Tentative de conciliation ou de médiation : 4 juillet 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/01423

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Tentative de conciliation ou de médiation : 4 juillet 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/01423
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COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

LE/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 21/01423 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E265

Ordonnance du 20 Mai 2021 Président du TJ d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 21/170

ARRET DU 04 JUILLET 2023

APPELANTS :

Monsieur [B] [I] [V]

Né le 2 août 1973 à [Localité 6] (PORTUGAL)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Madame [Y] [W] [L] [V]

Née le 4 août 1972 à [Localité 7] (PORTUGAL)

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentés par Me Gwenhael VIEILLE de la SELARL RESOJURIS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 2021076

INTIMEE :

Madame [C] [U]

Née le 8 mai 1964 à [Localité 9] (HOLLANDE)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Marion PINEAU substituant Me Pierre BROSSARD de la SELARL LEX PUBLICA, avocats au barreau d’ANGERS – N° du dossier 210328

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 20 Mars 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme MULLER, conseiller faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 04 juillet 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Leïla ELYAHYIOUI, vice-présidente placée, pour la présidente empêchée, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [C] [U] est propriétaire d’une maison sise [Adresse 2] à [Localité 5], voisine de la propriété de M. [B] [I] [V] et Mme [Y] [W] [L], son épouse.

Soutenant que ses voisins avaient retiré des volets équipant la fenêtre de sa buanderie, installé un dispositif occultant alors même qu’elle disposait d’une servitude de vue et précisant qu’elle entendait entreprendre des travaux sur ses façades impliquant un accès au fonds de ses voisins, par exploits du 5 mars 2021, Mme [U] a fait assigner M. [I] [V] et Mme [W] [L] devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire d’Angers.

Suivant ordonnance de référé du 20 mai 2021, le président du tribunal judiciaire d’Angers a :

– condamné M. [I] [V] et Mme [W] [L] à procéder ou faire procéder à la repose des deux volets bois de couleur grise qui équipaient la fenêtre de la buanderie de Mme [U], ainsi qu’à la dépose de la grille maintenue par des poteaux en bois obérant la fenêtre de la buanderie en rez-de-chaussée, également du panneau en bois occultant maintenu par des poteaux en bois situé à une distance de 1,875m de l’appui de cette même fenêtre, et enfin de [la] palissade composée de plusieurs panneaux bois d’une hauteur d’environ 4m édifiée à proximité de l’appui des fenêtres en rez-de-chaussée et au premier étage, ce dans les 24 heures à dater de la signification de la décision,

– dit qu’à défaut de s’exécuter M. [I] [V] et Mme [W] [L] seront tenus, passé ce délai de 24 heures, à une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois à l’expiration duquel il sera à nouveau fait droit,

– débouté Mme [U] de sa demande d’autorisation ponctuelle et temporaire d’accéder à la propriété de M. [I] [V] et Mme [W] [L],

– condamné M. [I] [V] et Mme [W] [L] à payer à Mme [U] une somme de 1.100 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné M. [I] [V] et Mme [W] [L] aux dépens,

– rappelé que la décision est, de plein droit, exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 15 juin 2021, M. [I] [V] et Mme [W] [L] ont interjeté ‘appel intégral’ de cette décision.

Suivant conclusions déposées le 1er mars 2023, Mme [U] a interjeté appel incident de cette même décision.

L’ordonnance de clôture a été prononcée, après report, le 15 mars 2023 et l’audience de plaidoiries fixée au 20 de ce même mois, conformément aux prévisions d’un avis du 4 janvier 2023.

Le 16 mai 2023, la présente juridiction a sollicité les parties aux fins de faire toutes observations sur la mention à la déclaration d’appel d’un “appel intégral” et ses éventuelles conséquences quant à l’effet dévolutif.

Dans ces conditions, les parties ont présenté leurs observations et les appelants ont également présenté une nouvelle déclaration d’appel, le 6 juin 2023, faisant état de l’entier dispositif de l’ordonnance exclusion faite du rejet de la demande au titre du tour d’échelle.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs uniques écritures déposées le 2 février 2023, M. [I] [V] et Mme [W] [L] [V] demandent à la présente juridiction de :

– prononcer la nullité de l’assignation en référé du 5 mars 2021 et de l’ordonnance de référé subséquente du 20 mai 2021,

– déclarer Mme [U] irrecevable en sa demande en justice et en toutes ses demandes, fins et conclusions,

Très subsidiairement et pour le cas seulement où la cour rejetterait l’exception d’irrecevabilité (sic) :

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté Mme [U] de sa demande afin de disposer d’un accès temporaire à leur propriété pour effectuer des travaux d’entretien de sa façade,

– constater que Mme [U], qui serait bénéficiaire d’un fonds dominant, ne justifie pas de son titre en faisant à ce jour mention, (sic)

– constater la remise des volets et la suppression des grilles et palissades bois dès le 4 juin 2021 ainsi qu’il en est constaté par voie d’huissier de justice,

– dire n’y avoir lieu à moindre condamnation et astreinte,

En tout état de cause :

– condamner Mme [U] à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 7 mars 2023, Mme [U] demande à la présente juridiction de :

– déclarer mal-fondés M. [I] [V] et Mme [W] [L] en leur appel,

– les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

– constater que l’assignation délivrée le 5 mars 2021 est parfaitement régulière,

– constater la recevabilité de ses demandes,

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 20 mai 2021 rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Angers, sauf en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande d’autorisation ponctuelle et temporaire d’accéder à la propriété de M. [I] [V] et Mme [W] [L] pour effectuer des travaux d’entretien de sa façade,

– l’autoriser à accéder à la propriété de M. [I] [V] et Mme [W] [L], de manière temporaire, afin de faire réaliser les travaux d’entretien de ses façades,

– condamner M. [I] [V] et Mme [W] [L] à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières écritures, ci-dessus mentionnées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminairement et sur l’appel ‘intégral’ interjeté suivant déclaration du 15 juin 2021, il doit être souligné que, dès leurs premières écritures, les intimés ont conclu à l’annulation tant des assignations que de l’ordonnance subséquente. Dans ces conditions et en application du second alinéa de l’article 562 du Code de procédure civile la dévolution devant la présente juridiction s’est opérée pour le tout dès lors que le présent recours tend à l’annulation de l’ordonnance prononcée le 20 mai 2021.

Sur les assignations en référé

En droit, les articles 54 et 114 du Code de procédure civile disposent notamment que : ‘La demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties.

A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

(…)

5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative’,

‘Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public’.

Aux termes de leurs uniques écritures, les appelants indiquent que ‘l’assignation en référé du 5 mars 2021 ne porte aucune mention des dispositions impératives et prescrites à peine de nullité concernant la tentative de conciliation [etc…]’. Ils soutiennent que ‘cette cause de nullité de l’assignation et de l’ordonnance subséquente portent (sic) nécessairement grief aux concluants pour les avoir privés, d’un part (sic) de toute tentative amiable préalable, d’autre part du double degré de juridiction qui constitue un principe essentiel et fondamental de la procédure judiciaire et d’une garantie d’équité pour le justiciable’.

Aux termes de ses écritures, l’intimée rappelle que ses contradicteurs invoquent un vice de forme et doivent donc justifier d’un grief. A ce titre, elle observe qu”outre le fait que ce n’est pas la nullité de l’assignation et de l’ordonnance subséquente qui doit porter grief [aux appelants], mais bien l’absence de mention des diligences amiables entreprises dans l’assignation, il appert que ces derniers ne démontrent aucunement que cette absence de mention leur a causé un grief’. A ce titre, elle souligne avoir régulièrement recherché, personnellement puis par l’intermédiaire de son conseil, une solution amiable au litige, ces démarches n’ayant pas abouti faute d’une part de réponse de ses voisins et d’autre part d’aboutissement de la rencontre organisée par le maire délégué et l’adjoint à l’urbanisme de leur commune, de sorte que ses contradicteurs ne peuvent invoquer quelque grief que ce soit à ce titre.

Sur ce

En l’espèce, il doit être souligné que les appelants qui invoquent la nullité des assignations délivrées au cours du mois de mars 2021, ne les produisent pas.

Cependant, l’intimée ne conteste aucunement que ces actes ne comportent aucune mention portant sur les procédures amiables antérieurement entreprises.

Sur le fond de la demande, il doit être rappelé que la nullité d’un acte de procédure ne peut être prononcée que sur la justification du grief causé par l’irrégularité elle-même.

