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27 JUIN 2023
Arrêt n°
CHR/SB/NS
Dossier N° RG 21/00547 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FRY6
S.E.L.A.R.L. [L]
/
[C] [A], L’Unédic Délégation AGS, CGEA Ile de France EST association ,
jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de moulins, décision attaquée en date du 04 février 2021, enregistrée sous le n° f 20/00068
Arrêt rendu ce VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, Greffier lors du prononcé
ENTRE :
S.E.L.A.R.L. [L] représentée par Me [E] [L], mandataire judiciaire, en qualité de mandataire liquidateur de la société EURL POWERS DISTRIBUTION
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Dominique CHEDAL-ANGLAY, avocat au barreau de DIJON
APPELANTE
ET :
Mme [C] [A]
Chez M.[J] [Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par : Me Chloé BARGOIN, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003826 du 16/02/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
L’Unédic Délégation AGS, CGEA Ile de France EST association, agissant en la personne de son représentant légal, dûment habilité à cet effet, domiciliée,
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEES
M.RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu M. RUIN Président en son rapport à l’audience publique du 02 MAI 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au
greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
L’EURL POWERS DISTRIBUTION (numéro RCS DIJON 798 318 986), dont le siège social est situé à [Localité 7] (21), est une société ayant pour activité la vente à domicile de contrats liés à l’économie d’énergie (immatriculation le 7 novembre 2013), dont le gérant est Monsieur [D] [Y].
Le 13 novembre 2017, le gérant de la société POWERS DISTRIBUTION et Madame [C] [A], née le 23 décembre 1994, ont signé un contrat intitulé ‘contrat de vendeur à domicile indépendant’ mentionnant un mandat de représentation, d’une durée indéterminée, pour la vente à domicile des produits et services figurant au catalogue de l’entreprise et le versement de commissions, voire de primes sur les ventes.
Par requête réceptionnée au greffe le 14 février 2019, Madame [C] [A] a saisi le conseil des prud’hommes de MOULINS aux fins notamment de voir requalifier le contrat de vendeur à domicile indépendant en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, de juger que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de voir condamner la société POWERS DISTRIBUTION à lui payer un rappel de salaire et de congés payés, des indemnités et des dommages-intérêts.
La première audience devant le bureau de conciliation et d’orientation a été fixée au 6 mars 2019 (convocation reçue par le défendeur le 18 février 2019). Comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
À l’audience du 2 juillet 2020, le conseil de prud’hommes a constaté le défaut de diligence de la partie demanderesse et ordonné la radiation de l’affaire. L’affaire a été réenrôlée sur demande de l’avocat de Madame [C] [A] en date du 6 juillet 2020.
Par jugement rendu contradictoirement le 4 février 2021 (audience du 15 octobre 2020), le conseil des prud’hommes de MOULINS a :
– reçu Madame [C] [A] en ses demandes ;
– dit le conseil des prud’hommes compétent pour juger du litige ;
– requalifié le contrat de vendeur à domicile indépendant de Madame [C] [A] en contrat de travail à durée indéterminée ;
– dit que la rupture du contrat de travail de Madame [C] [A] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 19 février 2018 ;
En conséquence,
– condamné l’EURL POWERS DISTRIBUTION à payer et porter à Madame [C] [A] les sommes suivantes :
* 1.567,14 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 861 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis y compris les 10% de congés payés,
* 2.185,18 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 10 novembre 2017 au 27 décembre 2017, outre 218,51 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.358,18 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 23 janvier au 19 février 2018, outre 135,81 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.310,75 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées du 10 novembre au 27 décembre 2017, outre 131,07 euros au titre des congés payés afférents,
* 9.402 euros net au titre du travail dissimulé,
* 1.300 euros net au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– dit que des sommes en brut citées ci-dessus devront éventuellement être déduites les charges sociales salariales précomptées et reversées aux organismes sociaux par l’employeur ;
– dit que les sommes nettes s’entendent net de toutes cotisations sociales ;
– condamné l’EURL POWERS DISTRIBUTION à remettre à Madame [C] [A] les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes aux dispositions de la présente décision, dans un délai de 60 jours à compter de la notification de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le Conseil se réservant le droit de liquider la dite astreinte en tant que de besoin ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– condamné l’EURL POWERS DISTRIBUTIONS aux dépens de la présente instance.
Le 8 mars 2021, l’EURL POWERS DISTRIBUTIONS a interjeté appel (appel limité aux dispositions du jugement concernant sa condamnation à payer un rappel de salaire sur heures supplémentaires, les congés payés afférents et des dommages-intérêts pour travail dissimulé) de ce jugement qui a été notifié à la personne de son représentant légal le 3 mars 2021, en intimant Madame [C] [A].
Madame [C] [A] a constitué avocat (Maître Chloé BARGOIN du barreau de VICHY/CUSSET) dans le cadre de la présente procédure d’appel.
Le 27 décembre 2022, le gérant de la société POWERS DISTRIBUTION a saisi le tribunal de commerce de BOBIGNY d’une
demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire et ce, en déclarant une situation de cessation des paiements pour l’entreprise.
Le 26 janvier 2023, la société POWERS DISTRIBUTION a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de BOBIGNY. La SELARL [L] MJ a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Les 10 et 20 mars 2023, Monsieur [Z] a appelé dans la cause la SELARL [L] MJ, en qualité de mandataire liquidateur de la société POWERS DISTRIBUTION, ainsi que le CGEA ILE DE FRANCE EST en qualité de délégation AGS.
Le 3 avril 2023, Maître Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, s’est constituée dans les intérêts de l’association UNEDIC, délégation AGS, CGEA ILE DE FRANCE EST.
Le 26 avril 2023, Maitre Dominique CHEDAL-ANGLAY, avocat au barreau de DIJON, s’est constitué dans les intérêts de la SELARL [L] MJ, En qualité de mandataire liquidateur de la société POWERS DISTRIBUTION.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 27 avril 2023 par Madame [C] [A],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 27 avril 2023 par l’EURL POWERS DISTRIBUTION représentée par son liquidateur judiciaire, la SELARL [L] MJ,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 29 avril 2023 par l’association UNEDIC, délégation AGS, CGEA ILE DE FRANCE EST,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 2 mai 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, la SELARLU [L] MJ, représentée par Maître [E] [L], en qualité de mandataire liquidateur de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil des prud’hommes de MOULINS du 4 février 2021 relativement aux heures supplémentaires, à l’indemnité compensatrice de congés payés afférente, à l’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé ;
En conséquence,
– débouter Madame [C] [A] :
– de sa demande de rappels de salaires pour des heures supplémentaires pour 1.310,75 euros du 10 novembre au 27 décembre 2017 outre congés payés de 131,07 euros ;
– de ses demandes au titre du travail dissimulé et par conséquent de sa demande d’indemnité forfaitaire de 9.402 euros ;
– de ses plus amples demandes ;
– condamner Madame [C] [A] aux dépens et à régler à l’EURL POWERS DISTRIBUTION la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, Madame [C] [A] demande à la cour de :
– juger recevable mais mal fondé l’appel interjeté par la société POWERS DISTRIBUTION à l’encontre du jugement rendu par le conseil des prud’hommes de MOULINS le 04 février 2021 ;
– juger recevable et bien fondé son appel incident formé par voie de conclusions ;
En conséquence, sur les chefs de jugement expressément critiqués par la société POWERS DISTRIBUTION ;
– débouter la société POWERS DISTRIBUTION de ses demandes ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société POWERS DISTRIBUTION à lui payer les sommes suivantes :
– 1.310,75 eurosà titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires effectuées du 10 novembre 2017 au 27 décembre 2017 ;
– 131,07 euros au titre des congés payés afférents ;
– 9.402 euros net à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
– fixer les sommes précitées au passif de la liquidation judiciaire de la société POWERS DISTRIBUTION ;
A titre incident,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il :
– l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts, formulée à hauteur de 6.000ee nets, pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail ;
Et, statuant à nouveau, sur ce même chef de jugement expressément critiqué,
– juger qu’elle a été victime d’une exécution fautive et déloyale son contrat de travail,
– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société POWERS DISTRIBUTION la somme de 6.000 euros nets en réparation du préjudice subi à ce titre ;
En tout état de cause,
– confirmer le jugement entrepris en ses dispositions dont il n’a pas été relevé appel, à savoir :
– la condamnation de la société POWERS DISTRIBUTION à lui verser les sommes suivantes :
* 1.567,14 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 861 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis y compris les 10% de congés payés,
* 2.185,18 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 10 novembre 2017 au 27 décembre 2017, outre 218,51 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.358,18 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 23 janvier au 19 février 2018, outre 135,81 euros au titre des congés payés afférents,
Condamnations qui seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société POWERS DISTRIBUTION et garanties par l’AGS/CGEA,
– la remise à Madame [A] des bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes aux dispositions de la décision, dans un délai de 60 jours à compter de la notification de la décision et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, la juridiction se réservant le droit de liquider la dite astreinte ;
– débouter la société POWERS DISTRIBUTION de sa demande formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– déclarer commune et opposable aux AGS et CGEA la décision à intervenir ;
– condamner le mandataire aux entiers dépens.
Dans ses dernières écritures, l’association UNEDIC, délégation AGS, CGEA ILE DE FRANCE EST, demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL
– Réformer le jugement du 4 février 2021 rendu par le conseil de prud’hommes de MOULINS .
Se faisant et statuant à nouveau,
– Débouter Madame [C] [A] de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre congés payés afférents ;
– Débouter Madame [C] [A] de sa demande au titre du travail dissimulé ;
– Débouter Madame [C] [A] de sa demande pour exécution fautive du contrat de travail ;
– Prononcer l’arrêt des intérêts au 26 janvier 2023 ;
– Déclarer la garantie de l’AGS exclue s’agissant de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouter Madame [C] [A] de ses demandes fins et conclusions.
A TITRE SUBSIDIAIRE
– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’association UNEDIC, CGEA ILE DE FRANCE EST, en qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (articles L.3253-8), D.3253-5 du Code du travail et du décret n°2003-684 du 24 juillet 2003 ;
– déclarer que la garantie de l’UNEDIC AGS/CGEA est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond 6 défini à l’article D.3253-5 du Code du travail ;
– déclarer que les limites légales et jurisprudentielles de la garantie de l’UNEDIC sont applicables ;
– déclarer que l’arrêt à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;
– déclarer que l’UNEDIC AGS/CGEA ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du travail (article L.3253-8 du Code du travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du travail (article L.3253-8 du Code du travail) ;
– déclarer que l’obligation de l’UNEDIC AGS/CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire ;
– arrêter le cours des intérêts à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective (article L.622-28 et suivants du Code de commerce).
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
À titre liminaire, il échet de rappeler que dans le cadre de la déclaration d’appel, l’appel de l’EURL POWERS DISTRIBUTION était limité aux dispositions du jugement concernant sa condamnation à payer un rappel de salaire sur heures supplémentaires, les congés payés afférents et des dommages-intérêts pour travail dissimulé.
En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.
– Sur la compétence du juge prud’homal et l’existence d’un contrat de travail –
Aux termes de l’article L. 135-1 du code de commerce : ‘Le vendeur à domicile indépendant est celui qui effectue la vente de produits ou de services dans les conditions prévues par la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation, à l’exclusion du démarchage par téléphone ou par tout moyen technique assimilable, dans le cadre d’une convention écrite de mandataire, de commissionnaire, de revendeur ou de courtier, le liant à l’entreprise qui lui confie la vente de ses produits ou services.’
Aux termes de l’article L. 135-2 du code de commerce :
‘Le contrat peut prévoir que le vendeur assure des prestations de service visant au développement et à l’animation du réseau de vendeurs à domicile indépendants, si celles-ci sont de nature à favoriser la vente de produits ou de services de l’entreprise, réalisée dans les conditions mentionnées à l’article L. 135-1. Le contrat précise la nature de ces prestations, en définit les conditions d’exercice et les modalités de rémunération.
Pour l’exercice de ces prestations, le vendeur ne peut en aucun cas exercer une activité d’employeur, ni être en relation contractuelle avec les vendeurs à domicile indépendants qu’il anime.
Aucune rémunération, à quelque titre que ce soit, ne peut être versée par un vendeur à domicile indépendant à un autre vendeur à domicile indépendant, et aucun achat ne peut être effectué par un vendeur à domicile indépendant auprès d’un autre vendeur à domicile indépendant.’
Aux termes de l’article L. 135-3 du code de commerce : ‘Les vendeurs à domicile indépendants dont les revenus d’activité ont atteint un montant fixé par arrêté au cours d’une période définie par le même arrêté sont tenus de s’inscrire au registre du commerce et des sociétés ou au registre spécial des agents commerciaux à compter du 1er janvier qui suit cette période. ‘
Les vendeurs à domicile peuvent être des salariés ou des travailleurs indépendants.
Le vendeur à domicile indépendant (VDI) exerce son activité de manière autonome, sans lien de subordination avec l’entreprise qui fait appel à ses services. Le droit du travail ne lui est pas applicable. Il gère librement l’organisation de son travail et détermine seul son niveau d’activité et ses objectifs financiers sans que l’entreprise ne puisse lui donner de directives. Toutefois, l’entreprise peut lui offrir une assistance au démarrage et/ou en cours d’activité.
Les personnes effectuant par démarchage de personne à personne ou par réunion, à l’exclusion du démarchage par téléphone ou par tout moyen technique assimilable, la vente de produits ou services auprès de particuliers, inscrites ou non au registre du commerce ou à celui des agents commerciaux, sont des travailleurs indépendants lorsqu’elles exercent leur activité pour leur propre compte :
– en leur nom propre ;
– ou en qualité de mandataire d’une entreprise ;
– ou en qualité de courtier ;
– ou en qualité de commissionnaire ou de revendeur.
Sur le plan de la protection sociale, ces vendeurs à domicile sont assimilés à des salariés par application de l’article L. 311-3 20° du code de la sécurité sociale.
Le vendeur à domicile indépendant (VDI) ne doit pas être confondu avec le vendeur à domicile salarié qui dispose d’un contrat de travail.
Le vendeur à domicile peut être un salarié de droit commun si l’entreprise co-contractante a choisi de placer la relation professionnelle sur le terrain salarial en concluant un contrat de travail ou si l’activité s’exerce en fait dans des conditions qui révèlent un lien de subordination.
En l’espèce, Madame [C] [A] a signé, le 13 novembre 2017, avec l’EURL POWERS DISTRIBUTION un contrat intitulé ‘contrat de vendeur à domicile indépendant’ qui mentionne un mandat de représentation, d’une durée indéterminée, pour la vente à domicile des produits et services figurant au catalogue de l’entreprise, avec le versement de commissions, voire de primes sur les ventes.
