Tentative de conciliation ou de médiation : 20 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07241

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Tentative de conciliation ou de médiation : 20 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07241
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AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/07241 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MUXL

[U]

C/

Société CARRIER

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 17 Septembre 2019

RG : F 18/00052

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 20 JANVIER 2023

APPELANTE :

[X] [U]

née le 23 Octobre 1984 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Muriel LINARES de la SELARL TILSITT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société CARRIER

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Flore PATRIAT de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON substituée par Me Hélène JACQUEMET, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Novembre 2022

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société Carrier est spécialisée dans la fabrication de systèmes de chauffage, climatisation et réfrigération.

Elle applique la convention collective de la métallurgie du département de l’Ain.

La société a recruté Mme [X] [U] suivant contrat de travail à durée déterminée, en qualité de responsable crédit, sous le statut d’agent de maitrise, niveau V, échelon 2, coefficient 235 à compter du 11 octobre 2016.

Elle a convoqué Mme [U], par courrier du 18 décembre 2017, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 4 janvier 2018. L’entretien a été reporté au 12 janvier à la demande de la salariée.

Par courrier du 16 janvier 2018, la société a notifié à Mme [U] son licenciement dans les termes suivants :

« Suite à l’expression d’un mal être émanant de plusieurs de vos collègues, auprès de Madame [M] [K], Responsable Crédit et Madame [I] [F], Directeur Comptable, mais également par écrit en date du 13 octobre nous avons pris la décision d’organiser une série d’entretien nous permettant de caractériser ce malaise.

Ces entretiens se sont tenus les 22 et 23 novembre 2017, en présence de Madame [D] [N], DRH et Monsieur [C] [T], Ethic Compliance Officer.

Lors de ces entretiens l’ensemble des 8 salariés rencontrés ont fait état de deux incidents sources de tension au sein du service :

-Un incident survenu le 17 mai entre Monsieur [Z] [O], Chargé de recouvrement et vous, relatif à une conversation téléphonique ou vous l’accusez de vous avoir raccroché au nez alors qu’il certifie ne l’avoir jamais fait (incident ayant fait l’objet d’une tentative de conciliation à l’initiative de votre hiérarchie lors de plusieurs entretiens) ;

-Un incident survenu le 12 octobre entre Madame [G] [A], Chargée Crédit Client et vous, relatif à la température ambiante au sein du bureau, qui a ensuite dégénéré en polémique générale.

Les salariés ont tous confirmé la présence de tensions grandissantes et d’un mal être au sein de l’équipe. Pour deux d’entre eux, l’impact sur leur santé psychologique est tel, qu’ils ont exprimé le souhait d’un changement de service et de poste par email auprès de la Direction des Ressources Humaines. Par ailleurs plusieurs faits, détaillés ci-dessous, ont été portés à notre connaissance à cette occasion.

Lors de ces entretiens vous avez accusé l’entreprise de manque de neutralité dans la gestion des incidents susmentionnés et, vous avez accusé certains de vos collègues de misogynie et d’homophobie. Vous nous avez, par ailleurs, précisé « ne pas être prête à faire un pas » vers les collègues de travail impliqués dans les incidents et avec qui les relations sont toujours actuellement rompues, au point de n’échanger que par mail, jamais par oral, alors que vos bureaux sont situés dans le même espace de travail à moins de 3 mètres les uns des autres.

Propos diffamatoires, menaçants, méprisants à l’égard de vos collègues

A titre d’exemple, le 17 mai, suite à l’incident téléphonique entre Monsieur [Z] [O], Chargé de recouvrement et vous, vous prenez l’initiative d’une discussion ou vous vous permettez de le menacer, en présence de Monsieur [H] [Y], Chargé de recouvrement, selon les termes suivants « c’est la dernière fois que tu me parles sur ce ton sinon tu vas avoir à faire à moi ».

Lors de l’entretien du 22 novembre, vous portez des accusations de misogynie envers Monsieur [Z] [O], Chargé de recouvrement, que vous illustrez, lorsque l’on vous demande de préciser par le fait « qu’il tienne systématiquement la porte ». Là encore, accusation totalement infondée au vu des autres témoignages recueillis par ailleurs.

Ces faits surviennent alors même que votre hiérarchie vous a sommé par mail en date du 07 août de « rester correcte quelles que soient les circonstances ». Ce à quoi vous avez répondu « que vous aviez entendu mais que vous ne le prendriez pas en compte ».

Ces mails faisaient suite à un entretien organisé le 03 août, en présence de Monsieur [V] [P], durant lequel votre hiérarchie : Madame [M] [K], Responsable Crédit et Madame [I] [F], Directeur Comptable, vous demandent des explications au sujet d’un mail au ton déplacé adressé à Monsieur [L] [E], Responsable Administration du Personnel. A cette occasion, vous accusez Monsieur [L] [E] de ne pas faire son travail correctement en affirmant haut et fort : « il est connu de tout le monde qu’il ne change pas les RIB ». Accusation totalement infondée et diffamatoire.

Dénigrement de la hiérarchie, abus de confiance et refus d’autorité

Plus grave encore, sans obtenir l’accord de votre hiérarchie, ni même l’en informer préalablement ou postérieurement vous vous êtes permise d’enregistrer un entretien tenu le 23 juin 2017 organisé par Madame [I] [F], Directrice Comptable, au sujet de l’altercation vous opposant à Monsieur [Z] [O]. Enregistrement dont vous avez proposé l’écoute à une de vos collègues et qui a été porté à notre connaissance lors de la série d’entretiens des 22 et 23 Novembre 2017.

Par ailleurs, plusieurs de vos collègues, nous ont précisé être régulièrement choqués par la verbalisation :

-de vos reproches et de votre « ton condescendant » à leur égard,

-de vos opinions et vos jugements systématiquement négatifs envers la hiérarchie « on respecte personne », « on communique très mal » « on nous prend pour des imbéciles ».

Dans l’optique d’une tentative de réconciliation, lors d’un nouvel entretien, organisé par nos soins le 13 décembre, nous vous avons proposé la tenue d’une médiation le 18 décembre. Lors de cet entretien alors même que nous insistons sur l’impérieuse nécessité d’un travail d’équipe et de relations de confiance entre collègues et hiérarchie vous perdez votre calme et reportez la responsabilité du mal-être de l’équipe sur votre hiérarchie : « c’est l’incompétence de la hiérarchie qui fout le bordel ». Reprise par Madame [D] [N], DRH sur le fait que vos propos sont inacceptables, vous ajoutez « ne pas considérer avoir une autorité à respecter ».

Malgré votre agressivité, nous vous avons confirmé notre proposition de médiation par mail, l’objectif de cette médiation étant de revenir à un mode de fonctionnement normal avec des échanges de confiance, une vraie collaboration et des relations de travail apaisées permettant un travail d’équipe de qualité.

Nous avons reçu de votre part une confirmation de votre participation le 15 décembre.

Absence de dialogue

Lors de cette tentative de médiation le 18 décembre, aucun échange ni dialogue n’a été possible. Votre ton a été agressif dès votre prise de parole accusant Monsieur [Z] [O], Chargé de recouvrement : « tu n’as pas eu le courage » « ne te borne pas » « t’as pas su gérer ». De plus votre précipitation et insistance à mettre fin à cette médiation en quittant la salle en moins de 15 minutes après le début de la réunion, ne nous ont pas permis d’atteindre les objectifs initialement fixés.

Lors de notre entretien du 12 janvier 2018, entretien durant lequel vous étiez assistée de [V] [P], vous nous avez précisé ne souhaiter faire aucun commentaires sur les faits reprochés.

Nous sommes donc au regret de vous informer, qu’en l’absence de conciliation possible malgré tous nos efforts, nous avons pris la décision de vous licencier pour motif personnel.

En effet, votre comportement méprisant, la défiance envers votre hiérarchie, votre remise en cause du lien d’autorité ont un réel impact sur le bon fonctionnement du service auquel vous appartenez qui, de fait, altère les résultats financiers de l’entreprise. »

Elle a maintenu sa position malgré le courrier de contestation que lui a adressé Mme [U] par l’intermédiaire de son conseil, par lettre recommandée du 13 février 2018.

Par requête du 12 mars 2018, Mme [U] a donc saisi le conseil de prud’hommes de Bourg en Bresse afin de voir juger nul son licenciement et d’obtenir diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement du 17 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes, débouté la société de sa demande reconventionnelle et laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Par déclaration du 22 octobre 2019, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 16 janvier 2020, elle demande à la cour de :

A titre principal, condamner la société à lui payer la somme de 16 344 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ;A titre subsidiaire, condamner la société à lui payer la somme de 16 344 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre très subsidiaire, condamner la société à lui payer la somme de 5 448 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause, condamner la société à lui payer la somme de 2 724 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

Condamner la société à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société aux dépens.

Condamner la société aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 1er avril 2020, la société demande à la cour de confirmer le jugement déféré et en conséquence, de débouter Mme [U] de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens d’appel.

La clôture est intervenue le 22 octobre 2019.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.

1-Sur le licenciement

En application de l’article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être exacte. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l’article L1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs.

Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce.

Aux termes de l’article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites.

En l’espèce, la lettre de licenciement met en exergue les motifs suivants :

Propos diffamatoires, menaçants, méprisants à l’égard des collègues ;

Dénigrement de la hiérarchie, abus de confiance et refus d’autorité ;

Absence de dialogue.

Mme [U] affirme qu’alors qu’elle était salariée de la société Carrier, elle travaillait en réalité exclusivement pour la société CIAT. Son licenciement serait intervenu dans un contexte de harcèlement moral et de stratégie de bouc émissaire, alors qu’un projet de rapprochement entre ces deux sociétés était à l”uvre et qu’elle avait refusé en mars 2017 d’occuper le poste de responsable de crédit des clients des deux sociétés faute de prise en compte de l’accroissement de sa charge de travail et de ses responsabilités qui en résulterait.

Elle soutient qu’elle subissait une surcharge de travail, une pression constante de sa hiérarchie et que le climat social était tendu, ce qui générait un important absentéisme. Elle aurait supporté 7 entretiens suivis d’aucune mesure autre que son licenciement et si l’entretien individuel de 2017 s’était soldé par la prise en compte d’un besoin de formation, elle n’en aurait en définitive pas bénéficié par la suite.

Sur les faits visés par la lettre de licenciement, elle affirme qu’ils sont anciens, prescrits pour ceux du 17 mai et du 12 octobre 2017, et en tout état de cause non établis. Elle ajoute que les faits du 17 mai avaient déjà donné lieu à des recadrages le 23 juin.

Sur le premier grief, Mme [U] fait valoir l’absence de précisions sur la date et la teneur des propos. Si elle admet s’être plainte de misogynie et d’homophobie de la part de certains de ses collègues, elle estime que cela ne saurait constituer une cause de licenciement.

Elle nie toute agressivité dans ses échanges de courriels avec M. [O], dont les erreurs avaient d’ailleurs selon elle fait l’objet de remarques par d’autres salariés, et avec M. [E].

Sur le deuxième grief, Mme [U] déplore l’absence de tout élément matériel.

Sur le troisième, elle conteste en admettant cependant avoir refusé de participer à la réunion de médiation, mais aux motifs qu’elle s’était déroulée dans des conditions désastreuses et qu’elle avait été menée entièrement à charge.

Mme [U] ajoute que la procédure serait irrégulière car le représentant de l’employeur se serait contenté de lire la lettre de licenciement, laquelle aurait donc été rédigée au préalable. Elle ne tire toutefois aucune conséquence juridique de cette affirmation, qu’elle n’étaye en outre par aucun élément probant, à l’exception d’une attestation de M. [P], délégué syndical, qui n’apporte rien aux débats sur ce plan.

Quant à la société, elle rappelle être tenue à une obligation de sécurité et indique avoir diligenté une enquête suite au courriel adressé le 13 octobre 2017 par Mme [A], collègue de Mme [U], à Mme [F]. Dans ce courriel versé aux débats, Mme [A] relate une altercation survenue entre elle-même et Mme [U] à partir d’un différend mineur sur la température dans le bureau mais ayant dégénéré, et elle évoque « un comportement inadéquat », « des tensions psychologiques », « un climat malsain du fait d’une seule personne ([X]) » ; elle dit avoir été poussée à bout et craindre de nouvelles « attaques » et avoir « de plus en plus de mal à se projeter professionnellement ».

Divers entretiens ont donc été menés les 22 et 23 novembre par la directrice des ressources humaines, Mme [N], et M.[T], salarié chargé d’assurer le respect du code éthique de la société depuis novembre 2010. Deux incidents auraient été relatés par les salariés : un incident ayant opposé le 17 mai 2017 Mme [U] et M. [O], la première ayant accusé le second de lui avoir raccroché au nez et celui-ci le contestant, et l’altercation du 12 octobre 2017 entre Mme [U] et Mme [A].

La société aurait donc tenté de résoudre le conflit en mettant en place une réunion de médiation entre Mme [N], M.[T], M. [O] et Mme [U], mais cette dernière aurait refusé d’y participer. Elle communique le courriel du 13 décembre 2017 relatif à l’organisation de cette réunion et la réponse positive des deux salariés, ainsi qu’un compte-rendu réalisé par courriel par M. [T] des entretiens menés auprès des salariés.

Il ressort de ce compte-rendu et de l’attestation signée par M.[T] que Mme [U] a quitté la réunion au bout d’un quart d’heure après avoir indiqué : « Elle ne va pas durer longtemps cette médiation, c’est du harcèlement. Je vais aller au CHSCT. ». M.[T] conclut qu’il existe une « situation de tension dans une équipe, qui se cristallise autour de la personnalité d'[X] [U], qui a tendance à se positionner en victime dès qu’il y a un conflit et qui a du mal à se remettre en cause. Elle rejette systématiquement la faute sur les autres. La tentative de médiation pour apaiser la situation n’a malheureusement pas fonctionné car elle a refusé de d’engager dans cette démarche. »

La société communique par ailleurs le courriel adressé le 17 mai 2017 à Mme [K] par M. [O], dans lequel il se plaint d’avoir été pris à partie verbalement par Mme [U], par téléphone, puis de visu, lorsqu’elle est venue dans son bureau, en présence de M. [Y]. Elle l’aurait également menacé d’avoir « affaire à elle » s’il lui parlait encore sur ce ton, alors qu’il contestait avoir été agressif envers elle.

La société affirme par ailleurs que lors de l’entretien du 22 novembre, Mme [U] a accusé M. [O] d’être misogyne. Elle communique le courriel que Mme [F] lui a adressé le 7 août 2017 pour lui rappeler ses échanges de courriels avec M. [E] et lui demander de se montrer à l’avenir plus correcte envers ses collègues. Mme [F] précise que la salariée aurait reconnu lors de leur entretien du 3 août qu’elle avait été « piquante », tout en affirmant être restée correcte, et qu’en conclusion, elle lui aurait dit qu’elle avait entendu ce qu’elle avait à lui dire, mais qu’elle « ne le prendrait pas en compte ».

Sur le second grief, la société indique qu’il ressort des entretiens menés les 22 et 23 novembre, les salariés s’étant plaints du discours très négatif véhiculé par Mme [U] sur son employeur et ayant même évoqué le fait qu’elle aurait enregistré sa hiérarchie. En témoignent les attestations rédigées par Mme [A], qui évoque précisément la proposition que lui aurait faite Mme [U] d’écouter le dit enregistrement.

La société verse aux débats plusieurs attestations rédigées par les salariés qui confirment l’ambiance délétère créée par Mme [U]. Ainsi, M. [B], coordinateur contrat et représentant syndical au CHSCT, témoigne que « n’importe quel moyen était bon pour Mme [U] pour rentrer en conflit avec Mme [A] », que « rien n’était constructif », que cette dernière avait envisagé de quitter l’entreprise et qu’il avait même été inquiet pour sa santé mentale. M. [B] conclut en faisant part de sa satisfaction face à l’attitude de la direction qui avait ouvert le dialogue avec les personnes concernées.

Mme [A] atteste quant à elle que sa collègue a commencé à s’en prendre à elle après qu’elle a refusé de la soutenir suite à l’incident survenu avec M. [O] et qu’elle est devenue de plus en plus agressive, si bien qu’elle a envisagé de démissionner.

M. [Y] évoque une ambiance « intenable », une « chape de plomb », une impossibilité de « travailler dans de bonnes conditions » après l’incident survenu avec M. [O], Mme [U] refusant d’évoquer le sujet, tant avec l’intéressé qu’avec les autres salariés désireux d’aplanir la situation.

Sur ce, Mme [U] évoquant des faits de harcèlement, il convient dans un premier temps de vérifier si elle en a été victime.

1-1-Sur le harcèlement

Aux termes de l’article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L1154-1 du code du travail, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme [U] soutient avoir été victime d’un harcèlement consistant en un management injuste, discriminatoire et sourd à son mal-être qui aurait dégradé ses conditions de travail. Ce harcèlement se serait manifesté en particulier par des convocations à des entretiens et réunions et elle cite les entretiens des 23 juin, 3 août, 19 septembre, 22 et 23 novembre, 13 et 18 décembre 2017.

A l’appui de ses allégations, elle verse aux débats des attestations. Celle de Mme [W] ne comporte que des considérations générales sans rapport direct avec Mme [U]. Dans la sienne, Mme [J] écrit qu’elle a vu Mme [U] appelée à deux reprises pour des entretiens, que celle-ci l’a informée de convocations répétitives en 2017 et qu’après les entretiens, elle a constaté que son « état émotionnel devenait inquiétant ».

Quant à celles de M. [P], délégué syndical, elles consistent en une relation des propos tenus lors des entretiens du 3 août et du 19 septembre.

Mme [U] établit en outre s’être rendue à 4 reprises à l’infirmerie entre le 6 juin et le 18 décembre 2017. Le motif de ces passages n’est cependant ni renseigné, ni précisé par l’intéressée.

Il ressort cependant des pièces communiquées par les deux parties et des conclusions de Mme [U] elle-même, que les entretiens avec la hiérarchie ont été déclenchés soit par des plaintes de salariés à son encontre, soit par des difficultés signalées par elle, soit par une demande de sa part.

Les éléments relevés par la salariée, pris en leur ensemble, ne suffisent donc pas à laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L1154-1 du code du travail. Le jugement sera confirmé de ce chef.

1-2-Sur la prescription des faits fautifs et la cause du licenciement

Ce n’est qu’après la plainte de Mme [A] et l’audition des salariés les 22 et 23 novembre 2017 que l’employeur a eu une connaissance complète du comportement de Mme [U] et qu’elle a décidé de procéder à son licenciement. La procédure a donc bien été engagée dans le délai de 2 mois prévu par l’article L1332-4 du code du travail.

Les incidents antérieurs ayant opposé l’appelante à M. [E] et à M. [O] n’avaient pas donné lieu à sanction disciplinaire et l’employeur avait tout loisir de les évoquer dans le cadre de la procédure de licenciement ultérieure dans la mesure où le comportement de Mme [U] avait perduré.

Quant aux griefs évoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, ils sont datés, contrairement à ce que soutient Mme [U], et suffisamment étayés par les diverses pièces produites. La société démontre que Mme [U] a tenu des propos inadmissibles dans un milieu professionnel, allant jusqu’à menacer l’un de ses collègues, que la communication était rompue avec certains salariés et qu’elle refusait de prendre en compte les remarques faites par sa hiérarchie. Mme [U] reconnait d’ailleurs avoir traité de misogynes ou d’homophobes certains de ses collègues.

De même, les attestations évoquent un dénigrement de la hiérarchie et il apparait que les tentatives de résolution des conflits déployées par les uns et les autres ont toutes été mises en échec par Mme [U], qui préférait se poser en victime et accuser ses collègues de misogynie ou d’homophobie.

Contrairement à ce que prétend Mme [U], il est établi qu’un incident l’a opposée à Mme [A] le 12 octobre 2017 ; il n’y a pas d’erreur sur la personne.

L’employeur n’avait d’autre choix que de procéder au licenciement de sa salariée, sous peine de se voir mettre en cause pour non-respect de son obligation de sécurité, certains salariés témoignant de leur impossibilité à poursuivre la relation de travail dans un tel climat.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes à ce titre.

2-Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [U] se fonde sur l’article L1222-1 du code du travail pour solliciter des dommages et intérêts aux motifs que la société lui aurait imputé un incident qui ne la concernait pas, celui du 12 octobre 2017, qu’elle aurait multiplié les entretiens sans jamais prendre le temps de répondre à ses alertes et sans écouter sans a priori ses explications, qu’elle n’a pris aucune mesure pour prévenir les risques psychosociaux alors même qu’elle en connaissait l’existence, qu’elle a laissé ses conditions de travail se dégrader notamment du fait de la situation ambiguë consistant à affecter ses propres salariés à des postes au sein de la société CIAT et qu’elle a réagi de façon disproportionnée dans la gestion de l’incident mineur de mai 2017.

Il ressort cependant des développements précédents que les deux premières allégations ne peuvent être retenues et que la société a précisément agi afin de prévenir les risques psycho-sociaux en diligentant une enquête puis en la licenciant. L’employeur n’apparait pas avoir eu une réaction disproportionnée suite à l’incident de mai 2017.

Quant à la dégradation des conditions de travail de Mme [U], la cour ne peut que constater que l’appelante l’allègue sans la démontrer.

Le jugement sera donc également confirmé de ce chef.

3-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Mme [U] sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.

L’équité commande de la condamner à payer à la société la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 17 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Bourg en Bresse ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [X] [U] aux dépens de l’instance d’appel ;

Condamne Mme [X] [U] à payer à la société Carrier la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

Le Greffier La Présidente

 


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