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Le 16 novembre 2023 copies exécutoires et conformes délivrées à Me [N] – Me Claude
MW/FA
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRET DU 16 NOVEMBRE 2023
Minute n° 23/695
N° de rôle : N° RG 22/01282 – N° Portalis DBVG-V-B7G-ERJN
COUR D’APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 juin 2022 – RG N°21/00146 – TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE VESOUL
Code affaire : 56E – Demande en exécution formée par le client contre le prestataire de services
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Cédric SAUNIER, conseiller, président de l’audience
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant M. Cédric SAUNIER, président, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Cédric SAUNIER, conseiller, a rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur M. WACHTER, Président et Madame Bénédicte MANTEAUX, conseiller.
L’affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [G] [S]
de nationalité française, demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON
INTERVENANT VOLONTAIRE
Monsieur [M] [S]
de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉE
S.A.R.L. POMPES FUNÈBRES THIERRY JATTEAU
Sise [Adresse 2]
Inscrite au RCS de Vesoul sous le numéro 442 627 360
Représentée par Me Xavier CLAUDE de la SCP CLAUDE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Michel Wachter, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
*************
La SAL Pompes Funèbres Thierry Jatteau (la société Jatteau) a été chargée de diverses prestations funéraires en suite du décès de Mme [E] [S], survenu le 26 juillet 2019.
Par exploit du 25 mars 2021, faisant valoir que l’inhumation s’était faite à une profondeur insuffisante, Mme [G] [S], fille de la défunte, a fait assigner la société Jatteau devant le tribunal judiciaire de Vesoul aux fins de condamnation à mettre sous astreinte la sépulture en conformité avec les prescriptions de l’article R. 2223-3 du code général des collectivités territoriales, et de paiement d’une somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral.
M. [M] [S], fils de la défunte, est intervenu volontairement aux côtés de sa soeur pour soutenir ses demandes.
La société Jatteau a soulevé l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre, au motif que Mme [S] n’était pas sa cocontractante.
Par jugement du 23 juin 2022, le tribunal a :
– déclaré irrecevables les demandes de Mme [G] [S] ;
– en conséquence, déclaré irrecevable l’intervention volontaire de M. [M] [S] ;
– condamné Mme [G] [S] à verser à la SARL Pompes Funèbres Thierry Jatteau la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [G] [S] aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :
– que Mme [S] ne mentionnait nullement agir ès qualités d’ayant droit de la défunte, mais bien en son nom personnel, précisant d`ailleurs avoir signé le contrat avec la société Jatteau ; qu’elle ne pouvait agir à la fois en son nom personnel en qualité de cocontractant et en qualité d’ayant droit de la défunte sur le fondement contractuel ; qu’en outre, le bon de commande produit aux débats ne comportait aucune signature et ne mentionnait nullement son nom, puisque tant le bon de commande que la facture étaient établis au nom de Mme [E] [S] ;
– que la demanderesse était donc irrecevable en ses demandes, et que M. [M] [S] était en conséquence lui-même irrecevable en son intervention volontaire, qui n’était qu’accessoire faute pour lui de présenter des prétentions propres.
Mme [G] [S] a relevé appel de cette décision le 29 juillet 2022.
M. [M] [S] est intervenu volontairement.
Par conclusions transmises le 22 septembre 2022, les consorts [S] demandent à la cour :
Vu les articles 1104 et suivants, 1217 et suivants du code civil,
Vu l’article R. 2223-3 du code général des collectivités territoriales,
– d’infirmer le jugement déféré ;
Statuant à nouveau :
– de condamner la SARL Pompes Funèbres Thierry Jatteau à mettre en conformité la sépulture de Mme [E] [S] relativement aux prescriptions de l’article R. 2223-3 du code général des collectivités territoriales sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– de dire que la SARL Pompes Funèbres Thierry Jatteau devra avertir au moins quinze jours à l’avance Mme [G] [S] et M. [M] [S] du jour où les travaux seront réalisés ;
– de débouter la SARL Pompes Funèbres Thierry Jatteau de toute demande, fin et conclusion contraire aux présentes ;
– de condamner la SARL Pompes Funèbres Thierry Jatteau à payer à Mme [G] [S] et M. [M] [S] la somme de 1 500 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;
– de condamner la SARL Pompes Funèbres Thierry Jatteau à payer à Mme [G] [S] et M. [M] [S] la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de la condamner aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 13 novembre 2022, la société Jatteau demande à la cour :
Vu l’article 122 du code de procédure civile,
Vu l’article 750-1 du code de procédure civile,
Vu l’article 1353 du code civil,
Vu l’article 40 du code général des collectivités territoriales,
Vu les articles 1104 et suivants, 1217 et suivants du code civil,
Vu l’article R. 2223-3 du code général des collectivités territoriales,
Recevant la SARL Pompes Funèbres Thierry Jatteau en ses moyens de défense,
– de la dire bien fondée et justifiée ;
Par conséquent,
– de dire et juger l’appel de Mme [G] [S] et M. [M] [S] irrecevable, infondé, mal fondé et en tous les cas, injustifié ;
– de le rejeter ;
– de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lure (sic) en ce qu’il a déclaré irrecevables en leurs demandes Mme [G] [S] et M. [M] [S] ;
– en tous les dire et juger les demandes de Mme [G] [S] et M. [M] [S] mal fondées et injustifiées, (sic) ;
– de les rejeter intégralement ;
– de les condamner à payer à la SARL Pompes Funèbres Thierry Jatteau la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 24 août 2023.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
Sur la recevabilité
En premier lieu, l’intimée fait vainement valoir que les consorts [S] sont irrecevables à agir à son encontre pour défaut de qualité, comme n’étant pas titulaires de la concession funéraire dont il s’agit, alors que l’action intentée à son encontre l’est expressément sur le seul fondement du contrat de prestations funéraires du 27 juillet 2019, et qu’elle n’a donc pas trait à un litige relatif à une concession funéraire.
La société Jatteau se prévaut ensuite d’une fin de non-recevoir tirée de l’article 750-1 du code de procédure civile, en faisant grief aux consorts [S] d’avoir agi contre elle sans tentative prélable de conciliation menée par un conciliateur de justice, tentative de médiation ou tentative de procédure participative. Toutefois, ce texte concerne les demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou relatives à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. Or, l’action des consorts [S] ne tend pas au principal au paiement d’une somme d’argent, mais à la reprise de travaux, et ne concerne pas les domaines visés aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. Cette fin de non-recevoir doit donc être écartée.
Enfin, c’est à tort que l’intimée invoque le défaut d’intérêt à agir des consorts Jatteau au motif qu’ils se réfèrent aux dispositions du code général des collectivités territoriales, qui n’aurait pas vocation à s’appliquer pour fonder des prétentions émanant de particuliers à l’encontre de personnes de droit privé, ce moyen n’étant pas de nature à priver les consorts [S] d’intérêt à agir, alors qu’ils se fondent sur le non-respect d’un contrat. Pas plus la société Jatteau ne peut-elle se prévaloir au plan de la recevabilité du fait que le frère des appelants serait opposé à leur demande.
S’agissant enfin des parties aux contrats, il apparaît manifeste à l’examen des pièces versées aux débats que Mme [G] [S] est bien la cocontractante de la société Jatteau dans le cadre du bon de commande du 27 juillet 2019. Le fait que ce document, ainsi que la facture du 31 août 2019 soient libellées au nom de la défunte résulte manifestement d’une erreur, et Mme [G] [S] produit un courrier que la société Jatteau lui a adressé le 12 février 2020 pour lui réclamer le règlement de la facture, et précisant expressément : ‘en date du 27 juillet 2019, vous avez signée (sic) un devis réglementaire et un bon de commande pour me confier les obséques de votre maman.’
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré les consorts [S] irrecevables en leurs demandes.
Sur le fond
L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1217 du même code énonce que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
L’article 1353 du même code expose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
En dépit du caractère spécifique des obsèques, dont le paiement incombe au premier chef à la succession du défunt, il n’en demeure pas moins que le signataire du bon de commande constitue le cocontractant du prestataire de pompes funèbres chargé des funérailles.
En l’espèce, c’est Mme [G] [S], qui a passé commande des prestations, qui est la cocontractante de la société Jatteau.
Dès lors, les demandes sont mal fondées en ce qu’elles sont formées au nom de M. [M] Jatteau, qui n’est pas partie au contrat.
Par application des principes précédemment exposés, il incombe à Mme [S] de démontrer la non-conformité dont elle fait grief à la société Jatteau.
L’entreprise de pompes funèbres en charge des obsèques se doit de procéder à l’inhumation du défunt en conformité avec les règles qui régissent la matière, notamment s’agissant de la profondeur des tombes en pleine terre. Celle-ci est fixée à l’article R.2223-3 du code général des collectivités territoriales, qui énonce que chaque inhumation a lieu dans une fosse séparée, que chaque fosse a 1,50 mètre à 2 mètre de profondeur sur 80 centimètres de largeur, et qu’elle est ensuite remplie de terre bien foulée.
Force est de constater qu’au soutien de ses demandes, Mme [S] verse divers courriers et attestations émanant des parties elles-mêmes, qui sont dépourvues de valeur probante particulière sur la question technique relative à la profondeur de la fosse. Elle produit également :
* un procès-verbal de constat établi le 16 décembre 2019 par Maître [Y], huissier de justice à [Localité 5], réalisé à la demande de la société Jatteau et en présence du maire de la commune d'[Localité 4], dont il résulte, après mesurage au moyen d’une tige métallique, que le couvercle du cercueil de la défunte est recouvert de 73,5 à 80 centimètres de terre ; ce document est cependant impropre à caractériser de manière certaine une quelconque contravention à l’article R.2223-3 du code général des collectivités territoriales dont se prévaut l’appelante, dès lors qu’il ne mesure pas la profondeur de la fosse, et alors qu’il ressort de l’attestation établie par M. [B] [S], ainsi que des déclarations faites à l’huissier de justice, que la fosse comportait déjà le cercueil de l’époux prédécédé de la défunte ;
* des photographies non datées qui sont sans emport particulier, comme représentant un mètre posé contre une pierre tombale, dont les graduations sont illisibles, et qui, en tout état de cause, semble utilisé pour mesurer la hauteur de la base du monument funéraire, dans l’optique d’appuyer l’affirmation selon laquelle l’huissier de justice aurait effectué ses mesures, non par rapport au terrain naturel, mais par rapport au socle du monument funéraire ; d’une part, cette allégation est contredite par les photographies figurant au constat d’huissier, alors, en tout état de cause, qu’il ne saurait en être tiré aucune conclusion sur la profondeur de la fosse, dont aucune mesure précise n’a été réalisée, et qui seule importe au regard de l’article R.2223-3 du code général des collectivités territoriales.
Dans ces conditions, il doit être constaté que Mme [S] échoue dans la démonstration de l’inexécution contractuelle qu’elle impute à l’intimée.
Elle devra donc être déboutée de l’intégralité de ses demandes.
Sur les autres dispositions
Le jugement déféré sera confirmé s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.
Mme [S] sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à l’intimée la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Infirme le jugement rendu le 23 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Vesoul en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de Mme [G] [S] et l’intervention volontaire de M. [M] [S] ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et ajoutant :
Déclare recevables les demandes de Mme [G] [S] et l’intervention volontaire de M. [M] [S] ;
Rejette l’ensemble des demandes formées par Mme [G] [S] et M. [M] [S] à l’encontre de la SARL Pompes Funèbres Thierry Jatteau ;
Condamne Mme [G] [S] aux dépens d’appel ;
Condamne Mme [G] [S] à payer à la SARL Pompes Funèbres Thierry Jatteau la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,