Ce contrat, tout en stipulant que Madame [C] [A] est un ‘VDI qui exerce son activité en toute indépendance dans le cadre du mandat qui lui est confié par POWERS DISTRIBUTION qui n’est pas son employeur’, comprend les mentions suivantes avant les signatures : ‘reconnais avoir pris connaissance et accepte les conditions du contrat de travail, à savoir : le salarié…’ et ‘signature de l’employé’.
La société POWERS DISTRIBUTION a effectué une déclaration préalable à l’embauche, reçue par l’URSSAF le 10 novembre 2017, mentionnant que Madame [C] [A] a été embauchée le même jour en qualité de salariée.
La société POWERS DISTRIBUTION n’a pas établi de contrat de travail pour Madame [C] [A], ni délivré de bulletins de paie hors celui de décembre 2017, ni remis de documents de fin de contrat de travail.
La cour constate que l’EURLPOWERS DISTRIBUTION a délivré un seul bulletin de salaire à Madame [C] [A], celui de décembre 2017, qui est produit par cette dernière mais avec de nombreuses cancellations par traits de marqueur. On peut toutefois lire la mention de la convention collective nationale du commerce de gros, une durée mensuelle de travail de 151,67 heures, un SMIC horaire de 9,76 euros.
Madame [C] [A] justifie avoir été en situation continue d’arrêt de travail pour maladie du 27 décembre 2017 au 21 janvier 2018.
Le conseil de prud’hommes a jugé qu’à compter du 10 novembre 2017, l’EURL POWERS DISTRIBUTION et Madame [C] [A] étaient liés par un contrat de travail à durée indéterminée et que, dans ce cadre, la salariée était employée à temps plein en qualité de vendeuse à domicile, qu’en conséquence le juge prud’homal était compétent matériellement pour statuer sur le litige. Le premier juge a ainsi rejeté l’exception d’incompétence matérielle et requalifié le contrat de vendeur à domicile indépendant de Madame [C] [A] en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
Vu la déclaration d’appel et les dispositifs des dernières écritures des parties, le jugement déféré n’est pas querellé de ces chefs.
Le jugement du 4 février 2021 est donc définitif en ce que le conseil de prud’hommes s’est dit compétent pour juger du litige et a requalifié le contrat de vendeur à domicile indépendant de Madame [C] [A] en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
La cour considère en conséquence que Madame [C] [A] était employée comme salariée à temps plein à compter du 10 novembre 2017 par l’EURL POWERS DISTRIBUTION, sur un poste de vendeuse à domicile.
– Sur la demande de nullité de la procédure devant le conseil de prud’hommes –
Selon l’article 58 alinéa 3 du code de procédure civile, en ses dispositions applicables à l’époque considérée, sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Selon l’article 127 du code de procédure civile, en ses dispositions applicables à l’époque considérée, s’il n’est pas justifié, lors de l’introduction de l’instance et conformément aux dispositions des articles 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation.
Selon l’article R. 1452-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017, l’acte de saisine de la juridiction prud’homale comporte les mentions prescrites à peine de nullité par l’article 58 du code de procédure civile. Aux termes de cet article 58, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, la requête ou la déclaration contient à peine de nullité : 1° Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ; Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ; 2° L’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ; 3° L’objet de la demande. Le troisième alinéa de l’article 58 ajoute que sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, la requête ou la déclaration précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, il en résulte que l’obligation de préciser dans la requête ou la déclaration les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige n’est assortie d’aucune sanction et ne constitue pas une formalité substantielle ou d’ordre public. S’il n’est pas justifié de son respect, le juge ne peut, selon l’article 127 du code de procédure civile, que proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation. Le moyen qui postule que cette exigence est prescrite à peine de nullité n’est donc pas fondé.
En l’espèce, devant le premier juge, l’EURL POWERS DISTRIBUTION a soulevé la nullité de la procédure prud’homale sur le fondement de l’article 58 alinéa 3 du code de procédure civile.
Le conseil de prud’hommes a rejeté cette exception de nullité et jugé recevable la procédure engagée par Madame [C] [A].
Vu la déclaration d’appel et les dispositifs des dernières écritures des parties, le jugement déféré n’est pas querellé de ce chef.
– Sur la rupture du contrat de travail –
Le conseil de prud’hommes a jugé que la rupture du contrat de travail, à l’issue de la période de suspension du contrat de travail pour arrêt maladie de Madame [C] [A], était imputable au seul employeur et s’assimile à un licenciement sans cause réelle et sérieuse de la salariée.
Le conseil de prud’hommes a ainsi :
– dit que la rupture du contrat de travail de Madame [C] [A] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 19 février 2018 ;
En conséquence,
– condamné l’EURL POWERS DISTRIBUTION à payer et porter à Madame [C] [A] les sommes suivantes :
* 1.567,14 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 861 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis y compris les 10% de congés payés.
Vu la déclaration d’appel et les dispositifs des dernières écritures des parties, le jugement déféré n’est pas querellé de ces chefs, sauf à tenir compte de la situation de liquidation judiciaire de l’employeur depuis le 26 janvier 2023.
Il échet, par voie de réformation, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 1.567,14 euros brut de Madame [C] [A] au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il échet, par voie de réformation, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 861 euros brut de Madame [C] [A] au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.
– Sur la demande de rappel de salaire –
Le conseil de prud’hommes a considéré que compte tenu de son emploi de vendeuse à domicile et de l’application de la convention collective nationale du commerce de gros à la relation salariale, l’EURL POWERS DISTRIBUTION devait verser à Madame [C] [A] un salaire mensuel brut de base de 1.567,14 euros pour un temps de travail effectif de 35 heures par semaine.
Le conseil de prud’hommes a, en conséquence, condamné l’EURL POWERS DISTRIBUTION à payer et porter à Madame [C] [A] les sommes suivantes :
* 2.185,18 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 10 novembre 2017 au 27 décembre 2017, outre 218,51 euros au titre des congés payés afférents,
* 1.358,18 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 23 janvier au 19 février 2018, outre 135,81 euros au titre des congés payés afférents.
Vu la déclaration d’appel et les dispositifs des dernières écritures des parties, le jugement déféré n’est pas querellé de ces chefs, sauf à tenir compte de la situation de liquidation judiciaire de l’employeur depuis le 26 janvier 2023.
Il échet, par voie de réformation, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 2.185,18 euros (brut) de Madame [C] [A] à titre de rappel de salaire sur la période du 10 novembre 2017 au 27 décembre 2017, outre 218,51 euros au titre des congés payés afférents.
Il échet, par voie de réformation, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 1.358,18 euros (brut) de Madame [C] [A] à titre de rappel de salaire sur la période du 23 janvier au 19 février 2018, outre 135,81 euros au titre des congés payés afférents.
– Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires –
Les heures supplémentaires sont les heures de travail effectif accomplies au-delà de la durée hebdomadaire légale (35 heures selon l’article L. 3121-27du code du travail) ou de la durée considérée comme équivalente si elle existe (article L. 3121-28 , ancien L.3121-22).
La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles (article L. 3121-1 du code du travail).
En matière d’heures supplémentaires, le régime probatoire est fixé par l’article L. 3171-4 du code du travail, en tenant compte des articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail qui déterminent les obligations de l’employeur relatives au décompte du temps de travail.
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail : ‘En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.’.
Aux termes de l’article L. 3171-2 du code du travail : ‘Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.’.
En application de l’article L. 3171-3 du code du travail, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.
L’employeur doit être en mesure de fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription applicable aux salaires.
Les documents nécessaires au décompte individuel de la durée du travail de chaque salarié doivent être établis par l’employeur. La seule indication de l’amplitude journalière du travail, sans mention des périodes effectives de coupures et de pauses, est insuffisante. L’employeur peut demander au salarié d’effectuer lui-même ce décompte mais sans s’exonérer de sa responsabilité en cas de mauvaise exécution. Aucune forme particulière n’est prescrite pour le décompte individuel, il peut s’agir d’un cahier, d’un registre, d’une fiche, d’un listing, d’un système de badge. En cas de recours à un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. La pratique de l’horaire collectif ne dispense pas l’employeur de tenir un décompte individuel de la durée de travail pour chaque salarié occupé selon cet horaire, notamment en cas de réalisation d’heures supplémentaires. Les documents établissant le temps de travail des salariés doivent être conservés pendant la durée de la prescription des salaires.
Il en résulte qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées. Le salarié qui a accompli pendant une longue période des heures supplémentaires au vu et au su de son employeur qui ne s’y est pas opposé a droit au paiement des heures accomplies. L’appréciation de l’existence d’un accord implicite de l’employeur à la réalisation d’heures supplémentaires relève du pouvoir souverain des juges du fond. Mais dès lors qu’elles ont été effectuées malgré l’interdiction expresse de l’employeur, et sans que la nature ou la quantité des tâches à accomplir ne le justifie, les heures supplémentaires ne peuvent donner lieu à paiement. A l’inverse, les heures supplémentaires accomplies en dépit de l’exigence d’une autorisation préalable mais justifiées par l’importance des tâches à accomplir doivent être payées.
Le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d’heures supplémentaires. Le juge ne peut pas substituer au paiement des heures supplémentaires une condamnation à des dommages-intérêts.
La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile. Constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente. Toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. Les heures supplémentaires se décomptent par semaine. Une convention collective ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche peut fixer une période de sept jours consécutifs constituant la semaine. À défaut d’accord, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.
Une convention collective ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche peut fixer le ou les taux de majoration des heures supplémentaires, qui ne peut pas être inférieur à 10%. À défaut d’accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires (de la 36ème heure à la 43ème heure incluse). Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % (à partir de la 44ème heure). La majoration des heures supplémentaires s’applique au taux horaire des heures normales de travail, ce taux ne pouvant pas être inférieur au quotient résultant de la division du salaire mensuel brut par l’horaire mensuel. Il doit être tenu compte des primes et indemnités versées en contrepartie directe du travail ou inhérentes à la nature du travail fourni et du montant des avantages en nature.
Le juge doit vérifier, au vu du salaire horaire du salarié, si les heures supplémentaires ont été rémunérées en totalité. Le fait pour le salarié de n’avoir formulé aucune réserve lors de la perception de son salaire ni d’avoir protesté contre l’horaire de travail ne vaut pas renonciation au paiement des heures supplémentaires.
En l’espèce, Madame [C] [A] soutient que, pour la période du 10 novembre 2017 au 27 décembre 2017, compte tenu de la charge de travail imposée par son employeur, elle a travaillé 47,5 heures par semaine, soit 9,5 heures chaque jour (pendant cinq jours de travail par semaine) de 9 heures à 19 heures 30, avec une pause d’environ une heure pour le déjeuner, effectuant ainsi chaque semaine 12,5 heures supplémentaires qui n’ont pas été payées et n’ont fait l’objet d’aucune contrepartie.
Le liquidateur judiciaire de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION conteste cette demande. Il relève que Madame [C] [A] ne produit pas un décompte précis de ses heures de travail, que les attestations produites ne sont pas probantes car émanant de collègues en conflit avec l’employeur et constituant des témoignages de complaisance dictés par trois salariés en litige prud’homal avec l’entreprise, à savoir Madame [A], Madame [G] et Monsieur [Z]. Il expose que Madame [C] [A] n’était soumise contractuellement à aucune durée du travail et organisait librement son temps de travail.
L’UNEDIC DELEGATION, AGS/CGEA D’ILE DE FRANCE EST, développe sur ce point la même argumentation que le liquidateur judiciaire.
Madame [C] [A] produit des témoignages, notamment de collègues de travail au sein de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION à l’époque considérée, sous la forme d’attestations. Pour l’essentiel, ces témoignages ne la citent pas et concernent d’autres salariés de l’entreprise en litige prud’homal, comme Monsieur [Z], Madame [G] et Madame [F].
Seuls Monsieur [Z] et Madame [G] indiquent que Madame [C] [A] travaillait en moyenne cinq jours par semaine, de 9 heures à 19 heures 30, avec une pause déjeuner d’environ une heure par jour.
Pour le surplus, Madame [C] [A] produit des photographies de contrats qu’elle a signés avec des clients pour le compte de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION et un ‘plan de vente’ diffusé par l’employeur.
Madame [C] [A] décompte 12,5 heures supplémentaires par semaine de travail, pour la période du 10 novembre 2017 au 27 décembre 2017, sur la base d’un taux horaire net salarial de 10,33 euros (salaire mensuel brut de 1.567,14 euros).
Madame [C] [A] était en situation continue d’arrêt de travail pour maladie à compter du 27 décembre 2017.
Le liquidateur judiciaire de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION produit des attestations de Monsieur [H], Madame [I], Monsieur [K] et Monsieur [B] qui ne concernent pas Madame [C] [A] mais Monsieur [Z] et Madame [G].
La cour ne saurait écarter les témoignages de Monsieur [Z] et de Madame [G] produits par Madame [C] [A] comme non probants aux seuls motifs que ces salariés étaient en conflit avec leur employeur, formulaient des griefs contre celui-ci et ont saisi le conseil de prud’hommes de demandes à l’encontre de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION en bénéficiant dans ce cadre d’une attestation de Madame [C] [A].
Il échet de constater que Madame [C] [A] présente en l’espèce, à l’appui de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Or, l’employeur, représenté par le liquidateur judiciaire, et la délégation AGS sont dans l’incapacité d’établir les heures de travail effectuées par Madame [C] [A] pendant la période du période du 10 novembre 2017 au 26 décembre 2017.
Il sera fait droit à la demande de rappel sur heures supplémentaires de Madame [C] [A], pour la période du 10 novembre 2017 au 26 décembre 2017, sauf à rectifier son calcul pour retenir une somme de 1.072,48 euros (172,98 x 6,2), outre 10% au titre des congés payés afférents (107,24 euros), et à fixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION.
Le jugement sera réformé en ce sens.
– Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé –
À l’appui de sa demande de l’indemnité de travail dissimulé, Madame [C] [A] soutient que l’EURLPOWERS DISTRIBUTION a voulu dissimuler son emploi salarié en ne lui délivrant pas tous ses bulletins de salaire, en ne rémunérant ni ne mentionnant les heures supplémentaires effectuées, en tentant de faire croire qu’elle était un vendeur à domicile indépendant alors qu’elle était salariée de l’entreprise.
Le liquidateur judiciaire de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION et la délégation AGS contestent cette demande en relevant un malentendu et l’absence d’élément intentionnel de la part de l’employeur.
Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail : ‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’.
Est donc réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait notamment pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche, ou de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou
de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Le travail dissimulé suppose un élément intentionnel de la part de l’employeur en ce qu’il a voulu dissimuler, en tout ou partie, un emploi salarié dans le cadre des omissions précitées. L’existence de l’élément intentionnel est apprécié souverainement par le juge du fond.
Le salarié dissimulé, ou salarié victime de travail dissimulé, a la possibilité de réclamer devant le juge prud’homal le rétablissement de ses droits : bulletin de paie, rémunération au montant légal ou conventionnel applicable, heures supplémentaires, accomplissement des formalités et versement des cotisations éludées, documents de fin de contrat rectifiés.
En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation de l’interdiction de travail dissimulé, que ce soit par dissimulation d’activité ou d’emploi salarié, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, même si la durée de la relation de travail a été moindre, à moins que l’application d’autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une situation plus favorable pour le salarié.
L’indemnité forfaitaire est due quels que soient la qualification ou le mode de la rupture du contrat de travail (licenciement, démission, fin de contrat à durée déterminée, rupture amiable…) et sans nécessité d’une condamnation pénale préalable de l’employeur. L’élément intentionnel est toutefois requis pour une condamnation à l’indemnité forfaitaire dont l’allocation relève de la compétence exclusive du juge prud’homal.
En l’espèce, l’EURLPOWERS DISTRIBUTION a bien effectué une déclaration préalable d’embauche concernant Madame [C] [A].
Par contre, il apparaît que l’employeur a sciemment tenté de dissimuler l’emploi salarié de Madame [C] [A] en établissant un contrat de mandat VDI, en ne délivrant pas à la salariée tous ses bulletin de salaire, en ne mentionnant pas les heures supplémentaires effectuées, en ne déterminant pas la durée du travail, les horaires de travail et le salaire mensuel brut de référence de Madame [C] [A], en n’établissant pas les documents de fin de contrat de travail.
L’employeur ne saurait se retrancher derrière la notion de ‘malentendu’ ou ‘d’erreur comptable’ ou en invoquant le recours à un expert-comptable.
Le contrat de travail de Madame [C] [A] a été rompu début 2018 du fait d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au regard des principes susvisés et des éléments d’appréciation dont la cour dispose, le premier juge a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en retenant le délit de travail dissimulé et en faisant droit à la demande d’indemnité de Madame [C] [A] sur ce fondement.
Il échet toutefois, par voie de réformation, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 9.402 euros de Madame [C] [A] au titre de l’indemnité de travail dissimulé.
– Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail –
Aux termes de l’article L. 1222-1 du code du travail : ‘Le contrat de travail est exécuté de bonne foi.’.
L’employeur est tenu d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. L’employeur doit respecter les dispositions du contrat de travail et, en particulier, fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution, et lui payer le salaire convenu. L’employeur est tenu à une obligation de sécurité. L’employeur doit éviter tout comportement humiliant ou vexatoire à l’égard de ses salariés et faire en sorte que ses salariés aient une attitude respectueuse entre eux. L’employeur peut voir sa responsabilité civile engagée en cas de non-respect de ses obligations, comme en cas de manquement à l’exécution de bonne foi du contrat de travail, dont la preuve incombe au salarié. Le salarié peut également demander à son employeur réparation du dommage causé par sa faute ou sa négligence.
Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-1 du code du travail : ‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’.
Tous les employeurs de droit privé sont tenus de respecter les règles de santé et de sécurité prescrites par le code du travail. Les règles de santé et de sécurité au travail bénéficient à l’ensemble des salariés, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, ainsi qu’aux intérimaires et aux stagiaires.
L’employeur doit exécuter son obligation de sécurité (conditions cumulatives) : – de façon générale vis-à-vis de tous ses salariés par les actions en matière d’évaluation, de prévention, de formation, d’information, d’adaptation (prévention du risque) ; – de façon particulière dès qu’il est informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d’un salarié, en prenant les mesures immédiates propres à les faire cesser (cessation du risque).
La responsabilité de l’employeur est engagée vis-à-vis des salariés (ou du salarié) dès lors qu’un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs (du travailleur) est avéré. Il n’est pas nécessaire que soit constaté une atteinte à la santé, le risque suffit.
En l’espèce, Madame [C] [A] demande des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait d’agissements imputables à l’EURL POWERS DISTRIBUTION, à savoir la dissimulation de son emploi salarié, les heures supplémentaires non rémunérées, le fait quelle qu’elle ne percevait pas l’intégralité de sa rémunération contractuelle ou avec retard, qu’elle n’a pas eu de salaire fixe et n’a pas reçu tous ses bulletins de salaire, n’a pas reçu les cadeaux des challenges, qu’elle a été congédiée brutalement, que son employeur exerçait des pressions et adoptait une attitude grossière et insupportable.
Le liquidateur judiciaire et la délégation AGS concluent au rejet de cette demande de dommages-intérêts et à la confirmation du jugement déféré sur ce point en relevant que les faits dénoncés ne sont pas établis et qu’aucun préjudice n’est caractérisé.
La cour a déjà répondu dans les attendus qui précèdent s’agissant des heures supplémentaires, du travail dissimulé et de la rupture du contrat de travail.
Pour le surplus, s’agissant des griefs énoncés, Madame [C] [A] procède par seule voie d’affirmation, ou expose des plaintes apparemment sans suite, ou produit des attestations correspondant à des témoignages non circonstanciés ne la citant pas nommément.
Enfin, Madame [C] [A], qui justifie avoir retrouvé un emploi d’auxiliaire ambulancier à compter du 2 novembre 2018, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, avec un niveau de rémunération équivalent, ne caractérise pas le préjudice qu’elle prétend avoir subi, en tout cas un préjudice distinct de ceux déjà indemnisés au titre des dommages-intérêts et indemnités de rupture, des rappels de salaire et de l’indemnité de travail dissimulé.
Le jugement sera confirmé en ce que Madame [C] [A] a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail du fait de l’employeur.
– Sur la remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes aux dispositions du jugement du conseil de prud’hommes-
Vu la déclaration d’appel et les dispositifs des dernières écritures des parties, le jugement déféré n’est pas querellé de ce chef.
– Sur la garantie de l’AGS –
Le présent arrêt est opposable à l’UNEDIC, CGEA D’ILE DE FRANCE EST, en tant que délégation AGS.
La garantie de l’AGS s’exercera dans les conditions et limites prévues par la loi (code du travail).
Pour le surplus, l’UNEDIC, CGEA D’ILE DE FRANCE EST, en tant que délégation AGS, souhaite que la cour rappelle l’existence d’un certain nombre de principes s’agissant de l’opposabilité de la présente décision, des limites de la garantie de l’AGS, de l’absence de possibilité de condamnation à son encontre, de la procédure en matière d’avances sur créances etc.
Il échet de rappeler que l’office du juge consiste à trancher un litige, non à rappeler l’existence des textes applicables, voire à dresser la liste des articles de référence du code du travail, concernant des points ou questions qui ne font pas querelle au regard des prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.
– Sur les intérêts –
En application des dispositions des articles 1153 ancien du code civil (désormais article 1231-6) et R. 1452-5 du code du travail, les sommes allouées dont le principe et le montant résultent de la loi, d’un accord collectif ou du contrat (indemnité compensatrice de congés payés), portent intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur à l’audience de tentative de conciliation du conseil de prud’hommes valant mise en demeure. Les sommes fixées judiciairement (dommages-intérêts) produisent intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement en cas de confirmation, à compter de la date du prononcé du présent arrêt en cas de réformation.
Il y a lieu, toutefois, de rappeler qu’en application des dispositions de l’article L. 622-28 du code de commerce, qui pose le principe de l’arrêt du cours des intérêts à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective pour les créances ayant leur origine avant ledit jugement, les intérêts de retard sur ces sommes ne pourront courir à compter de la date du 26 janvier 2023.
– Sur les dépens et frais irrépétibles –
Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
La SELARLU [L] MJ, représentée par Maître [E] [L], en qualité de mandataire liquidateur de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION, sera condamnée aux dépens d’appel.
Dans le cadre de la présente procédure d’appel, Madame [C] [A] bénéficie de l’aide juridictionnelle totale.
Il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Les dépens et frais irrépétibles alloués sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ne sont pas garantis par l’AGS.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Réformant, fixe au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 1.567,14 euros (brut) de Madame [C] [A] au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Réformant, fixe au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 861 euros (brut) de Madame [C] [A] au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
– Réformant, fixe au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 2.185,18 euros (brut) de Madame [C] [A] à titre de rappel de salaire sur la période du 10 novembre 2017 au 27 décembre 2017, outre 218,51 euros au titre des congés payés afférents ;
– Réformant, fixe au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 1.358,18 euros (brut) de Madame [C] [A] à titre de rappel de salaire sur la période du 23 janvier 2018 au 19 février 2018, outre 135,81 euros au titre des congés payés afférents ;
– Réformant, fixe au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 1.072,48 euros (brut) de Madame [C] [A] à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période du 10 novembre 2017 au 26 décembre 2017, outre 107,24 euros au titre des congés payés afférents ;
– Réformant, fixe au passif de la liquidation judiciaire de l’EURL POWERS DISTRIBUTION la créance d’un montant de 9.402 euros de Madame [C] [A] au titre de l’indemnité de travail dissimulé ;
– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;
Y ajoutant,
– Dit le présent arrêt commun et opposable à l’association UNEDIC, délégation AGS, CGEA ILE DE FRANCE EST, dont la garantie s’exercera dans les conditions et les limites prévues par la loi ;
– Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure collective de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION arrête le cours des intérêts légaux en application de l’article L.622-28 du code du commerce, soit en l’espèce un arrêt à la date du 26 janvier 2023 ;
– Condamne la SELARLU [L] MJ, représentée par Maître [E] [L], en qualité de mandataire liquidateur de l’EURLPOWERS DISTRIBUTION, aux dépens d’appel ;
– Rappelle que les dépens et frais irrépétibles alloués sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ne sont pas garantis par l’AGS ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN