Tentative de conciliation : 7 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/09783

·

·

Tentative de conciliation : 7 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/09783
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 07 SEPTEMBRE 2023

N° 2023/521

Rôle N° RG 22/09783 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJWRI

S.A.S. ODALYS RESIDENCES

C/

[V] [N]

[E] [P]

[DG] [M]

[F] [KS]

[XK] [EM]

[XK] [TS]

[S] [TD]

[H] [IF]

[PR] [CA]

[OK] [Z]

[D] [NE]

[VP] [LY]

[T] [AN]

[X] [C]

[UJ] [L]

[U] [B]

[H] [W]

[O] [GZ]

[K] [A]

S.A.R.L. CALOE II

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-claude SASSATELLI

Me Francois MORABITO

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de Marseille en date du 26 janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02094.

APPELANTE

S.A.S. ODALYS RESIDENCES

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 53]

représentée par Me Jean-Claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Antoine D’AMALRIC, avocat au barreau de MARSEILLE

et assistée de Me Jean-Pierre BLATTER de la SCP BLATTER SEYNAEVE ET ASSOCIES

INTIMES

Monsieur [V] [N]

(lot n°17)

né le [Date naissance 7] 1952 à [Localité 58], demeurant [Adresse 19]

Monsieur [E] [P]

(lot N° 42)

né le [Date naissance 9] 1964 à [Localité 52], demeurant [Adresse 30]

Madame [DG] [M]

(lot N° 47)

née le [Date naissance 8] 1988 à [Localité 43], demeurant [Adresse 13]

Monsieur [F] [KS]

(lot N° 89)

né le [Date naissance 18] 1948 à [Localité 55], demeurant [Adresse 15]

Monsieur [XK] [EM]

(lot N° 31)

né le [Date naissance 20] 1979 à [Localité 50], demeurant [Adresse 44]

Monsieur [XK] [TS]

(lot N° 18)

né le [Date naissance 6] 1965 à [Localité 47], demeurant [Adresse 27]

Monsieur [S] [TD]

(lots N° 5 et 120)

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 51], demeurant [Adresse 35]

Monsieur [H] [IF]

(lot N°82)

né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 59], demeurant [Adresse 34]

Monsieur [PR] [CA]

(lot N°07)

né le [Date naissance 12] 1974 à [Localité 36], demeurant [Adresse 32]

Madame [OK] [Z]

(lot N°23)

née le [Date naissance 22] 1979 à [Localité 37], demeurant [Adresse 56]

Monsieur [D] [NE]

(lot N°53)

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 39], demeurant [Adresse 31]

Monsieur [VP] [LY]

né le [Date naissance 21] 1970 à [Localité 48], demeurant [Adresse 11]

Monsieur [T] [AN]

(lot N°59)

né le [Date naissance 14] 1965 à [Localité 38], demeurant [Adresse 46]

Monsieur [X] [C]

(lot N° 32)

né le [Date naissance 16] 1961 à [Localité 54], demeurant [Adresse 33]

Monsieur [UJ] [L]

(lots N°21 et 31)

né le [Date naissance 22] 1980 à [Localité 42], demeurant [Adresse 25]

Monsieur [U] [B]

(lots N° 85 et 14)

né le [Date naissance 17] 1971 à [Localité 57], demeurant [Adresse 29]

Monsieur [H] [W]

(lot N°62)

né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 40], demeurant [Adresse 28]

Monsieur [O] [GZ]

(lot N°66 en indivision)

né le [Date naissance 23] 1967 à [Localité 41], demeurant [Adresse 24]

Madame [K] [A]

(lot N° 66 en indivision)

née le [Date naissance 5] 1971 à [Localité 41], demeurant [Adresse 24]

S.A.R.L. CALOE II

(lot N°57)

dont le siège social est situé [Adresse 10]

tous représentés par Me Francois MORABITO de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 06 juin 2023 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 septembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 septembre 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Odalys Résidences, qui exploite des résidences services pour étudiants, a conclu, en qualité de preneur, des baux commerciaux avec des propriétaires-bailleurs investisseurs, en vue de l’exploitation de leurs lots se trouvant dans la résidence [45] située [Adresse 26] à [Localité 49] dans laquelle ils ont investi, moyennant un loyer payable trimestriellement à terme échu.

Elle informait ses bailleurs, par courriers en date des 26 mars 2020 et 3 juillet 2020, de l’impact de la crise sanitaire sur son activite et des mesures prises par l’autorité publique pour y faire face, imposant notamment la fermeture de la quasi-totalité des locaux collectifs, et en particulier les laveries et salles de petit-déjeuner, la privant d’une partie de ses recettes annexes d’exploitation.

Elle proposait alors la mise en place d’une franchise forfaitaire de 15 % des loyers pour l’exercice 2020 venant en déduction du loyer du 3ème trimestre 2020, les propriétaires percevant alors en lieu et place de 25 % de leur loyer, 10 % de ce dernier.

Par acte d’huissier en date du 11 mai 2021, plusieurs propriétaires-bailleurs ayant acquis des lots immobiliers dans l’ensemble immobilier susvisé, à savoir M. [V] [N], M. [E] [P], Mme [DG] [M], Mme [FT] [G], M. [F] [KS], M. [XK] [EM], M. [XK] [TS], M. [S] [TD], M. [J] [JL], M. [H] [IF], M. [PR] [CA], Mme [OK] [Z], Mme [I] [ZX], M. [D] [NE], M. [VP] [LY], M. [T] [AN], la SARL Caloe II, M. [X] [C], M. [Y] [R], M. [UJ] [L], M. [U] [B], M. [H] [W], M. [O] [GZ] et Mme [K] [A] ont fait assigner la société Odalys Résidences devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de la voir condamner à leur verser une somme au titre d’arriérés locatifs, de l’enjoindre à leur communiquer, sous astreinte, différents documents comptables et de la condamner à leur verser une provision à valoir sur le préjudice subi.

Par ordonnance en date du 26 janvier 2022, ce magistrat a :

– constaté l’irrecevabilité des demandes formulées par M. [R], Mme [G], M. [JL] et Mme [ZX] pour défaut d’intérêt à agir ;

– rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée en application de l’article 750-1 du code de procédure civile ;

– condamné la société Odalys à payer, à titre provisionnel, aux demandeurs les sommes suivantes :

‘ 637,97 € à M. [N] ;

‘ 655,56 € à M. [Z] ;

‘ 626,97 € à M. [C] ;

‘ 765,43 € à M. [L] ;

‘ 811,71 € à M. [B] ;

‘ 630,55 € à M. [W] ;

‘ 626,97 € aux consorts [GZ]/[A] ;

‘ 609,46 € à M. [P] ;

‘ 635,14 € à Mme [M] ;

‘ 566,26 € à M. [KS] ;

‘ 635,14 € à M. [EM] ;

‘ 886,40 € à M. [TS] ;

‘ 797,27 € à M. [TD] ;

‘ 583,45 € à M. [IF] ;

‘ 779,74 € à M. [CA] ;

‘ 603,17 € à M. [NE] ;

‘ 819,71 € à M. [LY];

‘ 609,46 € à M. [AN] ;

‘ 655,56 € à la SARL Caloé II ;

– dit que ces sommes porteraient intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2021 ;

– rejeté les autres demandes ;

– condamné la société Odalys Résidences à payer à chacun des demandeurs, à l’exclusion de M. [R], Mme [G], M. [JL] et Mme [ZX] , la somme 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Odalys Résidences aux dépens.

Ce magistrat a estimé que M. [R], Mme [G], M. [JL] et Mme [ZX] ne justifiaient pas de leur intérêt à agir en justice comme ayant accepté la réduction de loyer proposée par le preneur. Par ailleurs, il a considéré que l’article 750-1 du code de procédure civile ne s’appliquait pas dès lors que les demandeurs sollicitaient, outre une provision inférieure à 5 000 euros chacun, la production de pièces qui, par nature, était une demande indéterminée. En outre, concernant les demandes de provisions, il a indiqué que le législateur n’avait pas dispensé le locataire, dont l’activité était affectée par les mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire liée à la Covid-19, de son obligation au paiement du loyer, de sorte que les loyers dus par la société Odalys Résidences étaient restés exigibles durant les périodes de restriction. Il a estimé que les conditions de la force majeure n’étaient pas remplies, et en particulier celle ayant trait à l’irrésistibilité s’agissant d’une obligation au paiement d’une somme d’argent, et ce, d’autant que la résidence en question n’avait pas fait l’objet d’une fermeture administrative. Il a relevé que les restrictions en cause ne pouvaient pas plus s’analyser en une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code de civil en l’absence de fermerture administrative de la résidence. Il a considéré que l’article 7 des baux, qui visait notamment le cas de la survenance de circonstances exceptionnellement graves, telles que l’incendie de l’immeuble, n’était pas applicable dès lors que les biens loués n’étaient en rien été affectés par les mesures restrictives et n’avaient, en aucun cas, empêché l’occupation effective et normale des logements par les étudiants. Il a donc estimé que les demandes de provisions ne se heurtaient à aucune contestation sérieuse. En revanche, et enfin, il a considéré que la demande de production de pièces ne reposait sur aucun motif légitime dès lors que, dans le cadre d’une instance au fond, il appartiendra à la société Odalys Résidence de produire les éléments demandés qui, de plus, contenaient des informations dont la divulgation était de nature à porter atteinte aux intérêts du preneur, ce qui contrevenait au caractère légalement admissible des mesures contraignantes susceptibles d’être ordonnées.

Suivant déclaration transmise au greffe le 7 juillet 2022, la société Odalys Résidences a interjeté appel à l’encontre de cette ordonnance en ce qu’elle a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée en vertu de l’article 750-1 du code de procédure civile, alloué des provisions aux personnes concernées et l’a condamnée aux dépens et à des frais irrépétibles.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 3 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, elle sollicite de la cour qu’elle :

– infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée en vertu de l’article 750-1 du code de procédure civile, alloué des provisions aux personnes concernées et l’a condamnée aux dépens et à des frais irrépétibles ;

– confirme pour le surplus d’ordonnance entreprise ;

– statuant à nouveau ;

– à titre liminaire, juge les intimés irrecevables en leurs demandes ;

– à titre principal, les déboute, excepté M. [R], Mme [G], M. [JL] et Mme [ZX], de l’ensemble de leurs demandes ;

– en tout état de cause, les condamne in solidum, excepté M. [R], Mme [G], M. [JL] et Mme [ZX], à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et celle de 3 000 euros sur le même fondement pour les frais exposés en appel, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

S’agissant de l’irrecevabilité des demandes en application de l’article 750-1 du code de procédure civile, elle expose, qu’outre le fait que les provisions sollicitées par chacun des intimés n’excédaient pas 5 000 euros, aucune circonstance ne rendait impossible une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, de médiation ou de procédure participative. Elle expose que lorsque, dans une même instance, des prétentions sont émises par plusieurs demandeurs dépourvus de titre commun, le taux est déterminé à l’égard de chacun par la valeur de ses prétentions. Elle relève que les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne constitue pas une prétention dont la valeur doit être prise en compte pour la détermination du taux du ressort. Elle indique que les échanges ayant eu lieu entre le conseil des intimés et elle-même ne peuvent être considérés comme une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice ou une tentative de médiation menée par un médiateur ou une procédure participative au sens de l’article susvisé.

S’agissant des provisions sollicitées, elle se prévaut de contestations sérieuses portant sur le principe même de son obligation à régler les loyers réclamés.

Tout d’abord, elle se prévaut de l’article 7 des baux prévoyant un mécanisme de suspension des loyers en cas de force majeure, lequel doit s’appliquer en l’état des mesures prises pour lutter contre la propagation du virus covid-19, et en particulier aux confinements et aux restrictions de déplacement résultant des décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020, n° 2020-344 du 27 mars 2020, n° 2020-423 du 14 avril 2020, n° 2020-548 du 11 mai 2020, n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, n° 2021-296 du 19 mars 2021, n° 2021-308 du 23 mars 2021, n° 2021-384 du 2 avril 2021 et n° 2021-606 du 18 mai 2021. Elle expose ne pas avoir pu proposer ses services, et en particulier les espaces collectifs, du 14 mars au 1er juin 2020 et du 30 octobre au 20 juin 2021. Elle estime, a l’intar de plusieurs autres décisions rendues en première instance ou en appel, que la clause insérée dans les baux constitue une contestation sérieuse de son obligation de payer les loyers au cours des périodes pendant lesquelles son activité a été affectée par la crise sanitaire. Elle expose que l’épidémie et les mesures gouvernementales qui ont été prises ont constitué autant d’entraves au libre accès aux lieux loués et à la libre circulation des personnes ayant empêché son activité de prestation de services, à l’origine d’un grave dysfonctionnement dans son activité en termes de possibilité d’utiliser les locaux loués conformément à leur destination ou d’accès aux parties communes de la résidence étudiante. Elle indique que si la résidence est restée ouverte au cours des périodes considérées, elle n’avait pas l’usage des parties communes de l’immeuble compris dans l’objet des baux. Elle expose n’avoir reçu aucune indemnité au titre de sa perte d’exploitation.

Ensuite, elle fait état de la perte partielle des lots loués sur le fondement de l’article 122 du code de procédure civile justifiant son droit d’obtenir une réduction du loyer à due concurrence. Elle expose que l’impossibilité pour elle d’utiliser la chose louée conformément à sa destination contractuelle pendant une certaine période, en raison des mesures qui ont été prises, constitue une perte partielle de la chose louée la dégageant envers ses bailleurs de son obligation de payer les loyers. Elle demande à la cour de ne pas suivre les décisions de la Cour de cassation rendues le 30 juin 2022 et de considérer que l’interdiction d’accueil du public dans les lots donnés à bail, du 15 mars au 2 juin 2020 et du 30 octobre au 15 décembre 2020, doit être assimilée à une perte partielle justifiant qu’aucun loyer n’est dû durant ces deux périodes dans la mesure où elle a empêché l’exploitation des lots conformément à leur destination contractuelle. Elle indique que, considérer que l’interdiction d’accueil du public dans des locaux donnés et pris à bail à usage de résidences n’a pas de lien direct avec la destination contractuelle de résidence de ces locaux est un paralogisme, alors que c’est bien cette destination contractuelle, et elle seule, qui a constitué le critère d’identification des locaux concernés par l’interdiction d’accueil du public. Elle relève que plusieurs juridictions se sont prononcées en ce sens avant que la Cour de cassation ne se prononce. Elle explique que la diminution du loyer à proportion des périodes concernées pendant lesquelles les lots loués n’ont pas pu être utilisés conformément à leur destination contractuelle implique qu’aucun loyer n’est dû au titre de ces périodes, de sorte que l’obligation pour elle de régler les loyers réclamés se heurte à une contestation sérieuse.

Par ordonnance en date du 6 décembre 2022, la conseillère de la chambre statuant sur délégation a déclaré irrecevables les conclusions transmises par les intimés le 24 novembre 2022 pour non-respect du délai imparti par l’article 905-2 du code de procédure.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 23 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile

L’article 750-1 du code de procédure civile énonce, qu’à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, losqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R 211-3-4 et R 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. Les parties sont dispensées de cette obligation dans le cas où :

– l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

– lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;

– si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime tendant soit à l’urgence manifeste, soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’oganisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;

– si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.

En l’espèce, s’il résulte des pièces de la procédure que les parties n’ont eu recours à aucun des modes de résolution amiable résultant de l’article 750-1 alinaé 1 susvisé, alors même que la demande de provision formulée par chacun des propriétaires-bailleurs n’excède pas 5 000 euros, il n’en demeure pas moins que ces derniers sollicitaient, également devant le premier juge, la condamnation de la société Odalys Résidences à leur communiquer, sous astreinte, un certain nombre de documents. Or, cette dernière demande ayant un enjeu financier qui reste indéterminé, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que l’article susvisé n’était pas applicable en la cause.

De plus, si la tentative de résolution amiable du litige n’est pas, par principe, exclue en matière de référé, l’urgence dans laquelle se trouvaient les propriétaires-bailleurs à obtenir l’allocation d’une provision à valoir sur des loyers impayés est manifeste, de sorte qu’ils justifient également d’un motif légitime les dispensant de leur obligation imposée par la loi de tenter de trouver une solution amiable préalablement à toute action judiciaire.

Pour toutes ces raisons, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile soulevée par la société Odalys Résidences.

Sur la demande de provisions à valoir sur des loyers

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas ou l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

C’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

En l’espèce, soutenant que son obligation de régler les loyers revendiqués par les intimés se heurte à des contestations sérieuses, la société Odalys Résidences se prévaut, pour en justifier le non-paiement, en tout ou partie, des conséquences des mesures prises par les pouvoirs publics pour limiter la propagation de la pandémie de Covid-19 sur son activité de prestations de services aux étudiants occupants les biens sous-loués.

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que des dispositions ont été prises pendant la période d’urgence sanitaire afin de proroger des délais échus et adapter les procédures, et en particulier l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, portant sur les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement des loyers afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 et l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 réglementant les conséquences d’un défaut de paiement des loyers et charges par des entreprises éligibles à un dispositif et dont l’activité est affectée par une mesure de police administrative (réglementation de l’ouverture au public d’établissements recevant du public et des lieux de réunion, d’une part, fermeture provisoire de ces mêmes établissements et lieux, d’autre part).

Or, aucune de ces dispositions n’efface les loyers échus, ni n’interdit au bailleur de faire délivrer à son locataire un commandement de payer pendant la période juridiquement protégée. Elles suspendent uniquement les effets dudit acte pendant une durée qui sera différente selon que le locataire remplit ou non les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides financières financées par le fonds de solidarité.

Ainsi, s’il apparaît que les loyers, qui n’ont pas été réglés par la société Odalys Résidences, portent, en partie, sur des périodes judiquement protégées, les dispositions susvisées ne l’ont pas dispensée de son obligation première résultant des baux commerciaux, à savoir le paiement de ses loyers, pas plus qu’elles n’ont eu pour effet et/ou conséquence d’effacer les loyers échus pendant les périodes juridiquement protégées voire d’en suspendre le paiement.

Il reste que la société Odalyse Résidences oppose plusieurs moyens pour justifier la suspension du paiement de ses loyers au cours des périodes litigieuses tenant, d’une part, aux stipulations contractuelles de suspension du paiement des loyers en cas de survenance de circonstances exceptionnellement graves et, d’autre part, à la destruction partielle des lieux loués justifiant une exception d’inexécution.

S’agissant d’une part du moyen tiré de la perte partielle de la chose louée, il résulte de l’article 1722 du code civil, applicable aux baux commerciaux que, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. Si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

En application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national.

En application de l’article 3, I, 2 , du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu’au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l’exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité.

Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l’interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l’absence de première nécessité des biens ou des services fournis.

Il en est de même du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant de nouvelles mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire qui, dans son article 41, I, 2, a interdit aux résidences de tourisme d’accueillir du public, sauf lorsqu’ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier.

Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

L’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé, de toute évidence, à la perte de la chose.

Le moyen tiré de la perte de la chose louée ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

S’agissant d’autre part du moyen tiré des dispositions conventionnelles, l’article 7 consacré aux loyers stipule dans un dernier alinéa que :

Dans le cas où l’indisponibilité du bien loué résulterait :

– soit du fait ou d’une faute du bailleur,

– soit de l’apparition de désordres de nature décennale, soit de la survenance de circonstances exceptionnellement graves (telles qu’incendie de l’immeuble, etc.) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le versement du loyer défini ci-avant sera suspendu, ledit loyer ne redevenant exigible qu’à l’issue du mois suivant la fin du trouble de jouissance mais serait couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l’immeuble dans le contrat multirisques immeuble soit par la garantie perte d’exploitation souscrite par le preneur.

L’application de cette clause suppose donc pour le preneur de démontrer qu’il a été privé de la jouissance effective et normale des biens qu’il sous-loue, situés dans la résidence avec services pour étudiants [45], pour une raison ne relevant pas de son fait.

Or, le fait de viser le bien implique, sans que cela nécessite d’interpréter la clause, que la privation de jouissance s’induise d’évènements affectant matériellement les biens en eux-mêmes, qu’il s’agisse de désordres ou de toutes autres circonstances exceptionnelles et graves.

En l’occurrence, même si les mesures décidées par les pouvoirs publics de fermeture et de restrictions auxquelles se réfèrent l’appelante et rappelées ci-dessus, et en particulier la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public et limitant la libre circulation des personnes, ont impacté les conditions d’exploitation de la résidence [45], il ne s’agit pas, de toute évidence, de circonstances exceptionnellement graves ayant affecté les biens loués eux-mêmes.

En effet, si ces mesures ont conduit, non pas à la fermeture de la résidence, mais à celle de la quasi-totalité des locaux collectifs, et en particulier les laveries et salles de petit-déjeuner, impactant une partie des recettes annexes d’exploitation de la société Odalys Résidences, cette baisse de recettes ne résulte pas de circonstances intrinséques aux biens eux-mêmes dès lors qu’aucune mesure n’a été prise pour en interdire la jouissance effective et normale conformément à la destination auxquels ils étaient destinés.

Les circonstances graves et exceptionnelles visées par les clauses contractuelles ne s’appliquant pas, avec l’évidence requise en référé, aux conséquences résultant des mesures prises par les pouvoirs publics pour faire face à la pandémie liée à la Covid-19, ce moyen ne constitue pas une contestation sérieuse à l’obligation de l’appelante de régler ses loyers.

En conséquence, les moyens soulevés par la société Odalys Résidences ne constituent aucune contestation sérieuse justifiant le non-paiement, en tout ou partie, des loyers échus au cours de la période considérée.

Dès lors que la société Odalys Résidences ne discute pas les sommes auxquelles elle a été condamnée par le premier juge, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qui concerne le montant des provisions allouées aux demandeurs, devenus intimés, dont l’action a été déclarée recevable.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Dès lors que la société Odalyse Résidences n’obtient pas gain de cause à hauteur d’appel concernant les sommes provisionnelles revendiquées, à titre principal, par les demandeurs, devenus intimés, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance et à verser à chacun, à l’exclusion de M. [R], Mme [G], M. [JL] et Mme [ZX], la somme 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sera également tenue aux dépens de la procédure d’appel.

Enfin, il y a lieu de la débouter de sa demande formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel en tant que partie tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel ;

Confirme l’ordonnance entreprise en ses dispositions critiquées ;

Y ajoutant ;

Déboute la SAS Odalys Résidences de sa demande formulée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Condamne la SAS Odalys Résidences aux entiers dépens de la procédure d’appel.

La greffière Le président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x