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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 21 MARS 2023
N° RG 20/00202 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LM6H
[B] [S] [I] [R]
c/
[M] [A]
Nature de la décision : AU FOND
22G
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (cabinet 9, RG n° 16/10511) suivant déclaration d’appel du 13 janvier 2020
APPELANT :
[B] [S] [I] [R]
né le 14 Juillet 1949 à DOUE LA FONTAINE (49700)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me David DUMONTET, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
[M] [A]
née le 14 Mai 1950 à ORLEANS (45000)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Maryannick BRAUN de la SELARL MESCAM & BRAUN, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Président : Hélène MORNET
Conseiller: Danièle PUYDEBAT
Conseiller : Isabelle DELAQUYS
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 al. 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [A] et M. [R] ont acquis en indivision, pour moitié chacun,un terrain situé à [Adresse 1], suivant acte reçu par Me [N], notaire, les 15 et 19 juin 1984, sur lequel ils ont fait édifier un immeuble.
Mme [A] et M. [R] se sont mariés le 23 juin 1984 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts selon contrat établi le 15 juin 1984.
De leur union est issu [F] le 8 septembre 1993.
Par ordonnance de non-conciliation en date du 18 novembre 2008, la jouissance de l’immeuble a été attribuée à M. [R], à titre onéreux.
Par jugement en date du 22 mars 2011, le divorce des époux a été prononcé et la liquidation de leur régime matrimonial ordonnée. La date des effets du divorce entre les époux a été fixée au 24 avril 2006.
La décision a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux en date du 23 octobre 2012. Le pourvoi en cassation de M. [R] a été déclaré non admis le 12 février 2014.
Par jugement en date du 10 décembre 2015, sur saisine de Mme [A], le juge aux affaires familiales de Bordeaux a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial des anciens époux et a commis le Président de la chambre départementale des notaires de Gironde, avec faculté de délégation, pour y procéder. Me [K] [D], notaire à [Localité 3], a établi un procès-verbal de difficultés le 15 septembre 2016.
Par jugement en date du 28 novembre 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux a :
– renvoyé les parties devant Me [D] aux fins de finalisation de l’acte de partage sur la base du projet annexé au procès-verbal de difficultés du 15 septembre 2016, qui devra tenir compte des éléments suivants :
*en sus de la récompense de 27.524,48 euros la communauté est redevable à Mme [A] de la somme de 7 600 euros correspondant au mouvement de fonds lui appartenant en propre sur un compte épargne figurant à l’actif de la masse partageable,
*la somme de 3 655,24 euros doit être déduite du montant du livret A n° 00224425967,
*les sommes auxquelles M. [R] a été condamné au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile dans de nombreuses procédures ayant opposé les parties doivent être prises en compte à l’exclusion de celles revendiquées par Mme [A] au titre des frais de scolarité de l’enfant des parties,
– condamné M. [R] à verser à Mme [A] une indemnité de 3 000 euros en réparation du préjudice qui lui a été causé du fait de la résistance abusive dont il a fait montre durant les opérations de partage,
– dit que M. [R] supportera la charge des dépens,
– dit que M. [R] est redevable d’une indemnité de 2 000 euros à Mme [A] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.
Procédure d’appel :
Par déclaration du 13 janvier 2020, M. [R] a relevé appel de l’ensemble des dispositions de ce jugement.
Par ordonnance du 1er février 2022, le conseiller de la mise en état a vainement enjoint les parties de rencontrer un médiateur.
Selon dernières conclusions du 20 août 2020, M. [R], ayant alors pour avocat postulant Me [G] et Me Batbare avocat plaidant, demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé et de réformer la décision entreprise,
– débouter Mme [A] de sa demande au titre de l’indemnité d’occupation, l’immeuble n’étant pas louable en l’état et de sa demande au titre d’une récompense complémentaire de 7 600 euros,
– débouter Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil, cette dernière ne rapportant pas la preuve d’une faute de M. [R] lors des opérations de liquidation,
– débouter Mme [A] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire que les dépens seront tirés en frais privilégiés de partage,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [A] de sa demande au titre du véhicule ZX et au titre d’une récompense pour l’apport d’une somme de 102 000 FF,
Y ajoutant,
– condamner Mme [A] à payer à M. [R] une somme de 26 170 euros (créance entre époux) à raison de sa part d’apport initial dans l’acquisition du terrain de [Localité 2],
– condamner l’indivision à payer à M. [R] :
* à raison du financement partiel des constructions la somme de 110 334 euros,
* à raison du paiement de l’assurance à ce jour la somme de 3 626,56 euros,
* à raison du paiement de la taxe foncière, sauf à parfaire, la somme de 15 834 euros,
– débouter pour le surplus Mme [A] de toutes ses demandes,
– la condamner à payer à M. [R] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Selon dernières conclusions du 9 novembre 2020, Mme [A] demande à la cour de:
– confirmer le jugement dans l’ensemble de ses dispositions,
Y ajoutant,
– dire que les taxes foncières entre 2007 et 2020 seront intégrées au compte d’administration de l’indivision post-communautaire,
– condamner M. [R] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Me [O] a révoqué Me [G] le 4 janvier 2021 mais n’a jamais conclu.
M. [R] a déclaré par courrier adressé à la cour le 26 janvier 2023 qu’il révoquait son avocat constitué Me [O], mais aucun acte de révocation et de constitution d’un nouvel avocat n’a été notifié par voie électronique.
L’ordonnance de clôture est datée du 31 janvier 2023.
MOTIVATION
En application des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile, la cour ne répond qu’aux prétentions et moyens des parties formulées explicitement dans le dispositif de leurs conclusions.
– sur la désignation de Me [D] :
Nonobstant les développements de l’appelant sur la désignation de Me [D], à laquelle il s’était effectivement opposé en raison de son éloignement de son propre domicile, argument fantaisiste que n’a pas retenu, à juste titre, le Président de la chambre des notaires, lequel a maintenu cette désignation, sans recours de la part de M. [R], la cour constate que le renvoi des parties devant ce notaire n’est pas contesté par l’appelant.
– sur les taxes foncières :
M.[R] demande la condamnation de l’indivision à lui payer la somme de 15 834 euros sauf à parfaire, à ce titre.
Mme [A] accepte la demande de l’appelant quant aux taxes foncières entre 2007 et 2019 qui devront être intégrées au compte d’administration de l’indivision post-communautaire, en rappelant toutefois que les justificatifs versés aux débats par l’appelant font état d’un règlement à hauteur de 13 234 € quand M.[R] réclame la somme de 15 834 € et qu’elle a réglé sur l’année 2007 une partie de cet impôt à hauteur de 101 €.
Il convient donc d’ajouter à la décision déférée que Me [D] devra inclure dans l’acte définitif le montant des taxes foncières effectivement réglées par M. [R] à compter de 2007 jusqu’au partage, à charge pour lui d’en justifier.
– sur l’indemnité d’occupation :
Aux termes de l’article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination.
L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
En l’espèce, M. [R] conteste devoir une quelconque indemnité d’occupation aux motifs que l’immeuble n’est pas louable en l’état en raison de “fuite au vélux de toiture et de nombreux autres travaux à réaliser”.
Or, outre qu’il ne rapporte, aucune preuve que l’immeuble ne serait pas “louable”, l’impossibilité alléguée de louer l’immeuble indivis n’est pas une condition pour accorder ladite indemnité qui est due par tout indivisaire occupant privativement un immeuble indivis, ce qui est le cas de M. [R] depuis l’ordonnance de non-conciliation en date du 18 novembre 2008.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré.
– sur le financement du terrain de [Localité 2] :
M. [R] revendique une créance à l’encontre de Mme [A] de 26 170 € au titre de son apport personnel pour l’acquisition du terrain indivis sis à [Localité 2], avant le mariage.
M. [R] prétend que le bien a été financé pour un montant de 25 260, 70 €, incluant taxes et émoluments du notaire, par des deniers propres de l’intimé à hauteur de 5 340 €.
Cependant, M. [R] ne verse aux débats aucune pièce qui établirait qu’il aurait effectué un apport de 5 340 € de sorte qu’il doit être débouté de sa demande de créance envers Mme [A].
– sur l’édification de l’immeuble sur le terrain indivis :
L’appelant demande de condamner l’indivision à lui payer la somme de 110 334 euros à ce titre.
M. [R] prétend avoir financé cette édification :
– par des deniers propres provenant de la vente d’un immeuble propre en 1989 à hauteur de 245 000 francs soit 37 349, 84 € “ce que Mme [A] aurait reconnu lors du procès-verbal d’ouverture”,
– par des deniers propres reçus par succession à hauteur de 271 747 francs soit 41 427,37 euros,
– par le remboursement d’un prêt sur son compte d’août 1988 à décembre 1995.
S’agissant de la vente de l’immeuble propre, outre que Mme [A] n’a reconnu que le fait que “M. [R] était propriétaire d’une maison avant la célébration du mariage vendue au cours de l’année 1987”, aucune pièce ne vient démontrer que le prix de 245 000 francs aurait effectivement été affecté à la construction de l’immeuble indivis.
S’agissant des deniers issus de succession, un courrier du 13 octobre 1998 de l’étude de Me [W] établit que la somme de 168 517,28 francs revient à M. [R] en vertu d’une succession et un second du 27 juin 2020 de Me [Z] que la somme de 103 230,48 francs lui revient en vertu de la vente d’un immeuble indivis avec ses frères et soeurs. Toutefois, aucune pièce ne vient démontrer que ces sommes ont été affectées à l’édification de l’immeuble.
Enfin, aucune pièce n’établit qu’un des deux prêts soucrits pour l’édification de l’immeuble aurait été remboursé à l’aide de fonds propres de l’appelant.
En conséquence, M. [R] doit être débouté de cette demande.
– sur les assurances habitation :
M. [R] demande la condamnation de l’indivision à lui payer la somme de 3 626, 56 euros à ce titre.
Il est de jurisprudence constante que l’assurance habitation, qui tend à la conservation de l’immeuble, incombe à l’indivision, en dépit de l’occupation privative. C’est donc à tort que l’intimée soutient que l’occupant des lieux est tenu à l’assurance de son habitation. D’autre part, l’équité n’a pas lieu d’être invoquée par l’intimée pour s’opposer à cette demande, même si l’assignation initiale date de 2015 et que “M. [R] fait tout pour retarder l’issue du partage”.
M. [R] prétend avoir financé seul depuis 2008 l’assurance habitation pour un montant de 3 626,56 euros.
L’intimée soutient que le calcul serait erroné et qu’il aurait réglé 3 617, 56 € au regard des pièces versées aux débats.
Toutefois, il convient de rappeler d’une part que la demande de remboursement du paiement de l’assurance habitation par un indivisaire se prescrit par cinq ans et que le point de départ du délai de prescription est fixé au jour du paiement de chaque échéance et d’autre part que la communication de simples avis d’échéances ne fait pas preuve du paiement effectif par l’appelant des cotisations.
Il s’impose dans ces conditions de renvoyer M. [R] devant Me [D] à charge pour lui de justifier du paiement effectif des assurances habitation qui ne seraient pas prescrites, sa demande de condamnation à hauteur de 3 626, 56 € ne pouvant qu’être rejetée en l’état.
– sur la récompense de 7 600 € due par la communauté à Mme [A] :
La décision déférée a considéré, qu’en plus de la récompense de 27 524,48 euros déterminée par le notaire, Mme [A] avait droit à une récompense d’un montant de 7 600 euros au titre de l’utilisation par la communauté d’une partie des fonds qu’elle avait perçus dans le cadre de la succession de sa mère.
M. [R] reproche au juge d’avoir ajouté la somme de 7 600 euros “alors que ce montant était déjà compris dans le calcul du notaire”.
Mais il suffit de constater que Me [D] a fait la distinction entre la récompense accordée à Mme [A] estimée à 27 524, 48 euros et celle de 7 600 euros qu’elle revendiquait en suite de la perception de la somme de 12 172, 73 euros dans le cadre de la succession de sa mère pour en déduire que c’est sans fondement que l’appelant soutient que “ce montant était déjà compris dans le calcul du notaire”.
Par ailleurs, l’appelant ne demandant à la cour que de “débouter Mme [A] de sa demande au titre d’une récompense complémentaire de 7 600 €” qu’il convient d’assimiler à une demande d’infirmation, comme le fait l’intimée, la cour n’a pas à répondre à son allégation selon laquelle “Mme [A] ne rapporte pas la preuve de ce que la communauté a tiré profit de ses deniers propres à hauteur de 13 384,31 € : elle n’a donc pas droit à récompense” (12 842,25 € + 542,06 € au titre de deux contrats d’assurance vie Ecureuil probablement bien que ce ne soit pas précisé) puisque ce moyen n’est avancé au soutien d’aucune demande.
Il convient ainsi de confirmer la décision déférée.
– sur les dommages et intérêts :
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le juge aux affaires familiales a condamné M. [R] à verser à Mme [A] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l’allongement de la procédure, du fait de l’obstruction abusive du premier dans le règlement des opérations de liquidation et partage caractérisée par la révocation de ses avocats successifs, le refus de déférer aux convocations de Me [D], son affirmation qu’il n’entendait nullement participer aux opérations qu’il estimait pouvoir attendre.
M. [R] conteste avoir commis une quelconque faute sans s’expliquer sur les éléments retenus à faute par le premier juge.
Or le comportement de M. [R], tant en ce qu’il a refusé de manière totalement injustifiée de participer aux opérations du notaire, que procédural, la dernière tentative de déstabilisation consistant à aviser la cour quelques jours avant l’audience qu’il entendait révoquer son conseil sans en tirer aucune conséquence juridique, est caractéristique d’une obstruction fautive qui justifie sa condamnation à des dommages et intérêts et la confirmation du jugement à ce titre.
M. [R], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel.
L’équité commande de le condamner à verser à Mme [A] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après rapport fait à l’audience,
Confirme l’ensemble des dispositions du jugement du 28 novembre 2019 ;
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [R] de sa demande de condamnation de Mme [A] à lui payer la somme de 26 170 euros et l’indivision à lui payer les sommes de 110 334 euros et 3 626,56 euros ;
DIT que Me [D] devra inclure dans l’acte définitif de partage le montant des taxes foncières effectivement réglées par M. [R] à compter de 2007 jusqu’au partage ainsi que le montant des assurances habitation effectivement réglées par M. [R] et non prescrites, à charge pour M. [R] d’en justifier ;
Condamne M. [R] à verser à Mme [A] une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne aux dépens d’appel.
Signé par Hélène MORNET, Présidente de la chambre et par Véronique DUPHIL, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente