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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 09/03//2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/01027 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TOQC
Jugement (N° 18/04097)
rendu le 30 novembre 2020 par le juge aux affaires familiales de [Localité 10]
APPELANTE
Madame [J] [F]
née le 15 avril 1972 à [Localité 4] ([Localité 4])
demeurant [Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Pierre Mougel, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
INTIMÉ
Monsieur [V] [N]
né le 20 décembre 1969 à [Localité 11] ([Localité 3])
demeurant [Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Régine Calzia, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
———————
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
DÉBATS à l’audience publique du 17 octobre 2022 tenue en double rapporteur par Bruno Poupet et Camille Colonna après accord des parties et après rapport oral de l’affaire par [Y] [U].
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023 après prorogation du délibéré en date du 15 décembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 septembre 2022
****
M. [V] [N] et Mme [J] [F] se sont mariés le 27 juillet 2007 à [Localité 4] sous le régime de la séparation des biens, selon contrat de mariage du 5 juillet 2007.
Par jugement du 18 octobre 2013, le juge aux affaires familiales de [Localité 10] a prononcé leur divorce. Ce jugement a été confirmé par la cour d’appel de Douai le 20 novembre 2014.
Par acte d’huissier signifié le 12 octobre 2018, M. [N] a assigné Mme [F] devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer aux fins de voir ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et de leurs intérêts patrimoniaux.
Par jugement du 30 novembre 2020, le tribunal a :
sur l’indivision entre M. [V] [N] et Mme [J] [F] :
* déclaré recevable la demande de M. [V] [N] tendant à l’ouverture des opérations de liquidation et de partage,
* ordonné l’ouverture desdites opérations,
* fixé l’actif indivis de la façon suivante :
– les couverts [Localité 12] pour un montant de 2 628 euros,
– la montre [E] pour un montant de 2 700 euros,
– la montre [R] pour un montant de 3 500 euros,
– l’indemnité d’occupation due par Mme [F] pour le véhicule indivis, pour un montant de 47 047 euros,
– le prix de vente du véhicule indivis vendu sans autorisation par Mme [F] pour un montant de 13 000 euros,
* fixé le passif indivis de la façon suivante : la créance de 3 500 euros de Mme [J] [F] à l’encontre de l’indivision au titre du prix de la montre [R],
* fixé les droits des parties aux termes de la liquidation de l’indivision de la façon suivante :
– droits de M. [V] [N] : 23 586,25 euros, sauf éventuelle soulte en cas d’attribution de biens indivis,
– Mme [J] [F] est redevable envers l’indivision de 14 758,25 euros, sauf éventuelle soulte en cas d’attribution de biens indivis,
* débouté M. [N] de sa demande au titre du chèque de 6 098 euros établi par Mme [N] et du surplus de ses demandes au titre de l’indivision,
* ordonné le partage et renvoyé les parties devant Maître [K], notaire à [Localité 4] afin de dresser l’acte de liquidation partage,
* dit qu’en l’absence d’accord des parties sur les attributions, le notaire procédera par tirage au sort,
* dit qu’en cas de refus par une partie de signer l’acte de partage établi conformément à la présente décision, l’autre partie pourra saisir le juge aux fins d’homologation et que dans ce cas les frais de la procédure pourront être mis à la charge de l’opposant ou du défaillant.
Sur les créances entre époux :
* condamné Mme [F] à payer à M. [N] la somme de 4 784 euros au titre des honoraires d’architecte [A],
* débouté M. [N] de sa demande tendant à condamner Mme [F] à lui payer la somme de 5 019 euros au titre de l’impôt sur le revenu des années 2008, 2009 et 2010,
* débouté Mme [F] de sa demande tendant à condamner M. [N] à lui payer la somme de 16 392 euros au titre de l’impôt sur le revenu des années 2008, 2009 et 2010,
* débouté Mme [F] de sa demande tendant à voir condamner M. [N] à lui payer la somme de 3 218,28 euros au titre des travaux financés sur l’immeuble personnel de Mme'[F],
* débouté M. [N] de ses demandes au titre de la centrale musicale Philips, des couverts Villeroy Boch, des portiques roulants, de la poubelle inox et des étagères,
* condamné M. [N] à payer à Mme [F] la somme de 1 094,80 euros au titre des frais avancés sur l’étude de sol d’un terrain personnel de M. [N],
* dit n’y avoir lieu de faire droit aux demandes au titre des frais irrépétibles,
* dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision,
* rappelé que les modalités de cet emploi étaient incompatibles avec la distraction des dépens au profit du conseil de l’une ou l’autre des parties.
Mme [F] a interjeté appel de ce jugement et aux termes de ses dernières conclusions remises le 28 février 2022, demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
*déclaré recevable l’action de M. [N] alors qu’elle ne répondait pas aux exigences des articles 1360 et 1361 du code de procédure civile et qu’elle n’avait été précédée d’aucune diligence sérieuse en vue de parvenir à un partage amiable,
* inclus dans le passif indivis les montres [E] et [R] qui sont ses biens propres,
* fixé une indemnité d’occupation à sa charge pour le véhicule indivis pour un montant de 47’047’euros,
* fixé les droits des parties aux termes de la liquidation à 23 586,25 euros pour M.'[N] et 14’750,25 euros dus par elle,
* mis à sa charge une somme de 4 784,00 euros au titre des honoraires d’architecte [A],
* omis de faire droit à sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour une somme de 4 500 euros en instance,
– condamner M. [N] à lui payer une indemnité d’un montant de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter M. [N] de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes,
– condamner M. [N] aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 13 septembre 2021, M. [N] demande à la cour de :
– recevoir son appel incident,
– réformer le jugement en ce qu’il n’a pas inclus dans l’actif indivis une centrale musicale hi-fi d’une valeur de 899,01 euros et juger que l’actif indivis comprend cette centrale,
– réformer le jugement en ce qu’il :
* a fixé le montant de l’indemnité de jouissance du véhicule à la somme de 47 047 euros en appliquant une décote de 30 % ,
* a fixé le prix de vente du véhicule par Mme [F] à la somme de 13 000 euros,
* a fixé les droits de Mme [F] sur la montre [R] à la somme de 3 500 euros,
* l’a débouté de sa demande au titre du chèque de 6 098 euros établi par Mme [L] [N] ;
* l’a condamné à régler à Mme [F] la somme de 1 094,80 euros au titre de frais d’étude de sol,
– fixer ses droits au titre du compte d’indivision de la manière suivante :
* 22 663,21 euros au titre de l’indemnité de jouissance du véhicule BMW (sans décote),
* 7 907 euros au titre de ses droits dans la revente dudit véhicule ajoutés des intérêts au taux légal à partir de la cession et jusqu’à la décision à intervenir,
* 1 750 euros au titre de la valeur de la montre de luxe [R],
* 3 049 euros au titre de la valeur du cadeau de mariage de Mme [N] [L],
– fixer les créances suivantes entre époux :
* condamner Mme [F] à lui régler :
– 5 019 euros au titre de l’imposition des revenus 2008, 2009 et 2010,
– 624,60 euros au titre de la valeur des couverts Villeroy Boch, portiques roulants, poubelle inox et étagères,
– 449,50 euros au titre de la centrale musicale Philips,
– 3 218,28 euros au titre des travaux d’amélioration qu’il a financés dans son immeuble personnel,
– débouter Mme [F] de sa demande tendant à voir fixer la date de jouissance divise à la date la plus proche du partage,
– fixer la date de jouissance divise à la date de l’ordonnance de non conciliation pour ce qui concerne la montre [R], la montre [E] et le service [Localité 12],
– débouter Mme [F] de l’ensemble de ses prétentions et fins de non-recevoir,
– la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rectification d’erreur matérielle
L’article 462 du code de procédure civile dispose que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande, le juge étant saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune et pouvant aussi se saisir d’office.
Ainsi que le soulève M. [N], le chef du jugement ‘Déboute Mme [F] de sa demande tendant à voir condamner M. [N] à lui payer la somme de 3 218,28 euros au titre des travaux financés sur l’immeuble personnel de Mme [F]’ vise manifestement le débouté de M. [N], auteur de la demande de condamnation de Mme [F] à ce titre, une erreur matérielle s’étant glissée dans la rédaction du jugement daté du 30 novembre 2020.
Il convient donc de rectifier cette erreur ainsi qu’il est précisé au dispositif.
Sur la recevabilité de l’action de M. [N]
Aux termes de l’article 1360 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.
L’appelante soutient que la demande de M. [N] est irrecevable dès lors qu’il ne démontre pas qu’il y ait eu une tentative de conciliation, les courriers dont il se prévaut consistant en simples revendications.
L’intimé fait valoir que les courriers adressés par lettre recommandée les 21 juin 2018 et 22 juillet 2018 comportaient une proposition de partage amiable, à laquelle Mme'[F] a répondu par une autre proposition de partage de l’indivision par courrier du 27 septembre 2018.
L’assignation du 12 octobre 2018 contient un descriptif du patrimoine à partager, ce qui n’est pas contesté. Elle fait également suite à un échange de courriers entre les parties, comportant leurs propositions respectives de partage amiable de l’indivision, aucune ne faisant l’objet d’un accord. Ces échanges satisfont à l’obligation de diligences qui n’exige ni qu’elles revêtent une forme particulière, ni qu’elles aboutissent à un accord.
L’action de M. [N] étant recevable, le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les comptes entre les parties
1. Liquidation de l’indivision
1.1. Date de jouissance divise
A titre liminaire, il est rappelé que selon l’article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. La demande de fixation de la date de jouissance divise, accessoire aux demandes relatives à la fixation des comptes d’indivision, bien que présentée pour la première fois en cause d’appel, est donc recevable.
Aux termes des dispositions de l’article 829 du code civil, en vue de la répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu’elle est fixée par l’acte de partage, en tenant compte s’il y a lieu des charges le grevant. Cette date est la date la plus proche possible du partage. Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l’égalité.
M. [N] demande que la date de jouissance divise soit fixée à la date de l’ordonnance de non conciliation, afin que la valeur des montres [E] et [R] et des couverts [Localité 12] soit déterminée par leur prix d’acquisition. Mme [F] ne formule pas de demande à ce titre mais soutient que la date de jouissance divise doit être fixée à la date de vente du véhicule indivis seul bien de valeur de l’indivision, subsidiairement à la date de l’assignation du 12 octobre 2018.
S’il est de l’intérêt de M. [N] de voir fixer la date de jouissance divise à la date de l’ordonnance de non conciliation eu égard à la valeur des couverts [Localité 12] et des montres [E] et [R], il ne démontre pas que ce choix serait plus favorable à la réalisation de l’égalité. En outre, il est relevé que le bien indivis ayant le plus de valeur est le véhicule BMW X5 immatriculé [Immatriculation 6] qui a été revendu le 22 septembre 2016, soit après l’ordonnance de non conciliation, aucune des parties ne produisant de justificatif de sa valeur à la date de l’ordonnance de non conciliation.
En conséquence, aucun élément ne justifiant de retenir une date plus ancienne, il y a lieu de retenir la date déterminée la plus proche du partage, soit la date de l’assignation du 12 octobre 2018.
1.2. Actif indivis et comptes d’indivision
Selon l’article 1538 du code civil, les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié, sans qu’il y ait lieu d’avoir égard à la façon dont cette acquisition a été financée. La preuve contraire peut néanmoins être rapportée par tout moyen.
Ces règles particulières excluent l’application des dispositions générales de l’article 2276 du code civil selon lesquelles en fait de meubles, possession vaut titre.
Le bien appartient à celui des époux dont le titre établit la propriété, sans égard à son financement. Le conjoint a seulement la possibilité d’obtenir le règlement d’une créance lors de la liquidation du régime matrimonial s’il prouve avoir financé tout ou partie de ce bien. Néanmoins, les règles relatives aux régimes matrimoniaux ne sont pas d’ordre public et les parties peuvent renoncer à s’en prévaloir.
Par ailleurs, la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant ; si le bien a été aliéné avant la liquidation, l’avantage réellement procuré au fonds emprunteur que représente le profit subsistant est évalué au jour de l’aliénation en considération du prix effectivement reçu et non en fonction de la valeur à dires d’expert du bien au jour de l’aliénation.
L’article 815-3 alinéa 7 du code civil dispose que le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte de disposition autre que la vente de meubles pour payer les dettes et charges de l’indivision.
Lorsqu’un bien a été vendu sans le consentement d’un co-indivisaire, la vente lui est inopposable et il peut se retourner contre le co-indivisaire vendeur sur le fondement de la faute délictuelle ou de la répétition de l’indu.
En ce qui concerne le prix de vente du véhicule BMW X5 immatriculé [Immatriculation 6] acquis au prix de 58 358,01 euros suivant facture du 14 septembre 2007 et revendu le 22 septembre 2016 par Mme [F], sans l’accord de M. [N] au prix de 15 000 euros, il ne fait plus partie de l’actif indivis à partager et les parties conviennent qu’elles étaient propriétaires indivis au prorata de leur financement.
M. [N] a financé l’achat à hauteur de 19 679 euros, soit de 33,72 %. En effet, il prouve le débit d’un chèque de 17 679 euros, et soutient avoir également versé l’acompte de 2 000 euros que Mme [F] ne conteste pas ne pas avoir réglé, indiquant qu’elle a acquis le véhicule au prix de 56 358,01 euros, soit un prix après déduction de l’acompte.
Le premier juge a justement déduit des dispositions de l’article 815-3 alinéa 7 du code civil que le prix de vente effectif, soit 15 000 euros, n’était pas opposable à M. [N], dès lors que la revente du véhicule avait été effectuée en fraude de ses droits.
Cependant, si M. [N] demande que sa quote part soit calculée sur une valeur du véhicule supérieure au prix de vente, soit 23 449 euros suivant une estimation qu’il produit, d’une part cette estimation ne peut qu’être écartée comme concernant un véhicule plus récent que celui en cause, d’autre part, Mme [F] démontre en produisant la côte argus que la valeur du véhicule était de 13 000 euros, soit inférieure au prix auquel le véhicule a été vendu.
Dès lors, sans qu’il y ait lieu de fonder son droit à la réparation de la faute commise par Mme [F] consistant en la vente du véhicule sans l’autorisation de son co-indivisaire, laquelle n’est au demeurant pas demandée par M. [N], il y a lieu de retenir, à l’actif de l’indivision, le prix de revente du véhicule, soit 15 000 euros, les droits de M. [N] sur cet actif devant alors être fixés à 5 058 euros (15 000 euros x 33,72 %).
S’agissant de l’indemnité d’occupation de ce véhicule, le chef de jugement est critiqué par les deux parties, M. [N] en ce qu’une décote de 30 % est appliquée, l’appelante faisant valoir que la jouissance du véhicule lui a été accordée par le juge conciliateur à la seule charge d’avoir à en supporter le crédit et que le calcul opéré en première instance aboutit à ce que M. [N] perçoive une indemnité d’occupation disproportionnée par rapport à sa valeur.
Selon l’article 815-9 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
En l’espèce, Mme [F] ne démontrant pas de convention contraire, elle est redevable d’une indemnité d’occupation depuis le 5 juillet 2010, date de l’ordonnance de non conciliation lui accordant la jouissance du véhicule et jusqu’au 22 septembre 2016, date de sa sortie du patrimoine indivis, soit 74 mois.
Si M. [N] soutient que la valeur locative moyenne du véhicule serait de 911 euros par mois, compte tenu de ses options, l’annonce qu’il produit à l’appui de son estimation concerne un véhicule neuf sur une location de cinq ans assortie d’une prestation de maintenance alors que le véhicule en cause était ancien de 34 mois au début de la jouissance exclusive par Mme [F], de neuf ans lors de la revente, et que Mme [F] n’a pas bénéficié de prestation de maintenance.
En tenant compte de ces éléments, et de la dépréciation de la valeur des véhicules les premières années, à plus forte raison concernant les véhicules de luxe, la valeur locative mensuelle du véhicule doit être fixée à 150 euros, Mme [F] est donc redevable à l’indivision de 11 100 euros au titre d’une indemnité d’occupation du véhicule (250 euros x 74 mois).
Les droits de M. [N] étant limités à 33,72 % sur ce bien, sa part de cet actif indivis s’élève à 3742,92 euros.
A propos des couverts [Localité 12], les parties conviennent, ce qui est corroboré par les pièces produites aux débats, qu’ils ont reçu en cadeau de mariage et complété eux-mêmes une ménagère composée de 12 fourchettes, 12 couteaux, 12 cuillères de table et 12 cuillères à café Hermès, facturée 2 628 euros. Cette ménagère est ainsi un bien indivis, dès lors que Mme [F] ne démontre pas que ce présent d’usage, quand bien même il était offert par ses proches, lui était destiné plutôt qu’au couple. Mme [F] est toujours en possession de ces couverts.
Mme [F] en sollicite le partage en nature, à défaut l’attribution à M. [N] pour la somme de 350 euros, correspondant à la moitié de sa valeur telle qu’estimée le 24 juin 2021 par Mme [W], commissaire priseur et gemnologue.
M. [N] refuse un partage en nature et conteste la validité de cette estimation comme n’étant pas signée.
Il est relevé que si la première estimation de Mme [W] produite par Mme [F] n’était pas signée, elle en produit ensuite un exemplaire signé et précisant les diplômes de son auteur (pièce 84). Considérant que M. [N] refuse le partage en nature, sans pour autant proposer d’estimation alternative, la valeur de l’ensemble de ces couverts, indiquée par cette estimation, soit 700 euros doit être retenue.
Ces couverts seront par conséquent repris à l’actif indivis pour une valeur de 700 euros. M. [N] étant créancier de la valeur de sa part sur ce bien indivis, soit la moitié, tandis que Mme [F] demeurant en possession de la totalité du bien, est pour sa part débitrice de 350 euros envers l’indivision.
En ce qui concerne le chèque de 6 098 euros dont M. [N] revendique la moitié pour avoir été encaissé par Mme [F] alors qu’il s’agirait d’un bien indivis, il est observé que, si le débit 18 janvier 2008 d’un chèque de 6 098 euros apparaît sur le relevé de compte de la mère de M. [N] commenté d’une mention manuscrite indiquant qu’il s’agirait d’un cadeau de mariage, ce qu’atteste cette dernière, précisant l’avoir remis au couple le jour du mariage, il n’est pas démontré que ce chèque ait été encaissé par l’un ou l’autre des époux, ni qu’il s’agissait effectivement d’un cadeau de mariage alors qu’il est débité plus de six mois après celui-ci.
C’est donc justement que le premier juge a dit que ce chèque ne pouvait pas être retenu comme élément actif de l’indivision.
Concernant les montres, il est rappelé que selon l’article 1404 du code civil, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel, les créances et pensions incessibles et plus généralement tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne sont considérés comme propres par nature.
Les cadeaux d’usage sont également des biens propres.
Mme [F] soutient qu’il s’agit de biens propres, ces montres étant des cadeaux de [D] et d’anniversaire (étant née un 15 avril) qu’elle s’est offerts elle-même. Elle produit des factures à son nom, ainsi que des copies avec la mention ‘duplicata conforme à l’original’, le tampon et la signature du joaillier et son relevé de compte bancaire auquel apparaît le débit du paiement de la montre [R].
M. [N] soutient avoir partiellement payé ces montres par chèques et produit des factures aux noms de ‘M. et Mme [N]’, en affirmant qu’elles constituent des biens indivis.
Compte tenu des contradictions existant entre les déclarations des parties et entre les pièces qu’ils produisent, il y a lieu de considérer que ces montres, féminines, sont des effets personnels de Mme [F] et qu’à supposer que M. [N] ait contribué à leur financement, c’est au titre de cadeaux d’usage, leur prix n’étant au demeurant pas disproportionné au train de vie du couple dont les revenus annuels s’élevaient à plus de 150 000 euros.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il qualifie ces montres de biens indivis.
S’agissant de la chaîne hi-fi, le premier juge a constaté que M. [N] ne démontrait pas qu’elle serait entre les mains de Mme [F] et précisé que la facture était au nom de Mme'[F]. En cause d’appel, M. [N] ne produit pas davantage de preuve de la possession de cet objet par Mme [F].
Enfin, M. [N] demande, à défaut de restitution, la fixation d’une créance à son profit en récompense de divers biens qu’il démontre avoir payés et qu’il dit avoir été conservés par Mme [F] (vaisselle, poubelle, boîtes plastiques, portant à vêtements, étagères) ; cependant, dès lors qu’il ne démontre pas ce dernier point, le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il le déboute de ces demandes.
2. Créances entre époux
2.1. Impôts sur le revenu des années 2008, 2009 et 2010
Mme [F] propose une répartition au prorata des revenus de chacun calculés sur l’imposition globale du couple et produit un document de son comptable retraçant les paiements qu’elle a effectués.
M. [N] sollicite une répartition au prorata du montant de l’impôt qu’aurait payé chacun s’il n’avait pas été marié et produit notamment des documents de simulations actualisés effectuées sur le portail de l’administration fiscale.
Selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie d’alléguer et de démontrer les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Selon l’article 1536 du code civil, chacun des époux séparés de biens reste seul tenu des dettes nées de sa personne, avant ou pendant le mariage, hors le cas de l’article 220. Aux termes de l’article 1543 du code civil imposant que celui qui s’est acquitté d’une dette personnelle de son conjoint peut exercer une créance à son encontre.
Il est constant que l’impôt sur le revenu constitue la charge directe des revenus personnels d’un époux, étrangère aux besoins de la vie familiale, et ne figure pas au nombre des charges du mariage auxquelles les deux époux doivent contribuer.
Chaque époux doit donc y contribuer en fonction des revenus qu’il a perçus. La contribution des époux séparés de biens à la dette fiscale, qui ne constitue pas une charge du mariage, est déterminée au prorata de l’impôt dont ils auraient été redevables s’ils avaient fait l’objet d’une imposition séparée.
En l’espèce, les enfants du couple sont nés en 2007 et 2009, seules les simulations de calcul de l’impôt à partir des revenus de chacun partant d’un nombre de parts fiscales de 1,5 pour l’année 2008 et 2 pour les années 2009 et 2010 peuvent être retenues.
Il est précisé que la méthode de calcul de Mme [F] ne peut être appliquée car elle revient à faire peser sur M. [N], au prorata de ses revenus sur ceux du couple, un taux d’imposition qui n’aurait pas été le sien s’il avait déclaré ses revenus séparément.
Les simulations d’imposition séparées appliquées à la situation de Mme [F] que M. [N] produit doivent également être écartées comme se fondant non sur le seul revenu imposable mais sur la totalité des revenus de Mme [F].
En conséquence, il y a lieu d’établir le compte entre les parties à partir des seules simulations d’imposition séparée de M. [N] et des sommes effectivement payées par chacun.
M. [N] justifie devant la cour que, s’il avait été célibataire avec ses enfants à charge, il aurait été débiteur, au titre des impôts dus sur ses revenus, de :
– 2 633 euros pour l’année 2008 (pour 1,5 part fiscale, (pièce 46), et non 1 293 euros pour 2 parts fiscales),
-1 890 euros pour l’année 2009 (pour 2 parts fiscales (pièce 47),et non 1 259 euros pour 3 parts fiscales),
-zéro euro pour la période d’imposition commune de l’année 2010 (pièce 31/5),
soit au total : 4 523 euros.
Mme [F] démontre, par la production de ses relevés bancaires, avoir réglé la totalité des impôts sur les revenus du couple pour les années 2008 (49 273 euros) et 2009 (49 086 euros), outre 43700 euros au titre de l’année 2010, sur 44812 euros dus pour la période d’imposition commune.
M. [N] démontre avoir payé, par chèque tiré le 10 septembre 2011, 1 112 euros au titre de l’imposition commune pour 2010. En revanche, il ne démontre pas que les chèques de 2 150 et 3 800 euros aient été encaissés par l’administration fiscale ou par Mme [F] au titre d’un remboursement d’impôts. De même, il ne démontre pas que le dégrèvement de 16 112 euros perçu en décembre 2011 sur les impôts de l’année 2010 concernait la période d’imposition commune ou ait été perçu par Mme [F].
M. [N] doit donc à Mme [F] la différence entre la somme dont il était personnellement redevable (4 523 euros) et ce qu’il a payé (1 112 euros), soit 3 411 euros, Mme'[F] démontrant avoir réglé l’ensemble des impôts du couple restant.
2.2 Travaux d’amélioration effectués par M. [N] sur l’immeuble personnel de Mme [F]
Aux termes de l’article 1543 du code civil celui qui s’est acquitté d’une dette personnelle de son conjoint peut exercer une créance à son encontre et l’article 1479 du même code précise que les créances personnelles que les époux ont à exercer l’un contre l’autre ne donnent pas lieu à prélèvement et ne portent intérêt que du jour de la sommation. Sauf convention contraire des parties, elles sont évaluées selon les règles de l’article 1469, troisième alinéa, dans les cas prévus par celui-ci ; les intérêts courent alors du jour de la liquidation.
En l’espèce, le contrat de mariage stipule que chaque époux est réputé s’être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage.
L’intimé sollicite le remboursement des frais qu’il a exposés pour l’amélioration du bien personnel de Mme [F]. Cette dernière soutient que ces frais ayant bénéficié à la famille relèvent des charges du mariage.
M. [N] produit des factures justifiant de dépenses au titre de travaux effectués sur l’immeuble de Mme [F] en 2007 et 2008 (isolation partielle, aménagement d’une salle de bain) pour la somme totale de 3 218,28 euros. Cet immeuble, situé [Adresse 1], était alors le domicile familial. Il se déduit du montant et de la nature des travaux qu’il s’agissait de dépenses d’entretien et d’aménagement pour le confort de l’installation de la famille. En outre, le montant de ces dépenses n’était pas disproportionné avec les revenus de M. [N] sur la même période, le budget du ménage étant par ailleurs allégé par la mise à disposition du logement par Mme [F]. Ces dépenses entrent donc dans le champ des contributions aux charges du mariage et ne peuvent fonder de créance au bénéfice de M. [N].
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2.3. Dépenses exposées en vue d’une construction: honoraires de l’architecte [A] et étude de sol
Aux termes de l’article 1406 alinéa 1 du code civil, forment des biens propres, sauf récompense s’il y a lieu, les biens acquis à titre d’accessoires d’un bien propre ainsi que les valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres. L’article 551 dispose de même que tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose appartient au propriétaire.
En l’espèce, il est constant que M. [N] a acquis en propre un terrain sis [Adresse 9].
Concernant les honoraires du cabinet d’architecte [A], M. [N] démontre avoir réglé la moitié de la facture correspondante, soit la somme de 4 784 euros.
Si la note d’honoraires du 4 juin 20210 est établie aux noms des deux époux, l’objet du marché est la ‘construction d’une maison individuelle [Adresse 8]’.
Le bien concerné par l’étude étant un bien propre de M. [N] et ses honoraires se rapportant à son seul patrimoine, il n’est pas fondé à en solliciter le remboursement pour moitié à Mme [F].
Le jugement entrepris, considérant à tort que ce projet concernait un bien propre de Mme [F] pour la condamner à en rembourser le coût exposé à M. [N], doit être infirmé de ce chef.
Par ailleurs, Mme [F] démontre avoir payé par chèque du 15 septembre 2009, débité le 23 juin 2009 sur son compte bancaire, la somme de 1 094,80 euros au profit de la société Arcadis et soutient que l’objet de la prestation était une étude de sol portant sur le terrain propre de M. [N] et ne pas pouvoir produire la facture détenue par M. [N].
M. [N] oppose la carence de Mme [F] dans l’administration de la preuve qu’il s’agit d’une facture concernant son terrain propre sis [Adresse 8] sans démentir formellement l’opération et il se déduit des échanges de mails produits par Mme [F] avec la société Arcadis que le domaine de compétence de cette société est l’étude de sol, que l’entreprise ne conteste pas l’adresse de la prestation commandée en 2009, soit sur la période à laquelle le couple projetait la construction d’une habitation sur le terrain de M. [N] sis [Adresse 8], ainsi qu’il ressort du paragraphe précédent.
Ces circonstances convainquent la cour du paiement par Mme [F] de l’étude de sol portant sur le terrain de M. [N] et de ce qu’elle détient en conséquence une créance à son encontre de 1 094,80 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
***
Conformément à l’usage, les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et il ne sera pas fait droit aux demandes formées au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour
dit que dans le dispositif du jugement du 30 novembre 2020, les mots
‘déboute Mme [F] de sa demande tendant à voir condamner M. [N] à lui payer la somme de 3 218,28 euros au titre des travaux financés sur l’immeuble personnel de Mme [F]’
sont remplacés par les mots :
‘déboute M. [N] de sa demande tendant à voir condamner Mme [F] à lui payer la somme de 3 218,28 euros au titre des travaux financés sur l’immeuble personnel de Mme [F]’,
confirme le jugement entrepris, ainsi rectifié, sauf en ce qu’il a:
-fixé l’actif indivis de la façon suivante :
– les couverts [Localité 12] pour un montant de 2 628 euros,
– la montre [E] pour un montant de 2 700 euros,
– la montre [R] pour un montant de 3 500 euros,
– l’indemnité d’occupation due par Mme [F] pour le véhicule indivis, pour un montant de 47 047 euros,
– le prix de vente du véhicule indivis vendu sans autorisation par Mme [F] pour un montant de 13 000 euros,
-fixé le passif indivis de la façon suivante : la créance de 3 500 euros de Mme [J] [F] à l’encontre de l’indivision au titre du prix de la montre [R],
-Fixé les droits des parties aux termes de la liquidation de l’indivision de la façon suivante’:
– les droits de M. [V] [N] sont égaux à 23 586,25 euros, sauf éventuelle soulte en cas d’attribution de biens indivis,
– Mme [J] [F] est redevable envers l’indivision de 14 758,25 euros, sauf éventuelle soulte en cas d’attribution de biens indivis,
– débouté Mme [F] de sa demande tendant à condamner M. [N] à lui payer la somme de 16 392 euros au titre de l’impôt sur le revenu des années 2008, 2009 et 2010,
– condamné Mme [F] à payer à M. [N] la somme de 4 784 euros au titre des honoraires d’architecte [A] ;
statuant de nouveau sur ces chefs,
fixe l’actif indivis de la façon suivante :
– le prix de vente du véhicule indivis pour un montant de 15 000 euros,
– l’indemnité d’occupation due par Mme [F] pour le véhicule indivis, pour un montant de 11 100 euros,
– les couverts [Localité 12] (conservés par Mme [F]) pour un montant de 700 euros ;
dit que la montre [E] et la montre [R] sont des biens propres de Mme [J] [F],
dit qu’il appartiendra au notaire de déterminer les droits des parties,
condamne M. [V] [N] à payer à Mme [J] [F] la somme de 3 411 euros au titre de l’impôt sur le revenu des années 2008, 2009 et 2010,
déboute M. [V] [N] de sa demande de condamnation de Mme [J] [F] à lui payer la somme de 4 784 euros au titre des honoraires d’architecte [A],
Y ajoutant,
fixe la date de jouissance divise au 12 octobre 2018,
déboute les parties de leurs demandes d’indemnités pour frais irrépétibles,
dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet