Tentative de conciliation : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01241

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Tentative de conciliation : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01241
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PS/SB

Numéro 23/3705

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 09/11/2023

Dossier : N° RG 21/01241 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H22U

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l’employeur

Affaire :

[Y] [B]

C/

[U] [C],

CPAM DES LANDES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 09 Novembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 13 Avril 2023, devant :

Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.

Madame SORONDO, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [Y] [B] Entrepreneur individuel

[6] PLATRERIE –

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Maître REMBLIERE de la SELARL LANDAVOCATS, avocat au barreau de DAX

INTIMES :

Monsieur [U] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Madame [L], responsable du service défense, conseil et recours de l’ADDAH 40, munie d’un pouvoir

CPAM DES LANDES

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 17 MARS 2021

rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 19/00546

FAITS ET PROCEDURE

Le 16 mai 2018, M. [U] [C] a été engagé en qualité d’ouvrier polyvalent par M. [Y] [B], entrepreneur individuel exerçant sous l’enseigne [6], par contrat à durée déterminée jusqu’au 31 juillet 2018. La relation de travail s’est poursuivie au-delà du terme, et le contrat de travail est par suite devenu un contrat à durée indéterminée.

Le 12 octobre 2018, M. [B] a établi une déclaration d’accident du travail survenu à M. [C] le 31 juillet 2018 à 15 h. Les circonstances de l’accident étaient décrites comme suit’:

– lieu de l’accident’: chantier [Adresse 9] à [Localité 11],

– activité de la victime au moment de l’accident’: il était sur un échafaudage ‘ il enlevait des tuiles,

– nature de l’accident’: il s’est fait attaquer par un nid de guêpes/frelons et il a sauté (1,5 m de haut),

– objet dont le contact a blessé la victime’: le sol,

– siège des lésions’: douleur du pied droit,

– nature des lésions’: fracture,

– accident connu le 23 août 2018 ‘ décrit par la victime.

La caisse a été destinataire’:

– du volet n° 1, destiné à son service médical, d’un certificat médical initial du 31 juillet 2018 pour accident du travail établi par le docteur [M] [N] du service des urgences de [Localité 8], mentionnant «’hématome péri calcanéum pied droit et traumatisme genou gauche avec absence de lésion osseuse post traumatique radiologiquement visible du genou gauche et du pied droit» et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 2 août 2018′;

– d’un certificat médical de prolongation établi le 24 août 2018 par le docteur [CT] [O] faisant état d’une «’fracture calcanéum droit non décelée en première lecture du 31/07/2018’».

Le 10 décembre 2018, la CPAM des Landes a notifié à l’employeur et au salarié sa décision de prise en charge de l’accident du travail au titre de la législation sur les risques professionnels.

L’état de santé du salarié a été déclaré consolidé le 2 septembre 2019, avec un taux d’incapacité permanente partielle de 5 % dont 2 % pour le taux professionnel, pour des séquelles de douleur à l’appui du talon d’une fracture du calcanéum droit. Le 14 janvier 2020, la CPAM des Landes lui a notifié l’attribution d’une indemnité en capital de 1.983,69 €.

Le 4 octobre 2019, M. [C] a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Après une tentative de conciliation infructueuse, M. [C] a saisi le 21 octobre 2019 le pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan, ensuite devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et d’indemnisation.

Par jugement du 17 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a ‘:

– dit que l’accident du travail dont a été victime M. [U] [C] est dû à la faute inexcusable de la société [7],

– ordonné la majoration au maximum légal de la rente versée à M. [U] [C] au titre de l’accident du travail du 31 juillet 2018,

– dit que cette majoration, qui, le cas échéant, suivra l’évolution de son taux d’incapacité, sera productive d’intérêts au taux légal à compter du jugement,

– ordonné, avant dire droit sur la liquidation des préjudices, une mesure d’expertise et désigné pour y procéder le docteur [KD] épouse [T] [E] avec pour mission de’:

. à partir de la déclaration de la victime et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, le nom de l’établissement, les services concernés et la nature des soins,

. recueillir les doléances de la victime, l’interroger sur les conditions d’apparition des lésions, l’importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,

. procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

. décrire les lésions initiales et l’état séquellaire et le cas échéant l’incidence d’un état antérieur sur ces séquelles,

. déficit fonctionnel temporaire’: indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles, préciser la durée des périodes d’incapacité totale ou partielle et le taux de celle-ci,

. préjudice tierce personne’: dire si avant consolidation il y a eu nécessité pour la victime de recourir à l’assistance d’une tierce personne et si oui s’il s’est agi d’une assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) ou a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne en indiquer la nature et la durée quotidienne,

. souffrances endurées’: décrire les souffrances physiques, psychiques et/ou morales découlant des blessures subies et les évaluer distinctement dans une échelle de 0 à 7,

. préjudice esthétique’: donner son avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Evaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 0 à 7,

. préjudice d’agrément’: indiquer, notamment au vu des justificatifs produits s’ils existent, après consolidation, une impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs,

. préjudice sexuel’: donner son avis sur le préjudice sexuel, lequel comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle,

. indiquer si, compte tenu de l’état séquellaire, il y a nécessité d’envisager un aménagement du logement et, si c’est le cas, préciser quels types d’aménagements seront indispensables au regard de cet état,

. dire si l’état séquellaire de la victime lui permet la conduite d’un véhicule automobile, au besoin aménagé en précisant quels types d’aménagements seront nécessaires,

– fixé à la somme de 1.000 € l’indemnité qui devra être versée par la CPAM des Landes à M. [C] à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

– dit que la CPAM des Landes versera directement à M. [C] les sommes dues au titre de la majoration de la rente, de la provision et des indemnités complémentaires qui pourront lui être allouées en application de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale tel qu’interprété à la lumière de la décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 du Conseil Constitutionnel et qu’elle en récupérera le montant auprès de la société [10],

– dit que dans l’attente les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 seront réservées.

Ce jugement a été notifié aux parties par courriers recommandés avec demandes d’avis de réception. M. [B] en a accusé réception le 20 mars 2021.

Par déclaration RPVA adressée le 12 avril 2021 au greffe de la cour, M. [B] a interjeté appel de ce jugement.

Selon avis de convocation des 3 octobre 2022 et 24 février 2023, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l’audience du 13 avril 2023 à laquelle elles ont comparu.

PRETENTIONS DES PARTIES

Selon ses conclusions n° 2 adressées au greffe de la cour le 1er décembre 2021, reprises oralement à l’audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, M. [B], appelant, demande à la cour de’:

– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– déclarer M. [C] irrecevable et infondé en toutes ses demandes,

– le condamner à lui payer une juste indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Selon ses dernières conclusions adressées au greffe le 23 mars 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, M. [C], intimé, demande à la cour de’:

– confirmer le jugement déféré,

en conséquence,

– confirmer la majoration du capital versé par la CPAM,

– confirmer que la majoration de la rente devra suivre l’aggravation du taux d’incapacité permanente partielle dans les mêmes proportions et que les préjudices personnels seront réévalués en cas de rechute ou d’aggravation des séquelles,

– confirmer la fixation à la somme de 1.000 € au titre de l’indemnité qui lui sera versée par la CPAM des Landes à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

– condamner la société [7] à lui verser une somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions adressées au greffe le 30 janvier 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, la CPAM des Landes, intimée, demande à la cour de’:

– Sur la forme, voir statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel interjeté par l’employeur contre le jugement déféré,

– Sur le fond,

. voir constater qu’elle s’en remet à l’appréciation de la cour sur la reconnaissance éventuelle d’une faute inexcusable de l’employeur,

. en cas de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur,

.voir préciser le quantum de la majoration de la rente ou de l’indemnité en capital à allouer à M. [C],

