Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 08 SEPTEMBRE 2023
N° 2023/245
Rôle N° RG 19/19301 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKC4
[C] [G]
C/
SAS CARREFOUR HYPERMARCHES
Copie exécutoire délivrée
le : 08 septembre 2023
à :
Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 120)
Me Nicolas DRUJON D’ASTROS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 4)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AIX EN PROVENCE en date du 02 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/00390.
APPELANT
Monsieur [C] [G], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Barbara SOUDER-VIGNEAU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS CARREFOUR HYPERMARCHES agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Nicolas DRUJON D’ASTROS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2023
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [C] [G] a été embauché par la société CARREFOUR HYPERMARCHE par contrat à durée indéterminée le 26 septembre 1994 en qualité de vendeur avec reprise d’ancienneté au 26 juin 1994.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
L’entreprise occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Le 18 août 2014, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude du salarié dans ces termes : ‘Inapte à tous postes dans l’entreprise. Pas de proposition de reclassement faite ce jour au vu de l’état de santé du salarié’.
Par courrier du 20 septembre 2014, Monsieur [G] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement prévu le 30 septembre 2014.
Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 9 octobre 2014, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Monsieur [G] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 21 avril 2015, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence pour déclarer son licenciement nul ou à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Le conseil de prud’hommes s’est déclaré en partage de voix par procès-verbal du 19 septembre 2017.
Par jugement du 2 décembre 2019 notifié le 9 décembre 2019, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, en sa formation de départage, a ainsi statué :
– dit et juge le licenciement de Monsieur [G] [C] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– le déboute de ses demandes indemnitaires au titre d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
– condamne la société CARREFOUR HYPERMARCHE à payer à Monsieur [G] les sommes suivantes :
– 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement fautif de l’employeur, avec intérêts an taux légal à compter du présent jugement,
– 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,
– rejette toute autre demande,
– condamne la société CARREFOUR HYPERMARCHE aux dépens.
Par déclaration du 18 décembre 2019 notifiée par voie électronique, Monsieur [G] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle l’a débouté de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par conclusions déposées le 15 avril 2020, la société CARREFOUR HYPERMARCHE a interjeté appel incident de certains chefs du jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 10 mars 2022, Monsieur [C] [G], appelant, demande à la cour de :
– réformer purement et simplement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence le 2 décembre 2019 en ce qu’il a considéré ne pas devoir faire application des dispositions afférentes aux accidentés du travail et l’a de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail,
– juger que son licenciement est nul, ou à défaut, dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHE SAS à payer les sommes suivantes :
– 90 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– 21 495,48 euros nets à titre de rappel d’indemnité spéciale de licenciement,
– 8 588,28 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 858,82 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 2 401,02 euros bruts à titre de rappel de salaire à compter du 19 septembre 2014,
– 240,10 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire,
– 856,53 euros bruts à titre de rappel de salaire indument déduit du mois d’octobre 2014,
– 85,65 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire,
– 2 539,54 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– ordonner la remise des bulletins de paie et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard et par document,
– ordonner la remise du certificat de travail rectifié sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard,
– juger que la cour se réserve le droit de liquider l’astreinte,
– ordonner les intérêts de droit à compter de la demande,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 862,76 euros brut,
– condamner la société intimée à payer la somme de 3 000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens,
– la débouter de sa demande d’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de son recours, l’appelant soutient que son employeur avait parfaitement connaissance de l’origine professionnelle de son inaptitude et devait faire application des dispositions protectrices des salariés victimes d’un accident du travail, qu’à défaut de consultation des délégués du personnel, son licenciement est nul.
Il fait valoir également que la société a violé son obligation de reclassement, rendant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il ajoute que son inaptitude est due au comportement fautif de l’employeur ce qui rend le licenciement encore dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il fait valoir enfin que son employeur aurait dû reprendre le paiement du salaire à compter du 19 septembre 2014, ce qui n’a pas été fait, et qu’il lui a par ailleurs indument déduit en octobre 2014 la somme de 856,53 euros bruts au titre de sa sortie de l’entreprise.
