Tentative de conciliation ou de médiation : 31 août 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00958

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Tentative de conciliation ou de médiation : 31 août 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00958
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8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°284

N° RG 20/00958 –

N° Portalis DBVL-V-B7E-QO56

SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE

C/

Mme [E] [X]

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Cyril DUBREIL

Me Stéphane JEGOU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 AOUT 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Février 2023

devant Messieurs Rémy LE DONGE L’HENORET et Philippe BELLOIR, magistrats tenant l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [I] [R], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 31 Août 2023, date à laquelle a été reporté le délibéré initialement fixé au 29 mai précédent comme les parties en ont été avisées suite au prononcé de la caducité de la désignation du médiateur

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant Me Cyril DUBREIL de la SCP OUEST AVOCATS CONSEILS, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et représentée par Me Mathilde DECREAU substituant à l’audience Me Arnaud GRIS, Avocats plaidants du Barreau de PARIS

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [E] [X]

née le 20 Juin 1976 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphane JEGOU de la SELARL PARTHEMA AVOCATS, Avocat au Barreau de NANTES

Mme [E] [X] a été embauchée le 14 septembre 2015 par la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité d’infirmière, les relations contractuelles étant régies par la Convention collective des laboratoires de biologie médicale extra-hospitaliers.

Le 20 novembre 2017, la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE a adressé à Mme [X] une lettre d’avertissement pour avoir fait une remarque le 16 novembre 2017 à une collègue à la suite d’un oubli commis par cette dernière.

Par courrier du 10 décembre 2017, Mme [X] a contesté cette sanction.

Le 22 décembre 2017, la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE a informé la salariée qu’elle maintenait l’avertissement.

Le 19 mars 2018, Mme [X] a manifesté son mécontentement d’avoir à réaliser deux prélèvements qui n’étaient pas prévus, devant M. [G], cadre infirmier de la maison de retraite où Mme [X] intervenait ponctuellement.

Le 5 avril 2018, Mme [X] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 avril 2018, avant d’être licenciée pour faute simple le18 avril 2018.

Le 3 décembre 2018, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de voir :

‘ Dire et juger que le licenciement notifié à Mme [X] par lettre du 18 avril 2018 l’a été en violation de sa liberté d’expression,

‘ Prononcer en conséquence la nullité du licenciement de Mme [X],

‘ Condamner la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE à verser 13.000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul,

‘ Dire et juger que l’avertissement notifié par lettre du 20 novembre 2017 est injustifié,

‘ Prononcer en conséquence son annulation,

A titre subsidiaire,

‘ Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE à verser 7.591 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE à verser 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner aux entiers dépens.

La cour est saisie de l’appel formé le 16 janvier 2020 par la SELAS LABORATOIRE BIOLANCE contre le jugement en date du 16 janvier 2020, par lequel le Conseil de prud’hommes de NANTES a :

‘ Dit que le licenciement de Mme [X] est dénué de cause réelle et sérieuse,

‘ Condamné la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

– 6.507 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de notification du présent jugement,,

‘ Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

‘ Condamné en outre d’office la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Mme [X],

‘ Condamné la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE aux dépens éventuels.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 25 mai 2020, suivant lesquelles la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE demande à la cour de :

‘ Réformer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Nantes en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de Mme [X] était dénué de cause réelle et sérieuse,

– condamné la SELAS LABORAOTIRE BIOLIANCE à verser à Mme [X] les sommes suivantes :

– 6.507 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné d’office la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Mme [X],

– condamné la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE aux dépens éventuels,

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

‘ Juger que :

– la procédure de licenciement a été respectée,

– l’avertissement du 20 novembre 2018 (sic) est justifié,

En conséquence,

‘ Débouter Mme [X] de toutes ses demandes,

‘ Condamner Mme [X] à verser à la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Condamner Mme [X] aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 7 avril 2022, suivant lesquelles Mme [X] demande à la cour de :

‘ Recevoir Mme [X] en son appel incident et l’y disant bien fondée,

‘ Juger que :

– la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE n’apporte pas la preuve des propos déplacés et très virulents dont elle lui fait grief dans sa lettre de licenciement et qu’elle n’établit pas d’abus dans l’exercice de sa liberté d’expression,

– le licenciement notifié par lettre du 18 avril 2018 constitue une violation de la liberté d’expression des salariés, laquelle constitue une liberté fondamentale,

‘ Infirmer en conséquence le jugement du conseil de prud’hommes de Nantes en ce qu’il a débouté Mme [X] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement,

‘ Prononcer, dès lors, la nullité du licenciement,

‘ Condamner la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE à payer à Mme [X] la somme de 13.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par la nullité de son licenciement,

Subsidiairement,

‘ Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Nantes en ce qu’il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [X],

‘ Le réformer toutefois en ce qu’il a limité l’indemnisation du préjudice de Mme [X] à la somme de 6.507 €,

‘ Condamner la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE à payer à Mme [X] la somme de 7.591 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement,

‘ Confirmer la condamnation de la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE au paiement de la somme de 6.507 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Nantes en ce qu’il a prononcé l’annulation de l’avertissement notifié à Mme [X] par lettre du 20 novembre 2017,

‘ Condamner la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE à payer à Mme [X] la somme de :

– 1.000 € d’indemnité en réparation du préjudice subi par l’appel dilatoire et abusif de la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE, en application de l’article 559 du code de procédure civile,

– 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Débouter la SELAS LABORATOIRE BIOLIANCE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 26 janvier 2023.

A l’audience du 9 février 2023, la faculté de bénéficier d’une mesure de médiation a été proposée aux parties qui en ont accepté le principe.

Par ordonnance du 23 février 2023, Mme [I] [R] a été désignée en qualité de médiatrice, la consignation fixée à 800 € hors taxe et le point médiation fixé au 7 juillet 2023.

Par ordonnance du 9 juin 2023, la caducité de la médiation a été prononcée pour défaut de consignation dans le délai prescrit par la société appelante, les parties étant informées de ce qu’il leur appartenait de ré-adresser leur dossier à la cour dès lors que l’affaire était mise en délibéré au 31 août 2023.

Par avis du 19 juin 2023 la cour interrogée par Maître Jégou, a rappelé aux parties la nécessité de ré-adresser leur dossier.

Au terme d’un message adressé par RPVA le 5 juillet 2023, doublé d’un appel téléphonique, la cour a rappelé au conseil de la société appelante son message du 19 juin 2023, en l’invitant à envoyer son dossier directement au domicile du Président de la chambre.

Le 28 septembre 2023, le cabinet du conseil de la société BIOLIANCE n’a pas donné suite à son engagement de rappeler le greffe de la cour qui l’avait à nouveau contacté.

Le 29 septembre 2023 à 12h 27, au terme d’un échange avec le Président de la chambre qu’elle avait rappelé à sa demande, une collaboratrice du cabinet de la société a adressé ledit dossier de plaidoirie par voie électronique doublé d’un envoi par courrier, ainsi qu’elle s’y était engagée.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d’appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à ‘dire’ ou ‘constater’ un principe de droit ou une situation de fait, voire ‘juger’ quand ce verbe, utilisé comme synonyme des deux premiers, n’a pour effet que d’insérer dans le dispositif des écritures, des éléments qui en réalité constituent un rappel des moyens développés dans le corps de la discussion.

Sur l’exécution du contrat de travail :

– Quant au bien-fondé de l’avertissement :

Pour voir reconnaître le bien fondé de l’avertissement, la SELAS LABORATOIRE BIOLANCE fait valoir qu’en n’indiquant pas dans le dispositif du jugement que l’avertissement prononcé à l’encontre de Mme [E] [X] était annulé, les premiers juges ont omis de statuer de ce chef et entend faire observer qu’aucune requête en rectification n’a été déposée à ce titre.

Pour voir prononcer la nullité de l’avertissement de novembre 2017, la salariée expose que pour justifier la sanction pour une simple remarque à une collègue, l’employeur se contente de se référer à des faits anciens de 2016 et du début de 2017 qui n’ont pas été sanctionnés.

En application des dispositions de l’article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige relatif à une sanction, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’avertissement prononcé à l’encontre de Mme [E] [X] est motivée de la façon suivante :

Par la présente, nous vous rappelons les faits suivants :

Le 16/11/17 a eu lieu sur le site des Belges: un nouvel incident avec une collège. Une remarque suite à un oubli de sa part pour le traitement de la commande auprès du colisage, certes! mais cette remarque faisant suite à de nombreuses autres envers cette salariée, elle l’a particulièrement affectée. Le 29/07/17, suite à une première plainte, j’étais pourtant venue vous voir pour vous demander de changer votre comportement vis-à-vis des autres salariées Vous n’en avez apparemment pas tenu compte, contribuant à une dégradation de ses conditions de travail en votre présence.

Ce n’est pas la première fois que nous vous reprenons pour votre comportement envers vos collègues, puisque fin novembre 2016 nous vous avions déjà convoquée Madame [M] et moi-même pour des faits similaires :

– Altercation avec vos collègues de la [T] à propos de la répartition des prélèvements à domicile, suivi d’un très vif Echange téléphonique avec Madame [L],

– Remontrances disproportionnées à l’encontre de [A] [W] sur le site de [Localité 6],

Nous vous avions dit alors que ces agissements étaient inadmissibles et que vous n’aviez aucune supériorité hiérarchique sur vos collègues, qu’en cas de soucis vous deviez vous adresser à un des biologistes du groupe de l’Est.

Nous avons par ailleurs constaté des accrochages avec des patients (Mr [O] à [T], Mr [F] à [Localité 6]).

D’autre part malgré plusieurs tentatives de rappel des régies de la planification et de l’annualisation (Novembre 2016 lors de notre entrevue, juin 2017 par téléphone à propos du planning et des samedis de l’été, octobre 2017 par mails successifs), vous continuez à remettre quasiment systématiquement en cause les modifications de votre planning et ce, malgré un respect large du délai de prévenance. Depuis début 2017 vous avez refusé de travailler de nombreux samedis et refusé pour des raisons diverses les quelques modifications demandées pour les besoins du laboratoire sur des vendredis (qui est habituellement un jour de repos pour vous). Nous n’avons ainsi pas pu vous planifier sur la majeure partie des week-end fériés (1er mai, 8 mai, 14juillet, 15 août) qui sont en général répartis de manière équitable entre les salariés.

Ces refus quasi systématiques sont inacceptables pour le bon fonctionnement du laboratoire.

Ce comportement vis-à-vis de vos collègues, de quelques patients et de vos supérieurs contribue à une dégradation de l’ambiance de travail pour tous.

Il doit être observé que si effectivement les premiers juges n’ont pas mentionné dans le dispositif de leur décision, l’annulation de l’avertissement querellé, il n’en demeure pas moins qu’au terme du dispositif de ses écritures, la société appelante se borne à demander la réformation du jugement en ce qu’il a dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et l’a condamnée à ce titre à verser des dommages et intérêts, une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’au remboursement des indemnités chômage, avant de demander à la cour de statuer à nouveau, pour solliciter notamment à titre principal de juger que l’avertissement du 20 novembre 2018 est justifié.

Or, la SELAS LABORATOIRE BIOLANCE qui n’a pas plus que la salariée intimée, introduit de requête aux fins de rectification d’erreur matérielle voire d’omission de statuer ou sollicité en cause d’appel l’annulation du jugement à ce titre, ne peut demander à la cour de statuer à nouveau concernant une disposition qui ne figure pas dans le dispositif du jugement entrepris, en ayant seulement sollicité la réformation du jugement dans les termes ci-dessus rappelés.

Pour les mêmes motifs et au visa de l’article 954 du Code de procédure civile susvisé, il ne peut être fait droit à la demande de confirmation de la salariée à ce titre dès lors que le dispositif du jugement ne comporte aucune mention concernant l’avertissement, la cour ne pouvant s’estimée valablement saisie d’une demande régulière à ce titre.

Sur le licenciement :

Pour infirmation à titre principal, la salariée fait valoir que la sanction prononcée à son encontre constitue une atteinte à sa liberté d’expression qui comme toute atteinte à une liberté fondamentale justifie que soit prononcée la nullité du licenciement prononcé à ce titre, que son mécontentement concernant sa charge de travail a été rapporté par M. [G] dans un courriel sans que la teneur de ses propos ait été précisée, qu’il n’est pas fait état de propos virulents.

A titre subsidiaire, Mme [E] [X] sollicite la confirmation de la décision entreprise, arguant de ce que la teneur des propos qui lui sont imputés n’est pas rapportée, qu’elle a juste exprimé son mécontentement du fait que deux des prélèvements demandés n’étaient pas prévus.

La SELAS LABORATOIRE BIOLANCE rétorque que la salariée a découvert tardivement qu’une atteinte avait été portée à sa liberté d’expression, qu’elle ne rapporte pas la preuve d’une atteinte à une liberté fondamentale, que son expression était sans rapport avec une logique de critique formulée dans l’intérêt de l’entreprise, s’agissant simplement d’un comportement outrancier et agressif.

La SELAS LABORATOIRE BIOLANCE ajoute que les propos déplacés tenus par la salariée, rapportés par M. [G] dans un mail caractérisent une attitude très virulente de la part de l’intéressée qui avait déjà fait l’objet d’avertissement concernant son comportement.

La liberté d’expression est une liberté publique consacrée par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’article L.1121-1 du code du travail dispose que ‘Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché’.

Si le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, d’une liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté

Un abus de la liberté d’expression peut être constitué par des propos blessants et des allusions diffamatoires contenues dans une lettre et des propos excédant la limite de la liberté d’expression peuvent caractériser un manquement à l’obligation de loyauté et constituer une faute grave de licenciement.

L’abus du droit à la liberté d’expression est apprécié in concreto en tenant compte des fonctions du salarié, de la publicité donnée à ses propos et du trouble qui en est résulté dans l’entreprise mais aussi des circonstances dans lesquels ils ont été tenus.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

[…]Au cours de cet entretien, vous avez reconnu les faits qui vous étaient reprochés qui sont les suivants :

Ainsi, le 19 mars 2018, vous avez tenu des propos déplacés et très virulents envers l’un de nos cadres infirmiers, Monsieur [G], en raison du nombre de prélèvements à effectuer ce jour-là.

Monsieur [G] a relaté très précisément l’incident le jour même et s’est montré particulièrement choqué par votre agressivité, s’inquiétant également pour les prélèvements devant être effectués par vos soins ce jour là.

Votre comportement est inadmissible et ne peut être toléré sur votre lieu travail.

Ce comportement est d’autant plus inacceptable que vous aviez déjà fait l’objet d’observations à ce sujet, et dernièrement par le biais d’un avertissement notifié le 20 novembre 2017.

Ces faits mettent en cause la bonne marche de l’entreprise et les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n’ont pas permis de modifier cette appréciation.

Par conséquent, nous vous notifions votre licenciement pour faute simple.

[…]

En l’espèce, il doit être relevé que l’atteinte alléguée à la liberté d’expression de la salariée, en l’occurrence l’expression de son mécontentement d’avoir à réaliser deux prélèvements de plus que ceux qui étaient planifiés, en présence d’un cadre infirmier de la structure dans laquelle elle intervenait, qui résulterait de la sanction prononcée à son encontre, ne peut aboutir à la nullité dudit licenciement quand bien même cette liberté est reconnue au salarié à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, son élévation au rang de liberté fondamentale ne pouvant avoir pour effet en cas de violation que de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, en dehors des cas particuliers expressément prévus par la loi.

Ceci étant, il n’est rapporté de manière précise aucun des termes employés par la salariée, de sorte qu’il ne peut être considéré qu’ils étaient prononcés à l’encontre du cadre infirmier et il ressort des termes de la lettre de licenciement que c’est le comportement de la salariée au travers de son mode d’expression que l’employeur met en cause, en faisant notamment référence à l’avertissement précité, concernant les reproches adressés à une autre salariée à l’égard de laquelle elle n’avait aucune autorité hiérarchique, étant relevé qu’il ressort de la pièce 4 de l’employeur qu’en réalité Mme [L] s’était déplacée sur le site ‘belges’ pour ‘éclaircir les malentendus et dire les choses de vive voix’, suscitant par la même les réactions imputées à la salariée.

En outre, il n’en demeure pas moins qu’au delà de l’inquiétude exprimée dans son courriel par le cadre infirmier de la société cliente, la salariée a réalisé les prélèvements surnuméraires sans qu’une critique ne soit formulée à ce titre et faute de documenter autrement le manquement imputé à la salariée ou de rapporter des propos précis qualifiés d’outranciers et de dénigrants à son égard par l’employeur, il appert que c’est effectivement le mode d’expression, certes véhément par lequel la salariée a manifesté son mécontentement de devoir réaliser des tâches imprévues que l’employeur a sanctionné, sans que soit caractérisé de la part de la salariée un abus dans l’exercice de son droit d’expression.

Il y a lieu en outre de relever que la SELAS LABORATOIRE BIOLANCE demande certes à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse mais demande seulement dans le dispositif de ses écritures, à la cour de juger que la procédure de licenciement a été respectée, ce qui n’est ni développé ni discuté.

Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le licenciement de Mme [E] [X] dépourvu de cause réelle et sérieuse et partant débouté la salariée de sa demande de nullité du licenciement.

Compte tenu de l’effectif du personnel de l’entreprise, de la perte d’une ancienneté de 2 ans et 7 mois pour une salariée âgée de plus de 41 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à l’égard de l’intéressée qui ne justifie pas de sa situation à la suite de son licenciement , il lui sera alloué, en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction postérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 6.507 € net à titre de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif :

A la salariée qui lui fait grief de ne produire aucune pièce justifiant la réalité des faits invoqués pour le licenciement et faire appel pour retarder l’issue du litige et la maintenir dans l’expectative, la société appelante n’oppose aucun argument.

Si l’exercice d’une voie de recours ne caractérise pas en soi un abus du droit d’agir, il en va différemment quand la preuve est rapportée que l’action engagée a dégénéré en abus.

En l’espèce, ainsi que le souligne la salariée et nonobstant les limites de la décision entreprise soulignées par la société, il appert que cette dernière a formé appel sans pour autant apporter au débat les éléments de preuve dont les premiers juges avaient souligné à juste titre la carence.

En agissant de la sorte avec une certaine légèreté, la société a effectivement abusé du droit d’agir en justice. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la salariée à ce titre, en lui allouant la somme de 800 € à ce titre.

Sur le remboursement ASSEDIC

En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l’espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur fautif, est de droit ; le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef ;

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser la salariée intimée des frais irrépétibles qu’elle a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SELAS LABORATOIRE BIOLANCE à payer à Mme [E] [X] :

– 800 € net à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

– 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

CONDAMNE la SELAS LABORATOIRE BIOLANCE aux entiers dépens de première instance et d’appel,

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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