Your cart is currently empty!
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/02839 – N° Portalis DBVH-V-B7E-H25N
GLG/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AUBENAS
05 octobre 2020 RG :F19/00144
[E]
C/
S.A.R.L. VINJUMA
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 07 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUBENAS en date du 05 Octobre 2020, N°F19/00144
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 18 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Février 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [T] [E]
née en à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par M. [F] [B] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMÉE :
S.A.R.L. VINJUMA
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Guillaume GARCIA, avocat au barreau D’ALES substitué par Me MENDEZ florence, avocat au barreau d’ALES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 07 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme [T] [E] a été embauchée par l’EURL Vinjuma représentée par M. [Y] [N], en qualité de cuisinière niveau 1 échelon 1, au sein du restaurant “Menthe & Safran” situé à [Localité 4], suivant contrat de travail à durée déterminée à temps complet du 26 juin 2019 au 31 octobre 2019, soumis à la convention collective nationale de la restauration rapide.
Par requête reçue le 18 décembre 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’Aubenas afin de voir requalifier ce contrat en un contrat à durée indéterminée à compter du 19 juin 2019 et condamner l’employeur à lui payer plusieurs sommes à caractère salarial et indemnitaire.
Par jugement du 5 octobre 2020, le conseil de prud’hommes a statué comme suit :
“Dit que la présente demande devant le conseil en céans est non recevable par défaut de tentative de conciliation ;
En conséquence,
Déboute Madame [E] [T] de l’intégralité de ses demandes.
Condamne Madame [E] [T] aux entiers dépens de l’instance.
Déboute la EURL VINJUMA de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles.”
Mme [E] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 24 octobre 2020.
Aux termes de ses conclusions reçues le 22 janvier 2021, l’appelante demande à la cour de :
“Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes d’Aubenas du 5 octobre 2020,
Dire et juger recevables et bien fondées les réclamations de Madame [T] [E],
Condamner l’EURL VINJUMA « Menthe et Safran » à remettre et régler à Madame [T] [E] :
‘ Une indemnité au titre de la requalification de son contrat CDD en contrat CDI dès le 19/6/2019 au 31/10/2019 1 712,45 €
‘ Dommages et intérêts pour non respect de procédure 300,00 €
‘ Dommages et intérêts pour rupture abusive 1 712,45 €
‘ Indemnité pour heures supplémentaires 2 840,60 €
‘ Rappel de salaire du 19/6/2019 au 25/6/2019 391,17 €
‘ Congés payés sur heures supplémentaires et rappel de salaire 323,17 €
‘ Indemnité pour absence de visite médicale d’embauche 500,00 €
et non respect de son obligation de sécurité
‘ Indemnité pour travail dissimulé 10 274,70 €
‘ Remise d’un bulletin de paie pour Juin 2019 (du 19 au 25/6/2019), d’un certificat de travail du 19/6/2019 au 31/10/2019 et d’une attestation pôle emploi englobant les heures supplémentaires, le rappel de salaire de Juin 2019 ainsi que les congés payés afférents sous astreinte de 100 € par jour de retard
‘ 500 € sur le fondement de l’article 700 du CPC en cause d’appel”
Elle expose que :
‘ elle a commencé à travailler sans contrat écrit dès le 19 juin 2019 afin de mettre en place la logistique et la préparation en vue de l’ouverture du restaurant le 8 juillet 2019, ce qui justifie sa demande de rappel de salaire et de requalification du CDD en CDI ;
‘ elle n’a bénéficié d’aucune visite médicale d’information et de prévention ;
‘ elle a accompli de nombreuses heures supplémentaires non mentionnées sur ses bulletins de paie ni rémunérées, ce qui caractérise le travail dissimulé.
L’intimée forme les demandes suivantes au dispositif de ses conclusions du 29 mars 2021 :
“Confirmer le jugement rendu le 5 octobre 2020 par la Section Commerce du Conseil de Prud’hommes d’AUBENAS.
En tout état de cause,
Débouter Madame [T] [E] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
Condamner Madame [T] [E] à verser à la SARL VINJUMA une indemnité à hauteur de 2 400,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne Madame [T] [E] aux entiers dépens d’instance.”
Elle réplique que :
‘ les demandes sont irrecevables car la salariée n’a entrepris aucune diligence en vue de parvenir à une résolution amiable du litige et elle a saisi directement le bureau de jugement sans tentative préalable de conciliation ;
‘ le restaurant a ouvert le 8 juillet 2019, Mme [E] a été embauchée à compter du 26 juin 2019, et les témoignages qu’elle verse aux débats ne sont pas réguliers ni précis ni probants ;
‘ Mme [E] était rémunérée pour un horaire hebdomadaire de 39 heures, elle n’a accompli aucune heure supplémentaire au-delà de cette durée, et elle chiffre sa demande à la somme de 2 840,60 euros bruts sans préciser le nombre d’heures prétendument accomplies ;
‘ la visite d’information et de prévention prévue à l’article R. 4624-10 du code du travail dans un délai n’excédant pas trois mois à compter de la prise de poste n’a pu avoir lieu car la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 20 août 2019 jusqu’au terme du contrat de travail.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 octobre 2022, à effet au 4 novembre 2022.
MOTIFS DE L’ARRÊT
‘ sur la recevabilité des demandes
L’article 58 du code de procédure civile, dans sa version applicable, prévoit que, sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Si la requête ne comporte aucune précision sur ce point, l’employeur en déduit à tort qu’elle est irrecevable, le texte ne prévoyant pas une telle sanction.
Par ailleurs, l’article L. 1245-2 du code du travail dispose que lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement.
Il résulte de ces dispositions qu’en l’espèce l’irrecevabilité des demandes n’est pas davantage encourue du fait de l’absence de tentative préalable de conciliation.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de l’intégralité de ses prétentions au motif que la demande n’était pas recevable faute de tentative de conciliation.
‘ sur l’existence d’un contrat de travail antérieur à la signature du CDD
Le contrat de travail est celui par lequel une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
En l’espèce, Mme [E] expose qu’elle a travaillé dès le 19 juin 2019 afin de mettre en place “toute la logistique et la préparation avant l’ouverture officielle du restaurant le 8/7/2019”.
Il ressort du jugement déféré qu’à la question posée par le conseil de prud’hommes concernant son activité avant l’ouverture du restaurant, la salariée a répondu qu’elle “faisait les courses à Metro à Nîmes, le matériel pour le resto, toujours il y avait des choses à faire, toute l’organisation (courses, menus et ménages”, en vue de l’ouverture prévue le 8 juillet.
Outre que les attestations qu’elle verse aux débats ne permettent pas de situer précisément le début de son activité, hormis celle de Mme [H], laquelle fait mention de leur lien familial, l’appelante ne conteste pas qu’elle était une amie de la compagne du gérant, de sorte qu’elle n’établit pas avoir exécuté un travail sous lien de subordination avant le 26 juin 2019, date de son embauche en qualité de cuisinière.
En conséquence, la demande de rappel de salaire pour la période du 19 au 25 juin 2019 sera rejetée.
‘ sur les heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l’espèce, la salariée produit plusieurs témoignages attestant de l’amplitude de ses horaires de travail, ainsi qu’un décompte manuscrit détaillé des heures de travail qu’elle dit avoir réalisées jusqu’à son arrêt de travail pour maladie à compter du 20 août 2019, lequel mentionne ses heures quotidiennes de début et de fin de service, le nombre d’heures accomplies chaque semaine en sus de son horaire contractuel de 39 heures, et les majorations applicables.
Ces éléments étant suffisamment précis pour lui permettre de répondre, l’employeur réplique que l’établissement était de petite taille et que son exploitation a été obérée par les travaux réalisés en début de saison, que la salariée n’a pas travaillé plus de 39 heures chaque semaine et qu’elle a été rémunérée pour les 17,33 heures supplémentaires accomplies mensuellement, que les témoignages qu’elle produit ne sont pas précis ni probants, que sa présence n’était plus nécessaire après le service du dernier client, soit rarement après 14 heures, que l’autre cuisinier et le commis recrutés pour la saison n’ont pas contesté leur temps de travail, et que si le premier a quitté le restaurant en cours de saison, il a été remplacé par la compagne du gérant.
La justification des heures de travail effectivement réalisées ne résultant pas de ces éléments, il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 2 840,60 euros bruts, outre 284,06 euros bruts de congés payés afférents, ainsi qu’à la demande de remise d’un bulletin de paie rectificatif sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois.
‘ sur le travail dissimulé
Il résulte des dispositions de l’article L. 8221-5, 2° du code du travail qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié notamment le fait de se soustraire intentionnellement à la formalité relative à la déclaration préalable à l’embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
En l’espèce, la salariée n’établit pas avoir travaillé sous lien de subordination avant le 26 juin 2019 et l’employeur justifie avoir procédé à la déclaration d’embauche le 24 juin 2019.
L’absence de justification par l’employeur des horaires de travail effectivement réalisés par la salariée ne suffisant pas à caractériser l’élément intentionnel du travail dissimulé, la demande de ce chef sera rejetée.
‘ sur le défaut de visite médicale
Aux termes de l’article R. 4624-10 du code du travail, tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention, réalisée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624-1 dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.
En l’espèce, la salariée embauchée à compter du 26 juin 2019 a été placée en arrêt de travail pour maladie du 20 août 2019 au 31 octobre 2019, terme de son contrat de travail à durée déterminée.
Aucun manquement à ces dispositions ne peut donc être reproché à l’employeur, peu important que le service de santé au travail ne disposait d’aucun dossier à son nom.
Cette demande n’est donc pas justifiée.
‘ sur la rupture
La demande de requalification du CDD en CDI étant rejetée et le contrat de travail à durée déterminée ayant pris fin à l’échéance normale du terme, soit le 31 octobre 2019, la salariée sera déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et pour rupture abusive.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare les demandes recevables,
Condamne l’EURL Vinjuma à payer à Mme [E] les sommes suivantes :
‘ rappel d’heures supplémentaires brut 2 840,60 euros
‘ congés payés afférents brut 284,06 euros
‘ article 700 du code de procédure civile 500,00 euros
Déboute Mme [E] de ses demandes à titre de rappel de salaire pour la période du 19 au 26 juin 2019, d’indemnité de requalification, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour défaut de visite d’information et de prévention, et de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et rupture abusive,
Dit que l’employeur devra remettre à la salariée un bulletin de paie rectificatif conforme dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois,
Condamne l’intimée aux entiers dépens.
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,