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 11 avril 2022, la société CARREFOUR HYPERMARCHE, relevant appel incident, demande à la cour de :
– confirmer le jugement de départage rendu le 2 décembre 2019 par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence en ce qu’il a considéré qu’il n’y avait pas lieu à faire application de la législation des accidentés du travail et qu’il a débouté Monsieur [G] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires au titre d’un licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement de départage rendu le 2 décembre 2019 par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence en ce qu’il a débouté Monsieur [G] de l’ensemble de ses demandes de rappels de salaire,
par conséquent :
– débouter Monsieur [G] de sa demande de condamnation au paiement des sommes suivantes :
– 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à défaut, dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– 21 495,48 euros à titre de rappel d’indemnité spéciale de licenciement,
– 8 588,28 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 858,82 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés sur préavis,
– 2 539,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 2 401,02 euros à titre de rappels de salaires à compter du 19 septembre 2014,
– 240,10 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappels de salaires,
– 856,53 euros à titre de rappel de salaire indûment déduit du mois d’octobre 2014,
– 85,65 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire,
– débouter Monsieur [G] de ses demandes relatives à la remise de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte,
– le débouter de ses demandes au titre des intérêts de droit et capitalisation,
– infirmer le jugement de départage rendu le 2 décembre 2019 par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence en ce qu’il a condamné la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES au paiement de la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement fautif,
– infirmer le jugement de départage rendu le 2 décembre 2019 par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence en ce qu’il a condamné la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES au paiement de la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau :
– débouter Monsieur [G] de sa demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
– débouter Monsieur [G] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
reconventionnellement :
– condamner Monsieur [G] au paiement d’une somme de 3 000,00 euros en application de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Monsieur [G] au paiement des entiers dépens.
L’intimée réplique que :
– Monsieur [G] ne rapporte pas la preuve d’un lien direct ou indirect entre l’accident du travail intervenu le 16 février 2011 et l’inaptitude retenue le 18 août 2014 ;
– elle n’a pas eu la possibilité matérielle de connaître, ni même de soupçonner, que les arrêts maladie du salarié à compter du 23 avril 2012 pouvaient avoir un rapport avec l’accident du travail du 16 février 2011, dès lors qu’entre temps s’étaient succédés une reprise du travail à temps plein et une suite d’arrêts maladie ordinaire ;
– c’est donc à juste titre que les délégués du personnel n’ont pas été consultés s’agissant du reclassement de Monsieur [G] à l’issue de son inaptitude pour maladie ou accident non professionnel ;
– l’obligation de recherche de reclassement pour Monsieur [G] a parfaitement été respectée ;
– le manquement ponctuel relatif à l’emploi du temps de Monsieur [G] intervenu en avril 2012 n’est pas à l’origine de l’inaptitude au poste de travail constaté par avis le 18 août 2014 ;
– les demandes de rappel de salaire sont injustifiées.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 24 avril 2023, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 24 mai suivant.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le périmètre de la déclaration d’appel et de la saisine de la cour d’appel :
Aux termes des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile dans leur version applicable, ‘l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible’.
Seul l’acte d’appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement, dès lors que l’acte ne mentionne pas, explicitement ou implicitement les chefs de jugement critiqués et qu’il n’est pas justifié de la régularisation de la déclaration d’appel dans les délais pour conclure, l’effet dévolutif n’a pu jouer.
La cour relève que Monsieur [G] n’évoque pas, dans sa déclaration d’appel, comme chefs du jugement critiqués le débouté des demandes de rappel de salaire.
La cour n’est donc pas saisie de ces dispositions.
Sur le respect des préconisations médicales du 22 mars 2012 :
La société intimée reproche au jugement déféré de l’avoir condamnée à payer à Monsieur [G] la somme de 5 000,00 euros au titre du non-respect de son obligation de sécurité.
En l’espèce, le 22 mars 2012, le médecin du travail a déclaré Monsieur [G] apte à son poste dans ces termes : ‘Apte au poste avec les restrictions suivantes temporaires permettant les soins nécessaires :
– Eviter manutention.
– Lundi, mardi, vendredi, pas après 14h30.
– Nocturne possible le mercredi.
– Favoriser samedi 10h00-16h00,
donc six jours, à revoir dans un mois.’
Le salarié verse aux débats ses plannings de travail édités le 3 avril 2012 concernant la période du 16 avril au 5 mai 2012 dont il résulte que l’employeur ne respecte pas les horaires de travail préconisés par le médecin du travail.
En réponse, la société CARREFOUR HYPERMARCHES invoque un manquement ponctuel limité à la période du 16 au 21 avril 2012, le salarié ayant été placé en arrêt de travail à compter du 23 avril 2012. Elle ne produit aucun planning concernant la période antérieure au 16 avril 2012 précisant ne pas les avoir conservés.
Il n’est pas discutable au regard de ces éléments que l’employeur a méconnu les préconisations du médecin du travail émises le 22 mars 2012 en ne mettant pas en place les horaires recommandés permettant au salarié de suivre ses soins.
Il convient au regard du préjudice subi par le salarié de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné de ce chef l’employeur à payer la somme de 5 000,00 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect de l’obligation de sécurité.
Sur l’application des dispositions protectrices en faveur des victimes d’accident du travail :
Il est constant que les règles protectrices applicables aux victimes d’accidents du travail s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine un accident du travail et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur [G] a été victime d’un accident du travail le 16 février 2011. La déclaration d’accident du travail fait état d’un ‘faux mouvement en soulevant un carton de TV pour le charger dans la voiture d’un client’ et ‘d’une douleur importante au bas du dos, l’empêchant de marcher’. Le 11 mars 2011, la société CARREFOUR HYPERMARCHES a été informée par la caisse primaire d’assurance maladie du Var de la prise en charge de l’accident au titre de la législation des accidents du travail.
Il ne fait pas débat que Monsieur [G] a été placé en arrêt de travail suite à cet accident du 16 février au 8 septembre 2011.
Le médecin du travail a émis, dans le cadre de la visite de reprise ‘AT’ du 1er août 2011, un avis d’inaptitude temporaire du salarié à son poste, puis le 8 septembre 2011, un avis d’aptitude du salarié à son poste dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.
Par décision du 17 février 2012, la caisse primaire d’assurance maladie du Var a notifié à Monsieur [G] un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 5% à compter du 12 février 2012.
Lors de la visite de reprise ‘AT’ du 23 février 2012, le médecin du travail a émis un avis d’aptitude du salarié ‘à la reprise à l’essai’ en évitant la manutention, et le 22 mars 2012, il a déclaré Monsieur [G] apte à son poste dans ces termes : ‘Apte au poste avec les restrictions suivantes temporaires permettant les soins nécessaires :
– Eviter manutention.
– Lundi, mardi, vendredi, pas après 14h30.
– Nocturne possible le mercredi.
– Favoriser samedi 10h00-16h00,
donc six jours, à revoir dans un mois.’
A compter du 23 avril 2012, Monsieur [G] a été placé en arrêt de travail pour maladie ordinaire avec prolongations successives jusqu’à la rupture.
Lors de la visite de reprise du 18 août 2014, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude du salarié dans ces termes : ‘Inapte à tous postes dans l’entreprise. Pas de proposition de reclassement faite ce jour au vu de l’état de santé du salarié’.
Les arrêts de travail mentionnant le motif de l’arrêt auxquels l’employeur n’a pas eu accès font état d’un ‘état de stress’ (24 avril 2012) et d’un ‘état dépressif majeur + trouble de phobie’ (19 août 2014).
Monsieur [G] justifie avoir été suivi dans un centre médico-psychologique à compter du 25 avril 2013 (soit un an après le début de l’arrêt maladie) et bénéficié d’un suivi psychiatrique. Dans un certificat médical du 1er décembre 2014, le docteur [W] du CMP de [Localité 3] dit suivre Monsieur [G] ‘pour une continuation de prise en charge d’un syndrome anxieux et dépressif sévère, consécutif à des lombo-sciatalgies hyperalgiques et invalidantes’. Le praticien expose : ‘Les troubles psychiatriques de Monsieur [C] [G] sont apparus après sa reprise du travail à temps partiel, au décours de son arrêt pour accident de travail. Monsieur [C] [G] signale que son employeur n’a pas respecté scrupuleusement son temps à partiel de travail et qu’il a été l’objet d’un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie lors de cette reprise du travail. L’ensemble de ses souffrances psychosomatiques subies sur son lieu de travail ont fort probablement contribué à le déstabiliser, le fragiliser et déclencher ce tableau d’état dépressif majeur.’
Le salarié verse aux débats des attestations de son entourage (son frère, sa mère, son épouse) et d’un collègue de travail faisant un lien direct entre sa dépression et le refus de sa hiérarchie d’accéder à sa demande d’aménagement d’horaire (travail uniquement le matin).
Il résulte en outre des documents produits par Monsieur [G] qu’il a été reconnu travailleur handicapé le 27 août 2012.
Au regard de ces éléments, si un lien au moins partiel peut être fait entre l’inaptitude physique de Monsieur [G] constatée le 18 août 2014 et l’accident du travail du 1er août 2011, l’appelant n’apporte aucune démonstration de la connaissance de l’employeur d’une origine professionnelle, au moins partielle, de l’inaptitude au moment du licenciement.
Il est relevé que l’employeur n’est pas informé du motif de l’arrêt de travail du salarié à compter du 23 avril 2012 ; que ce dernier a repris dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique en septembre 2011 puis à temps plein de manière aménagée fin février 2012 (éviter la manutention et horaires particuliers) ; que le médecin du travail ne donne dans l’avis d’inaptitude d’août 2014 aucune indication permettant de relier cette inaptitude à l’accident du travail survenu plus de trois ans auparavant.
Dès lors, Monsieur [G] ne peut prétendre au bénéfice des règles protectrices applicables aux victimes d’accidents du travail.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de rappel d’indemnité spéciale de licenciement.
Ainsi que le relèvent justement les premiers juges, il s’ensuit également que la société CARREFOUR HYPERMARCHES n’était pas tenue de consulter les délégués du personnel avant de procéder au licenciement du salarié.
Par voie de confirmation du jugement entrepris, il convient par conséquent de débouter Monsieur [G] de sa demande au titre du nullité du licenciement et des demandes financières afférentes.
Sur le respect par l’employeur de l’obligation de reclassement :
L’article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable jusqu’au 1er janvier 2017, édicte que lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail, consécutive à une maladie non professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutation, transformation de postes de travail ou aménagement du temps du travail.
L’avis du médecin du travail concluant à l’inaptitude du salarié à tout emploi dans l’entreprise et à l’impossibilité de son reclassement au sein de celle-ci ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement.
Il incombe à ce dernier de justifier des recherches de reclassement qu’il a effectuées et de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé de reclasser la salariée.
Les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment doit s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Il appartient à l’employeur qui prétend s’être trouvé dans l’impossibilité d’effectuer un tel reclassement d’en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en oeuvre de façon loyale et personnalisée.
Il suit de là que, quoique reposant sur une inaptitude physique d’origine non professionnelle régulièrement constatée par le médecin du travail, le licenciement n’est légitime que pour autant que l’employeur aura préalablement satisfait à l’obligation de reclassement mise à sa charge par ce texte.
L’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur ne porte que sur les emplois salariés, disponibles au jour du licenciement et en rapport avec les compétences du salarié, l’employeur n’étant pas tenu d’assurer au salarié dont le licenciement est envisagé une formation initiale ou qualifiante.
Il incombe également à l’employeur de justifier du périmètre de reclassement et de l’impossibilité, à la date du licenciement, de reclasser le salarié dans l’entreprise et, le cas échéant, le groupe auquel il appartient.
En l’espèce, le médecin du travail a émis le 18 août 2014 un avis d’inaptitude définitif de Monsieur [G] à son poste de travail ‘conseiller de vente télé’ dans ces termes : ‘Inapte à tous postes dans l’entreprise. Pas de proposition de reclassement faite ce jour au vu de l’état de santé du salarié’.
La société CARREFOUR HYPERMARCHES justifie avoir convié le salarié à un entretien fixé au 11 septembre 2014 pour évoquer son reclassement et joint un questionnaire à compléter.
Par courrier du 5 septembre 2014, Monsieur [G] a exposé ne pouvoir se présenter au rendez-vous du 11 septembre 2014 en raison de son état de santé et adressé le questionnaire complété mentionnant sa qualité de travailleur handicapé, un baccalauréat ‘commerce’ et une expérience professionnelle uniquement au sein de l’entreprise CARREFOUR d’abord en tant que stagiaire puis salarié.
L’employeur verse aux débats un courrier daté du 9 septembre 2014 adressé à ‘Directeurs – Managers Paie / RH’ interrogeant ceux-ci sur les possibilités de reclassement de Monsieur [G] en rappelant son poste, son ancienneté et l’avis du médecin du travail. Il est mentionné que le salarié a refusé la ‘proposition au poste d’assistante de Caisses et que la médecine du travail nous a fait part que ce poste était incompatible à son état de santé’. La société joint une cinquantaine de réponses négatives.
La société communique également un courrier daté du 20 septembre 2014 adressé au médecin du travail l’interrogeant sur les possibilités de reclassement du salarié. Sans attendre la réponse du médecin du travail, le salarié est convoqué par courrier du même jour à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 30 septembre 2014.
Par courrier daté du 30 septembre 2014, le médecin du travail répond n’avoir formulé ‘aucune proposition de reclassement au vu de l’état de santé constaté le jour de la visite médicale’ et ne pas pouvoir fournir ‘de plus amples informations’.
Au regard de ces éléments, il n’est pas justifié d’une recherche de reclassement loyale et sérieuse par l’employeur. En effet, il est relevé d’une part que le courrier de recherche de postes de reclassement fait mention de manière erronée d’un refus de poste par Monsieur [G] et d’une consultation du médecin du travail qui n’a pas eu lieu à ce stade, ce qui révèle manifestement une confusion avec un autre salarié. D’autre part, la société engage la procédure de licenciement le jour où elle interroge le médecin du travail, faisant manifestement peu de cas de la réponse à venir de ce dernier.
Par voie de conséquence, le licenciement de Monsieur [G] doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse et le jugement du conseil de prud’hommes sera sur ce point infirmé.
Sur les indemnités de rupture :
Il résulte des dispositions de l’article L1226-15 du code du travail qu’en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions de l’article L 1226-10 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date du licenciement , le tribunal octroie une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire et se cumule avec l’indemnité compensatrice et le cas échéant avec l’indemnité spéciale de licenciement prévues à l’article L1226-14 du code du travail.
Le salarié ne justifiant pas d’un salaire de référence moyen de base de 2 862,76 euros, celui-ci sera fixé à la somme de 2 149,38 euros.
Il est fait droit à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 4 298,76 euros, outre 429,88 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera donc infirmé ce point.
En considération de l’âge du salarié, de son ancienneté, de son aptitude à retrouver du travail et des éléments produits (aucune pièce concernant la situation professionnelle postérieure au licenciement, les éventuelles recherches d’emploi, etc), le préjudice subi par Monsieur [G] sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 30 000,00 euros. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
Sur le remboursement des indemnités de chômage :
Il convient d’ordonner d’office, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la société CARREFOUR HYPERMARCHES à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur les demandes accessoires :
En l’espèce faute d’indication, dans les dossiers fournis par les parties et dans celui envoyé par le conseil des prud’hommes, de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation, les créances salariales objets de la demande initiale ont été connus de l’intimée lors de la tentative de conciliation du 28 mai 2015, qui est donc, pour ces créances, la date de départ des intérêts légaux.
Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, par infirmation du jugement.
Il sera fait droit à la demande de transmission d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés ainsi que d’un bulletin de salaire récapitulatif sans qu’il apparaisse nécessaire de l’assortir de l’astreinte sollicitée.
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société CARREFOUR HYPERMARCHES les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à Monsieur [G] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient en outre de condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHES aux dépens de l’instance d’appel et à payer à Monsieur [G] la somme de 1 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel.
La demande de la société CARREFOUR HYPERMARCHES en paiement d’une indemnité de procédure est rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
dans la limite de sa saisine,
CONSTATE que la cour n’est pas saisie des demande de rappel de salaire formulées par Monsieur [C] [G],
CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [C] [G] de ses demandes de rappel de salaire du 19 septembre 2014 jusqu’au 14 octobre inclus et de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
STATUANT de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société CARREFOUR HYPERMARCHES à verser à Monsieur [C] [G] les sommes de :
– 1 862,79 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 186,28 euros au titre des congés payés afférents
– 26 000,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 4 298,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 429,88 euros au titre des congés payés afférents,
DIT que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2015 et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,
FIXE le salaire moyen à la somme de 2 149,38 euros,
DIT qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1154 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus,
ORDONNE d’office le remboursement par la société CARREFOUR HYPERMARCHES à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de six mois d’indemnités,
CONDAMNE la société CARREFOUR HYPERMARCHES aux dépens d’appel,
CONDAMNE la société CARREFOUR HYPERMARCHES à payer à Monsieur [C] [G] la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’appel,
DEBOUTE la société CARREFOUR HYPERMARCHES de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Le greffier Le président