Tentative de conciliation ou de médiation : 25 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01891

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Tentative de conciliation ou de médiation : 25 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01891
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7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°230/2023

N° RG 20/01891 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QSET

S.A.S. TRIANGLE 67 (DONT L’ANCIENNE DENOMINATION SOCIALE EST CORNOUAILLE INTERIM)

C/

Mme [E] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 Février 2023 devant Madame Liliane LE MERLUS, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [N] médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Mai 2023 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 11 Mai 2023

****

APPELANTE :

S.A.S. TRIANGLE 67 (DONT L’ANCIENNE DENOMINATION SOCIALE EST CORNOUAILLE INTERIM) Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me LOYAC, Postulant

Représenteée par Me FAGES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [E] [S]

née le 23 Septembre 1975 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparante en personne, assistée de Me Jean Francois DRILLEAU de la SELAS FIDAL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER, substituée par Me MENOTTI, avocat au barreau de QUIMPER

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [E] [S] a été engagée en qualité de responsable d’agence à [Localité 7] par la Société Cornouaille Intérim selon un contrat à durée indéterminée en date du 03 décembre 2007.

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective nationale des entreprises de travail temporaire.

À compter du 1er juin 2014, Mme [S] a évolué vers un poste de responsable de secteur commercial pour les agences d’intérim de [Localité 6] et [Localité 7].

Le 14 septembre 2016, la SAS Triangle Travail Temporaire a acquis la totalité des actions de la SAS Cornouaille Intérim, formant la SAS Triangle 67. Un nouveau contrat de travail a été proposé à Mme [S] qui est devenue responsable de l’agence de [Localité 6] à compter du 1er janvier 2017.

Par courriel du 14 octobre 2017, M. [A], directeur général, s’est inquiété de la baisse du chiffre d’affaires de l’agence de [Localité 6].

Du 22 mars au 06 avril 2018, Mme [S] a été placée en arrêt maladie.

À son retour, la salariée a été convoquée au siège de la société Triangle travail temporaire à [Localité 5] le 26 avril suivant. Cependant, à compter du 25 avril, elle était de nouveau en arrêt maladie.

Le 26 avril 2018, l’employeur a convoqué Mme [S] à un entretien préalable fixé au 15 mai suivant alors qu’elle était toujours en arrêt de travail.

Le 24 mai 2018, la société Triangle a notifié à Mme [S] un licenciement pour insuffisance professionnelle aux motifs suivants :

– Manquements dans le domaine commercial,

– Démobilisation au niveau management.

 ***

Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Quimper par requête en date du 15 octobre 2018 afin de voir :

– Constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

– En conséquence, condamner la Société Cornouaille Intérim Groupe Triangle à lui payer les sommes suivantes :

– Dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire : 5 000 euros

– Dommages et intérêts pour licenciement abusif : 56 600 euros

– Constater qu’elle a effectué des heures supplémentaires ;

– En conséquence, condamner la Société Cornouaille Intérim Groupe Triangle à lui payer les sommes suivantes :

– Rappel de salaire : 11 484 euros

– Indemnité de congés payés : 114,84 euros

– Condamner la Société Cornouaille Intérim Groupe Triangle à lui verser 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Triangle 67 a demandé au conseil de prud’hommes de :

– Juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– Débouter Madame [S] de l’ensemble de ses demandes,

– Subsidiairement, rapporter celles-ci à de plus justes proportions,

– Condamner cette dernière au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 20 février 2020, le conseil de prud’hommes de Quimper a statué ainsi qu’il suit:

‘- Dit que le licenciement de Madame [E] [S] est sans cause réelle et sérieuse

– En conséquence, condamne la SAS Cornouaille Intérim à verser à Mme [E] [S] la somme de :

– 23 467,56 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

– Constate que Mme [E] [S] a bien effectué des heures supplémentaires

– En conséquence, condamne la SAS Cornouaille Intérim à lui verser les sommes de :

– 11 484,00 euros brut à titre de rappel de salaires (heures supplémentaires)

– 114,84 euros brut au titre des congés payés afférents.

– Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de la convocation devant le Bureau de conciliation et d’orientation et que les sommes à caractère non salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

– Rappelle que l’exécution provisoire reste de droit sur les condamnations à caractère salarial et en remise de pièce et dit, qu’en vue d’une éventuelle application des dispositions de l’article R 1454-28 du code du travail, le salaire mensuel moyen à prendre en compte est de

3 911,26 euros.

– Condamne la SAS Cornouaille Intérim à verser à Mme [E] [S] la somme de 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens y compris ceux pouvant résulter d’une exécution forcée de la présente décision.

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.’

***

La SAS Triangle 67 a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 18 mars 2020.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 17 février 2021, la SAS Triangle 67 demande à la cour de :

– Recevoir la société Triangle 67 (anciennement la société Cornouaille Intérim) en ses présentes écritures et y faisant droit,

– Juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– En conséquence, infirmer la décision de première instance en ce qu’elle dit que le licenciement de Madame [E] [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamné la société Triangle 67 à verser a Madame [S] la somme de 23 467,56 euros à titre de dommages et intérêts,

– Confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a débouté Madame [S] de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire pour la somme de 5 000 Euros, et débouter Madame [S] de son appel incident a ce titre,

– Débouter Madame [S] de sa demande de voir la Société Triangle condamnée à lui verser la somme de 56 600 Euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

– A titre infiniment subsidiaire, rapporter à de plus justes proportions l’indemnité allouée par les premiers juges et dire que celle-ci ne pourra excéder l’équivalent de 3 mois de rémunération, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail,

En tout état de cause,

– Rejeter la demande de Madame [S] au titre des heures supplémentaires,

– En conséquence, infirmer le jugement de premier instance en ce qu’il a condamné la société Triangle 67 au paiement de la somme de 11 484 Euros au titre des heures supplémentaires, outre 114, 64 Euros au titre des congés payés afférents,

– Infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a jugé que :

– les sommes à caractère salarial devaient produire intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Triangle 67 de la convocation devant Ie Bureau de conciliation et d’Orientation,

– les sommes à caractère non salarial devaient produire intérêts au taux légal à compter de la date du jugement de première instance,

– Infirmer le jugement de premier instance en qu’il a condamné la société Triangle 67 à verser à Madame [S] la somme de 1 200 Euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.

– Condamner cette dernière au paiement de la somme de 1 500 Euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 08 novembre 2021, Mme [S] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Quimper le 20 février 2020 ;

– Condamner la Société Cornouaille Intérim Groupe Triangle à lui payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 31 janvier 2023 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 21 février 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

La société Triangle 67 critique le jugement en ce qu’il a cru pouvoir retenir que Mme [S] produisait des éléments au soutien de sa demande auxquels elle n’aurait pas répondu, une telle appréciation témoignant de l’absence d’examen de l’argumentation développée ; qu’en effet en l’espèce la salariée ne produit pour seul élément qu’un tableau établi par elle-même, peu crédible, car établi plus de 2 ans après, non étayé d’éléments, manifestement erroné, qui mentionne des jours de congés inférieurs à ceux figurant sur les bulletins de salaire, comptabilise à deux reprises une même journée de travail, calcule des heures supplémentaires sur la base de 35 heures et non de 39 heures, tentant ainsi d’obtenir l’indemnisation d’heures déjà payées au titre du contrat de travail.

Mme [S] réplique que suite à l’intégration de la société Cornouaille Interim au groupe Triangle, elle a été contrainte, ce qui n’était pas le cas pour elle auparavant, d’effectuer de nombreuses heures supplémentaires, du fait qu’elle a été nommée directrice de l’agence sans être remplacée à son poste de responsable commerciale et du fait que la durée du travail des salariées de l’agence de [Localité 6] est passée de 40 heures à 35 eures. Elle fait valoir qu’elle produit mois par mois un tableau des heures réalisées, dont les informations sont exactes et confirmées par ses relevés d’application Google Map et que la société produit un document intitulé ‘planning horaire’ qui n’est pas un relevé contresigné mais uniquement l’expression de choix par la salariée concernant ses horaires de travail.

***

S’il résulte de l’article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié de présenter au juge, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au vu des éléments fournis, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures complémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe la créance salariale s’y rapportant.

A cette fin, Mme [S] produit : un tableau réalisé par ses soins des heures qu’elle estime avoir effectuées, ainsi que des relevés établis à partir du site internet ‘Google maps’.

Elle produit ainsi des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de produire ses propres éléments de nature à justifier la réalité des horaires de travail de sa salariée.

La société Triangle 67 produit l’accord d’entreprise relatif la réduction du temps de travail et l’option choisie par Mme [S] en application de cet accord.

Au vu des éléments produits aux débats, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [S] a effectué des heures complémentaires, non payées ni récupérées, à hauteur de 3332,70 euros, outre 332,27 euros de congés payés afférents, que l’employeur sera en conséquence condamné à lui payer, en infirmation du jugement sur le quantum alloué.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

‘Je fais suite à l’entretien qui s’est déroulé 1e 18 mai 2018 au cours duquel vous n’étiez pas assistée et vous informe de notre décision de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

Vous occupez le poste de responsable d’agence de [Localité 6], vous avez la charge en outre du développement commercial de l’agence et le pilotage et le management de votre équipe.

Nous avons constaté avec regret que cette mission n’était pas réalisée avec l’efficacité et le professionnalisme qu’elle nécessite.

Ces manquements se sont particuliérement illustrés sur les sujets suivants :

Activité commerciale :

L’agence de [Localité 6] a connu depuis le début de l’année 2017 une forte baisse de son chiffre d’affaires.

L’agence a facturé pour 1’année 2017 un chiffre d’a£faires de 12 908,5 k€ alors qu’elle avait facturé 14 974 k€ à la fin de 1’année 2017.

Le début de l’année 2018 est également très préoccupant, vos résultats sont bien en dessous de votre performance 2017 à la méme période, performance déja insuffisante à l’époque. Le nombre d’intérimaires a hélas également baissé. Le constat est sans appel, votre part de marché chez les clients existants baisse aussi.

Cette situation ne peut s’expliquer par des raisons conjoncturelles, le secteur du travail temporaire connait unc croissance de 10.5% sur la région de la Bretagne (baromètre de PRISME EMPLOI)

Cette situation trouve son explication par un manque d’actions efficaces de votre part.

Dépassée par les événements, vous n’avez strictement rien mis en place pour éviter cette érosion de chiffre d’affaires.

Vous n’avez pourtant pas manqué de support et d’accompagnement.

En effet, afin de renforcer vos compétences commerciales, vous avez suivi notre programme de formation ADN Commercial pendant 6 jours.

Vous avez aussi été suivi et accompagné par votre responsable hiérarchique, [L] [O] et 1e directeur commercial, [V] [J].

[L] [O] vous a à plusieurs reprises relancée sur les actions commerciales nécessaires à mettre en place.

Mais vous êtes restée sourde à ses mails préférant ne pas répondre et donc ne rien faire.

A titre d’exemple, Monsieur [O] vous a demandé de recontacter les clients non facturés sur décembre 2017 (clients qui avaient fait l’objet d’une facturation en 2016). Aucune action n’a été menée, ce n’était pourtant pas compliqué à faire, votre responsable hiérarchique vous fournissait la liste des clients à relancer.

Vous avez même eu la visite de [P] [A], notre directeur général, qui en se déplacant a voulu mieux comprendre la situation de l’agence.

l1 a rencontré votre équipe, vous a écouté, a même accepté le recrutement d’un commercial. Mais malgré cela le mois de mars et d’avril sont catastrophiques ‘

A vos manquements dans le domaine commercial s’est ajoutée une démobilisation au niveau management.

Vous vous êtes montrée incapable de gérer votre équipe.

Alors qu’il était essentiel de les faire adhérer aux méthodes de travail et aux outils mis en place, vous faisiez preuve de résistance et de mauvais esprit.

A titre d’exemple, le projet phare de l’entreprise en 2018 est la mise en place d’une CVTHEQUE.

Conscient de votre difficulté à presenter le changement à vos équipes, nous avons mobilisé une équipe afin de dispenser la formation à ce nouvel outil au sein de votre agence. Je vous rappelle que les autres agences ont été formées a distance. Vous n’avez pas arrêté de critiquer cet outil jusqu’a écrire un mail à [L] [O] indiquant que l’outi1 ne fonctionnait pas, ce qui est totalement faux.

Dans ce mail, vous avez même affirmé que nos équipes informatiques n’avaient pas testé leur outil. De quel droit pouvez-vous vous permettre de telle affrmation surtout que l’outil fonctionne très bien.

ll est sans doute plus aisé de faire porter la responsabilité de votre échec sur un outil.

Ce n’était pas la première fois que vous adoptiez cette attitude.

En effet, vous aviez dans votre équipe Madame [K] [G], chargée de sourcing. Vous étiez très mécontente de la qualité de son travail et plus globalement de son attitude très toxique au sein de l’agence.

Vous n’avez eu de cesse de vous plaindre sans forcément vous occuper de la recadrer.

C’est [L] [O] et [Y] [X], la D.R.H. qui ont dû se déplacer pour réaliser1’entretien préalable à licenciement. Une nouvelle fois vous avez fui vos responsabilités managériales.

Suite à la visite de [P] [A], [L] [O] et [V] [J] vous ont aidé a revoir l’organisation de votre agence afin de rendre le travail de chacun plus efficace.

Durant cette journée de travail vous êtes totalement passive, c’est votre responsable hiérarchique qui a dû présenter par mail la réorganisation de l’agence à votre équipe afin de s’assurer de l’adhésion de tout le monde.

A sa grande surprise, vous avez été la seule à ne pas répondre au mail. Lorsque [L] [O] s’est étonné auprès de vous de votre non réponse, vous lui avez tout simplement dit que vous n’y croyait pas. Mais comment pouvez- vous expliquer que vous n’avez rien proposer lors de la journée de travail.

ll en est de même sur le sujet des retards client pour lequel vous démontrez encore une fois votre incapacité à gérer l’organisation de l’agence en votre absence.

En effet, vous n’avez mandaté personne pour prendre en charge les relances des clients dont les factures ne sont pas payées.

Au contraire, la seule proposition que vous avez faite est de demander une dérogation à la règle definie par l’entreprise et applicable a toutes les agences du groupe. Encore une fois, votre attitude n’est pas digne d’une responsable d’agence.

Vos manquements font prendre des risques importants à la société Triangle. Alors que votre client ActuaPlast vous informe le l9 avril 2018 qu’un salarié interimaire a été victime d’un accident du travail, vous ne réalisez aucune déclaration et ne prenez pas la peine d’en déléguer le soin à un membre de votre équipe. C’est d’ailleurs votre client qui relance sur ce sujet le 27 avril 2018. C’est à l’occasion de ce mail que l’agence se rend compte que rien a été fait. Je vous rappelle qu’en qualité de responsable d’agence, vous avez la responsabilité de la sécurité de vos salariés.

Cette situation démontre une nouvelle fois votre absence d’organisation sur la gestion administrative de l’agence .

Lorsque vos responsables vous font part une nouvelle fois de leur inquiétude, vous leur répondez que vous ne vous en sortez pas et que vous n’aimez pas manager.

Afin de vous aider à faire face a cette difficulté, nous décidons de vous inscrire à la première session de formation au management organisée par l’entreprise. Cette formation durera trois jours, du 13 au 15 fevrier 2018.

Mais hélas et malgré les supports dont vous continuez à bénéficier la situation ne cesse de se dégrader.

Votre comportement devient ingérable. Vous vous énervez sans cesse en adoptant un comportement incompatible avec votre poste et surtout qui génère de la stupeur de la part de vos collaborateurs.

Au cours de l’entretien, vous n’avez pas apporté des éléments nous permettant de modifier notre appréciation de la situation. Vous avez même dit à deux reprises ne pas vouloir rester au sein de l’entreprise.

Au regard de cette situation, nous vous informons donc notre décision de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

Votre préavis d’une durée de 3 mois, que nous vous dispensons d’effectuer débutera à la date de la premiere présentation de ce courrier.’

La société Triangle 67 critique le jugement en ce qu’il a retenu, au terme d’une motivation partiale selon elle, que le licenciement de Mme [S] était abusif et que celle-ci aurait réalisé des heures supplémentaires, en faisant sienne la thèse de la salariée selon laquelle elle aurait subi une charge de travail, du fait, notamment, de l’absence d’embauche d’un nouveau responsable commercial après sa désignation en qualité de responsable de l’agence de [Localité 6], ainsi que du passage d’une durée de travail de 40 heures à 35 heures dans l’agence, alors qu’aucune de ces deux circonstances ne correspond à la réalité et qu’elle-même l’a démenti, démontrant l’inexistence d’une surcharge de travail à laquelle Mme [S] aurait été soumise.

Elle soutient que la dégradation du chiffre d’affaires de l’agence s’explique bien par l’insuffisance des actions commerciales et l’absence de prospection de clients par Mme [S], laquelle s’est contentée de répondre aux demandes des clients, sans déployer d’efforts pour en gagner d’autres, ce qui est d’autant plus dommageable qu’elle a bénéficié de supports et d’accompagnement de la part de M. [O], directeur de région, et d’une formation ciblée ; qu’elle s’est également illustrée par différents manquements manageriaux dont la réalité est établie.

Mme [S] réplique que son épuisement mental et physique dû à ses conditions de travail difficiles ont conduit son médecin à lui prescrire des arrêts de travail et que face à cette situation la société n’a entrepris aucune action pour lui permettre de travailler sereinement, mais a au contraire accru ses pressions sur elle ; que c’est dans ce contexte qu’est intervenu son licenciement.

Elle soutient que la baisse du chiffre d’affaires s’explique par des raisons objectives :

-le départ de la société de Mme [T], ancienne responsable de l’agence de [Localité 6],

-un problème de personnel sur l’agence de [Localité 6] (arrêts maladie et maternité, nouvelle personne recrutée à former)

– des difficultés à trouver des candidats, mais que, suite au départ de Mme [T] qui a entraîné une perte de chiffre d’affaires, renforcée par l’absence d’une partie de l’équipe sur l’agence de [Localité 6], elle s’est démenée pour stabiliser la situation et redresser le chiffre d’affaires de l’agence et que grâce aux actions qu’elle a entreprises et à sa forte mobilisation, cette agence a enregistré de bons résultats, au vu desquels la direction a félicité, le 8 mars 2018, les salariés pour le bon travail accompli.

Elle conteste également la démobilisation qui lui est imputée, en indiquant : qu’elle n’a fait que remonter des difficultés de fonctionnement de la CVthèque, qu’il n’était pas dans la pratique du groupe que les entretiens préalables en matière disciplinaire soient effectués par le N+1, mais par le N+2, et qu’elle n’a tout simplement pas eu le temps matériel d’établir à court délai le fichier sollicité par sa hiérarchie.

***

Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux du motif invoqué par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l’administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. 

Il est établi que les chiffres d’affaires de l’agence de [Localité 6] ont été globalement moins bons en 2017 qu’ils ne l’étaient en 2016 antérieurement à la prise de poste de Mme [S] en qualité de directrice d’agence, et qu’ils ont été globalement meilleurs en 2018, celle-ci n’ayant plus été présente à l’agence à compter du 25 avril 2018, alors que comparativement l’agence de [Localité 7] connaissait une progression continue entre 2016 et 2018. Il n’est pas établi cependant que la situation des deux agences soit comparable en termes d’effectif, de bassin d’emploi et de potentiel de développement et, s’agissant de l’évolution chiffrée comparative interne à l’agence de [Localité 6], il s’agit de chiffres considérés globalement sur l’année. Si l’on compare le second semestre 2017 et le second semestre 2018, le chiffre d’affaires dégagé au second semestre 2017 par Mme [S] est supérieur à celui réalisé à l’agence au second semestre 2018, soit postérieurement à son départ.

La tendance de l’évolution des effectifs intérimaires montre une progression de 3,2% entre mars 2017 et mars 2018 dans le Finistère, soit une progression beaucoup plus faible que dans les autres départements de la région administrative Bretagne. Certes, les chiffres de l’agence de [Localité 6] sont en deça et en décroissance, mais Mme [S] était chargée à la fois du développement commercial de l’agence et de la direction de cette agence, qui compte près de deux fois plus d’intérimaires à gérer que l’agence de [Localité 7], et compte un effectif de 8 à 10 salariés à gérer.

Mme [S] expose avoir été confrontée à des problèmes d’effectifs en début 2017 : absence pendant deux mois et demi d’une salariée qui a ensuite été placée en mi temps thérapeutique, outre une salariée à former sur un nouveau poste, une salariée en congé maternité de décembre 2016 à juin 2017, puis une salariée partie en août et non remplacée, et face à une telle situation, il était procédé à seulement deux embauches.

L’employeur ne contredit pas utilement ces éléments factuels et sa pièce 33, relative à l’évolution des effectifs, ne présente que l’effectif théorique qui peut ressortir des entrées et sorties de personnel, sans prendre en compte la réalité des situations ci dessus détaillées, qui, même si elles ne concernaient pas de poste commercial, avaient nécessairement une incidence sur le fonctionnement de l’agence.

Le départ d’une directrice d’agence en poste depuis des années et qui avait développé son propre réseau est également un facteur objectif qui doit être pris en compte.

Mme [S] a également expliqué, en réponse à M.[A], pour justifier de la dégradation des chiffres, que, outre les problèmes d’effectifs, l’agence avait perdu deux clients représentant une part importante de chiffre d’affaires, que d’autres avaient baissé leur activité ou disposaient d’effectifs fixes stables, que pour d’autres sociétés précisément désignées il était difficile de trouver les profils d’intérimaires adéquats. Elle n’est pas utilement contredite sur ce point. Elle exposait au demeurant les outils mis en place pour tenter d’y remédier.

Par ailleurs, ses pièces 17 et 18 font apparaître que l’agence de [Localité 6] se situait dans les meilleurs chiffres en termes de nombre de travailleurs intérimaires et ses pièces 10 et 14 démontrent que la dite agence était celle qui comptait le plus d’ouvertures de comptes clients en 2017 et 2018.

Dans ces conditions, il n’est pas établi que la baisse relative du chiffre d’affaires reprochée par l’employeur, qui n’est pas un effondrement, soit imputable à une insuffisance professionnelle de Mme [S] dans son activité commerciale, ces chiffres tendant plutôt à démontrer, comme elle le fait valoir, une stabilisation et une tentative de redressement de l’agence, dans une situation difficile, grâce à des efforts de prospection, nonobstant le faible nombre de rendez-vous prospects entre les semaines 4 à 9 de 2018 dont fait état l’employeur.

S’agissant de la ‘démobilisation au niveau management’ dont il est fait grief à la salariée, le reproche de n’avoir mandaté personne pour prendre en charge les relances clients ne repose sur aucune pièce ; il n’est pas établi qu’il y ait eu objectivement au sein de l’agence une carence dans la gestion de cette tâche, la matérialité et le caractère sérieux du fait allégué ne peuvent donc être vérifiés; il en est de même relativement à la manière dont Mme [S] aurait réagi lors de la journée de travail sur la réorganisation de l’agence, ou à son comportement ‘ingérable’ générant de la stupeur chez ses collaborateurs.

Si Mme [S] s’est plainte de dysfonctionnements du logiciel de CV thèque, sa pièce 21 confirme l’existence de réelles difficultés dans la mise en place de cet outil. Certes l’employeur a mis en oeuvre les moyens pour y remédier, mais la production du seul mail critique de la salariée en date du 27 février 2018 est insufisant pour caractériser une ‘résistance’ à l’installation de cet outil.

L’entretien préalable à licenciement de Mme [S] a été menée par son N+2, ce qui était, selon elle, la pratique, ce que la société ne dément pas expressément. Il n’est donc pas établi qu’elle se soit défaussée en ne procédant pas à celui de Mme [G], ainsi que cela lui est pourtant reproché.

Enfin, en l’état de la charge de travail de la salariée, un retard, unique, dont il n’est pas établi qu’il ait eu une incidence dommageable, dans l’établissement d’une déclaration d’accident de travail, n’est pas un fait suffisamment sérieux pour justifier une mesure de licenciement, compte tenu notamment de l’ancienneté de Mme [S] qui avait jusqu’alors toujours donné satisfaction.

L’insuffisance manageriale visée dans la lettre de licenciement n’est en conséquence pas davantage établie que l’insuffisance commerciale.

Le jugement doit dès lors être confirmé en ce qu’il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [S].

En application de l’article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, la salariée peut prétendre, du fait de son ancienneté de 10 ans, à une indemnité correspondant à une somme comprise entre trois et dix mois de salaire. En l’espèce, le préjudice que la rupture a occasionné à Mme [S], qui bénéficiait d’un salaire moyen de 3911,26 euros, a été bénéficiaire d’allocations de chômage à compter d’octobre 2018 et a repris une activité en août 2019, doit être réparé par la condamnation de la société intimée à lui payer la somme de 23 467,56 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en confirmation du jugement, lequel sera également confirmé en sa disposition, qui n’est pas critiquée de manière motivée, déboutant Mme [S] de sa demande de dommages et intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la rupture, l’intimée ne caractérisant ni préjudice ni comportement fautif de l’employeur dans la mise en oeuvre de la procédue de licenciement.

Il y a lieu de faire application d’office de l’article L1235-4 du code du travail et de condamner l’employeur à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée, dans la proportion d’un mois.

Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [S] ses frais irrépétibles d’appel, qui doivent être mis à hauteur de 2000 euros à la charge de la société appelante, laquelle, succombant principalement, doit être déboutée de sa propre demande sur le même fondement et condamnée aux dépens d’appel. Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné la SAS Cornouaille Interim à payer à Mme [E] [S] la somme de 11 484, euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 114,84 eutos de congés payés afférents,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la SAS Triangle 67, anciennement SAS Cornouaille Interim à payer à Mme [E] [S] les sommes de :

-3332,70 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 333,27 euros de congés payés afférents,

-2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

Condamne la SAS Triangle 67, anciennement SAS Cornouaille Interim à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [E] [S] dans la proportion d’un mois,

Déboute Mme [E] [S] du surplus de ses demandes,

Déboute la SAS Triangle 67, anciennement SAS Cornouaille Interim de ses demandes,

Condamne la SAS Triangle 67, anciennement SAS Cornouaille Interim aux dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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