.voir constater qu’elle ne s’oppose pas à l’expertise médicale sollicitée,

.voir limiter le montant des sommes à allouer à M. [C] en réparation de ses préjudices’:

– aux chefs de préjudices énumérés à l’article L.452-3 1er alinéa du code de la sécurité sociale’: les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément, le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,

– ainsi qu’aux chefs de préjudices non déjà couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale’: le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire, les frais liés à l’assistance d’une tierce personne avant consolidation, l’aménagement du véhicule et du logement,

.conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse assurant l’avance des sommes ainsi allouées, voir condamner l’employeur, M. [B], à lui rembourser’:

– la majoration de l’indemnité en capital ou le capital représentatif de la majoration de la rente tel qu’il sera calculé et notifié par elle,

– les sommes dont elle aura l’obligation de faire l’avance,

– les frais d’expertise,

– les intérêts légaux,

.voir condamner M. [B] à lui communiquer les coordonnées de son assurance sous astreinte de 50 € par jour de retard et ce, à l’expiration d’un délai de 10 jours à compter de l’arrêt à intervenir.

SUR QUOI LA COUR

Sur l’accident du travail du 31 juillet 2018 et l’imputabilité au travail de la fracture du calcanéum droit

L’employeur soutient que M. [C] ne s’est pas blessé au pied droit le 31 juillet 2018 arguant’:

– d’attestations :

. du 13 janvier 2021 de M. [K] [V] suivant laquelle dans une attestation remise antérieurement à M. [C], il a indiqué pied droit «’sur les dires et rappels de M. [C]’» et ne peut affirmer quelle est la cheville concernée’;

. du 6 décembre 2019 de M. [D] [G], suivant laquelle, suite à l’accident, M. [C] s’est plaint du pied gauche’;

. du 12 novembre 2020 de Mme [F] [KO] suivant laquelle M. [C] lui a relaté s’être blessé au pied gauche’;

– du volet n° 2 du certificat médical initial du 31 juillet 2018 pour accident du travail établi le docteur [M] [N] du centre hospitalier de [Localité 8] mentionnant «’poplitée gauche, RAS au niveau du genou, pas d’épanchement articulaire, pas de tiroir, pas de signe d’atteinte méniscale ou ligamentaire Rx pied/genou. Conclusion’: absence de lésion osseuse post traumatique décelable en regard du genou et du pied gauches’» et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 2 août 2018′; il en déduit que le salarié ne souffrait d’aucune lésion’;

– du fait que M. [C] a repris le travail dès le lundi 6 août et jusqu’au 23 août 2018′; il a conduit et travaillé sans gêne’;

– du fait que M. [C] lui a remis, en suite du diagnostic d’une fracture du calcanéum droit en août 2018, non un certificat d’arrêt de travail pour accident du travail, mais un certificat initial d’arrêt de travail «’simple’» établi le 24 août 2018 par le docteur [H] [X] [TK] [A] du service des urgences du centre hospitalier de [Localité 8] mentionnant «’fracture calcanéum ‘ immobilisation ‘ consultation avec le docteur [O] le 20 septembre 2018’».

Il fait valoir par ailleurs que même à considérer que «’l’incident’» du 31 juillet 2018 a participé à la survenance d’une fracture du pied droit, il n’en est pas la cause déterminante, et que M. [C] n’aurait subi aucune incapacité s’il avait été correctement soigné.

M. [C] objecte que le volet n° 1 du certificat médical initial du 31 juillet 2018 atteste d’une lésion au pied droit et qu’il a subi un retard de diagnostic d’une fracture affectant ce pied, qui n’influence pas les séquelles.

Sur ce,

Selon l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la cause, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Constitue un accident du travail, «’un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d’apparition de celle-ci’». Ainsi, l’accident du travail se caractérise par trois critères’:

– un événement ou une série d’événements survenus à une date certaine,

– une lésion corporelle,

– un fait lié au travail ou survenu à l’occasion du travail.

En l’espèce, il est constant que le mardi 31 juillet 2018, M. [C] travaillait avec M. [D] [G] et sous la direction de ce dernier sur un chantier de pose de panneaux photovoltaïques sur le toit d’un bâtiment appartenant à M. [K] [V]’; qu’il était sur le toit dont il a dû descendre car des abeilles ou des guêpes sont sorties d’un nid’; que pour ce faire, il a emprunté un échafaudage dont il a sauté à environ 1,5 m du sol, étant observé que’:

– M. [C] relate que la présence d’hyménoptères était connue de l’employeur pour avoir été signalée par M. [V], qui en atteste, et observée dans les jours précédents, puisque mention de la nécessité d’une «’bombe guêpes’» pour le lundi 30 juillet 2018 a été faite sur une fiche de suivi du chantier’; qu’étant attaqué par les hyménoptères contre lesquels il n’avait aucune protection, il a dû fuir’; qu’il n’a pas pu emprunter l’échelle posée contre l’extérieur de l’échafaudage car elle se trouvait au niveau du nid, et qu’une fois sur la plate-forme de l’échafaudage, il n’a pu en descendre comme il se doit par l’intérieur de l’échafaudage car la trappe permettant d’accéder à la partie inférieure de l’échafaudage était bloquée par des panneaux solaires’; qu’il est descendu par l’extérieur de l’échafaudage et a sauté ;

– l’employeur conteste toute non-conformité de l’échafaudage et se prévaut d’une attestation de M. [G] suivant laquelle, voyant des guêpes sortir de dessous de la toiture, ce dernier est allé à l’échafaudage «’d’un pas serein’» et en est descendu par la trappe d’accès à l’étage inférieur dudit échafaudage, tout en indiquant à M. [C] de descendre du toit; il poursuit que M. [C] a traîné sur le toit puis, au lieu de passer par la trappe de l’échafaudage pourtant accessible, il est passé par l’extérieur de l’échafaudage dont il a sauté.

Il est également constant que M. [C] s’est plaint à tout le moins de douleurs à un pied, et qu’il s’est rendu à l’hôpital de [Localité 8].

L’employeur indique que le lendemain de l’accident, le 1er août, le salarié lui a fait parvenir le volet n° 2 du certificat initial du 31 juillet 2018, destiné au service administratif de la CPAM, qu’il produit. Il est à relever que les constatations mentionnées sur ce certificat sont incohérentes puisqu’il commence par «’poplitée gauche’» mais est exempt de toute observation relative à cette artère et qu’il n’y est fait état d’aucune lésion même minime alors qu’il est prescrit un arrêt de travail. Surtout, il est établi que le volet n° 1 de ce même certificat, destiné au service médical de la caisse, versé aux débats par la CPAM et par le salarié, mentionnait «’hématome péri calcanéum pied droit et traumatisme genou gauche avec absence de lésion osseuse post traumatique radiologiquement visible du genou gauche et du pied droit’». Il ne peut par ailleurs raisonnablement être accordé de crédit aux attestations de deux salariés, M. [G], présent lors de l’accident, et Mme [F] [KO], secrétaire, non présente lors de l’accident, établies respectivement le 6 décembre 2019 et le 12 novembre 2020, qui indiquent le premier, que M. [C] s’est plaint du pied gauche, et la seconde, qu’il s’est blessé au pied gauche («’blessure au pied gauche’»), étant observé que ces attestations émanent de salariés, donc de personnes liées à l’employeur par un lien de subordination susceptible d’affecter leur sincérité, qu’elles ont été établies en un temps éloigné de l’accident (près de dix-huit mois après l’accident pour le premier et plus de deux ans après l’accident pour la seconde) et qu’il résulte des attestations de M. [V] qu’en un temps également éloigné de l’accident, il a été capable d’attester des circonstances de sa survenance, suite à une attaque d’abeilles sorties d’un nid situé sous la toiture dont il avait signalé la présence, et, s’agissant de ses conséquences, que M. [C] présentait une très vive douleur à un pied, mais non de se souvenir si le pied touché était le droit ou le gauche.

Ces éléments établissent que le salarié a présenté, sur un chantier et pendant le temps de travail, alors qu’il descendait d’un échafaudage, des suites d’un saut de hauteur, des lésions tenant en un hématome péri calcanéum du pied droit et un traumatisme du genou gauche. L’accident du travail est donc établi.

Il est justifié en outre que la fracture du calcanéum droit mentionnée sur le certificat médical de prolongation du 24 août 2018 n’a pas été diagnostiquée lors de la radiographie pratiquée dès après l’accident le 31 juillet 2018 mais qu’elle existait dès alors.

En effet, il ressort du rapport du 3 juin 2019 du docteur [R] [S], désigné par l’assureur de responsabilité de l’hôpital de [Localité 8], versé aux débats par M. [C]’:

– qu’une fiche d’observations établie le 31 juillet 2018 mentionnait «’hématome péri-calcanéum pied droit avec douleurs à la palpation vives et appui impossible, sans déformation osseuse palpée. Douleurs creux poplité gauche… Conclusion’: absence de lésions osseuses post-traumatiques décelables au regard du genou et du pied gauche’»,

– que le compte-rendu radiographique fait état d’une minéralisation osseuse normale du pied gauche et de l’absence de lésion,

– qu’une «’fracture de la face inférieure et médiale de la tubérosité calcanéenne droite, légèrement déplacée (déplacement estimé à 5 mm)’» a été diagnostiquée le 21 août 2018 au moyen d’un scanner prescrit par le médecin traitant’;

– que M. [C] s’est de nouveau présenté le 24 août 2018 au service des urgences de l’hôpital de [Localité 8] dont le compte-rendu indique «” chute de 3 m d’un toit, radio’: pas de fracture visible, RAD [retour à domicile] avec arrêt 10 jours sans immobilisation. Il y a une semaine, douleur persistante, a fait son scanner prescrit par le médecin traitant, fracture du calcanéum… ortho’: oedème et hématome en regard du calcanéum droit avec boiterie et douleurs à la palpation… il n’y a aucun avis spécialisé pour ce patient… médicament prescrit’: ‘ Arixtra… immobilisation + anticoagulant préventif + consultation orthopédique le 20/09/2018…’»

– que ce praticien conclut que les radiographies auraient été sans particularité mais qu’au regard du mécanisme traumatique et de la symptomatologie douloureuse, un scanner de contrôle, «’examen mieux à même de mettre en évidence ce type de lésion osseuse’», aurait dû être prescrit.

Egalement, il résulte du certificat de prolongation du 24 août 2018 que son auteur, le docteur [CT] [O], chirurgien orthopédiste à même d’apprécier l’ancienneté éventuelle d’une fracture, a considéré que la fracture qu’il a observée sur le scanner datait du 31 juillet 2018 puisqu’il a précisé qu’elle n’avait pas été détectée en première lecture le 31 juillet 2018.

Par ailleurs, s’il n’est pas discuté que M. [C] a repris le travail le lundi 6 août 2018, le docteur [KD]-[T], dont le rapport est produit par l’employeur et le salarié, est d’avis que la reprise d’une activité professionnelle pendant moins de 20 jours ne préjuge pas du fait lésionnel, et l’employeur fournit peu d’éléments probants quant aux tâches que le salarié a effectivement accomplies à compter du 6 août 2018. Il se prévaut d’un procès-verbal de constat du 11 juin 2021 d’où il résulte qu’il a présenté à un huissier deux photographies datées du 20 août 2018 représentant une bâtisse sur le toit de laquelle se trouve un homme, assis de face sur la première photographie, et de dos en appui sur le pied droit sur la seconde, ainsi que le passeport du salarié’; cependant, l’huissier n’a pas été à même d’identifier l’homme photographié en appui sur son pied droit comme étant M. [C] et il ressort de l’agrandissement annexé audit constat de la première photographie que les traits du visage de l’homme sont indistincts rendant une identification impossible. De même, il invoque une attestation de M. [I] [Z], salarié en 2018 puis en 2020, suivant laquelle M. [C] montait sur les toits, mais elle date du 14 octobre 2020, soit plus deux ans après les faits, de sorte qu’elle est à considérer avec circonspection. Sont par ailleurs produites deux fiches d’intervention signées de M. [C] des 7 et 22 août 2018, qui sont relatives chacune à des travaux de remplacement d’un onduleur, appareil qui établit la connexion entre le réseau électrique et l’installation photovoltaïque et n’est pas posé sur la toiture, et un procès-verbal de réception de chantier du 9 août 2018 qui mentionne que les techniciens sont «'[W] et [U]’» sans qu’il soit permis de déterminer que le second est M. [C]. L’employeur invoque enfin trois photographies d’un tableau à fiches constituant le planning de l’activité «’solaire’» de l’entreprise des semaines 32, 33 et 34 mais il n’est pas permis ni de les dater ni de déterminer qu’elles sont représentatives du planning effectif de l’entreprise, et au demeurant, M. [C] ne figure sur lesdites photographies, postérieurement à l’accident, que sur les fiches de sept jours, soit le mardi 7 août, le vendredi 10 août, le mardi 14 août et du lundi 20 au jeudi 23 août.

Enfin, le docteur [KD]-[T], comme le docteur [S], sont d’avis que le retard de diagnostic n’influence pas les séquelles constatées.

Il résulte de ces éléments que les moyens tirés de l’absence d’accident du travail faute de lésion et de l’absence d’imputabilité de la fracture du calcanéum droit au travail doivent être rejetés.

Sur la faute inexcusable

Sont invoquées et contestées par l’employeur sa faute inexcusable présumée et plusieurs fautes inexcusables prouvées. Il convient d’examiner d’abord la faute inexcusable présumée.

Il est constant que M. [C] était en contrat à durée déterminée le jour de l’accident. L’employeur soutient qu’ayant sauté de l’échafaudage et non chuté du toit, l’absence de formation renforcée à la sécurité est indifférente, et qu’il disposait, en considération de son curriculum vitae, de toute la formation à la sécurité requise. Le salarié fait valoir qu’étant employé à un poste à risque puisque l’exposant à un risque de chute de hauteur, il aurait dû bénéficier d’une formation renforcée à la sécurité, ce qui n’a pas été le cas, de sorte qu’il est fondé à invoquer le bénéfice des articles L.4154-2 et suivants du code du travail.

Sur ce,

En application de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Suivant l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

En application de l’article L.4154-3 du code du travail, la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprises victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L.4154-2 du même code.

Suivant l’article L.4154-2 du code du travail, les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés. La liste de ces postes de travail est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du comité social et économique, s’il existe. Elle est tenue à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L.8112-1.

Cette présomption de faute inexcusable ne peut être renversée que par la preuve que l’employeur a dispensé au salarié la formation à la sécurité renforcée prévue à l’article L.4154-2 du code du travail (cour de cassation 2ème chambre civile, 11 octobre 2018, no 17-23.694).

Le salarié qui se prévaut des dispositions de l’article L 4154-3 du code du travail doit établir qu’il était affecté au moment de son accident à un poste à risque. Il n’est pas produit de liste des postes à risque par M. [B], et la circonstance que M. [C] a sauté et non chuté est indifférente à l’application des dispositions de l’article L.4154-3 du code du travail. Il n’existe pas de liste de référence des postes à risque, de sorte qu’il incombe à M. [C] d’établir concrètement en quoi le poste de travail qu’il occupait présentait des risques particuliers. Aux termes de son contrat de travail, il était employé à un poste d’ouvrier polyvalent de niveau 1 position 1 de la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu’à 10 salariés, soit, suivant ladite convention collective, un ouvrier effectuant des travaux de simple exécution, ne nécessitant pas de connaissances particulières, selon des consignes précises et faisant l’objet d’un contrôle constant. Il travaillait notamment sur les toitures et était exposé à un risque de chute de hauteur, depuis la toiture ou depuis l’échafaudage, risque qui était identifié par l’employeur puisque le plan de prévention du chantier que celui-ci produit en pièce 8 le mentionne concernant la phase d’accès à la toiture, avec comme actions de prévention à mettre en ‘uvre notamment des formations à l’utilisation de l’échafaudage et au travail en hauteur. Il n’est pas caractérisé que M. [C] était formé aux règles de sécurité inhérentes au travail en hauteur et à l’utilisation d’un échafaudage. Il avait en effet un CAP et un bac d’électricien, et l’employeur invoque le fait qu’il disposait du Caces nacelle R386 PEMP 1B et 3 B mais qu’il ne s’agit pas là d’une formation au travail en hauteur ni à l’utilisation d’un échafaudage mais d’une formation à l’utilisation en sécurité et à la conduite d’une plate-forme élévatrice mobile de personnes. De même, son expérience passée, ancienne de cinq ans puisque datant de 2010 à 2013, «’d’électricien – pose de panneaux solaires chez les particuliers’» pour l’entreprise Sec, ne caractérise pas qu’il était formé aux règles de sécurité inhérentes au travail en hauteur et à l’utilisation d’un échafaudage. M. [B] ne justifie pas que M. [C] a bénéficié d’une formation renforcée à la sécurité et d’un accueil et d’une information adaptés au poste qu’il occupait. A cet égard, l’attestation de M. [OB] [J], salarié, est très insuffisante, puisqu’il relate seulement qu’il a monté et démonté l’échafaudage loué avec M. [C] comme man’uvre de sorte que ce dernier a bénéficié de son expérience s’agissant de l’activité de montage et démontage de l’échafaudage’; elle est en outre en contradiction avec l’attestation également produite par l’employeur de M. [W] [P], salarié, suivant laquelle c’est ce dernier qui a monté l’échafaudage. Il résulte de ces éléments que les conditions de la présomption de faute inexcusable visées à l’article L.4154-3 du code du travail, sont réunies. Les autres arguments et moyens invoqués par l’employeur, tenant à la fourniture suffisante d’une bombe insecticide pour se protéger des quelques guêpes présentes sous la toiture, à la conformité de l’échafaudage et à l’accessibilité de la trappe de sa plate-forme, sont inopérants.

Sur les conséquences de la faute inexcusable

En application des articles L.452-1 et L.452-2 du code de la sécurité sociale, il doit être ordonné la majoration à son taux maximum du capital servi au salarié, majoration qui suivra les évolutions de capital ou de rente servant de base à la détermination de cette majoration.

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a ordonné, avant dire droit sur la liquidation des préjudices subis par M. [C], une mesure d’expertise judiciaire et la mission de l’expert n’est pas discutée.

Au vu des conclusions du rapport du 12 octobre 2021 du docteur [KD]-[T], il est justifié d’allouer à M. [C] une provision de 1.000 € à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices.

Conformément aux dispositions de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la majoration du capital, la provision et la réparation à venir des préjudices sont avancées à M. [C] par la CPAM des Landes, qui en récupérera le montant auprès de l’employeur.

Sur les autres demandes

M. [B], qui succombe, sera condamné aux dépens exposés en première instance et en appel et à payer à M. [C] une somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La CPAM des Landes ne prouve pas l’existence d’un contrat d’assureur de sorte qu’elle est mal fondée en sa demande dirigée contre l’employeur de communication sous astreinte des coordonnées d’un assureur dont elle sera déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 17 mars 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan,

Y ajoutant,

Déboute la CPAM des Landes de sa demande de communication sous astreinte des coordonnées de l’assureur de M. [Y] [B],

Condamne M. [Y] [B] aux dépens exposés en première instance et en appel,

Condamne M. [Y] [B] à payer à M. [U] [C] la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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