Tentative de conciliation : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/00954

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Tentative de conciliation : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/00954
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 07/09/2023

N° de MINUTE : 23/756

N° RG 22/00954 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UEBW

Jugement (N° 21-005) rendu le 31 Janvier 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras

APPELANTS

Monsieur [X] [K] [C] [R]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 7] – de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

Madame [D] [A] [J] [F] épouse [R]

née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 13]

[Adresse 4]

[Localité 7]

EARL Les Bruyères prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentés par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, asssité de Me Christophe Hareng, avocat au barreau de Béthune

INTIMÉ

Monsieur [G] [M]

né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 12] – de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représenté par Me Laurent Janocka, avocat au barreau d’Amiens substitué par Me Matthieu Vaz avocat au barreau d’Amiens

DÉBATS à l’audience publique du 25 mai 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié magistrates chargées d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 7 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Par acte notarié en date des 18 janvier et 1er février 1989, Mme [V] [Z] épouse [Y] a consenti un bail rural à M. [X] [R] et à son épouse, Mme [D] [F], portant sur les parcelles de terre sises à [Localité 7] (62), cadastrées ZH n°[Cadastre 5] pour 01ha 76a et 40ca et ZH n°[Cadastre 6] pour 53a 90ca pour une durée de neuf années ayant commencé au 1er novembre 1988 pour se terminer le 30 septembre 1997.

En l’absence de congé, le bail s’est renouvelé tacitement depuis pour venir à expiration le 30 septembre 2024.

M. [G] [M] est devenu propriétaire des parcelles de terre données à bail à M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R].

Le 1er juillet 2010, M. [X] [R] a constitué l’Earl Les Bruyères ayant également pour associée son épouse.

Par requête en date du 16 février 2021, M. [G] [M] a, au visa des articles L.411-31, L.411-33 et L.411-37 du code rural et de la pêche maritime, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras d’une demande de résiliation du bail des 18 janvier et 1er février 1989 à M. [X] [R] et Mme [D] [R], leur expulsion et celle de tout occupant de leur chef outre l’allocation d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, soutenant que M. [X] [R] n’est plus associé de l’Earl Les Bruyères depuis le 30 décembre 2019, sans qu’aucune information n’ait été donnée au bailleur , et sans qu’aucune demande n’ait été faite par Mme [D] [F] épouse [R] pour poursuivre le bail à son seul nom.

Après échec de la tentative de conciliation, par jugement en date du 31 janvier 2022 le tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras a :

-rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R],

En conséquence,

– déclaré recevable l’action engagée par M. [G] [M],

– rejeté le moyen tiré de l’intervention volontaire de l’Earl Les Bruyères,

En conséquence,

– déclaré recevable l’intervention volontaire de l’Earl Les Bruyères,

– prononcé la résiliation du bail consenti les 18 janvier et 1er février 1989 à M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] épouse [R], portant sur les parcelles sises à [Localité 7] (62), cadastrées ZH n°[Cadastre 5] pour 01ha 76a et 40ca et ZH n°[Cadastre 6] pour 53a 90ca, soit une contenance totale de 02ha 30a 30ca,

– ordonné l’expulsion des copreneurs et de tout occupant de leur chef des parcelles louées, dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, si besoin avec le concours de la force publique,

– dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,

– débouté M. [X] [R] et Mme [D] [F] de leurs demandes de cession ou d’association au bail de leur fils [S] [R],

– condamné in solidum M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] à payer à M. [G] [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] aux dépens de l’instance,

– rappelé que le jugement est exécutoire de droit, à titre provisoire.

Par déclaration en date du 28 février 2022, M. [X] [R], Mme [D] [F] épouse [R] et l’Earl Les Bruyères ont interjeté appel à l’encontre de cette décision, la déclaration d’appel visant les dispositions suivantes :

-. prononce la résiliation du bail consenti les 18 janvier et 1er février 1989 à M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] épouse [R], portant sur les parcelles sises à [Localité 7] (62), cadastrées ZH n°[Cadastre 5] pour 01ha 76a et 40ca et ZH n°[Cadastre 6] pour 53a 90ca, soit une contenance totale de 02ha 30a 30ca,

– ordonne l’expulsion des copreneurs et de tout occupant de leur chef des parcelles louées, dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, si besoin avec le concours de la force publique,

– déboute M. [X] [R] et Mme [D] [F] de leurs demandes de cession ou d’association au bail de leur fils [S] [R],

– condamne in solidum M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] à payer à M. [G] [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne in solidum M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] aux dépens de l’instance.

Lors de l’audience devant cette cour, M. [X] [R], Mme [D] [F] épouse [R] et l’Earl Les Bruyères, représentés par leur conseil, soutiennent leurs conclusions déposées lors de l’audience par lesquelles ils demandent à cette cour:

– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a énoncé :

*rejette le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de l’Earl les Bruyères,

En conséquence,

* déclare recevable l’intervention volontaire de l’Earl Les Bruyères.

– d’infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras en ce qu’il a énoncé:

*.prononce la résiliation du bail consenti les 18 janvier et 1er février 1989 à M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] épouse [R], portant sur les parcelles sises à [Localité 7] (62), cadastrées ZH n°[Cadastre 5] pour 01ha 76a et 40ca et ZH n°[Cadastre 6] pour 53a 90ca, soit une contenance totale de 02ha 30a 30ca,

* ordonne l’expulsion des copreneurs et de tout occupant de leur chef des parcelles louées, dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, si besoin avec le concours de la force publique,

* déboute M. [X] [R] et Mme [D] [F] de leurs demandes de cession ou d’association au bail de leur fils [S] [R],

* condamne in solidum M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] à payer à M. [G] [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamne in solidum M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] aux dépens de l’instance.

Statuant de nouveau,

– juger que le bailleur a eu connaissance de la mise à disposition du bail et que celle-ci est régulière,

– débouter M. [G] [M] de sa demande de résiliation du bail,

Vu l’article L.411-35 du code rural,

– autoriser M. [X] [R] à céder son bail au profit de M. [S] [R],

Subsidiairement, autoriser Mme [D] [R] à associer à son bail en qualité de copreneur son fils M. [S] [R], descendant majeur,

– condamner M. [G] [M] à payer à M. [X] [R], Mme [D] [R] et l’Earl les Bruyères la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Les époux [R] et l’Earl Les Bruyères font essentiellement valoir que la persistance dans l’exploitation des parcelles louées démontre leur intention de voir continuer ce bail et qu’il est justifié du paiement des fermages par l’Eurl Les Bruyères. Ils précisent que M. [M] est associé en industrie de l’Earl de la Louvière, cette dernière exploitant des parcelles situées à [Localité 11], soit à une distance de 30kms des parcelles litigieuses. En outre, ils arguent de ce que le bailleur avait dès la signature du bail, autorisé expressément la mise à disposition des terres louées à toute société dont le preneur ferait partie et que ce bail a été mis à disposition de l’Earl Les Bruyères qui intervient volontairement à l’instance De plus, ils font valoir que la loi n°2014-1170 qui modifie certaines dispositions de l’article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit la mise à disposition pour la durée du bail et organise les modalités d’information du bailleur, ne remet pas en cause l’accord donné par Mme [Y] ni l’information donnée par M. [R].

Les appelants soutiennent aussi que M. [M] ne justifie d’aucun préjudice résultant des changements dans la mise à disposition des terres et que par courrier en date du 24 juillet 2010, M. [X] [R] a informé le bailleur de la mise à disposition des parcelles au profit de l’Earl Les Bruyères.

Lors de l’audience devant cette cour, M [G] [M], représenté par son conseil, soutient ses conclusions déposées lors de l’audience par lesquelles il demande à cette cour d’instrumenter la vente, avant que le preneur ne se prononce,

A titre principal,

– de déclarer autant irrecevables que mal fondés M. [X] [R], Mme [D] [F] épouse [R] et l’Earl Les Bruyères en leur appel ainsi qu’en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– les en débouter,

– confirmer le jugement rendu le 31 janvier 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras et notamment en ce qu’il a :

*prononcé la résiliation du bail consenti les 18 janvier et 1er février 1989 à M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] épouse [R], portant sur les parcelles sises à [Localité 7] (62), cadastrées ZH n°[Cadastre 5] pour 01ha 76a et 40ca et ZH n°[Cadastre 6] pour 53a 90ca, soit une contenance totale de 02ha 30a 30ca,

*ordonné l’expulsion des copreneurs et de tout occupant de leur chef des parcelles louées, dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, si besoin avec le concours de la force publique,

*débouté M. [X] [R] et Mme [D] [F] de leurs demandes de cession ou d’association au bail de leur fils [S] [R],

* condamné in solidum M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] à payer à M. [G] [M] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum M. [X] [R] et son épouse, Mme [D] [F] aux dépens de l’instance,

* rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit.

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire le jugement rendu le 31 janvier 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras était infirmé,

Et statuant à nouveau,

In limine litis,

– déclarer irrecevable l’intervention volontaire de l’Earl Les Bruyères,

– déclarer que M. [G] [M] titulaire du droit d’agir en raison de sa qualité de propriétaire bailleur,

Sur le fond,

– prononcer la résiliation du bail consenti par acte de Maître [P] [L], notaire à [Localité 9] (62), en date des 18 janvier et 1er février 1989 à M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R] et portant sur les immeubles ruraux suivants: Commune de [Localité 7] (62), lieudit [Adresse 10], cadastrées ZH n°[Cadastre 5] et n°[Cadastre 6] pour une superficie totale de 2ha 30a 30ca,

– ordonner à M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R] ainsi qu’à tous occupants de leur chef, dans la huitaine de la décision à intervenir, de délaisser les terres louées faute de quoi il pourra être procédé à leur expulsion, avec l’assistance de la force publique et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision,

– refuser la demande de cession, formulée à titre reconventionnel par M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R], au profit de leur fils, M. [S] [R],

– refuser la demande d’association au bail en qualité de copreneur, formulée à titre reconventionnelle par Mme [D] [F] épouse [R] au profit de M. [S] [R],

En tout état de cause,

– condamner M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R] à payer à M. [G] [M] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R] aux entiers dépens comprenant ceux engagés dans le cadre de l’instance inscrite devant la cour d’appel de Douai sous le RG n°22/00954,

– débouter M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R] de l’ensemble de leurs moyens fins et conclusions.

M. [M] fait essentiellement valoir qu’en l’absence de droit dont pourrait se prévaloir l’Earl Les Bruyères, celle-ci n’a pas intérêt à agir dans le cadre de la présente instance, son intervention volontaire devant être jugée irrecevable. Il précise que les pièces versées aux débats démontrent que M. [X] [R] a cessé toute activité agricole sur les parcelles litigieuses, ces dernières étant mises à disposition de l’Earl Les Bruyères dont il n’est pas associé exploitant. Il argue de ce qu’en application des dispositions de l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime, le preneur continuant le bail aurait dû demander au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception que le bail se poursuive à son seul nom et que Mme [D] [F] épouse [R] est forclose pour mettre en oeuvre ces dispositions d’ordre public. Il soutient que ce manquement grave est sanctionné par la résiliation du bail conformément aux dispositions de l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime. Il ajoute que s’agissant d’un bail copreneurs, le preneur en activité se devait de résilier son bail au titre de l’article L.411-33 du code rural et de la pêche maritime pour ne pas être en défaut par rapport aux obligations contractées aux termes du bail liant les parties et que la seule circonstance que M. [X] [R], copreneur au bail mis à disposition de l’Earl Les Bruyères, ne soit plus associé de ladite société, ainsi qu’il résulte du procès-verbal établi le 30 décembre 2019, justifie à elle seule la résiliation du bail en privant le bailleur de la possibilité de poursuivre l’exécution des obligations nées du bail.

En outre, l’intimé soutient qu’il résulte des dispositions de l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime que le preneur qui met des terres à disposition d’une société agricole doit être associé exploitant de cette société et qu’en l’espèce, aucune cession de bail ni désolidarisation n’a été autorisée par le bailleur.

Enfin, M. [M] précise que le courrier adressé aux époux [R] par Maître [E] le 2 mars 2018 ne traduit pas une autorisation de cession du bail rural au profit du fils des preneurs et ne constitue pas un acte d’agrément du bailleur et que la seule circonstance que M. [R] ne soit plus associé de l’Earl Les Bruyères, société bénéficiaire de la mise à disposition, justifie à elle seule que soit rejetée la demande de cession au profit de M. [S] [R], fils des preneurs, formulée à titre reconventionnel.

Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.

SUR CE ,

Sur l’intervention volontaire de l’Earl Les Bruyères

Aux termes des dispositions de l’article 325 du code de procédure civile, l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

Il résulte des dispositions de l’article 330 du même code que l’intervention est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie.

Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. (…)

Alors qu’il n’est pas contesté que l’Earl Les Bruyères bénéficie de la mise à disposition des parcelles litigieuses, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que si elle n’est pas preneuse à bail, elle perdrait le bénéfice de la mise à disposition des parcelles de terre de sorte qu’elle a intérêt à soutenir le rejet de la demande de résiliation de bail formulée par les époux [R] et a jugé son intervention volontaire recevable.

La décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.

Sur la qualité à agir de M. [G] [M]

La cour relève que la qualité à agir de M. [G] [M] ne fait l’objet d’aucune contestation en cause d’appel de sorte qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les époux [R] et l’Earl Les Bruyères de ce chef.

Sur la demande principale

M. [M] sollicite la résiliation du bail pour non-respect des obligations d’ordre public issues de l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime en faisant valoir, d’une part, le formalisme strict et d’ordre public de l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime n’a pas été respecté par les preneurs en place, M. [X] [R] n’étant plus associé de l’Earl Les Bruyères au 16 février 2021, date de la saisine de la juridiction de sorte que le bailleur ne peut plus se prévaloir de la solidarité conventionnelle prévue lors de la conclusion du bail et, d’autre part, que M. [X] [R] n’est pas associé de l’Earl Les Bruyères alors que les parcelles litigieuses sont mises à disposition de cette société de sorte que ces faits caractérisent une cession prohibée justifiant la résiliation du bail.

Pour s’opposer à cette demande, les parties appelantes font valoir que Mme [Y] a été informée de la mise à disposition des parcelles au profit de l’Earl Les Bruyères et a consenti à cette dernière et que M. [M] ne justifie d’aucun préjudice résultant du changement dans la mise à disposition des terres.

Aux termes des dispositions de l’article L.411-31 II du code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut également demander la résiliation du bail s’il justifie d’un des motifs suivants :

1° Toute contravention aux dispositions de l’article L.411-35;

2° Toute contravention aux dispositions du premier alinéa de l’article L.411-38;

3° Toute contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application des articles L.411-37, L.411-39, L.411-39-1 si elle est de nature à porter préjudice au bailleur;

4° Le non-respect par l’exploitant des conditions définies par l’autorité compétente pour l’attribution des biens de section en application de l’article L.2411-10 du code général des collectivités territoriales.

Dans les cas prévus aux 1° et 2° du présent II, le propriétaire a le droit de rentrer en jouissance et le preneur est condamné aux dommages-intérêts résultant de l’inexécution du bail.

L’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, dispose à cet égard que :

« Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l’article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l’âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

De même, le preneur peut avec l’agrément du bailleur ou, à défaut, l’autorisation du tribunal paritaire, associer à son bail en qualité de copreneur son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité participant à l’exploitation ou un descendant ayant atteint l’âge de la majorité.

Lorsqu’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. Le propriétaire ne peut s’y opposer qu’en saisissant dans un délai fixé par décret

le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande. Le présent alinéa est applicable aux baux conclus depuis plus de trois ans, sauf si la cessation d’activité du copreneur est due à un cas de force majeure.

A peine de nullité, la lettre recommandée doit, d’une part, reproduire intégralement les dispositions du troisième alinéa du présent article et, d’autre part, mentionner expressément les motifs allégués pour cette demande ainsi que la date de cessation de l’activité du copreneur.

(….)

Les dispositions du présent article sont d’ordre public’.

L’article 4 V B de la loi du 13 octobre 2014 a prévu, s’agissant des nouveaux alinéas 3 et 4, que :

« Ces dispositions s’appliquent aux baux en cours. Si l’un des copreneurs a cessé de participer à l’exploitation avant la date de publication de ladite loi, le délai de trois mois mentionné au troisième alinéa du présent article commence à courir à compter de cette date. »

Enfin, l’article L.411-33 du même code dispose que:

‘La résiliation de bail peut être demandée par le preneur dans les cas suivants:

– incapacité au travail, grave et permanente, du preneur ou de l’un des membres de sa famille indispensable au travail de la ferme;

– décès d’un ou de plusieurs membres de la famille du preneur indispensables au travail de la ferme;

– acquisition par le preneur d’une ferme qu’il doit exploiter lui-même;

– refus d’autorisation d’exploiter opposé par l’autorité administrative en application des articles L.331-1 et suivants obligeant le preneur à mettre la structure de son exploitation en conformité avec les dispositions du schéma directeur départemental des structures.

Dans tous les cas, si la fin de l’année culturale est postérieure de neuf mois au moins à l’événement qui cause la résiliation, celle-ci peut, au choix du locataire, prendre effet soit à la fin de l’année culturale en cours, soit à la fin de l’année culturale suivante. Dans le cas contraire, la résiliation ne prendra effet qu’à la fin de l’année culturale suivante.

En outre, le preneur qui atteint l’âge de la retraite retenu en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles peut, par dérogation aux dispositions de l’article L.411-5, résilier le bail à la fin d’une de ses périodes annuelles suivant la date à laquelle il aura atteint l’âge requis.

Dans ce cas, le preneur doit notifier sa décision au propriétaire au moins douze mois à l’avance.

Il est constant que le défaut de respect des dispositions de l’article L. 411-35 alinéa 3 précitées peut être sanctionné par la résiliation du bail rural, en application des dispositions de l’article L. 431-31 du code rural et de la pêche maritime susvisé.

En l’espèce, suivant acte notarié reçu les 18 janvier et 1er février 1989, Mme [Z] [Y] a donné à bail rural à M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R], en qualité de copreneurs, deux parcelles sises sur la commune de [Localité 7], lieudit [Adresse 10] et que M. [G] [M] est ensuite devenu propriétaire de ces parcelles.

Si M. [X] [R] justifie avoir informé Mme [Y] de la mise à disposition des parcelles au profit de l’Earl les Bruyères le 24 juillet 2010, cette société ayant été créée le 1er juillet 2010, il n’est pas contesté que M. [X] [R] a cessé son activité le 31 décembre 2019 et a perdu sa qualité d’associé de l’Earl Les Bruyères alors que Mme [D] [F] épouse [R] n’a pas demandé au bailleur la poursuite du bail à son seul nom dans les conditions de forme exigées par les dispositions de l’article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime susvisé

En outre, le tribunal a justement relevé que Mme [D] [F] épouse [R] ne justifie pas avoir informé le bailleur de la cessation d’activité de son époux ni de son motif alors même qu’il était copreneur du bail initialement conclu avec Mme [Z] épouse [Y].

Par ailleurs, aux termes d’un courrier en date du 2 mars 2018 adressé par Maître [E], notaire, à M. et Mme [R], M. [M] indique qu’il ‘envisage de s’installer dans les prochaines années. Il souhaiterait reprendre les terres. Toutefois, si vous cédez votre exploitation à l’un de vos enfants, il conviendrait, dans ce cas, de faire un bail à long terme moyennant un fermage calculé sur la base de 8,5 quintaux au profit du locataire en place’.

Alors que les époux [R] ne justifient pas avoir donné suite à ce courrier, ce dernier ne saurait être interprété comme une validation de la poursuite du bail initial, ce courrier faisant expressément référence à la nécessité de conclure un nouveau bail en cas de poursuite de l’activité agricole dans d’autres conditions que celles prévues contractuellement.

De plus, il résulte des dispositions des articles L.411-31, L.411-35 et L.411-37 du code rural et de la pêche maritime que la faculté de mettre les biens loués à la disposition d’une société à objet principalement agricole impose, en cas de pluralité de preneurs, que ceux-ci en soient tous associés et qu’à défaut, le preneur non associé manque à son obligation de se consacrer personnellement à la mise en valeur de ces biens et procède à une cession prohibée, la circonstance que l’autre preneur soit effectivement associé étant sans incidence du fait du caractère indivisible du bail rural.

C’est à juste titre que le tribunal a retenu que la cessation d’activité de M. [X] [R], résultant de ses démissions et retraits de l’Earl Les Bruyères, impliquant l’arrêt de sa participation personnelle des terres, est constitutive d’un préjudice pour le bailleur, ce dernier étant alors privé de la possibilité de poursuivre l’exécution des obligations nées du bail à l’encontre de M. [X] [R] et ne dispose plus que d’un seul preneur pour en répondre, les époux [R] ne justifiant pas par ailleurs avoir adressé au bailleur une demande de cession de bail au profit de leur fils et ce en dépit des termes du courrier en date du 2 mars 2018.

Il en résulte que ces faits sont constitutifs d’une cession prohibée dès lors que M. [X] [R] n’est pas associé de l’Earl Les Bruyères alors que les parcelles litigieuses sont mises à disposition de cette société, ces agissements étant de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds et à justifier la résiliation du bail.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a prononcé la résiliation du bail consenti les 18 janvier et 1er février 1989 à M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R] portant sur les parcelles sises à [Localité 7] (62) et d’ordonner l’expulsion des copreneurs et celle de tout occupant de leur chef avec, au besoin, le concours de la force publique.

Sur les demandes subsidiaires de cession et d’association au bail

Alors qu’il résulte des développements précédents que M. [X] [R] et Mme [D] [F] épouse [R] ne sauraient être considérés comme des preneurs de bonne foi, il y a lieu de rejeter leur demande de cession de bail ou d’association au bail au profit de leur fils majeur, M. [S] [R].

La décision entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [X] [R], Mme [D] [F] épouse [R] et l’Earl Les Bruyères, parties perdantes, seront condamnés à supporter les dépens d’appel en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable de les condamner à verser à M. [G] [M] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne M. [X] [R], Mme [D] [F] épouse [R] et l’Earl Les Bruyères à verser à M. [G] [M] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne M. [X] [R], Mme [D] [F] épouse [R] et l’Earl Les Bruyères aux dépens d’appel.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Véronique DELLELIS

 


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