Tentative de conciliation : 9 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/14266

·

·

Tentative de conciliation : 9 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/14266
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2023

N°2023/ 180

Rôle N° RG 19/14266 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE3PB

[K] [L]

C/

Association PRESENCE – ETABLISSEMENT IME [3]

Copie exécutoire délivrée

le :09/06/2023

à :

Me Clémence AUBRUN de la SELARL BREU-AUBRUN-GOMBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Séverine ARTIERES, avocat au barreau de MARSEILLE

POLE EMPLOI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 10 Juillet 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F18/00985.

APPELANT

Monsieur [K] [L], demeurant [Adresse 1]/FRANCE

représenté par Me Clémence AUBRUN de la SELARL BREU-AUBRUN-GOMBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et par Me Caroline MALAGA, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

Association PHAR, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Séverine ARTIERES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle de REVEL, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2023.

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [K] [L] a été engagé par l’association PHAR, intervenant en lieu et place de l’association Présence aux personnes handicapées intellectuelles, d’abord en qualité d’accompagnateur d’enfants, selon contrat à durée déterminée à temps partiel dans le cadre de la politique d’insertion dans l’emploi prenant effet à compter du 5 juillet 2009 jusqu’au 4 janvier 2010, plusieurs fois renouvelé jusqu’au 4 janvier 2011, puis en tant que chauffeur accompagnateur, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel à partir du 6 janvier 2012 avec reprise d’ancienneté au 5 janvier 2009.

Le 24 novembre 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 4 décembre suivant, avec mise à pied à titre conservatoire.

Le 15 décembre 2017, il s’est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Il a saisi le conseil de prud’hommes en contestation de son licenciement.

Par jugement du 10 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon a dit que le licenciement de M. [L] repose sur une faute grave et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et condamné aux dépens.

M. [L] a relevé appel de la décision le 9 septembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, M. [L] demande à la cour de :

INFIRMER le jugement de première instance rendu par le Conseil de Prud’hommes de Toulon le 10 juillet 2019 et, statuant de nouveau :

CONSTATER que l’ensemble des griefs invoqués à l’encontre de Monsieur [L] est infondé.

EN CONSEQUENCE,

DIRE ET JUGER le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur [L] dépourvu de toute faute grave et de toute cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER l’Association PHAR, intervenant au lieu et place de l’association Présence aux Personnes handicapées intellectuelles, à payer à Monsieur [L] les sommes suivantes :

– 3.385,96 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 338,59 € au titre des congés payés y afférents,

– 1.241,51 € à titre de rappel de salaire relatif à la mise à pied à titre conservatoire infondée,

– 124,15 € au titre des congés payés y afférents,

– 3.809,20 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 20.315,76 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER l’Association PHAR à délivrer à Monsieur [L] l’ensemble des bulletins de salaire ainsi que les documents sociaux (Attestation POLE EMPLOI, certificat de travail, et reçu pour solde de tout compte) rectifiés et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d’un mois suivant la notification de la décision à intervenir,

ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

FIXER les intérêts de droit et prononcer la capitalisation de ces mêmes intérêts, à compter de la demande en justice, pour les dommages et intérêts.

CONDAMNER l’association PHAR à Monsieur [L] la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et au paiement des sommes retenues par l’huissier instrumentaire dans l’hypothèse d’une exécution forcée de la décision en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 et ce, en sus des indemnités mises à sa charge au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.’

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, l’association PHAR demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

Il est demandé à la Cour de :

– CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Toulon le 10 juillet 2019 en toutes ses dispositions

– CONSTATER que le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] est parfaitement justifié ;

– CONSTATER que les griefs invoqués justifient la faute grave invoquée à l’appui du licenciement ;

En conséquence,

– DEBOUTER Monsieur [L] de l’ensemble de ses demandes et plus particulièrement :

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 20.315,76 euros bruts ;

– Indemnité légale de licenciement 3.809 ,20 euros nets ;

– Indemnité compensatrice de préavis 3.385,96 euros bruts ;

– Congés payés y afférant 338,59 euros bruts ;

– Rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire 1.241,51 € bruts ;

– Congés payés y afférant 124,15 € bruts ;

– Ordonner la délivrance des bulletins de salaire et documents sociaux rectifiés, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d’un mois suivant la notification de la décision à intervenir ;

A TITRE SUBISIDIAIRE

Il est demandé à la Cour de :

– CONSTATER que le licenciement de Monsieur [L] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– DEBOUTER Monsieur [L] des demandes suivantes :

o Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 20.315,76 euros bruts ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

Il est demandé à la Cour de :

– CONSTATER le montant manifestement excessif des demandes de Monsieur [L] ;

En conséquence,

– CONSTATER l’absence de préjudice

– DEBOUTER Monsieur [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée à hauteur de 20.315,76 €

bruts ;

– MINIMISER FORTEMENT le montant éventuellement alloué à titre de dommages et intérêts de ce chef en application de l’article L1235-3 du Code du travail ;

– N’ALLOUER tout au plus que 5.000 euros bruts au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

EN TOUT ETAT DE CAUSE

– DEBOUTER Monsieur [L] de sa demande relative au versement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du CPC

– CONDAMNER Monsieur [L] à verser à l’Association la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile’.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement pour faute grave

moyens des parties’:

M. [L] soutient que son licenciement ne repose pas sur une faute grave et est sans cause réelle et sérieuse aux motifs que les manquements allégués dans la lettre de licenciement sont infondés et non vérifiés; que les allégations de la jeune [U] âgée de 10 ans, quant au comportement inadapté et répréhensible – des attouchements sexuels – qu’il aurait eu à son encontre, dont elle a fait état lors de son entretien psychologique, n’ont jamais été évoqués par d’autres mineurs ou leurs représentants légaux alors qu’elle déclarait qu’elle était en présence d’autres enfants ; que le reproche consistant à avoir ‘traité’ [U] de ‘gros bébé’, n’est pas plus établi et il ne s’agit pas d’une humiliation justifiant son licenciement ; qu’alors qu’elle a dénoncé des faits anciens et qu’elle rencontre régulièrement des psychologues, aucun comportement inquiétant, anxieux ou stigmate, n’a été détecté la concernant ; que les faits reprochés ne reposent que sur les révélations de la jeune fille auprès d’un psychologue de la structure ; que de nombreuses contradictions émaillent le discours de l’enfant notamment sur la possibilité que de tels actes aient pu se produire en présence d’enfants dans le véhicule ; que les autres enfants n’ont pas été entendus par l’employeur ; que la procédure pénale initiée à la suite du signalement effectué par son employeur n’a pas donné lieu à des poursuites à son encontre et qu’une ordonnance de non lieu a été rendue ; qu’il n’a fait l’objet d’aucune sanction ni remarque d’aucune sorte dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail et qu’il était très apprécié du personnel de l’association, du corps enseignant et des parents des enfants qu’il prenait en charge comme en témoignent les attestations qu’il produit.

L’association PHAR soutient qu’elle était bien fondée à procéder au licenciement pour faute grave de M. [L] aux motifs que celui-ci a eu un comportement inadmissible à l’encontre de la jeune [U] ; que les faits d’attouchement sont parfaitement établis dès lors que le 24 novembre 2017, le salarié a récupéré [U] dans le cadre de sa tournée pour la conduire au SESSAD [3] pour son rendez-vous avec le psychologue auquel elle a révélé qu’il avait glissé à plusieurs reprises sa main entre ses cuisses et lui avait touché le sexe; qu’elle a indiqué qu’il avait pris l’habitude de lui demander de s’asseoir à côté de lui sur le siège passager du véhicule; qu’elle a réitéré ses propos devant le psychiatre et la chef de service ; que la matérialité des propos humiliants tenus par M. [L] à [U] est également établie, celui-ci ayant pris l’habitude de la traiter de gros bébé devant ses camarades en se moquant de ses difficultés à s’exprimer; que le classement sans suite et l’ordonnance de non lieu ne font pas obstacle au licenciement et n’ont aucune incidence sur la procédure prud’homale en cours ne s’agissant pas de décisions définitives statuant sur le fond de l’action publique.

L’association soutient à titre subsidiaire que les faits doivent être sanctionnés par un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

réponse de la cour’:

Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l’employeur, le salarié n’ayant rien à prouver.

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement adressée le 15 décembre 2017 est libellée comme suit :

«Monsieur,

En dépit des explications fournies, nous avons pris la décision de vous notifier votre licenciement pour faute grave, et ce, pour les motifs, ci-après exposés.

Vous exercez les fonctions de Chauffeur-Accompagnateur au sein de notre Association et êtes salarié de notre structure depuis le 5 janvier 2009. Au titre de vos fonctions, vous vous devez de respecter des règles strictes de transport, et ce, afin d’assurer la sécurité des enfants ainsi que de faire preuve d’un comportement adapté et bien traitant à l’égard des enfants que vous transportez.

Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements d’une particulière gravité rendant impossible le maintien de votre contrat de travail.

Le 24 novembre 2017, dans le cadre de votre tournée, vous avez récupéré [U] [D], 10 ans, afin de la conduire au SESSAD [3] pour son rendez-vous avec la psychologue. Lors de cet entretien avec la psychologue, [U] a révélé que vous aviez eu des gestes plus qu’inconvenants à son encontre, à savoir que vous aviez glissé à plusieurs reprises votre main entre ses cuisses et lui avez touché le sexe. Pour ce faire, vous aviez pris l’habitude de demander à [U] de s’asseoir sur le siège avant passager du véhicule. De plus, la jeune [U] a fait part d’humiliations récurrentes à son encontre de votre part. A titre d’illustration, vous aviez pris l’habitude de la traiter de « gros bébé » devant ses camarades en vous moquant de ses difficultés pour s’exprimer. Or, au titre de vos fonctions, vous vous devez de prendre part à l’intégration socio-éducative des enfants par des pratiques d’accompagnement bien-traitantes. Néanmoins, ce faisant, vous adoptez un comportement contraire aux principes institutionnels de notre structure ainsi qu’à l’objectif d’agir dans l’intérêt de l’enfant et de sa prise en

charge. La jeune [U] a été reçue tour à tour par le psychologue, la Chef de service ainsi que le Psychiatre. Tous conviennent qu’il y a matière à faire un signalement auprès des 7autorités, chose que nous avons faite, et que l’enfant n’a aucune tendance à l’affabulation.

Lors de l’entretien préalable, vous n’avez jamais nié les faits sans pour autant les reconnaître, répondant souvent à côté de la question posée. Dans ces circonstances, il nous est impossible de vous maintenir au sein de l’Association et nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.’

La cour relève que M. [L] a été engagé en qualité de chauffeur accompagnateur au sein de l’association et que ses tâches consistaient à assurer, en respectant les règles de sécurité, l’accompagnement des enfants entre le domicile, l’école, et les autres lieux de vie et le SESSAD, qu’il contribue au lien entre le service et la famille de l’enfant ainsi qu’entre le service et les partenaires extérieurs, en particulier l’école ; qu’il devait notamment ‘accueillir l’enfant avec un regard et une attention bienveillante’.

Pour justifier de la faute grave, l’employeur produit les pièces suivantes:

– le compte rendu de l’entretien du 24 novembre 2017 entre M. [V], psychologue, et [U], consistant à lister les propos tenus par l’enfant : ‘j’ai envie de changer de taxi. J’aime pas, il me fait des blagues, ca fait même pas rire. Il me dit que je suis moche ou qu’il va me jeter dans la mer, que je vais me noyer, je sais même pas nager. Quand je suis devant dans le taxi, il me touche entre les jambes. J’aime pas, je le repousse, en plus, il me dit les hommes doivent pas me faire ça mais lui il le fait. C’est pour ça je ne comprends pas. Ca fait longtemps que j’essaie de comprendre pourquoi il fait ça quand j’étais devant; j’aime pas aller devant. Quand je suis devant, je serre les jambes mais ca fait mal, du coup je me relâche et là il met sa main quand je regarde pas, je le sens quand il touche mon corps. Moi je veux changer de taxi. Il le faisait déjà quand il y avait [P], et là aussi avec [A] ou d’autres- quand ils sont à l’arrière et qu’ils regardent par la fenêtre ou qu’ils jouent c’est là qu’il met sa main. C’est difficile à dire. Je savais pas comment faire. Je suis jamais allée dans le bureau de [H] [N] donc j’avais un peu peur et puis je veux pas dire devant les autres (enfants). (…)’ Le psychologue ajoute qu’il a demandé à l’enfant de lui montrer où il met précisément sa main et qu’elle a posé sa main sur son sexe. Il conclut que les propos de l’enfant, au regard de son profil, de ses capacités de verbalisation et d’élaboration ainsi que les détails fournis semblent selon lui justifier un signalement;

– le compte rendu de l’enfant avec la chef de service suite aux révélations susvisées : elle explique que le 24 novembre, dans le cadre de sa tournée, M. [L] a récupéré [U] à l’école et l’a conduite à son entretien avec le psychologue à 13h30 auquel elle a fait état des faits; qu’elle même a recueilli les propos de l’enfant dans les termes suivants : ‘[U] m’a dit que [K] me touche la main, il me touche entre les jambes et a rajouté : il prend ma main pour me la mettre sur mes seins. J’ai demandé à [U] si [K] avait touché son sexe, elle m’a répondu c’est quoi le sexe’ Je lui ai demandé si je pouvais touché son corps pour lui montrer ce que cela signifiait, elle m’a répondu oui, j’ai commencé par nommer et toucher le ventre, le nombril, le sexe. Lorsque j’ai mis ma main sur son sexe, [U] a fait la moue en clignant la tête sur le côté sans verbaliser de réponse affirmative ou négative. A la question, ca s’est passé quand’ Ca s’est passé plusieurs fois les lundis et vendredis. L’enfant a ajouté que [K] disait qu’on a un gros bébé dans la voiture, et qu’aujourd’hui, il lui avait encore dit;

– le rapport médical du docteur [W], pédopsychiatre, à propos d'[U] née le 25 avril 2007 : elle indique avoir rencontré l’enfant le 24 novembre et le 1er décembre 2017, suite aux révélations faites par celle-ci; qu'[U] a réitéré ses propos concernant le chauffeur ‘pourquoi il me touche entre les jambes et dit que les autres garçons ne doivent pas le faire. Pourquoi lui il le fait”, l’enfant lui a dit ne pas avoir parlé à sa mère ni à quiconque; mais sa mère (vue en entretien le 28 novembre 2017) confie qu’il y a deux ans, sa fille lui a dit que le chauffeur la touchait entre les cuisses; le docteur [W] conclut qu'[U] ne manifeste pas de tendance à la fabulation, que la tonalité de l’entretien est sérieux; qu’il s’agissait pour l’enfant de témoigner d’un dérangement profond qui parfois l’empêchait d’être disponible pour travailler avec le soulagement que cela ne se reproduise plus;

– le signalement fait le 27 novembre 2017 par l’association au Parquet du tribunal judiciaire de Toulon, et à la cellule de recueil des informations préoccupantes (interne) et indiquant que l’agence régionale de santé était informée de la situation;

De son côté, l’appelant produit plus d’une quinzaine d’attestations émanant de parents d’enfants qu’il a pris en charge (Mme [S], Mme [J], ), de professionnels (Mme [Y], orthophoniste, Mme [E] ancienne directrice, Mme [G],) sur ses qualités professionnelles, son sérieux et sa bienveillance et sur l’attachement que les enfants lui portaient.

La cour relève que n’est pas produite au dossier l’ordonnance de non lieu évoquée dans les conclusions des parties, ni aucune pièce de la procédure d’instruction qui aurait été menée, en tout état de cause, postérieurement au licenciement querellé.

Seule la retranscription des propos de l’enfant par le psychologue sous forme d’un listing est présente au dossier de l’association, outre un compte rendu d’un psychiatre nommé ‘rapport médical’ sans qu’il ne s’agisse d’un rapport d’expertise, et celui de la chef de service de l’association qui a questionné l’enfant.

Aucune enquête sérieuse consistant notamment en des auditions d’enfants présents lors des tournées de M. [L], ou des personnes travaillant ou ayant été en contact avec lui, et soumise aux observations contradictoires des parties, n’a été menée par l’employeur, qui permettrait à la cour d’en apprécier la valeur probante.

En cet état, sans remettre en cause la parole de la petite [U], la cour estime que de simples déclarations réitérées en des termes quasi identiques devant trois interlocuteurs appartenant à une même structure dans un même laps de temps, ne sauraient suffire à établir la matérialité des faits reprochés à M. [L] et qu’un doute subsiste quant à leur réalité.

Par conséquent, le licenciement pour faute grave est ainsi privé de cause réelle et sérieuse et le jugement est infirmé.

Sur les conséquences financières du licenciement

– Il convient de condamner l’association PHAR au paiement de la somme de 3 385,96 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 338,59 euros à titre de congés payés afférents, non autrement contestées.

– L’association PHAR est également condamnée à verser au salarié l’indemnité légale de licenciement réclamée à hauteur de 3809,20 euros.

– Selon l’article L. 1235-3 al. 2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1397 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et si l’une des parties refuse la réintégration du salarié, le juge octroie une indemnité la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans les tableaux prévus par ce texte. Le tableau applicable est fonction de l’effectif de l’entreprise.

Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, en prenant en compte l’ancienneté de 8 ans et 11 mois du salarié, sa rémunération moyenne mensuelle de 1692,98 euros, son préjudice causé par ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, au salarié âgé de 53 ans au moment du licenciement qui justifie avoir effectué une reconversion en s’inscrivant en qualité d’auto-entrepreneur dans le secteur du conseil aux entreprises en avril 2019, il convient de lui allouer la somme de 12 000 euros en réparation de ce préjudice.

Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il convient de faire droit à la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire du 24 novembre au 15 décembre 2017 qui n’était pas justifiée et de condamner l’association PHAR à payer à M. [L] la somme de 1 241,51 euros, outre 124,15 euros non autrement contestée.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Le licenciement ne résultant pas d’une cause réelle et sérieuse il conviendra en conséquence de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail et d’ordonner le remboursement par l’employeur, qui emploie plus de onze salariés, des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de UN mois d’indemnités de chômage.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner à l’employeur de remettre au salarié les bulletins de salaire et les documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans qu’il soit besoin de prononcer une mesure d’astreinte.

Les sommes allouées à titre de salaires porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur (présentation de la lettre recommandée) à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 24 septembre 2018.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil

La présente juridiction ne peut pas se prononcer sur le sort des frais de l’exécution forcée, lesquels sont régis par l’article L. 111-8 au code des procédures civiles d’exécution et soumis, en cas de contestation, au juge de l’exécution. L’appelant sera en conséquence débouté de sa demande de ce chef.

En cause d’appel, aucune exécution provisoire ne peut être ordonnée.

L’association PHAR succombant au principal doit s’acquitter des dépens de première instance et d’appel, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et doit payer à ce titre, la somme de 2 000 euros, à l’appelant.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et Y ajoutant:

DIT que le licenciement de M. [K] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l’association PHAR, intervenant au lieu et place de l’association Présence aux personnes handicapées intellectuelles, à payer à M. [K] [L] les sommes suivantes :

– 3 385,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 338,59 euros à titre de congés payés afférents,

– 3 809,20 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 241,51 euros à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire,

– 124,15 euros à titre de congés payés afférents,

– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que les sommes allouées à titre de salaires portent intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2018,

DIT que les sommes allouées à titre indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

ORDONNE à l’association PHAR de remettre à M. [K] [L] les bulletins de salaire et les documents de fin de contrat conformes à la présente décision,

DIT n’y avoir lieu à astreinte,

ORDONNE le remboursement par l’association PHAR à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite d’un mois de salaire,

DIT qu’à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi , par le greffe,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE l’association PHAR aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x