au barreau de LA CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,
Madame Christine DEFOY, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [H] [C] exploite un centre équestre sur la commune de [Localité 5] (16) et a déposé en 2015 auprès de la direction départementale des territoires un projet de développement d’exploitation (DPE), élaboré avec la Chambre de l’Agriculture de la Charente.
Un contrat de groupement de maîtrise d’oeuvre pour travaux neuf a été conclu entre Mme [C], M. [N] et la Chambre d’Agriculture de la Charente le 6 octobre 2015, lequel prévoyait en son article G10 une clause préalable de saisine du conseil régional de l’ordre des architectes avant toute procédure judiciaire.
Puis, la Chambre de l’Agriculture de la Charente a proposé à Mme [C] une convention tripartite de groupement de maîtrise d’oeuvre avec Monsieur [X] [N], architecte, pour la construction d’un manège et de bâtiments, qui a été conclue le 6 octobre 2015. Un avenant a été conclu le 4 avril 2017 afin que soient redéfinis les engagements de chaque partie ainsi que le calendrier de prestations et de paiement. Aux termes de cette convention les parties convenaient ‘dans ‘hypothèse où un différend surviendraient dans l’interprétation ou l’exécution du présent accord de s’engager préalablement à tout recours contentieux à rechercher une solution amiable notamment par la voie de la médiation.
Le 26 janvier 2018, Mme [C] a assigné la Chambre de l’Agriculture de la Charente et M. [X] [N] devant le tribunal de grande instance d’Angoulême en résolution de la convention du 6 octobre 2015, en remboursement d’honoraires versés à hauteur de 2826,40 euros TTC et en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 130 000 euros.
Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire d’Angoulême a déclaré irrecevables les demandes de Mme [C] pour n’avoir pas respecté la clause de tentative de résolution amiable du litige préalable par le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes.
Par courrier du 5 janvier 2021, la Conseil de Mme [C] a saisi le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes d’une demande de conciliation.
Puis, par exploits d’huissier en date du 21 septembre 2021, Mme [C] a fait respectivement assigner la Chambre de l’Agriculture de la Charente et M. [N] devant le tribunal judiciaire d’Angoulême en résolution de la convention tripartite du 6 octobre 2015, en remboursement par M. [N] d’honoraires versés à hauteur de 2 826,40 euros TTC, en remboursement par la Chambre de l’Agriculture de la Charente d’honoraires versés à hauteur de 4000 euros TTC, en paiement de dommages et intérêts à la charge des deux défendeurs à hauteur de 176 000 euros et en paiement de dommage et intérêts à la charge de la Chambre de l’Agriculture de la Charente à hauteur de 20 000 euros.
Saisi de conclusions d’incident en date du 17 janvier 2022 par M. [N], le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Angoulême a, par ordonnance rendue le 5 avril 2022:
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [X] [N] à l’encontre des demandes de Mme [H] [C] ;
– rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la Chambre de l’Agriculture de la Charente à l’encontre des demandes de Mme [H] [C] ;
– condamné in solidum la Chambre de l’Agriculture de la Charente et M. [X] [N] à payer à Mme [H] [C] la somme de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– joint les dépens de l’incident à ceux de l’instance au fond.
Par déclaration électronique en date du 21 juillet 2022, enregistrée sous le n° RG 22/035544, la Chambre d’Agriculture de la Charente a relevé appel de l’ensemble de cette décision.
La Chambre d’Agriculture de la Charente, dans ses dernières conclusions d’appelante en date du 10 octobre 2022, demande à la cour, au visa de l’article 1355 du code civil, de :
– juger la Chambre de l’Agriculture de la Charente recevable et bien fondée en son appel,
– infirmer l’ordonnance rendue le 5 avril 2022,
– déclarer irrecevable les demandes formées par Mme [H] [C] à l’encontre de la Chambre de l’Agriculture de la Charente et de M. [X] [N] ;
– condamner Mme [H] [C] à verser à la Chambre de l’Agriculture de la Charente la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;
Mme [C], dans ses conclusions en date du 2 décembre 2022, demande à la cour, au visa des articles 905, 905-1 et 905-2 du code de procédure civile, de :
– déclarer caduque la déclaration d’appel de la Chambre de l’Agriculture de la Charente,
– dire et juger irrecevable M. [N] en son appel incident.
– condamner la Chambre de l’Agriculture de la Charente à payer à la concluante la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
M. [N], dans ses dernières conclusions d’intimé en date du 2 février 2023, demande à la cour, au visa des articles 1231-1 et 1103 du code civil et du 789 code de procédure civile, de :
– déclarer irrecevables les conclusions signifiées par Mme [C] le 2 décembre 2022,
Réformer l’ordonnance du juge de la mise en état rendue le 5 avril 2022 en ce qu’elle a :
Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [X] [N] à l’encontre des demandes de Mme [C],
Condamné in solidum la Chambre de l’Agriculture de la Charente et M. [N] à payer à Mme [C] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Statuant de nouveau
– déclarer irrecevable l’action engagée par Mme [C] à l’encontre de M. [N] en l’absence respect de la clause de conciliation obligatoire stipulée au contrat d’architecte et à l’accord tripartite en date du 4 avril 2017 ;
– condamner Mme [C] à verser à M. [N] une somme de 2 000 euros par application des dispositions l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Lors de l’audience des plaidoiries la cour a sollicité les observations des parties sur la validité de la clause de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes avant tout litige contenue au contrat du 6 octobre 2015 et sur la clause la validité de recours à un règlement amiable du litige contenue à la convention tripartite du 4 avril 2017, au regard des dispositions des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, R. 132-2, 10 , devenu R. 212-2, 10 , et R. 632-1 du même code, à intervenir par le biais d’une note en délibéré jusqu’au 15 mars 2023.
En cours de délibéré, au visa de l’article 480 du code de procédure civile, la cour a sollicité les observations des parties sur un moyen soulevé d’office tirée de la modification de la situation ayant donnée lieu au jugement du tribunal judiciaire d’Angoulême en date du 17 décembre 2020, par suite de l’entrée en médiation préalable des parties et sur son incidence sur l’autorité de chose jugée attachée à ce jugement, à intervenir par le biais d’une note en délibéré jusqu’au 15 mars 2023.
Vu les observations formulées par M. [N] le 28 février 2023,
Vu les observations formulées par la Chambre d’Agriculture de la Charente le 14 mars 2023,
Vu les observations formulées par Mme [C] le 14 mars 2023,
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur les fins de non recevoir afférentes à la procédure d’appel :
Mme [C] poursuit la caducité de la déclaration d’appel de la Chambre d’Agriculture de la Charente quand celle ci, ainsi que M. [N], demandent à la cour de déclarer irrecevables les conclusions d’intimée de Mme [C].
Il convient d’observer que si en la matière, instruite de plein droit à bref délai conformément aux dispositions des articles 905 et 795 1° à 4° du code de procédure civile, le président de la chambre désignée relève d’office la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions de l’intimé, il n’est pas contesté qu’au regard des dispositions de l’article 905-2 , ce magistrat n’a, au contraire du conseiller de la mise en état, pas compétence exclusive pour ce faire, en sorte que la cour conserve une compétence concurrente.
1 ) sur la caducité de la déclaration d’appel de la Chambre de l’Agriculture de la Charente:
Mme [C] soutient que par application de l’article 905-1 du code de procédure civile, la Chambre d’Agriculture de la Charente aurait dû notifier à son avocat sa déclaration d’appel dans le délai de 10 jours à compter de l’ordonnance du Président de la Chambre, c’est-à-dire avant le 19 septembre 2022, puis notifier à nouveau ses conclusions avant le 19 octobre 2022 et qu’aucune de ces formalités n’ayant été accomplie dans les délais prévus par la loi, l’appel doit être déclaré caduc.
Par voie de conséquence, elle soutient que l’appel incident de M. [N] à l’encontre de appel principal déclaré caduc ne peut pas prospérer.
Cependant, selon le premier alinéa de l’article 905-1 du code de procédure civile, ‘lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat’.
En application de l’article 905-1, al. 1er, l’obligation faite à l’appelant de notifier la déclaration d’appel à l’avocat que l’intimé a préalablement constituée, dans le délai de dix jours à compter de la réception de l’avis de fixation adressé par le greffe, n’est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d’appel. En effet, en application de l’article 902, le greffe qui reçoit une déclaration d’appel relevant de la procédure avec représentation obligatoire par avocat adresse aussitôt cette déclaration à l’intimé, pour lui permettre de constituer un avocat. L’obligation faite à l’appelant, par les articles 902 et 905-1, de signifier cette déclaration d’appel à l’intimé tend à remédier au défaut de constitution de ce dernier à la suite de ce premier avis du greffe, en vue de garantir le respect du principe de la contradiction, exigeant que l’intimé ne puisse être jugé qu’après avoir été entendu ou appelé.
L’acte de signification de la déclaration d’appel rappelle donc que l’intimé qui ne constitue pas dans les quinze jours suivant cet acte s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. Une fois que l’intimé a constitué un avocat, cet objectif recherché par la signification de la déclaration d’appel est atteint. En outre, l’article 905-1 n’impose pas que la notification de la déclaration d’appel entre avocats contienne d’autres informations, sachant, par ailleurs, que l’avis de fixation à bref délai est transmis par le greffe à l’avocat de l’intimé, dès qu’il est constitué, conformément aux articles 904-1 et 970.
Ainsi, sanctionner l’absence de notification entre avocats de la déclaration d’appel, dans le délai de l’art. 905-1, d’une caducité de celle-ci, ce qui priverait définitivement l’appelant de son droit de former un appel principal en mettant fin à l’instance d’appel à l’égard de l’intimé et en rendant irrecevable tout nouvel appel principal de la part de l’appelant contre le même jugement à l’égard de la même partie (art. 911-1, al. 3) constituerait une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge consacré par l’art. 6, § 1, Conv. EDH. (Civ. 2e, 12 juill. 2018, n° 18-70.008).
Il s’ensuit que l’absence de notification à l’avocat de l’intimé déjà constitué de la déclaration d’appel dans les dix jours de l’avis de fixation par le greffe de l’affaire à bref délai n’est pas prescrit à peine de caducité de la déclaration d’appel. (avis du 12 juillet 2018, la 2ème ch. civ. cour de cass. n° 18-70.008)
En l’espèce, alors que l’obligation de signifier la délaration d’appel à l’intimé non constitué dans les 10 jours de la réception de l’avis de fixation à bref délai par le greffe a couru à compter du 9 septembre 2022, date du dit avis, Mme [C] avait à cette date d’ores et déjà constitué avocat le 28.07.2022 et M. [N], le 8.08.2022 , en sorte qu’aucune caducité de la déclaration d’appel ne saurait encourue du fait que l’appelant n’a pas signifié l’avis de fixation à bref délai, aux intimés d’ores et déjà constitués.
Mme [C] soutient encore que la déclaration d’appel de la Chambre d’Agriculture serait frappée de caducité à défaut pour celle-ci d’avoir notifié ses conclusions d’appelante dans le mois de l’avis de fixation à bref délai du 9 septembre 2012, n’ayant conclu que 12 octobre 2012.
Cependant la Chambre d’Agriculture de la Charente avait notifié ses conclusions aux intimés d’ores et déjà constitués dès le 22 août 2022, avant même l’avis de fixation à bref délai, en sorte que là encore aucune caducité de la déclaration d’appel n’est encourue, ni en conséquence aucune irrecevabilité de l’appel incident de M. [N].
2) sur la recevabilité des conclusions de Mme [C] :
A l’appui de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions d’intimées prises par Mme [C] le 2 décembre 2022, la Chambre d’Agriculture de la Charente soutient qu’elles ne respectent pas les dispositions de l’article 905-2 du code de procédure civile, étant intervenues au delà du délai de un mois dont elle disposait pour conclure à compter de la notification de ses propres conclusions du 22 août 2022.
Pour les mêmes motifs que ceux développés par la Chambre d’Agriculture de la Charente M. [N] conclut à l’irrecevabilité des conclusions de Mme [C] du 2 décembre 2022, hors délai pour conclure.
Mme [C] soutient pour sa part qu’il ne saurait lui être reproché de n’avoir pas respecté le délai pour conclure imparti à l’intimé par les dispositions de l’article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile, alors même que l’appelante n’a pas respecté ses propres obligations procédurales.
Il a été sus retenu que l’appelante, qui avait anticipé l’avis de fixation par le greffe dans une procédure instruite de plein droit à bref délai et notifié ses premières conclusions aux avocats des intimés d’ores et déjà constitués, dès le 22 août 2022, n’encourait aucune caducité de la déclaration d’appel.
Par ailleurs, selon les dispositions de l’article 905-2 aliéna 2, le délai pour conclure imparti à l’intimé court à compter de la notification des conclusions de l’appelant prises en application de l’aliéna précédent, peu important encore que dans une procédure instruite à de plein droit à bref délai et alors que les intimés avaient d’ores et déjà constitué avocat, l’avis du greffe ne soit intervenu que postérieurement, celui-ci ne faisant pas courir le délai imparti à l’intimé pour conclure.
En conséquence, Mme [C] devait conclure ‘au fond’ en qualité d’intimée et former le cas échéant appel incident au plus tard le 22 septembre 2022, conformément aux dispositions susvisées. Cependant, le ‘fond’ constitue en l’espèce l’appel dont est saisie la cour, à savoir celui remettant en cause le bien fondé de la décision entreprise.
Or, force est de constater que, même adressées à la cour, les conclusions de Mme [C] du 2 décembre 2022, sont de pure procédure, puisqu’elles ne sont relatives qu’à la ‘régularité’ de la procédure d’appel (caducité de la délaration d’appel et irrecevabilité de l’appel incident de M. [N]), Mme [C] n’ayant pris aucune autre conclusion quant au bien fondé de l’ordonnance déférée. Ces conclusions sont en conséquence recevables devant la cour, sans condition de délai, les dispositions de l’article 905-2 du code de procédure civile leur étant étrangères.
II – Sur les fins de non recevoir de première instance :
Le premier juge était saisi en incident de trois fins de non recevoir, l’une soulevée par M. [N] tenant au non respect par Mme [C] de la clause G10 du CCG intitulée ‘Litiges’ prévoyant la saisie préalable du conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire sauf conservatoire, les deux autres soulevées par la Chambre d’Agriculture de la Charente tenant à l’autorité de chose jugée de la décision de la décision du tribunal judiciaire d’Angoulême du 17 décembre 2020 ayant déclaré irrecevables les mêmes demandes de Mme [C] et à l’absence de mise en oeuvre des clauses de résolution amiable préalable au litige et notamment le défaut de recherche préalable d’une médiation.
Il sera statué préalablement sur la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée.
1) sur l’autorité de chose jugée du jugement du tribunal judiciaire d’Angoulême du 17 décembre 2020 :
Le premier juge a retenu, pour écarter toute autorité de chose jugée, que la fin de non recevoir tirée du non respect de la clause de saisine préalable du conseil de l’ordre des architectes était régularisable, au regard des dispositions de l’article 126 du code de procédure civile et que Mme [C] avait en l’espèce satisfait à cette obligation de recherche d’une médiation préalable à la saisine du juge, rendant son action recevable.
La Chambre de l’Agriculture de la Charente et M. [N] contestent cette décision rappelant notamment que le jugement devenu définitif, a jugé que ‘M. [N] et la chambre d’agriculture sont fondés à invoquer la fin de non-recevoir tirée du non respect de la clause de médiation préalable. Contrairement à ce que soutient Mme [C], le fait que ladite chambre n’ait pas la qualité d’architecte ne suffit pas à exclure, ne serait-ce qu’à son égard seulement, la mise en ‘uvre d’une clause d’un contrat auquel elle est partie en tant que co-traitant. A cet égard, Mme [C] ne soutient d’ailleurs par que l’Ordre des architectes serait dans l’impossibilité d’assurer le rôle de médiateur au profit d’une personne n’ayant pas la qualité d’architecte’, en sorte que le juge de la mise en état ne pouvait pas faire une analyse différente de la situation et qu’il a méconnu l’autorité de la chose jugée de la précédente décision.
Mme [C], en ce qu’elle n’a pas conclu au fond, est réputée s’approprier les motifs des premiers juges en tant qu’ils ont fait droit à ses demandes.
Cependant, les dispositions de l’article 126 du code de procédure civile autorisant la régularisation des fins de non recevoir ne visent que leur régularisation au cours d’une même procédure et de surcroît la clause obligeant les parties avant toute saisine du juge à recourir à un mode consensuel de règlement du litige n’est précisément pas régularisable en cours de procédure.
Il demeure que les dispositions de l’article 480 du code de procédure civile prévoient que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.
Quant à la décision ayant accueilli une fin de non recevoir, elle n’a d’autorité de chose jugée que de ce chef mais ne s’étend pas au fond du litige.
Il est constant par ailleurs que l’autorité de chose jugée, qui n’est pas d’ordre public et à laquelle il est en conséquence admis que les parties peuvent déroger ou renoncer en connaissance de cause, n’a lieu que sur ce qui a fait l’objet d’un jugement, qu’il faut que les parties et le litige soient identiques mais également que la situation soit la même, en sorte qu’il n’y a point autorité de chose jugée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
Reconnaître ainsi que l’évolution d’une situation échappe à l’autorité de chose jugée, ne constitue dès lors pas, contrairement à ce que soutient la chambre de l’agriculture une atteinte au dit principe et partant à la sécurité juridique, puisque précisément, du fait de l’évolution de la situation, il y a modification telle des données du litige qu’il n’y a alors plus autorité de chose jugée.
Or, il est en l’espèce constant que malgré le jugement du 17 décembre 2020 ayant déclaré irrecevable l’action de Mme [C] en résolution du contrat conclu entre les parties le 6 octobre 2015, pour non respect par la demanderesse de la clause ‘Litiges’ contenue à l’article G 10 du contrat obligeant les parties avant tout litige à saisir préalablement le conseil régional de l’ordre des architectes, les mêmes parties sont depuis, en connaissance de cause de cette décision entrées en recherche d’une médiation, Mme [C] ayant saisi le conseil de l’ordre et la Chambre d’Agriculture comme M. [N] ayant accepté cette procédure, pourtant préalable à un procès, reprochant d’ailleurs à Mme [C] de n’avoir pas poursuivi cette procédure à son terme malgré la volonté manifestée par M. [N] de s’y soumettre.
Le fait que Mme [C] ait le cas échéant mis ensuite un terme à cette procédure préalable, alors que selon les intimés l’instruction était en cours, que le conseil de l’ordre n’avait pas rendu son avis, au point qu’elle n’aurait pas permis la mise en place effective d’une conciliation, alors que le premier juge avait au contraire estimé que ce fait ne pouvait être reproché à Mme [C] au regard de la chronologie de la démarche préalable, est un élément qui intéresse le débat de ‘fond’ relatif au respect de la clause de conciliation préalable, mais qui est sans incidence sur le fait que la situation a été modifiée depuis le jugement du 17 décembre 2020.
Dès, lors, les parties s’étant placées, postérieurement à la déclaration d’irrecevabilité des demandes de Mme [C], dans une nouvelle démarche de médiation préalable, en conformité avec les termes de la clause litigieuse, il en ressort une modification de la situation depuis le jugement du 17 décembre 2020 par suite d’un événement postérieur résultant de la volonté des parties qui ne permet plus d’opposer à Mme [C] l’autorité de chose jugée de la décision du tribunal judiciaire d’Angoulême en date du 17 décembre 2020 en ce qu’elle a déclaré Mme [C] irrecevable en ses demandes pour non respect de cette formalité préalable.
Quant au fait que, l’autorité de chose jugée étant écartée aboutisse à juger à l’aune d’une jurisprudence nouvelle une situation antérieure, il s’agit d’un argument qui intéresse le cas échéant le ‘fond’ de ce litige, mais non la question de la recevabilité au regard de l’autorité de chose jugée.
Enfin, la modification objective de la situation objet du litige emportant disparition d e l’autorité de chose jugée, s’impose tant à M. [N] qu’à la Chambre de l’agriculture.
La fin de non recevoir tirée de la chose jugée du jugement du 17 décembre 2020 est en conséquence écartée et l’ordonnance entreprise confirmée en ce qu’elle a déclaré recevable l’action de Mme [C].
2 ) sur la fin de non recevoir tirée du non respect de la clause ‘Litiges’ :
Le juge de la mise en état a retenu que la clause G10 de la partie 2 du Cahier des clauses générales du contrat de groupement de maîtrise d’oeuvre du 6 octobre 2015, relative à la saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes a été respectée par Mme [C], au motif qu’il ressort du courrier du 7 juillet 2021 du conseil de l’ordre que Mme [C] a mis en oeuvre la procédure de conciliation préalable, peu important que celle-ci aboutisse effectivement à une résolution amiable du conflit, ayant notamment retenu que ‘Une clause de règlement amiable préalable du litige ne saurait être interprétée comme imposant à la partie ayant saisi le Conseil de l’Ordre de devoir attendre sans perspective de solution le bon vouloir des autres parties ou de l’instance ordinale, ce qui constituerait un obstacle au droit fondamental d’ester en justice’ et qu’en l’espèce il ne pouvait être reproché à Mme [C] d’avoir assigné en justice huit mois après avoir fait connaître au conseil de l’ordre qui en avait accusé réception, sa volonté de recourir à une procédure de conciliation préalable, non suivie d’effet.
Mme [C], en ce qu’elle n’a pas conclu au fond est réputée s’approprier les motifs des premiers juges en ce qu’ils ont fait droit à ses demandes.
M. [N] demande la réformation de l’ordonnance déférée, soutenant qu’aucun avis n’a été émis à ce jour par le CROA, de sorte que Mme [C] n’a pas respecté le préalable de conciliation obligatoire. Il ajoute qu’au contraire de ce qu’a jugé le juge de la mise en état, il ne saurait être considéré comme étant à l’origine de l’échec de la procédure de conciliation dans la mesure où il répondu aux demandes de l’ordre.
La Chambre de l’Agriculture de la Charente fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir rejeté sa fin de non recevoir tirée de l’absence de procédure de conciliation préalable et d’avoir considéré que la clause tripartite imposant la recherche d’une solution amiable préalablement à un recours contentieux avait été respectée par Mme [C] et que cette dernière avait également respecté l’article G 10 du contrat de groupement de maîtrise d’oeuvre pour travaux neufs du 6 octobre 2015 (voir supra). Elle soutient notamment que par lettre en date du 29 novembre 2017, M. [X] [N] écrivait qu’il était ‘disposé à souscrire à une procédure de médiation, et ce afin de respecter une nouvelle fois mes engagements. Cet entretien se fera dans les locaux de la chambre d’agriculture 16 et ce avant les congés de fin d’année’, que cependant Mme [C] n’a donné aucune suite à cette correspondance, si ce n’est en assignant et demandait en revanche à son conseil d’assigner tant M. M. [N] et la Chambre de l’Agriculture de la Charente. Dès lors, elle expose que c’est le comportement de Mme [C], par son silence puis son assignation, qui ont fait échec à la médiation.
Cependant, selon les dispositions de l’article L 132-1 devenu L 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Et selon les dispositions de l’article R. 132-2, 10 , devenu R. 212-2, 10, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.
Il en ressort que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire.
Par ailleurs, le comportement procédural antérieur de Mme [C] vis à vis de cette clause importe peu dès lors que le caractère abusif d’une telle clause est d’ordre public et doit être relevé d’office par le juge à tous les stades de la procédure, en sorte qu’il importe peu que notamment Mme [C] n’ait pas interjeté appel de la décision du 17 décembre 2020 et il ne peut en être évincé en conséquence qu’elle aurait implicitement remis en cause la présomption légale de clause abusive
Il convient par ailleurs de préciser que le caractère tripartite de la convention est en l’espèce sans incidence sur le caractère abusif d’une telle clause, que la chambre d’agriculture se définit elle-même comme co-traitante de l’architecte, soit comme un professionnel, que si elle est en conséquence en droit de se prévaloir à l’encontre de Mme [C] du respect par celle-ci de ses obligations contractuelles, Mme [C] est en droit de lui opposer ainsi qu’à M. [N], le caractère éventuellement abusif des clauses du contrat.
Par ailleurs, seule la clause ‘ litiges’ du contrat du 6 octobre 2015 est invocable en l’espèce puisque Mme [C] n’agit au fond qu’en résolution de ce contrat et non de la convention tripartite du 4 avril 2017.
Or, cette clause ‘Litiges’ est bien conclue entre deux professionnels et un consommateur, en ce sens que si Mme [C] a contracté en vue de la réalisation d’un projet professionnel, le contrat dont s’agit est un contrat de maîtrise d’oeuvre immobilière et qu’il n’est pas utilement contesté que Mme [C] qui entendait mener à bien un projet de construction d’un manège équestre n’est pas un professionnel de la construction immobilière.
Si le droit impose désormais dans certaines matières un recours préalable à un mode alternatif de règlement des litiges avant toute saisine du juge, ce qui pose d’ailleurs toujours la question du respect des droits en présence et notamment celui du libre accès au juge, une chose est que le droit l’impose de manière générale à toute partie à un litige et une autre est que, dans un contrat entre professionnel et consommateur où les deux parties ne sont pas en situation d’équilibre dans la relation contractuelle, le professionnel puisse l’imposer à l’autre, en sanctionnant de manière définitive par une fin de non recevoir le non respect de la procédure préalable imposant qui plus est la personne du ‘médiateur’, en l’occurrence, le propre conseil de l’ordre du professionnel.
Enfin, le fait que Mme [C] elle même se soit soumise au processus de règlement amiable visé au contrat ainsi que le précise la Chambre de l’agriculture dans ses observations, n’est pas de nature à écarter le caractère présumé de clause abusive que par ailleurs ni la Chambre de l’Agriculture, ni M. [N] n’écartent utilement.
Ainsi, la Chambre de l’Agriculture, comme M. [N], ne rapportant pas la preuve contraire du caractère non abusif de la dite clause, la fin de non recevoir tirée de son non respect sera rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner qui de Mme [C] ou de M. [N] est responsable de ne l’avoir pas menée à son terme et la décision confirmée en ce qu’elle a en conséquence déclaré recevable l’action de Mme [C] de ce chef.
Succombant en son recours la Chambre d’Agriculture de la Charente en supportera les dépens, étant déboutée en conséquence ainsi que M. [N] de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Sur la procédure d’appel :
Déclare recevables les conclusions de Mme [C] en date du 2 décembre 2022,
Rejette l’exception de caducité de la déclaration d’appel.
Déclare en conséquence recevable l’appel incident de M. [N].
Sur la procédure d’incident de première instance :
Constate le caractère abusif de la clause G 10, intitulée ‘Litiges’ du contrat conclu entre les parties le 6 octobre 2015.
Confirme en conséquence l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et y ajoutant:
Rejette les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la Chambre d’Agriculture de la Charente aux dépens du présent recours.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE