Tentative de conciliation ou de médiation : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/06546

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Tentative de conciliation ou de médiation : 29 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/06546
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 29 JUIN 2023

N° 2023/ 470

Rôle N° RG 22/06546 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJLAV

S.A.S. ODALYS RESIDENCES

C/

[Z] [S]

[X] [S]

[O] [Y]

[H] [L]

[U] [K] [T] [J]

[M] [B]

[A] [G]

[N] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Claude SASSATELLI

Me Benjamin AYOUN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de Grasse en date du 28 Avril 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02030.

APPELANTE

S.A.S. ODALYS RESIDENCES

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 13]

représentée par Me Jean-Claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [Z] [S]

né le [Date naissance 8] 1952 à [Localité 16], demeurant [Adresse 7]

Madame [X] [C] épouse [S]

née le [Date naissance 5] 1954 à [Localité 15], demeurant [Adresse 7]

Monsieur [O] [Y]

né le [Date naissance 10] 1974 à [Localité 22], demeurant [Adresse 14]

Madame [H] [L]

née le [Date naissance 6] 1977, demeurant [Adresse 14]

Monsieur [U] [J]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 17], demeurant [Adresse 9]

Monsieur [M] [B]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 19], demeurant [Adresse 12]

Monsieur [A] [G]

né le [Date naissance 4] 1989 à [Localité 23], demeurant [Adresse 11]

Monsieur [N] [E]

né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 21] (BELGIQUE) demeurant [Localité 18] (B-1850) BELGIQUE

tous représentés par Me Benjamin AYOUN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 23 Mai 2023 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère rapporteur

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans le cadre d’un investissement défiscalisant de type LMNP, les époux [S], monsieur [O] [Y] et son épouse, madame [H] [L], monsieur [U] [J], monsieur [M] [B], monsieur [A] [G] et monsieur [N] [E] ont acquis chacun un appartement situé dans une résidence en copropriété à usage para-hôtelière, la résidence de tourisme Olympe, située secteur [Adresse 20]. Pour financer ces acquisitions, des prêts bancaires ont été souscrits. Pour pouvoir bénéficier de la récupération de la TVA, les acquéreurs sont tenus d’investir dans une résidence de service classée et de louer leurs biens meublés pour au moins 9 ans à un gestionnaire.

Ainsi, chacun des propriétaires a conclu, par actes sous seing privé, avec la SAS Odalys Résidences un bail commercial pour une durée d’au moins neuf ans, moyennant un loyer trimestriel en principal, payable à terme échu le 10 du mois suivant, une TVA de 10 % s’appliquant.

Ensuite de la crise sanitaire lui imposant, selon elle en tant que résidence exclusivement de tourisme, de cesser toute exploitation du 14 mars au 2 juin 2020, puis, du 30 octobre au 15 décembre 2020, la SAS Odalys Résidences a décidé de ne payer que 65 % des loyers des années 2020 et 2021.

Soutenant que, dès le départ de la crise sanitaire, la SAS Odalys Résidences a imposé à l’ensemble de ses bailleurs l’effacement de l’intégralité de sa créance locative, qu’elle applique de facto une franchise de loyer de 35 % sur l’année locative, soit plus de 4 mois de loyers et ne tient absolument pas compte des difficultés résultant de la perte de loyers pour ses bailleurs, ces derniers ont agi devant le juge des référés par acte du 16 décembre 2021 en paiement des loyers impayés en raison de la perte d’exploitation majeure liée à la Covid-19 relative aux exercices 2020 et 2021.

Par ordonnance en date du 28 avril 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a :

rejeté les moyens d’irrecevabilité soulevés,

condamné la SAS Odalys Résidences à payer à titre provisionnel les sommes suivantes à valoir sur l’arriéré locatif au 18 mars 2022 :

– 2 331,83 € à monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S], ensemble,

– 1 978,62 € à monsieur [U] [J],

– 1 301,06 € à monsieur [M] [B],

– 2 626,59 € à monsieur [A] [G]

– 3 062,58 € à monsieur [N] [E],

– 3 255,27 € à monsieur [O] [Y] et madame [H] [L] ensemble,

condamné la SAS Odalys Résidences à payer à titre provisionnel les sommes suivantes à valoir sur les créances de taxes foncières :

– 195 € à monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S], ensemble,

– 89 € à monsieur [U] [J],

– 177 € à monsieur [A] [G],

dit n’y avoir lieu à référé s’agissant du surplus des demandes provisionnelles,

rejeté la demande pour résistance abusive,

condamné la SAS Odalys Résidences au paiement des dépens et des indemnités suivantes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

– 300 € à monsieur [O] [Y] et madame [H] [L] ensemble,

– 300 € à monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S], ensemble,

– 300 € à monsieur [U] [J],

– 300 € à monsieur [M] [B],

– 300 € à monsieur [A] [G]

– 300 € à monsieur [N] [E],

rejeté les autres demandes.

Le premier juge retenait la perte partielle de la chose louée durant la période du premier confinement, caractérisant une contestation sérieuse faisant obstacle à la demande en paiement provisionnel des loyers au titre de cette période. En revanche, concernant la deuxième période de confinement, le premier juge estimait que la fermeture de l’établissement n’était pas démontrée, de sorte qu’il faisait droit aux demandes en paiement provisionnel des loyers, en l’absence de contestation sérieuse.

Selon déclaration reçue au greffe le 4 mai 2022, la SAS Odalys Résidences a interjeté appel de la décision, l’appel portant sur toutes les dispositions de l’ordonnance déférée dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 20 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Odalys Résidences demande à la cour de :

In limine litis :

‘ déclarer les intimés irrecevables en leurs demandes,

‘ déclarer monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S] irrecevables en leur demande à hauteur de 2 384,96 €,

À titre principal :

‘ juger que la présente juridiction n’a pas le pouvoir de prononcer condamnation au paiement des sommes réclamées,

‘ juger qu’à raison de l’impossibilité de jouir des lots loués du 14 mars au 1er juin 2020, puis du 30 octobre au 15 décembre 2020 en raison des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la Covid-19, l’existence de son obligation de payer aux intimés les sommes qu’ils réclament au titre de loyers impayés, est sérieusement contestable,

‘ juger que l’existence de son obligation de prise d’assurance pour la couverture du risque des circonstances exceptionnelles est sérieusement contestable,

‘ juger que l’existence de son obligation de payer aux bailleurs la somme de 2 500 euros sur le fondement de la résistance abusive est sérieusement contestable,

En conséquence :

‘ juger n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes des intimés,

‘ débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes,

‘ condamner les bailleurs in solidum à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

En premier lieu, l’appelante conclut à l’irrecevabilité des demandes des bailleurs, à l’exception de monsieur [M] [B], en application de l’article 750-1 du code de procédure civile, faisant valoir qu’aucune de ces demandes n’a été précédée d’une tentative de conciliation, médiation ou de procédure participative, alors que chacune des demandes, qui doivent être appréciées séparément faute de titre commun, tend au paiement des loyers et à la réparation de leur préjudice sans excéder chacune la somme de 5 000 euros. Elle ajoute que les demandes en paiement de dommages et intérêts ne peuvent palier cette difficulté, constituant une pure fiction juridique et n’étant pas justifiées, de sorte qu’elles ne peuvent être ajoutées au montant des réclamations locatives pour déterminer le montant total des prétentions émises.

La SAS Odalys Résidences soutient encore que la demande des époux [S] est irrecevable en ce que la franchise de 35 % par elle proposée au titre de l’exercice 2020 a été acceptée par eux, à hauteur de 2 384,96 €.

En deuxième lieu, l’appelante oppose aux bailleurs plusieurs contestations qu’elle estime sérieuses.

La SAS Odalys Résidences fait d’abord valoir qu’elle a été contrainte de fermer intégralement sa résidence au public du 14 mars au 2 juin 2020 (arrêtés des 14 et 15 mars 2020 et décrets des 16, 23 mars, 11 et 20 mai 2020) et du 30 octobre au 15 décembre 2020 inclus (décret du 29 octobre 2020). En effet, par application de l’article D 321-1 du code de tourisme, elle indique être une résidence de tourismes sans vocation à accueillir une clientèle pouvant y élire un domicile régulier. Elle soutient avoir accusé une baisse de chiffre d’affaire de 31 % en 2020 et avoir été grandement impactée par la crise de la Covid-19. Elle conteste toute possible ouverture en location para-hôtelière qui aurait engendré des frais trop importants.

La SAS Odalys Résidences soulève ensuite plusieurs contestations relatives à la réglementation liée à la crise sanitaire. D’une part, elle invoque les stipulations des baux qui attestent de ce que la résidence Olympe est par principe ouverte toute l’année et n’a fermé qu’à raison des deux périodes de confinement, du 14 mars au 2 juin 2020, puis, du 30 octobre au 15 décembre 2020. D’autre part, l’appelante invoque la révision nécessaire du contrat pour imprévision, en application de l’article 1195 du code civil, n’ayant pu exploiter normalement sa résidence de tourisme en raison des mesures gouvernementales survenues, les conséquences économiques de celles-ci devant être partagées entre les co-contractants de bonne foi. Elle assure n’avoir reçu aucune indemnisation au titre de sa perte d’exploitation du 1er octobre 2019 au 31 mai 2021. L’appelante invoque encore l’exception d’inexécution en raison du non-respect par les bailleurs de leur obligation de délivrance et de jouissance paisible, au sens de l’article 1719 du code civil. Elle s’appuie sur plusieurs jurisprudences ayant retenu l’existence d’une contestation sérieuse dès lors que par l’effet des dispositions réglementaires prises, le bailleur n’a pas permis à son locataire de recevoir du public dans des locaux pourtant destinés à usage de résidence de tourisme, tel que convenu dans le bail. Elle ajoute que cette exception d’inexécution ne saurait être exclue lorsque l’inexécution du bailleur n’est pas due à son fait, mais est la conséquence d’un cas de force majeure.

La SAS Odalys Résidences fait également valoir la perte de la chose louée, au sens de l’article 1722 du code civil, ce qui caractérise une contestation sérieuse faisant obstacle aux demandes en paiement des bailleurs. Elle invoque plusieurs jurisprudences à l’appui de son argumentaire et soutient que la perte de la chose louée ne se limite pas à la destruction matérielle du bien mais également à sa perte juridique. Si le premier juge a retenu cette perte de la chose louée pour le premier confinement ce dont la SAS Odalys Résidences demande la confirmation, l’appelante assure qu’elle démontre que, s’agissant de la deuxième période de confinement, son établissement avait vocation également a être ouvert, de sorte qu’elle a perdu juridiquement également la possibilité de louer les appartements concernés. Elle soutient que les deux périodes de confinement doivent recevoir le même traitement, se trouvant dans la même situation.

La SAS Odalys Résidences invoque en outre le manquement à l’obligation de bonne foi au sens de l’article 1104 du code civil, dans la mesure où elle a fait des propositions de franchise adaptées aux bailleurs (abandon de 35 %) par courriers des 17 juillet 2020 et 28 juin 2021 que ces derniers ont rejeté sans faire de concessions. Enfin, l’appelante invoque la force majeure constituant une contestation sérieuse, opposable en référé, quant à l’obligation du preneur de paiement des loyers pendant des périodes de fermeture administrative.

Par ailleurs, La SAS Odalys Résidences soulève une seconde série de contestations sérieuses au regard de ses obligations contractuelles d’assurance. Elle fait valoir que l’existence d’une obligation à sa charge de prise d’assurance pour la couverture du risque des circonstances exceptionnelles est sérieusement contestable, qu’elle n’a perçu aucune indemnisation au titre d’une perte d’exploitation, et le prêt garanti par l’Etat dont elle a pu bénéficier ne pouvant en faire office.

En troisième lieu, la SAS Odalys Résidences oppose des contestations sérieuses à la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par les intimés. L’appelante fait valoir que le juge des référés n’a pas le pouvoir de prononcer des condamnations au paiement de dommages intérêts. Elle soutient qu’aucun comportement de sa part n’est caractérisé comme constituant un abus. Elle ajoute que les bailleurs ne justifient en rien le quantum du préjudice qu’ils invoquent. Elle met en avant l’incertitude juridique qui règne autour de la pandémie de Covid-19 pour faire obstacle à une telle demande en référé.

Par dernières conclusions transmises le 1er juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S], monsieur [O] [Y] et madame [H] [L], monsieur [U] [J], monsieur [M] [B], monsieur [A] [G], et, monsieur [N] [E] forment appel incident et sollicitent de la cour qu’elle :

infirme partiellement l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé en ce qui concerne le surplus des demandes provisionnelles, et, en ce qu’elle a rejeté la demande pour résistance abusive,

confirme l’ordonnance entreprise en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau :

condamne par provision la SAS Odalys Résidences à payer au titre des loyers impayés les sommes suivantes arrêtées au 18 mars 2022 :

– 4 273,02 € à monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S],

– 3 625,36 € à monsieur [O] [Y] et madame [H] [L],

– 3 151,90 € à monsieur [U] [J],

– 5 894,89 € à monsieur [M] [B],

– 3 864,49 € à monsieur [A] [G],

– 4 409,17 € à monsieur [N] [E],

condamne par provision la SAS Odalys Résidences au paiement de la somme de 2 500 € par bailleur au titre de la résistance abusive,

condamne par provision la SAS Odalys Résidences au paiement des dépens, outre la somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile à chaque requérant.

Dans un premier temps, les intimés contestent toute irrecevabilité de leurs demandes, estimant qu’ils demandent chacun plus de 5 000 € en additionnant les loyers et les dommages et intérêts pour résistance abusive, de sorte que les dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile ne pouvaient trouver à s’appliquer. Ils entendent que l’analyse du premier juge soit totalement confirmée. S’agissant des demandes de monsieur [Z] [S], ils indiquent que seuls les impayés relatifs à 2021 sont sollicités, de sorte qu’aucune irrecevabilité n’est encourue.

Dans un deuxième temps, au principal, les bailleurs soutiennent que pendant la période de pandémie de Covid-19, les loyers sont demeurés exigibles ce d’autant que la résidence Olympe était, aux termes des baux souscrits, une exploitation para hôtelière de sous location et une résidence de tourisme, de sorte que la fermeture de l’établissement résulte d’un choix d’exploitation de la SAS Odalys Résidences, et non de mesures d’interdiction gouvernementale. Ils assurent que la sous-location était conforme aux baux. Ils assurent que l’appelante a unilatéralement estimé sa créance éteinte, sans négociation avec ses bailleurs, s’accordant des délais de paiement, alors qu’elle ne peut prétendre à aucune des mesures d’aides exceptionnelles gouvernementales, compte tenu de l’ampleur de cette société. Les intimés font valoir que de nombreuses jurisprudences, tant en référé qu’au fond, ont rappelé le principe de l’exigibilité du paiement des loyers commerciaux durant la période Covid-19. Concernant les contestations soulevées par la locataire sur le fondement des articles 1719 (manquement à l’obligation de délivrance et de jouissance du bailleur) et 1722 (perte de la chose louée) du code civil, ainsi que sur l’exécution de bonne foi des obligations respectives en cas de circonstances exceptionnelles, les bailleurs retiennent qu’elles sont écartées, à plusieurs reprises, en référé ainsi que par des arrêts au fond. De même, ils font valoir que la force majeure ne peut pas davantage être retenue, n’ayant aucune conséquence irrésistible pour la SAS Odalys Résidences. Ils soutiennent que la réglementation sanitaire ne constitue ni un cas de force majeure, ni ne fonde un défaut de délivrance ou une perte partielle de la chose louée, imputable au bailleur. Les intimés soutiennent que la jurisprudence a plusieurs fois décidé que les résidences de tourisme ont pu continuer à recevoir du public puisqu’une dérogation concernant les personnes qui y élisent domicile est expressément visée par les arrêtés ministériels.

Concernant les obligations contractuelles à la charge de la SAS Odalys Résidences de prise d’assurance pour la couverture du risque de circonstances exceptionnelles et de vérification de la prise d’assurance par le syndic, les intimés rappellent les termes des articles 5-9, 7 et 8 des baux signés et font valoir qu’ils n’ont pas à pâtir du défaut d’assurance de leur cocontractant. Ils considèrent qu’il relève de l’évidence que le bail impose, même en cas de circonstances exceptionnelles, et à la charge du preneur, la continuité du paiement de ses loyers.

S’agissant de l’obligation de bonne foi, les intimés font valoir que les mesures gouvernementales n’ont pas suspendu l’exigibilité des loyers commerciaux, que la locataire n’a jamais recherché une solution transactionnelle et a délibérément pris le risque d’une application unilatérale et extrajudiciaire de son exception d’inexécution, alors que les bailleurs ont rempli leurs obligations de bonne foi en laissant passer la saison estivale et en laissant s’écouler un an avant d’agir, laissant leur locataire revenir à meilleure fortune. Les intimés contestent d’ailleurs le tableau comptable présenté par leur locataire et relèvent que le taux d’effort a nettement diminué entre 2019 et 2021. Ils invoquent les arrêts de la Cour de cassation du 30 juin 2022.

Enfin, s’agissant de leur demande de dommages intérêts, les intimés font valoir que la SAS Odalys Résidences a abusivement résisté à tout paiement, cette volonté de ne pas payer leur occasionnant un préjudice.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour d’appel précise, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’, de ‘prise d’acte’ ou de ‘dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

1. Sur la recevabilité des demandes

1. 1. Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de recours préalable à un mode de résolution amiable

L’article 750-1 du code de procédure civile, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, dans sa rédaction alors applicable, prévoit qu’à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5000 euros.

En vertu de l’article 35 du code de procédure civile, lorsque plusieurs prétentions fondées sur des faits différents et non connexes sont émises par un demandeur contre le même adversaire et réunies en une même instance, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la nature et la valeur de chaque prétention considérée isolément.

Lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions.

Il est fait grief aux bailleurs de n’avoir justifié d’aucune tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative précédant la saisine du tribunal.

Cette critique ne peut valoir à l’endroit de monsieur [M] [B], ce que reconnaît la SAS Odalys Résidences, puisque la créance par lui sollicitée au titre des seuls loyers impayés excède 5 000 €, de sorte que les dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile ne s’appliquent pas.

S’agissant des autres bailleurs, il convient d’observer que leurs demandes au titre de leur dette locative provisionnelle ainsi qu’à titre des dommages et intérêts pour procédure abusive se rapportent aux mêmes faits, à savoir l’exception d’inexécution appliquée d’emblée par la SAS Odalys Résidences au titre des années 2020 et 2021 du fait des mesures gouvernementales de gestion de la pandémie de Covid-19 et de leur impact économique. Ces prétentions s’avèrent donc connexes, de sorte que c’est en les additionnant que l’on obtient le montant à prendre en compte. Ainsi, l’ensemble des demandes, de chaque bailleur, s’avère supérieur au seuil de 5 000 € prévu par la loi. Les dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile ne s’appliquent donc pas ici et aucune irrecevabilité n’est encourue à ce titre.

L’ordonnance critiquée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté cette fin de non recevoir tirée du défaut de recours préalable à un mode de résolution amiable.

1.2. Sur la recevabilité des demandes de monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S]

En l’occurrence, il résulte des pièces produites (pièces 4.1 et 4.2 de l’appelante et 5 des intimés) que les époux [S] ont accepté la franchise de 35 % du montant du loyer dû, appliquée par la SAS Odalys Résidences au titre des premier, deuxième et troisième trimestres 2020, conformément à leur mail du 28 juillet 2020.

Leurs prétentions actuelles, et formées depuis l’origine dans le cadre de la présente procédure, tiennent compte de cet abattement et ne comprennent que les sommes dues au titre du 4ème trimestre 2020 et au titre de l’année 2021 en intégralité. Ils ne formulent aucune demande au titre du reste de l’année 2020. Dès lors, aucune fin de non recevoir à hauteur de 2 384,96 € n’est justifiée les concernant et l’ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu’elle a écarté toutes les irrecevabilités soulevées.

2. Sur les demandes provisionnelles en paiement des loyers

Par application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée. Dès lors, il entre parfaitement dans les pouvoirs du juge des référés d’accorder une provision sur une dette locative, dès lors qu’aucune contestation sérieuse n’y fait obstacle.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

C’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiales ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

En l’espèce, soutenant que son obligation de régler les loyers revendiqués par les intimés se heurte à des contestations sérieuses, la SAS Odalys Résidences se prévaut, pour en justifier le non-paiement, en tout ou partie, entre les mois d’avril 2020 et décembre 2021, des conséquences, sur son activité de sous-location d’appartements et résidences de tourismes, des mesures prises par les pouvoirs publics pour limiter la propagation de la pandémie de Covid-19. La SAS Odalys Résidences oppose plusieurs contestations sérieuses se rapportant majoritairement aux mesures gouvernementales prises pendant ces périodes, mais également se rapportant à l’exécution de chaque contrat concerné.

2.1. Contestations tenant à l’application des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus Covid-19

Il est constant que la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, a déclaré l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national et a instauré un confinement général de la population, prolongé jusqu’au 10 mai 2020. Un décret n°2020-293 du 23 mars 2020 a prescrit les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et un décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, ainsi que le précédent, ont interdit tout déplacement de personne hors de son domicile à l’exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité. Ces décrets ainsi que les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé ont précisé que l’interdiction de recevoir du public s’applique aux commerces dont l’activité n’est pas indispensable à la vie de la Nation et dont l’offre de biens ou de services n’est pas de première nécessité.

Le I bis de l’article 10 du décret numéro 2020-548 du 11 mai 2020, a prévu que sauf lorsqu’ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier, les résidences de tourisme ne peuvent accueillir de public.

Il convient de rappeler également que des dispositions ont été prises pendant la période d’urgence sanitaire afin de proroger des délais échus et adapter les procédures, et en particulier l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, portant sur les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement des loyers afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19 et l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 réglementant les conséquences d’un défaut de paiement des loyers et charges par des entreprises éligibles à un dispositif et dont l’activité est affectée par une mesure de police administrative (réglementation de l’ouverture au public d’établissements recevant du public et des lieux de réunion, d’une part, fermeture provisoire de ces mêmes établissements et lieux, d’autre part).

Or, aucune de ces dispositions n’efface les loyers échus, ni n’interdit au bailleur de faire délivrer à son locataire un commandement de payer pendant la période juridiquement protégée. Elles suspendent uniquement les effets dudit acte pendant une durée qui sera différente selon que le locataire remplit ou non les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides financières financées par le fonds de solidarité.

Ainsi, s’il apparaît que les loyers, qui n’ont pas été réglés par la SAS Odalys Résidences, portent, en partie, sur des périodes judiquement protégées, les dispositions susvisées ne l’ont pas dispensée de son obligation première résultant des baux commerciaux, à savoir le paiement de ses loyers, pas plus qu’elles n’ont pas eu pour effet et/ou conséquence d’effacer les loyers échus pendant les périodes juridiquement protégées voire d’en suspendre le paiement.

Plusieurs moyens sont invoqués par la SAS Odalys Résidences qui seront examinés tour à tour.

2.1.1. la perte de la chose louée et les stipulations contractuelles

S’agissant du moyen tiré de la perte partielle de la chose louée, il résulte de l’article 1722 du code civil, applicable aux baux commerciaux que, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. Si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

Edictée pour limiter la propagation du virus Covid-19 par une restriction des rapports interpersonnels, l’interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l’absence de première nécessité des biens ou des services fournis.

Il en est de même du décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant de nouvelles mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire qui, dans son article 41, I, 2, a interdit aux résidences de tourisme d’accueillir du public, sauf lorsqu’ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier.

Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

La SAS Odalys Résidences fait valoir qu’étant exclusivement une résidence de tourisme, elle a été contrainte de fermer sa résidence Olympe, pendant les deux périodes dites de confinement, soit du 14 mars au 2 juin 2020, puis du 30 octobre au 15 décembre 2020, ne pouvant bénéficier de la dérogation des établissements de catégorie M selon les dispositions susvisées.

La SAS Odalys Résidences est effectivement une résidence de tourisme ainsi que sa classification APE 55.20Z, issue de sa situation au répertoire Sirene, le stipule. En vertu de l’article D 321-1 du code du tourisme, la résidence de tourisme est un établissement commercial d’hébergement classé, faisant l’objet d’une exploitation permanente ou saisonnière. Elle est constituée d’un ou plusieurs bâtiments d’habitation individuels ou collectifs regroupant, en un ensemble homogène, des locaux d’habitation meublés et des locaux à usage collectif. Les locaux d’habitation meublés sont proposés à une clientèle touristique qui n’y élit pas domicile, pour une occupation à la journée, à la semaine ou au mois. Elle est dotée d’un minimum d’équipements et de services communs. Elle est gérée dans tous les cas par une seule personne physique ou morale.

Aux termes des baux commerciaux ici concernés, il est stipulé que la résidence Olympe est destinée à la création et à l’exploitation d’une résidence meublée avec services. Il est expressément précisé que le preneur exercera exclusivement une activité para-hôtelière consistant en la sous location du local pour des périodes de temps déterminées.

En vertu de ces éléments, il appert que la résidence Olympe gérée par la SAS Odalys Résidences n’avait pas vocation à accueillir une clientèle pouvant y élire un domicile régulier, de sorte qu’elle ne pouvait déroger aux mesures gouvernementales prises de fermeture pendant les deux périodes de confinement. La fermeture de l’établissement à l’automne 2020 ne peut donc, comme au printemps 2020, être imputé à un choix d’exploitation propre à la société. Au surplus, l’appelante démontre par la production de ses offres sur des sites internet de location de courtes durées que la résidence est ouverte toute l’année, et pas seulement aux périodes printanière et estivale.

La SAS Odalys Résidences établit également une perte financière d’exploitation au titre des années 2020 et 2021 tant à raison des périodes de fermeture imposées que des restrictions de circulation affectant l’ensemble de la population et donc les déplacements pour motif touristique, qui sous-tendent une partie de l’activité de l’appelante.

Néanmoins, l’effet de ces mesures générales et temporaires, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, mais décidées, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique, ne peut être assimilé, de toute évidence, à la perte de la chose. Ainsi quelle que soit la période concernée, le moyen tiré de la perte de la chose louée ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

Dès lors, l’infirmation partielle de la décision entreprise, qui a exclut les loyers dus pendant la première période de confinement en France, à raison d’une contestation sérieuse tirée de la perte de la chose louée pendant cette période, s’impose. Aucune contestation sérieuse au titre de la perte de la chose louée ne peut être opposée aux bailleurs.

2.1.2. révision du contrat pour imprévision

Au visa de l’article 1195 du code civil, la SAS Odalys Résidences fait valoir que la fermeture administrative totale du local pendant une durée de trois mois ainsi que les restrictions administratives entourant son accès aux clients tout le long de la crise sanitaire constituent un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat et en rendent l’exécution excessivement onéreuse.

Elle explique ainsi que sur la période du 30 septembre 2019 au 30 septembre 2020, son chiffre d’affaire a été inférieur de 31 % par rapport à la moyenne des deux exercices précédents. Elle met en avant la destination unique de chacun des biens concernés, pleinement touchée par les mesures gouvernementales prises sur la période.

Or, l’article 1195 du code civil prévoit que le bouleversement du contrat donne lieu, soit à sa renégociation voire à une révision judiciaire ou à une résiliation, et que concernant la révision, celle-ci est régie par les dispositions des articles L. 145-38 et L. 145-39 du code de commerce.

La révision du contrat ne peut en tout état de cause être envisagée que pour l’avenir et n’a aucun effet rétroactif. En effet, cette renégociation du contrat ne vaudrait que pour les obligations à venir de la locataire et non sur celles passées, de sorte que le moyen tiré du bouleversement de l’économie du contrat est inopérant en l’espèce et ne constitue pas une contestation sérieuse.

2.1.3. une exception d’inexécution

Par application de l’article 1719 du code civil, chaque bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et, d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

La SAS Odalys Résidences rappelle qu’aux termes du bail commercial signé entre les parties, les bailleurs avaient l’obligation de délivrer des locaux permettant l’exploitation de l’activité prévue au bail. Or, indique t-elle, les arrêtés du 14 mars 2020 et 15 mars 2020 ainsi que le décret du 28 octobre 2020 ont rendu impossible l’exploitation du bien donné à bail conformément à sa destination commerciale de sorte que ces fermetures administratives ont constitué un événement de force majeure rendant impossible l’exécution de son obligation de délivrance conforme par la bailleresse et justifiant qu’elle lui oppose une exception d’inexécution telle que définie à l’article 1219 du code civil.

En effet, ces dispositions prévoient qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation alors même que celle-ci est exigible, si l’autre partie n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

L’exception d’inexécution d’un cocontractant ne s’entend qu’en réponse à une inexécution fautive de ses obligations par l’autre partie au contrat.

Or, l’effet des mesures générales et temporaires concernant la fermeture au public de certains établissements, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être imputable aux bailleurs, de sorte qu’il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance et de jouissance des lieux, ceux-ci ayant, pendant la crise sanitaire, continué à mettre les locaux loués à disposition de la locataire, satisfaisant ainsi à leur obligation de délivrance et de jouissance paisible de la chose louée pendant la durée du bail au sens de l’article 1719 du code civil, aucun manquement ne pouvant dès lors leur être imputé au regard des dispositions de l’article 1219 du code civil.

L’exception d’inexécution invoquée par la SAS Odalys Résidences pour s’opposer aux demandes des intimés n’est donc pas fondée, en l’absence de contestation sérieuse des obligations du preneur.

2.1.4. la bonne foi contractuelle

S’agissant du moyen tiré de l’obligation d’exécuter de bonne foi les contrats en application de l’article 1104 du code civil, il est admis que les parties doivent rechercher si une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives est nécessaire en cas de circonstances particulières.

Il reste que le fait de demander à son cocontractant une modification de ses obligations contractuelles ne dispense pas la partie qui en a pris l’initiative de les exécuter tant que la négociation du contrat n’a pas abouti, et en particulier, pour un preneur, de continuer à régler ses loyers.

Or, en décidant de sa propre initiative de suspendre le paiement des loyers entre les mois d’avril 2020 et décembre 2021 et en imposant une franchise de 35 % du montant du loyer par courriers des 17 juillet 2020 et 28 juin 2021, la SAS Odalys Résidences a, de toute évidence, entendu modifier unilatéralement les dispositions contractuellement prévues.

Si elle affirme avoir cherché à négocier avec les intimés, il convient de relever que ces démarches sont intervenues à un moment où les propriétaires-bailleurs subissaient, depuis plusieurs mois déjà, la suspension du règlement des loyers décidée d’autorité par l’appelante, au moyen de lettres circulaires adressées par le groupe, sans que cette dernière ne prenne la peine, au préalable, de justifier la réalité des difficultés financières alléguées concernant la résidence Olympe, et, le cas échéant, les démarches mises en oeuvre pour y remédier.

De leur côté, les intimés justifient avoir laisser passer une saison estivale et avoir laisser s’écouler un an avant d’agir, afin de permettre à leur locataire de revenir à meilleur fortune.

Dans ces conditions, en imposant à ses bailleurs la suspension du paiement de ses loyers, sans solliciter du juge l’autorisation de ne pas respecter son obligation première consistant à régler ses loyers, la SAS Odalys Résidences ne peut sérieusement opposer aux intimés un manquement à leur obligation d’exécuter les contrats de bonne foi.

Le moyen tiré du manquement des intimés à leur obligation d’exécuter de bonne foi les contrats ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

2.1.5. la force majeure

Par application de l’article 1218 du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

La force majeure se caractérise donc par la survenance d’un événement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, de sorte qu’il rende impossible l’exécution de l’obligation.

La SAS Odalys Résidences expose que la fermeture administrative des locaux donnés à bail entre le 16 mars 2020 et le 2 juin 2020 puis au cours du mois de novembre 2020, a indéniablement constitué un événement de force majeure.

Or, s’agissant d’une obligation de somme d’argent, le moyen tiré de la force majeure soulevé par la société demanderesse pour s’opposer aux demandes en paiement des bailleurs est inopérant en ce qu’une obligation de paiement d’une somme d’argent est toujours susceptible d’exécution, le cas échéant forcée, sur le patrimoine du débiteur. Elle n’est, par nature, pas impossible : elle est seulement plus difficile ou plus onéreuse. Aucun caractère irrésistible ne peut donc être retenu, de sorte que le moyen tiré de la force majeure ne constitue pas une contestation sérieuse.

En définitive, aucune des contestations relatives aux mesures gouvernementales de lutte contre la pandémie de Covid-19 ne constitue une contestation sérieuse susceptible de faire obstacle à la demande provisionnelle en paiement de chacun des bailleurs.

2.2. Contestations relevant de l’exécution du bail

En l’occurrence, il résulte de chacun des baux commerciaux souscrits que le preneur s’oblige :

1.à prendre les lieux loués dans l’état où ils se trouveront au jour de l’entrée en jouissance.

2. à faire assurer et maintenir assurés pendant toute la durée du bail contre l’incendie et le dégât des eaux, par une compagnie notoirement solvable, le bien objet du bail et le mobilier garnissant les biens loués, ainsi que les risques locatifs et le recours des voisins, en valeur de reconstruction à neuf, et à justifier du tout à première réquisition du bailleur.

En outre, pour le cas de sinistre relevant de la responsabilité du preneur, celui-ci souscrira une assurance couvrant les pertes de loyers.

D’une manière plus générale, il est prévu que le preneur s’assurera contre les risques résultant de l’exploitation commerciale des biens loués, et, que le preneur agira tant pour le compte du bailleur que pour son propre compte et bénéficiera seul des indemnités qui pourraient lui être versées, qu’il emploiera à la réparation des dommages affectant les biens assurés.

Telles sont les dispositions contractuelles, les articles 5-9, 7 et 8 invoqués par les bailleurs ne correspondant pas aux baux en cause.

La SAS Odalys Résidences ne justifie d’aucune assurance pertes de loyers. Par ailleurs, son commissaire aux comptes atteste les 27 février et 25 juin 2021 de ce qu’elle n’a perçu aucune indemnité d’assurance pour perte d’exploitation liée à la crise sanitaire.

Les intimés invoquent un manquement contractuel de la part de la SAS Odalys Résidences qui aurait failli à son obligation d’assurance et au principe de continuité de paiement du loyer.

Si l’appréciation d’un éventuel manquement contractuel de la SAS Odalys Résidences en termes de défaut d’assurance relève à l’évidence du juge du fond, il convient d’observer que l’absence d’indemnisation quelconque de l’appelante en raison des pertes d’exploitation induites par la période de crise sanitaire ne constitue pas une contestation sérieuse faisant obstacle au paiement du loyer auquel elle est tenue par principe, en exécution du contrat de bail. De plus, même si les mesures décidées par les pouvoirs publics de fermeture et de restrictions auxquelles se réfèrent l’appelante et rappelées ci-dessus, et en particulier la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public, ont impacté les conditions d’exploitation de la résidence Olympe, il ne s’agit pas, de toute évidence, de circonstances graves et exceptionnelles ayant affecté les biens loués eux-mêmes.

Là encore, aucune contestation sérieuse n’est établie.

Dans ces conditions, il appert que les moyens soulevés par la SAS Odalys Résidences ne constituent aucune contestation sérieuse justifiant le non-paiement, même en partie, des loyers échus entre le mois d’avril 2020 et le mois de décembre 2021, de sorte que la créance des intimés envers la SAS Odalys Résidences est acquise sans contestation sérieuse, ni dans son principe, ni dans son montant. L’ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu’elle a retenu des contestations sérieuses justifiant de déduire des provisions allouées une partie des loyers réclamés par les intimés.

Au vu des décomptes produits et justifiés, non contestés dans leurs détails par l’appelante, il convient de condamner celle-ci à payer à titre provisionnel les sommes suivantes, arrêtées au 18 mars 2022, au titre de l’arriéré locatif et des taxes foncières, ces deux éléments étant repris et non distingués dans les tableaux versés :

– 4 273,02 € à monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S],

– 3 625,36 € à monsieur [O] [Y] et madame [H] [L],

– 3 151,90 € à monsieur [U] [J],

– 5 894,89 € à monsieur [M] [B],

– 3 864,49 € à monsieur [A] [G],

– 4 409,17 € à monsieur [N] [E].

3. Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Les intimés reprennent en appel la demande formée devant le premier juge à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice résultant du caractère abusif des moyens de défense de la SAS Odalys Résidences, et de sa volonté manifeste de ne pas payer, constitutive d’une faute, celle-ci ayant, sans aucune décision de justice l’y autorisant, suspendu son obligation de paiement du loyer.

Or, la simple résistance à une action en justice ne peut constituer un abus de droit, qui requiert que des circonstances particulières soient démontrées.

De plus, l’appréciation d’une faute commise par la SAS Odalys Résidences excède les pouvoirs du juge des référés et relève de ceux du juge du fond.

L’ordonnance déférée est en conséquence de quoi confirmée en ce qu’elle a rejeté ces demandes.

4. Sur les demandes accessoires

La SAS Odalys Résidences qui succombe au litige sera déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge des bailleurs intimés les frais, non compris dans les dépens, qu’ils ont exposés pour leur défense.

Les indemnités qui leur ont été allouées à ce titre en première instance seront confirmées et il convient d’allouer, en cause d’appel, à monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S], monsieur [O] [Y] et madame [H] [L], monsieur [U] [J], monsieur [M] [B], monsieur [A] [G], et, monsieur [N] [E], une indemnité complémentaire de 500 euros pour chaque groupe de bailleur, ainsi que mentionnée au dispositif de la décision.

L’appelante supportera en outre les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

‘ condamné la SAS Odalys Résidences à payer à titre provisionnel les sommes suivantes à valoir sur l’arriéré locatif au 18 mars 2022 :

– 2 331,83 € à monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S], ensemble,

– 1 978,62 € à monsieur [U] [J],

– 1 301,06 € à monsieur [M] [B],

– 2 626,59 € à monsieur [A] [G]

– 3 062,58 € à monsieur [N] [E],

– 3 255,27 € à monsieur [O] [Y] et madame [H] [L] ensemble,

condamné la SAS Odalys Résidences à payer à titre provisionnel les sommes suivantes à valoir sur les créances de taxes foncières :

– 195 € à monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S], ensemble,

– 89 € à monsieur [U] [J],

– 177 € à monsieur [A] [G],

dit n’y avoir lieu à référé s’agissant du surplus des demandes provisionnelles,

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions non contraires,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SAS Odalys Résidences à payer à titre provisionnel les sommes suivantes à valoir sur l’arriéré locatif au 18 mars 2022 et au titre de la taxe foncière :

– 4 273,02 € à monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S],

– 3 625,36 € à monsieur [O] [Y] et madame [H] [L],

– 3 151,90 € à monsieur [U] [J],

– 5 894,89 € à monsieur [M] [B],

– 3 864,49 € à monsieur [A] [G],

– 4 409,17 € à monsieur [N] [E],

Condamne la SAS Odalys Résidences à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel :

– 500 € à monsieur [Z] [S] et madame [X] [C] épouse [S],

– 500 € à monsieur [O] [Y] et madame [H] [L],

– 500 € à monsieur [U] [J],

– 500 € à monsieur [M] [B],

– 500 € à monsieur [A] [G],

– 500 € à monsieur [N] [E].

Déboute la SAS Odalys Résidences de sa demande sur ce même fondement,

Condamne la SAS Odalys Résidences au paiement des dépens.

La Greffière Le Président

 


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