A ce titre, il ne peut aucunement être considéré que l’absence de mention des diligences entreprises aux fins de règlement amiable de ce litige ait privé les appelants de la possibilité d’avoir recours à ces voies de résolution des contentieux. Par ailleurs le vice de forme invoqué porte d’autant moins atteinte au droit des appelants à un double degré de juridiction, qu’ils ont été en mesure de l’exercer en interjetant appel de l’ordonnance de référé.

Dans ces conditions la demande en annulation des assignations ne peut qu’être rejetée, les appelants ne démontrant aucunement que le vice de forme qu’ils invoquent leur cause un grief.

Sur la fin de non-recevoir

Aux termes de leurs écritures les appelants indiquent que leur contradictrice a fondé ses prétentions sur la théorie des troubles anormaux du voisinage rendant applicables les dispositions de l’article 750-1 du Code de procédure civile. Ils soulignent également que si certaines dispositions de cet article ont été modifiées par décision du Conseil d’Etat, la version qu’ils invoquent n’a cependant pas été annulée. De plus, ils observent que cet article ne correspond qu’à l’application de l’article 4 de la loi 2016-1547 du 18 novembre 2007, rendant ‘impérative, en matière de conflit de voisinage ou de trouble anormal de voisinage la voie amiable préalable’. Ils concluent donc à l’irrecevabilité des demandes de l’intimée faute d’intervention préalable d’une procédure amiable de règlement du litige.

Aux termes de ses écritures, l’intimée rappelle avoir fondé ses prétentions sur les dispositions de l’article 835 du Code de procédure civile et plus précisément sur le trouble manifestement illicite, privation de l’exercice d’une servitude de vue. Elle précise que ses prétentions au titre des troubles anormaux du voisinage n’étaient formées qu’à titre subsidiaire. Elle en déduit donc que les dispositions de l’article 750-1 n’avaient pas vocation à s’appliquer et qu’en tout état de cause, l’absence de conciliation préalable n’est pas sanctionnée par l’irrecevabilité de ses prétentions.

Sur ce

En l’espèce, l’article 750-1 du Code de procédure civile en sa version invoquée par les appelants disposait que : ‘A peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage’.

Or cette version résulte de l’adoption de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du XXIe siècle et notamment de son article 4 qui précise in fine : ‘Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application du présent article, notamment les matières entrant dans le champ des conflits de voisinage ainsi que le montant en-deçà duquel les litiges sont soumis à l’obligation mentionnée au premier alinéa. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du Code de la consommation’.

Ainsi et contrairement aux affirmations des appelants l’article 4 de la loi de 2016 ne pouvait recevoir application avant adoption des textes réglementaires qu’elle visait.

A ce titre, l’article 750-1 invoqué par les appelants correspond à la version en vigueur entre les 27 février et 22 septembre 2022 en suite des modifications apportées par le décret n°2022-245 du 25 février 2022.

Or les présentes assignations ont été délivrées le 5 mars 2021 étant rappelé que même l’ordonnance du juge des référés présentement critiquée est antérieure au décret de février 2022 ayant imposé l’obligation invoquée par les appelants.

Or l’article 750-1 du Code de procédure civile en sa version applicable de janvier 2020 au 27 février 2022, prévoyait : ‘A peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire’.

Il en résulte qu’au jour des actes introductifs de la présente instance, l’obligation invoquée par les appelants n’existait pas.

La fin de non-recevoir qu’ils soulèvent ne peut donc qu’être rejetée.

Sur le tour d’échelle

Le premier juge rappelant que la requérante envisageait de ‘réaliser des travaux d’entretien, de réparation et de peinture de ses façades’ a considéré que ‘l’autorisation ponctuelle et temporaire d’accéder à la propriété des défendeurs’, ainsi sollicitée, ne relevait pas de ses pouvoirs dès lors que l’urgence et le caractère impératif de ces travaux n’était pas démontré.

Aux termes de ses dernières écritures, l’intimée indique ‘[souhaiter] réaliser des travaux afin d’entretenir, de réparer et de peindre les façades de sa propriété’, opérations nécessitant un accès temporaire à la propriété des appelants. Elle souligne avoir vainement sollicité leur autorisation par courrier du mois d’août 2020. Par ailleurs elle soutient que les travaux objet de cette demande ont été rendus nécessaires par le comportement de ses voisins ayant ‘détérioré une partie de la semelle des murs de la façade, au niveau de la salle de bain, de la chaufferie et de la buanderie, causant ainsi des remontées par capillarité d’humidité dans le mur et entraînant de ce fait la présence d’humidité dans certaines pièces’. Elle indique donc que les travaux qui devaient initialement être réalisés au cours du mois de septembre 2020, n’ont toujours pas été entrepris, ce qui justifie désormais de leur urgence aux fins d’éviter la prolifération de la moisissure au sein de son immeuble.

Aux termes de leurs uniques écritures les appelants indiquent que leur contradictrice ne justifie aucunement de l’urgence ‘ni de la nature précise des travaux prévisibles et de [leur] caractère impératif’. Ils soulignent également que l’intimée ne justifie pas de tentatives de travaux depuis son fonds ni même de leur caractère ‘nécessaire [à la] conservation d’une construction existante’.

Sur ce

En l’espèce, l’intimée produit au soutien de sa demande :

– un procès-verbal de constat dressé le 23 juin 2022, mentionnant la présence de traces d’humidité sous un meuble de salle de bain ainsi que sur la façade extérieure de son immeuble donnant sur la propriété des appelants (correspondant à ses salle de bain et chaufferie), qu’un géotextile présent sur le fonds de ses voisins n’arrive pas jusqu’au pied de ce même mur dont la semelle est en partie cassée,

– copie de ce qu’elle présente comme un courrier qui aurait été adressé en la forme recommandée aux appelants le 21 août 2020, portant notamment ‘demande d’utiliser [son] droit de tour d’échelle’ pour des travaux à réaliser entre les 21 septembre et 15 octobre 2020,

– l’arrêté de non opposition notifié le 4 septembre 2019 en suite d’une déclaration préalable du 24 août 2019 portant sur des travaux d’entretien de façades,

– une attestation émanant d’un peintre décorateur exposant que ‘des travaux d’étanchéité des trois façades sont impératives (sic) et à réaliser rapidement pour éviter la dégradation des murs intérieurs où une moisissure en bordure du sol se présente, et des murs extérieurs concernant un revêtement poreux : absence d’enduit en bordure du sol ainsi que des petites fissures sur la maison de [l’intimée] localisée au lieu-dit [Adresse 1] à [Localité 8]. Les murs concernés se retrouvent en limite séparative avec la propriété des voisins. Pour effectuer les travaux un accès sera indispensable. Les travaux devront se réaliser sur plusieurs jours avec un échafaudage ainsi qu’une nacelle’,

– des documents présentés comme une ‘facture de la société Herbsthofer du 29 juin 2020″ ou des factures d’achat (n°10 et 18 de leur bordereau) dont le contenu ne peut aucunement être vérifié par la présente juridiction dès lors qu’ils sont intégralement rédigés en allemand.

Cependant, ces seuls éléments ne permettent aucunement à la présente juridiction de déterminer l’importance des travaux devant être réalisés et notamment leur durée, la seule mention au sein d’un document non signé et dont l’envoi en la forme recommandée n’est aucunement justifié d’une durée de près d’un mois n’est aucunement de nature à établir la réalité de cette assertion.

De plus, l’étendue des travaux n’est pas plus précisée par l’intimée qui se limite à faire état de travaux d’entretien de façade, alors même qu’elle invoque dans ses écritures le fait que ses voisins auraient porté atteinte aux semelles de ces mêmes murs ce qui, le cas échéant, implique des travaux plus importants que ceux mentionnés à l’attestation du peintre faisant exclusivement état de mise en place d’échafaudage et non pas éventuellement de décaissements… pour reprise de la base de ces mêmes ouvrages.

Dans ces conditions, faute pour l’intimée d’expliciter l’importance des travaux qu’elle souhaite faire réaliser depuis le fonds de ses voisins ainsi que la durée prévisionnelle de cet accès dérogatoire à la propriété d’autrui, ses demandes ne peuvent être accueillies.

La décision de première instance doit donc être confirmée à ce titre.

Sur la remise en état des lieux

En droit, l’article 690 du Code civil dispose que : ‘Les servitudes continues et apparentes s’acquièrent par titre ou par la possession de trente ans’.

Par ailleurs l’article 835 du Code de procédure civile prévoit notamment que : ‘Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite’.

Le premier juge retenant que l’enlèvement des volets de la buanderie de Mme [U] n’était pas contesté ; que le titre de M. et Mme [I] [V] – [W] [L] faisait état d’une servitude de vue au profit du fonds voisin ; qu’un procès-verbal de constat établissait la mise en oeuvre par ces derniers d’une grille à 9 cm de la fenêtre du rez-de-chaussée de leur voisine ainsi que d’un panneau occultant à 1,875 m de l’appui de cette même ouverture outre une palissade de près de 4 m de hauteur à proximité des fenêtres tant du rez-de-chaussée que du premier étage, a retenu l’existence tant d’une atteinte à la servitude que d’un trouble manifestement illicite par l’atteinte à la construction existante. Dans ces conditions une remise en état des lieux a été ordonnée sous un délai de 24 heures avec astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard.

Aux termes de leurs écritures les appelants indiquent que l’existence de la servitude de vue ne peut résulter de leur seul acte de propriété. Ainsi, ils observent que le premier juge s’est uniquement fondé sur leur titre pour constater l’existence de la servitude, alors même que le titre de leur contradictrice est postérieur et peut emporter disparition de cette servitude. A ce titre ils soutiennent que ‘les propriétaires antérieurs à Mme [U] avaient équipés (sic) leurs fenêtres d’un film opaque occultant que [l’intimée] a retiré de telle sorte [qu’ils] pouvaient légitimement penser que les anciens propriétaires avaient abandonné la servitude de vue dont ils bénéficiaient par souci de bon voisinage et de respect de l’intimité de chacun’. De plus, ils soulignent que les volets ont été remis en place et les grilles et palissades enlevées. Ils soutiennent donc qu’il ‘n’existe plus depuis le 4 juin 2021 de trouble anormal de voisinage qui constituerait un trouble manifestement illicite et qui serait en rapport avec une servitude de vue’. Ils concluent donc n’y avoir lieu à condamnation et astreinte et soulignent qu’en suite de leur consultation d’un conciliateur qui avait avisé leur voisine du fait que ses ouvertures contrevenaient aux dispositions de l’article 678 du Code civil, ils pensaient ‘être dans leur droit’ et ont ‘pu commettre une erreur de droit sur l’interprétation de leur faculté d’agir notamment à l’égard de la pose de palissades et grilles’.

Aux termes de ses écritures, l’intimée rappelle que l’existence d’une servitude au profit d’un fonds ne peut trouver son origine que dans le titre du fonds servant, peu important sa mention au sein du titre portant sur l’héritage en bénéficiant. Ainsi elle souligne que le titre de ses contradicteurs fait état de plusieurs servitudes de vue au profit de son fonds. En tout état de cause elle indique qu”une servitude de vue constitue une servitude continue et apparente qui existe du fait même de la présence de l’ouverture donnant sur la propriété d’autrui et dont la possession subsiste tant qu’il n’y est pas matériellement contredit’. S’agissant des éléments invoqués par les appelants, elle observe que le procès-verbal de constat qu’ils produisent établit la présence de volets au niveau de la fenêtre du premier étage mais non de sa buanderie, seul élément visé par le juge des référés. A ce titre, elle précise que la ‘repose’ de ses volets du rez-de-chaussée n’a été entreprise que le 16 février 2022. Concernant l’erreur de droit invoquée par ses contradicteurs, elle observe que leur titre mentionne expressément la servitude de vue de sorte qu’ils ne peuvent aucunement soutenir avoir de bonne foi ignoré l’existence de cette contrainte. Elle conclut donc à la confirmation de la décision de première instance.

Sur ce

Il est constant que l’existence d’une servitude au profit d’un fonds dominant ne peut trouver son fondement que dans le titre du fonds servant, peu important qu’il n’en soit pas fait mention dans les titres de propriété du fonds dominant.

Or le titre des appelants daté du 10 avril 2013 expose ‘5° le vendeur déclare que le bien présentement vendu et (sic) grevé d’une servitude de vue au profit de la maison cadastrée section WI, numéros [Cadastre 4] et [Cadastre 3] (une fenêtre au rez-de-chaussée et une fenêtre à l’étage)’, étant souligné que ces références cadastrales figurent au titre de l’intimée du 5 mars 2018 comme dépendant du ‘bien’ qu’elle a acquis.

Il en résulte que, peu important que les propriétaires antérieurs du fonds dominant aient le cas échéant mis en oeuvre un dispositif (non permanent) d’occultation des fenêtres, le fonds des appelants est grevé d’une servitude de vue au profit de l’héritage de l’intimée, clairement identifiée par leur titre comme correspondant à deux fenêtres situées à deux niveaux différents.

A ce titre, l’intimée communique aux débats un procès-verbal de constat dressé le 14 septembre 2020, aux termes duquel l’officier ministériel indique ‘je me situe au rez-de-chaussée de la maison de [l’intimée]. Je constate la présence d’une fenêtre en bois. (…) J’ouvre la fenêtre. Je constate face à la fenêtre la présence d’une grille maintenue par des poteaux en bois. Je constate à l’arrière de cette grille la présence de panneaux de bois occultants. (…) Je constate la présence d’un espace de 9 cm entre l’appui de la fenêtre et la grille ainsi que son support. Je constate à l’arrière de cette grille la présence d’un panneau de bois occultant maintenu par des poteaux en bois d’une hauteur d’environ de plus de 2 m. (…) Je constate que ce panneau de bois est situé à 1,875 m de l’appui de la fenêtre de la buanderie. Je constate que trois pochettes plastiques transparentes sont fixées sur ce panneau. (…) À l’intérieur de ces pochettes la présence d’une affiche avec un pictogramme et deux autres affiches indiquant notamment ‘le droit à la vie privée et ‘propriété privée[‘] sous vidéo surveillance’. (…) Je me situe au premier étage de la maison de la requérante, dans une chambre située à droite de la montée des marches. (…) Je constate, depuis cette fenêtre la présence d’un montage de plusieurs panneaux de bois occultants d’une hauteur d’environ 4 m (…)’.

Il résulte de ce qui précède que les appelants par leurs constructions tant de grillages que de palissades diverses mais occultantes ont, volontairement, fait obstruction à la servitude de vue dont leur fonds est redevable à l’égard de celui de l’intimée.

Dans ces conditions, le premier juge était fondé à condamner les appelants à la destruction de ces constructions aux fins de mettre un terme au trouble manifestement illicite qu’elles causaient, le tout sous astreinte dont le montant n’apparaît pas manifestement disproportionné, étant souligné que l’exécution alléguée de la condamnation prononcée sous astreinte ne peut aucunement a postériori priver cette dernière de son bien-fondé.

Enfin, les appelants ne contestent pas même avoir procédé, pour des motifs qu’ils n’explicitent aucunement, à la dépose du volet double ornant la fenêtre de la buanderie de l’intimée.

Cette situation caractérise un trouble manifestement illicite, justifiant la décision du premier juge condamnant, sous astreinte, les appelants à les réinstaller.

Dans ces conditions la décision de première instance doit être confirmée en ce qu’elle a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux aux fins de mettre un terme au trouble manifestement illicite résultant d’une part de l’atteinte au droit de propriété de l’intimée et d’autre part de l’obstruction à l’exercice de la servitude de vue dont leur fonds est redevable à l’égard de celui de leur voisine.

Sur les demandes accessoires

Les appelants qui succombent majoritairement en leurs prétentions doivent être condamnés aux dépens.

En outre l’équité commande de les condamner au paiement à l’intimée de la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Enfin, les dispositions de la décision de première instance à ce titre doivent être confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE les demandes en annulation des assignations du 5 mars 2021 ainsi que de l’ordonnance de référé du 20 mai 2021 formées par M. [B] [I] [V] et Mme [Y] [W] [L] épouse [V] ;

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par M. [B] [I] [V] et Mme [Y] [W] [L] épouse [V] ;

CONFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire d’Angers du 20 mai 2021 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [B] [I] [V] et Mme [Y] [W] [L] épouse [V] au paiement à Mme [C] [U] de la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [B] [I] [V] et Mme [Y] [W] [L] épouse [V] aux dépens.

LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE EMPECHEE

C. LEVEUF L. ELYAHYIOUI

 


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