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AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 22/02955 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OIEL
[G]
C/
Société PROMAN 123
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE
du 15 Février 2019
RG : F18/00359
Cour d’Appel de GRENOBLE du 16 Juin 2020 RG : 19/01222
Cour de Cassation du13 Avril 2022 pourvoi n° J 20-21.501
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 07 JUILLET 2023
RENVOI APRES CASSATION
APPELANT :
[Z] [G]
né le 22 Septembre 1967 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 2] / France
représenté par Me Alexia NICOLAU de la SELARL NICOLAU AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
Société PROMAN 123 PRISE EN LA PERSONNE DE SON REPRESENTANT LEGAL DOMICILIE ES QUALITE AU SIEGE SOCIAL
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Christine ANDREANI de la SELARL JURIS VIEUX PORT, avocat au barreau de MARSEILLE
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Mai 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Béatrice REGNIER, Présidente
Catherine CHANEZ, Conseillère
Régis DEVAUX, Conseiller
Assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 07 Juillet 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Mihaela BOGHIU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
M. [Z] [G] a été embauché en qualité de soudeur par la société Proman 123, société d’intérim, suivant plusieurs contrats de mission temporaire, à compter de l’année 2011, au cours desquels il était mis à disposition d’entreprises utilisatrices. Le dernier contrat conclu avec la SASU Proman 123 a débuté le 18 septembre 2017 et pris fin le 21 septembre 2017.
Au cours du mois d’août 2017, dans le cadre de deux contrats de travail conclus avec la SASU Proman 123, M. [G] a suivi deux formations de perfectionnement aux techniques de soudage qui lui ont permis de devenir qualifié en matière de soudure « innershield » ainsi qu’en matière de TIG acier et TIG inox.
Par requête en date du 25 mai 2018, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Valence aux fins de solliciter l’indemnisation du préjudice qu’il prétend avoir subi du fait de la rétention de ses documents professionnels par l’employeur à hauteur de 84 756,67 euros nets, la remise de ses licences de soudure par l’employeur sous astreinte de 25 euros par jour, la condamnation de la société à lui verser 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les intérêts au taux légal.
La tentative de conciliation n’ayant pas abouti, l’affaire a été fixée devant le bureau de jugement à l’audience du 9 novembre 2018 puis renvoyée à celle du 14 décembre 2018.
Par jugement en date du 15 février 2019, la formation paritaire du conseil de prud’hommes de Valence a :
– débouté M. [G] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné M. [G] à verser la somme d’un euro au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la SASU Proman 123 ;
– condamné M. [G] aux dépens de l’instance.
M. [G] a interjeté appel de cette décision le 15 mars 2019.
Par arrêt en date du 16 juin 2020, la cour d’appel de Grenoble a :
– confirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Valence du 15 février 2019 dans toutes ses dispositions ;
– débouté M. [G] de l’ensemble de ses demandes ;
– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [G] aux dépens d’appel.
M. [G] a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt précité.
Par arrêt en date du 13 avril 2022, la Cour de cassation a :
– cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 juin 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;
– remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Lyon ;
– condamné la société Proman 123 aux dépens ;
– rejeté la demande formée par la société Proman 12 au titre de l’article 700 ;
– condamné la société Proman 123 à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros.
L’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Lyon.
M. [G] a saisi la cour de renvoi selon déclaration du 22 avril 2022 conformément aux dispositions de l’article 1037 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises par voie électronique le 16 juin 2022, M. [G] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Valence le 15 février 2019 ;
Et, statuant à nouveau,
– condamner la société Proman 123 à lui verser la somme de 84 756,67 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rétention abusive de ses documents professionnels ;
– condamner, s’agissant de la procédure en première instance, la société Proman 123 à lui verserla somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner, s’agissant de la première procédure devant la cour d’appel de Grenoble, la société Proman 123 à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner, s’agissant de la procédure d’appel devant la cour d’appel de Lyon, la société Proman 123 à lui verser la somme de 2 280 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens.
M. [G] soutient qu’en retenant abusivement ses documents professionnels, la faute, ou du moins la négligence, de la société Proman 123 a entrainé pour celui-ci une perte de chance de retrouver un emploi et, qu’à ce titre, elle doit l’indemniser. L’appelant déclare qu’en effet la société ne pouvait pas ignorer l’existence des divers courriers qu’il lui a adressés et, par la même, du préjudice certain que son absence de transmission entraîne puisque plusieurs recruteurs lui ont demandé lesdits documents. Il précise que si la société Proman 123 les lui a remis dans le cadre de l’audience devant le bureau d’orientation et de conciliation, son préjudice n’a quant à lui pas cessé car les certificats étaient arrivés à expiration, leur durée de validité n’étant que de six mois. Il déclare que du fait du manquement de l’entreprise, celui-ci s’est retrouvé, dans un premier temps, au chômage, puis, au RSA, puisqu’il était dans l’impossibilité de retrouver un emploi.
Il évalue le montant de son préjudice financier, qu’il estime être incontestable et quantifiable, à la somme totale de 84 756,67 euros brut qui correspondrait à ce qu’il aurait perçu dans le cadre du chantier en Suisse ; celui-ci devait durer un an, pour une durée hebdomadaire de 45 heures et en retenant une rémunération en francs suisses de 36,50 CHF de l’heure outre des paniers repas quotidiens d’un montant de 100 CHF.
Par conclusions transmises par voie électronique le 2 août 2022, la SASU Proman 123 demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Valence en toutes ses dispositions,
Par conséquent,
– débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Proman 123,
Y ajoutant,
– condamner M. [G] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Proman 123 conteste les déclarations de l’appelant, et par là-même le préjudice qu’il dit avoir subi, et indique qu’il n’est pas démontré par M. [G] qu’elle aurait retenu des documents professionnels lui revenant. En effet, l’intimée soutient que les pièces versées par l’appelant ne viennent pas attester que les courriels électroniques ont bien été réceptionnés par l’entreprise de travail temporaire et ne peuvent, dès lors, justifier l’existence d’une faute commise par celle-ci.
A titre subsidiaire, la société Proman 123 affirme que, M. [G] ayant refusé plusieurs offres de mission de sa part à l’issu de son dernier contrat, celui-ci ne peut, dès lors, invoquer une perte de chance d’être recruté sur un poste de soudeur ; d’autant qu’il n’apporte aucun élément probant quant à l’éventualité d’une issue positive au recrutement. Elle estime que la demande indemnitaire doit être rejetée puisque le calcul réalisé pour l’évaluer n’est pas conforme à la réalité de l’étendue du préjudice et, qu’en tout état de cause, celle-ci était formée, en première instance, sur le fondement de l’existence d’un préjudice certain, et non pas sur celui d’une perte de chance.
SUR CE :
Attendu qu’aux termes de l’article 1240 du code civil : ‘Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.’ ;
Attendu que, à 1’issue de son dernier contrat avec la SASU Proman 123 pour la période du 18 au 21 septembre 2017, M. [G] a adressé à son employeur un courriel en date du 24 septembre 2017 afin qu’elle lui transmette rapidement ses certificats de soudure passés durant le mois d’août 2017 et restés en sa possession, et ce pour qu’il puisse répondre à des offres d’emploi ; qu’il a réitéré sa demande par un courriel en date du 26 septembre 2017 puis par un courrier date du 7 octobre 2017 envoyé en recommandé avec avis de réception dont il produit la preuve de dépôt sur lequel apparait l’adresse de la SASU Proman 123 ;
Attendu que, si la SASU Proman 123 soutient que M. [G] ne démontre pas qu’elle aurait bien réceptionné lesdits courriels et ledit courrier, elle ne soutient pas formellement ne pas avoir les reçus et ne fait pas davantage valoir que les adresses de courrier électronique ou l’adresse postale seraient erronées ;
Attendu qu’il y a lieu dès lors lieu de considérer que la SASU Proman 123 a bien réceptionné les courriels et le courrier de M. [G] , et qu’en omettant de lui transmettre les attestations des stages de soudure malgré ses demandes réitérées et en les conservant sans raison valable jusqu’à l’audience de conciliation devant le conseil de prud’hommes, alors que ces attestations revenaient de droit au salarié, elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de l’intéressé ;
Attendu que, s’agissant du préjudice allégué par M. [G], celui-ci ne verse aux débats aucun document suffisamment précis permettant d’établir de manière certaine qu’il aurait été recruté sur un emploi spécifique s’il avait bien transmis ses certificats de soudure à temps ; qu’en effet, le courriel en date du 20 septembre 2017 de la société Interima ne fait état d’aucune promesse d’embauche claire et non équivoque conditionnée par la remise des certificats de soudure et le courriel du 26 septembre 2017 de la même société n’indique pas explicitement que M. [G] n’a pas été recruté sur le poste en raison de 1’absence de transmission dans les temps de ses certificats de soudure ; que, concernant les courriels en date du 2 octobre 2017 de M. [U], si ceux-ci font référence à un emploi en Suisse en indiquant un salaire journalier et des frais de panier, et s’il est demandé à M. [G] de transmettre ‘urgemment son cv à jour en y marquant (ses) expériences radio’, ils ne permettent pas de conclure de manière certaine que M. [G] aurait été recruté s’il avait été en mesure de transmettre ses certificats de soudeur ; qu’en outre les courriels ne font état d’aucune durée précise de la mission, M. [U] indiquant sur ce point : ‘Pour la durée du chantier en question, nous ne savons pas. C’est pour cetre raison que la société cliente vous déplacera de chantiers en chantiers afin defaire durer votre mission le plus longtemps possible’ ; qu’enfin, le eourrier en date du 8 mars 2018 de M. [E] de la société de travail intérimaire Elitt Energie se borne à indiquer que sans les qualifications de soudeur de M. [G], il est ‘difficile de le proposer pour certaine mission en local ou en déplacement’, mais ne fait état d’aucune promesse d’embauche particulière ;
Attendu toutefois que l’ensemble de ces différents échanges avec plusieurs sociétés d’interim démontrent que les formations de soudure suivies par M. [G] au cours du mois d’août 2017 lui auraient permis de postuler à des offres d’emploi en accord avec ses nouvelles qualifications, et qu’ainsi, étant dans l’impossibilité de présenter les certificats de soudure attestant de ces formations, il a perdu une chance d’être recruté sur certaines de ces offres; que le préjudice subi à ce titre est indemnisé par l’octroi de la somme de 15 000 euros net;
Attendu qu’il résulte de l’article 639 du code de procédure civile que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens et indemnités de procédure exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée ;
Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité d’allouer à M. [G] la somme de 4 440 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et devant les deux juridictions d’appel – montant total réglé par l’intéressé à son conseil ainsi qu’il résulte des notes de frais et honoraires produites ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne la SASU Proman 123 à payer à M. [Z] [G] la somme de 15 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rétention abusive de ses documents professionnels ainsi que celle de 4 440 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance ainsi que devant la cour d’appel de Grenoble et la présente cour,
Condamne la SASU Proman 123 aux dépens de première instance et d’appel,
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE