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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11 OP
ORDONNANCE SUR CONTESTATION
D’HONORAIRES D’AVOCATS
DU 07 FEVRIER 2023
N°2023/ 33
Rôle N° RG 21/05741 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHJK7
[C] [H]
C/
[U] [M]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Rachel COURT-MENIGOZ
Copie délivrée
le :
à :
M. [C] [H]
Me David TRAMIER
M. [U] [M]
Décision déférée au Premier Président de la Cour d’Appel:
Décision fixant les honoraires de Me Sébastien ZARAGOCI rendue le
15 Mars 2021 par le Bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 3].
DEMANDEUR
Monsieur [C] [H], demeurant Chez M. [N] [V] – [Adresse 1]
représenté par Me David TRAMIER, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, comparant.
DEFENDEUR
Monsieur [U] [M], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Matthieu BOTTIN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L’affaire a été débattue le 05 Janvier 2023 en audience publique devant
Madame Catherine LEROI, Conseiller,
délégué par ordonnance du Premier Président .
Greffier lors des débats : M. Frank GENIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Février 2023.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 07 Février 2023
Signée par Madame Catherine LEROI, Conseiller et M. Frank GENIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par décision en date du 15 mars 2021, le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de [Localité 3] a fixé à la somme de 13160,60 € TTC le montant des honoraires dus par M. [C] [H] à Me [U] [M] et a dit que M. [C] [H] devrait verser à son ancien conseil la somme de 9560,60 €, compte tenu des provisions versées.
Par courrier recommandé adressé le 13 avril 2021 et reçu au greffe le 16 avril 2021, M. [C] [H] a relevé appel de cette décision.
Les parties été régulièrement convoquées à l’audience du 9 février 2022. L’affaire a été renvoyée à l’audience du 5 janvier 2023 à laquelle elle a été plaidée.
Lors de cette audience, M. [C] [H], se référant à ses conclusions déposées à l’audience et visées par le greffier, sollicite l’infirmation de la décision déférée, la fixation des honoraires de Me [U] [M] à la somme de 3600 € TTC; il demande à la juridiction de dire que cette somme viendra en compensation avec la provision déjà versée et de condamner Me [U] [M] aux entiers dépens, outre la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Me [U] [M] sollicite l’allocation de ses écritures déposées à l’audience et visées par le greffier tendant à voir déclarer irrecevable la demande de M. [C] [H] en taxation de ses honoraires en ce qu’elle a déjà donné lieu à une décision et, à titre subsidiaire, à voir confirmer la décision déférée et condamner M. [C] [H] au paiement de la somme de 13161,60€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir, la somme de 3600€, déjà versée, devant venir en déduction, ainsi qu’au paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, frais d’exécution éventuels compris.
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il n’est justifié d’aucune cause d’irrecevabilité du recours exercé conformément aux conditions prévues par l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
Sur la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée de la demande de M. [C] [H] en fixation des honoraires de Me [U] [M] en date du 17 novembre 2020:
Il est établi que le 22 février 2018, M. [C] [H] a sollicité l’intervention du bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de [Localité 3] à propos d’une convention en date du 22 mars 2017 convenue avec Me [U] [M], et ce, en vue de parvenir à un accord amiable portant sur la réparation des préjudices liés à l’incompétence du conseil des prud’hommes de Nice, sans qu’aucun avenant n’ait été fait à la convention qui prévoyait la saisine de cette juridiction, au lieu du conseil des prud’hommes de Grasse, auxhonoraires indûment perçus, sans que la convention précise le taux horaire prévu à l’article 6, au non-suivi des demandes par son conseil, à la non-prise en compte de sa demande de plainte pénale par la convention d’honoraires et aux correspondances mensongères adressées par son ancien avocat.
Par courrier en date du 4 juin 2018 , le bâtonnier de [Localité 3] a répondu, par la voix de son délégataire, qu’il ne pouvait être reproché une quelconque défaillance à Me [U] [M] , dans la défense de ses intérêts.
M. [C] [H] lui a alors indiqué, par courrier reçu à l’ordre des avocats le 4 juillet 2018, saisir le premier président d’une demande de taxation des honoraires de Me [U] [M], ce qu’il faisait effectivement par lettre recommandée reçue au greffe de cette cour d’appel le 20 août 2018.
Par ordonnance en date du 26 novembre 2019, le premier président de cette cour d’appel, constatant que M. [C] [H] n’avait pas communiqué de justificatif de la saisine du bâtonnier aux fins de contestation des honoraires de Me [U] [M], a déclaré sa demande irrecevable.
Par lettre recommandée en date du 17 novembre 2020 reçue à l’ordre des avocats le 19 novembre 2020, M. [C] [H] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 3] d’une contestation de honoraires perçus par Me [U] [M].
Par la décision querellée en date du 15 mars 2021, le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de [Localité 3] indiquant n’avoir pas, avant la présente fixation des honoraires, traité ce dossier sous l’aspect de la contestation des honoraires par M. [C] [H], a estimé qu’il ne saurait y avoir autorité de la chose jugée qui s’opposerait à une demande formée en ce sens.
Il ressort des échanges intervenus entre M. [C] [H] et le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de [Localité 3] courant 2018 que ce dernier ne s’est jamais estimé saisi d’une contestation des honoraires de Me [U] [M], ce qui aurait supposé qu’il accuse réception d’une telle demande, conformément aux dispositions de l’article 175 du décret du 27 novembre 1991. C’est aussi pour cette raison et à défaut de prouver l’existence d’une telle saisine que M. [C] [H] a été déclaré irrecevable le 26 novembre 2019 en sa demande en fixation des honoraires de Me [U] [M] dont il avait directement saisi le premier président de cette cour d’appel.
Dès lors, la fin de non recevoir de la demande en fixation des honoraires de Me [U] [M] en date du 17 novembre 2020, tirée de l’autorité de la chose jugée, doit être rejetée.
Sur la contestation des honoraires dus par M. [C] [H] à Me [U] [M] :
Le 22 mars 2017, M. [C] [H] a confié à Me [U] [M] la défense de ses intérêts concernant un litige avec son employeur, la société RNB, en saisissant le conseil des prud’hommes de Nice.
Une convention d’honoraires a été établie par les parties prévoyant un honoraire forfaitaire de 3000 € HT, indépendamment de tous frais et débours ainsi qu’un honoraire complémentaire de résultat fixé à 15 % hors taxes des sommes effectivement et irrévocablement obtenues de l’adversaire ou des sommes réclamées par ce dernier irrévocablement éludées.
L’article 6 de la convention prévoyait qu’en cas de rupture de la convention pour quelque cause que ce soit, à l’initiative de l’avocat ou du client, les parties convenaient de renoncer au caractère forfaitaire des honoraires qui seraient calculés sur la base du taux horaire figurant ci-dessous, outre les frais selon tarif et un complément sur la base ci-dessous.
Toutefois, aucune clause ne précisait le montant de ce taux horaire.
Me [M] établissait le même jour une note d’honoraires n° 17783 d’un montant de 3000€ HT soit 3600 € TTC dont M. [C] [H] s’acquittait le 30 mars 2017.
Aux termes de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte des usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Le défaut d’information délivrée par le conseil quant à son coût horaire de rémunération, s’il est regrettable, ne dispense pas le client de payer des honoraires à son conseil.
Par ailleurs, il n’appartient pas au juge de l’honoraire d’apprécier, même de manière indirecte, la responsabilité professionnelle d’un avocat en prenant en compte les critiques émises sur la qualité de sa prestation et les manquements allégués par le client à son égard. Il convient seulement de vérifier la RÉALITÉ des prestations de Me [U] [M] puis d’apprécier le montant des honoraires correspondants.
Il n’est pas contesté qu’il a été mis fin à la mission de l’avocat avant son terme soit le 6 octobre 2017.
Il convient donc de faire application de la convention des parties prévoyant une rémunération au temps passé, en cas de cessation anticipée de la mission de l’avocat, et des critères prévus par l’article 10 susvisé pour fixer le taux horaire de rémunération du conseil, non stipulé par la convention.
Me ZARAGOCI sollicite l’application d’un taux horaire de 200 € HT et estime son temps de travail à 54,84 heures, ce qui conduit à la fixation de ses honoraires à la somme de 10968 € HT soit 13161,60€ TTC.
M. [H] s’oppose à cette fixation en indiquant qu’il appartient à Me [M] de justifier des diligences qu’il allègue et qu’en outre, son ancien conseil lui a indiqué, par courriel en date du 9 octobre 2017 postérieur à la résiliation du contrat, qu’il se trouvait en règle avec son cabinet.
Il est exact qu’à la demande de M. [H] de faire le décompte de ses honoraires pour le travail exécuté, Me [M] lui répondait par courriel en date du 9 octobre 2017 : ‘ vous êtes en règle avec mon cabinet, concernant le règlement de mes frais et honoraires.’
Il émettait cependant le 19 octobre 2018 une note de frais n° 18057 d’un montant de 10968 €HT portant sur :
– le rendez-vous initial 1,50 heure
– courriels-demandes de consultation 17,67 heures
– courriers tapés à la gestion du dossier, imprimés et classés 10,50 heures
– audience de conciliation du 14 juin 2017 devant le conseil
des prud’hommes de Grasse 4 heures
– audiences de mise en état des 19 /09/2017 et 7 novembre 2017
devant le conseil des prud’hommes de Grasse 2 heures
– acte de saisine 2,50 heures
– conclusions 12,67 heures
– rendez- vous, consultations et appels téléphoniques 4 heures
total 10968 € HT
soit un solde restant dû, après déduction de la provision de 3000 € HT, de 7968 € HT soit 9561,60 € TTC.
Il ne saurait être tiré du simple courriel selon lequel M. [H] serait en règle avec la comptabilité du cabinet, lequel signifie seulement que tous les fonds appelés ont été réglés par le client, que Me [U] [M] entendait limiter ses honoraires à la somme de 3600 € TTC payée au titre de l’honoraire forfaitaire au début de sa mission, une telle interprétation étant incompatible avec la clause de dessaisissement figurant dans la convention des parties.
Le taux de rémunération horaire de 200 € HT appliqué par Me [U] [M] n’apparaît pas excessif au regard de la technicité du contentieux et de la situation du client telle que portée à la connaissance de la juridiction, M. [H] ne démontrant pas s’être trouvé dans une situation de précarité particulière.
Il appartient au juge de l’honoraire d’estimer la durée de travail rendue nécessaire par les diligences réalisées.
Il sera constaté que M. [H] ne conteste pas la durée des rendez-vous s’étant tenus avec son avocat non plus que celle des diverses audiences. Toutefois, il n’est pas justifié de la durée des conversations téléphoniques alléguées; il sera donc retenu, au total, une durée de travail de 4h30 incluant le rendez-vous initial.
S’agissant des courriers adressés par Me [U] [M], il sera retenu pour leur rédaction, une durée de travail de 5 minutes pour chacune des 42 lettres adressées au client et à la partie adverse.
S’agissant de l’analyse des courriers reçus de M. [H] contenant diverses pièces et/ou demandant l’avis de son conseil, il n’y a pas lieu de retenir la totalité de ces courriels, compte tenu de la nature parfois très simple de ces derniers ne contenant que des observations ne demandant pas de réponse ; en revanche, il sera retenu au titre de la correction de la lettre recommandée envoyée par M. [C] [H] à son ancien employeur et des courriels adressés à ce sujet une durée de travail de 2 heures ; il est par ailleurs justifié de l’envoi par M. [H] de deux courriels complexes supposant la prise de connaissance par l’avocat d’un nombre de pièces important : il sera retenu à ce titre une durée de travail de 15 minutes pour chacun de ces deux envois ; enfin , il est justifié d’une dizaine de demandes de consultation par le client sur des points précis pour lesquelles il sera retenu une durée de travail de 8 mn chacune. Dès lors, il convient de fixer au total à 3h50 la durée de travail induite par l’analyse et le traitement des courriers reçus du client.
Enfin, les durées de travail alléguées au titre de la rédaction de la requête et des conclusions sont justifiées respectivement à hauteur de 2h30 et 12h30.
La durée totale de travail de Me [U] [M] s’établit donc, au vu des pièces produites, comme suit :
– rendez-vous initial 1 h30
– rendez-vous suivants des 31 mars et 12 avril 3 heures
– audience de tentative de conciliation 4 heures
– audiences de mise en état 2 heures
– rédaction de 42 lettres 3h30
– l’analyse des courriers reçus de M. [H] contenant diverses pièces et/ou demandant l’avis de son conseil 3h50
– rédaction et dépôt d’une requête de saisine du conseil des prud’hommes de Grasse assortie de 3 pièces 2h30
– rédaction de conclusions 38 pages et d’un bordereau de communication de 35 pièces
12h30
soit un total de 32h50 à raison de 200 € HT de l’heure soit un montant total d’honoraires de 6566,67 € HT soit 7880 € TTC.
M. [C] [H] ayant réglé la somme de 3600 € TTC, reste redevable de celle 4280 € TTC laquelle portera intérêts au taux légal à compter de ce jour, conformément à la demande de Me [M].
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie supportera la charge des dépens dont elle a fait l’avance.
PAR CES MOTIFS, statuant publiquement, contradictoirement en matière de contestation d’honoraires d’avocat,
DECLARONS recevable le recours formé par M. [C] [H] à l’encontre de la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de [Localité 3] en date du 15 mars 2021 ;
CONFIRMONS la décision déférée en ce qu’elle a rejeté la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée opposée à la demande de M. [C] [H] en fixation des honoraires de Me [U] [M] en date du 17 novembre 2020 ;
L’INFIRMONS pour le surplus et statuant à nouveau,
FIXONS les honoraires dus par M. [C] [H] à Me [U] [M] à la somme 6566,67 € HT soit 7880 € TTC et le solde restant dû, après déduction de la provision de 3600€ TTC, à la somme de 4280 € TTC;
CONDAMNONS en conséquence M. [C] [H] à payer à Me [U] [M] la somme de 4280 € TTC au titre du solde de ses honoraires avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
DEBOUTONS les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISONS que chaque partie supportera la charge des dépens par elle avancés.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE