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COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
YW/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 21/02664 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E526
Ordonnance du 22 Novembre 2021
Juge de la mise en état d’Angers
n° d’inscription au RG de première instance 20/01076
ARRET DU 09 MAI 2023
APPELANTS :
FONDS DE DOTATION LASALLE ESAIP pris en la personne du président de son conseil d’administration
[Adresse 2]
[Localité 3]
ÉCOLE [4] prise en la personne de son Président du Directoire, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentés par Me Thierry GUYARD de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 20200325, et Me Benjamin JACOB, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. KARA TECHNOLOGY prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Alice ROUMESTANT substituant Me Philippe LANGLOIS et Me Vincent JAMOTEAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71220009
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 23 Janvier 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. WOLFF, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 09 mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Yohan WOLFF, conseiller, en remplacement de Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 6 avril 2017, le fonds de dotation Lasalle-Esaip (le fonds), agissant au nom et pour le compte de l’association Esaip, école d’ingénieurs (l’école), a conclu avec la société Kara Technology (la société) une convention de mécénat aux termes de laquelle cette dernière s’engageait notamment à payer à l’école la somme de 35 000 euros par an pendant une durée de trois ans.
Se plaignant de l’absence de règlement de cette somme, l’école et le fonds ont fait assigner la société devant le tribunal judiciaire d’Angers par acte d’huissier de justice du 18 juin 2020.
Par ordonnance du 22 novembre 2021, le juge de la mise en état, saisi par la société qui reprochait à l’école et au fonds de ne pas avoir respecté une phase préalable de conciliation, a :
Déclaré irrecevable l’action engagée par l’école et le fonds ;
Rejeté les demandes faites par les parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné l’école et le fonds aux dépens.
L’école et le fonds ont relevé appel de l’ensemble des chefs de cette ordonnance, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande formée par la société sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, par déclaration du 27 décembre 2021.
L’avis de fixation a été adressé le 26 octobre 2022, puis la clôture de l’instruction est intervenue le 14 décembre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 20 mai 2022, l’école et le fonds demandent à la cour :
De les déclarer recevables en leur action et d’infirmer l’ordonnance, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande faite par la société sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
De condamner la société à leur verser à chacun la somme de 5 000 euros sur le fondement de ce même article 700 ;
De la condamner également aux dépens dont distraction au profit de la société PDGB.
L’école et le fonds soutiennent que :
Le principe, selon lequel la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir, ne s’applique qu’aux clauses dont les conditions particulières de mise en ‘uvre sont suffisamment précisées, à l’exclusion des simples clauses de style, et seulement si les parties ont entendu explicitement se prévaloir de la clause. La jurisprudence de la Cour de cassation indique à cet égard que pour disposer d’un degré de précision suffisant, une clause de conciliation préalable doit prévoir au minimum les conditions de désignation du tiers conciliateur. En l’espèce, la clause litigieuse n’est pas suffisamment détaillée et ne peut qu’être qualifiée de clause de style, dès lors qu’elle est stipulée dans un article qui ne lui est pas dédié, qu’elle ne fait pas référence à une conciliation, qu’elle ne précise pas le point de départ de la phase préliminaire de conciliation, qu’elle ne précise en aucun cas le modus operandi, et qu’elle ne précise pas plus les modalités de désignation du tiers conciliateur.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société demande à la cour :
De confirmer l’ordonnance, sauf en ce qu’elle a rejeté sa demande faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
De condamner in solidum l’école et le fonds à lui verser la somme de 5 000 euros sur ce fondement ;
De les condamner in solidum aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La société soutient que :
Dès lors que la clause précise le mode de règlement amiable, le contexte d’intervention et un engagement effectif des parties d’y recourir obligatoirement et préalablement, elle constitue une clause de conciliation précise entraînant, à défaut d’avoir été respectée, l’irrecevabilité de l’action engagée. Tel est précisément le cas en l’espèce, où l’engagement des parties de recourir à une tentative de conciliation avant de saisir le juge ressort expressément de la clause. Cette clause ne saurait être qualifiée de clause de style, dès lors qu’elle ne stipule pas de manière générale et non obligatoire de recourir à n’importe quel mode de règlement amiable.
MOTIVATION
Il est constant qu’il résulte des articles 122 et 124 du code de procédure civile que, licite, la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent.
En l’espèce, la convention de mécénat litigieuse stipule, à son article 14 :
«En cas de litige, de différend ou de contestation relative à l’exécution de la présente convention, les parties s’obligent à une phase préliminaire de conciliation pendant une période de deux mois.
Au cas où aucune solution amiable ne pourrait intervenir en cours de la phase de conciliation précitée, les parties conviennent de soumettre tout litige pouvant survenir à l’occasion de l’interprétation et/ou de l’exécution de la présente convention aux juridictions compétentes.»
À cet égard, force est de constater tout d’abord que cette clause n’institue pas expressément une procédure mais une phase de conciliation. D’ailleurs, alors que l’article 1530 du code de procédure civile définit la conciliation conventionnelle comme tout processus structuré par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles, la clause litigieuse ne donne aucune indication aux parties sur la manière dont il conviendrait de procéder pour se concilier. Notamment, elle est muette sur des éléments aussi essentiels que l’identité du conciliateur et les modalités de sa saisine. La seule précision qu’elle apporte est relative à la durée de la phase de conciliation envisagée, ce qui n’a, en l’absence d’autre information sur le point de départ et l’organisation de cette phase, qu’une utilité limitée.
Dans ces conditions, qui ne permettent pas aux parties de la mettre en ‘uvre utilement, la clause ne peut être assimilée à une clause instituant une procédure de conciliation constituant une fin de non-recevoir qui s’impose au juge.
L’ordonnance sera donc infirmée et la fin de non-recevoir écartée.
Partie perdante, la société supportera les dépens de l’incident et de l’appel, avec distraction au profit de l’avocat de l’école et du fonds. De ce fait, et en application de l’article 700 du code de procédure civile, elle se trouve redevable vis-à-vis de l’école et du fonds d’une indemnité qu’il est équitable de fixer à 1 000 euros. Le rejet par le premier juge de la demande que la société a formée sur ce même fondement sera quant à lui confirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour :
INFIRME l’ordonnance en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande faite par la société Kara Technology sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit n’y avoir lieu de déclarer le fonds de dotation Lasalle-Esaip et l’association Esaip irrecevables ;
Condamne la société Kara Technology aux dépens de l’incident et de la procédure d’appel ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile à la société PDGB ;
Condamne la société Kara Technology à verser au fonds de dotation Lasalle-Esaip et à l’association Esaip la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE EMPECHEE
C. LEVEUF Y. WOLFF