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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 21/00485 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UKGJ
AFFAIRE :
Association AARPI MCDERMOTT WILL & EMERY
C/
[L] [T]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 07 Janvier 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F 18/01539
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Blandine DAVID de
la SELARL KÆM’S AVOCATS
Me Nadia BOUZIDI-FABRE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Association AARPI MCDERMOTT WILL & EMERY
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par : Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM’S AVOCATS, Plaidant/Constitué , avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110 – substitué par Me Emmanuel NOIROT avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Madame [L] [T]
née le 01 Août 1977 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par : Me Nadia BOUZIDI-FABRE, Plaidant/Constitué , avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0515 – substitué par Me DUEZ-RUFF Valérie avocate au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [L] [T] a commencé à travailler en collaboration avec Maître [N] à partir de 2001 et l’a suivi dans son évolution de carrière au sein de différents cabinets d’avocats.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée, elle a été engagée à compter du 16 mai 2011 en qualité d’assistante juridique au statut assimilé cadre coefficient 300, par le cabinet McDermott Will & Emery, représenté par M. [G], avocat associé gérant, avec reprise d’ancienneté au 1e mars 2000.
A compter du 8 novembre 2018, la salariée a été placée continûment en arrêt de travail. Le 20 novembre suivant, son conseil a écrit au cabinet d’avocats pour lui demander de quelles façon il comptait remédier aux difficultés que la salariée indiquait rencontrer depuis plusieurs mois dans l’exercice de son contrat de travail.
Exposant que Maître [N] n’a pas toléré qu’elle adopte une position de neutralité dans le conflit qui l’opposait à maître [E], avocate salariée au sein du cabinet, et dénonçant divers agissements de son supérieur à son égard, Mme [T] a saisi, le 17 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, assortie de demandes en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, des indemnités de rupture et de créances salariales et indemnitaires.
Convoquée le 21 décembre 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 3 janvier suivant, Mme [T] a été licenciée par lettre datée du 17 janvier 2019 pour faute grave à savoir des ‘remboursements frauduleux de frais prétendument exposés au titre de déjeuners entre la salariée et des clients du cabinet’, déjeuners qualifiés de ‘fictifs’, et de ‘frais prétendument exposés au titre d’achat et d’utilisation de timbres fiscaux pour des procédures d’appel’.
Une plainte pénale a été déposée contre Mme [T] auprès du procureur de la République le 12 novembre 2019, pour escroquerie dont l’issue a consisté en l’ordonnance d’homologation prononcée le 7 décembre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris statuant sur reconnaissance préalable de culpabilité. Aux termes de cette décision, Mme [T] a été condamnée sur l’action publique pour avoir entre le 1er mars 2014 et le 31 janvier 2018 trompé le cabinet McDermott Will & Emery et son comptable, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l’espèce,
– d’une part, en réglant des timbres justice avec sa carte bancaire personnelle puis en demandant le remboursement au titre des frais professionnels alors même qu’elle en avait déjà obtenu le remboursement par le ministère de la justice,
– d’autre part, en demandant le remboursement de frais professionnels pour le compte d’avocats associés en remplaçant leur coordonnées bancaires par les siennes, et de l’avoir ainsi déterminé à remettre des fonds, valeurs ou bien quelconque.
Par cette même décision, le président du tribunal judiciaire a reçu la constitution de partie civile des 23 associés de la Aarpi McDermott Will & Emery et condamné Mme [T] à leur verser la somme de 14 719,02 euros au titre du préjudice matériel.
Mme [T] a fait évoluer ses demandes devant le conseil de prud’hommes, lui demandant, à titre subsidiaire de juger nul le licenciement et à défaut, dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La société a soulevé la nullité de la requête formée par Mme [T], s’est opposée aux demandes de la requérante et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 7 janvier 2021, notifié les 16 et 21 janvier 2021, le conseil a statué comme suit :
Juge que la moyenne des douze dernières rémunérations de Mme [T] intègre la prime ENADEP, soit une moyenne de 6 440,59 euros,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur,
Condamne en conséquence le cabinet McDermott Will & Emery à :
– 41 041,79 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 16 135,96 euros au titre de l’indemnité de préavis
– 1 613,60 euros au titre des congés payés afférents,
– 40 000 euros au titre de dommages et intérêts,
– 30 541,62 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires
– 3 054,16 euros au titre des congés payés afférents,
– 7 962,68 euros au titre de rappel de salaire sur prime ENADEP
– 796,26 euros au titre des congés payés afférents,
– 38 643,54 euros au titre d’indemnité pour travail dissimulé
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise de documents légaux sous astreinte journalière de 50 euros à compter de 30 jours à partir de la mise à disposition auprès du greffe du présent jugement,
Déboute Mme [T] de ses autres demandes,
Déboute le cabinet de l’intégralité de ses demandes,
Laisse à la charge de chacune des parties ses propres dépens.
Le 16 février 2021, l’ Aarpi McDermott Will & Emery, association d’avocats à responsabilité professionnelle individuelle a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 10 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 mai 2023.
‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 4 mai 2023, l’ Aarpi McDermott Will & Emery demande à la cour de :
Réformer le jugement rendu le 7 janvier 2021 par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
– jugé que la moyenne des douze dernières rémunérations de Mme [T] intègre la prime ENADEP, soit une moyenne de 6 440,59 euros ,
– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] aux torts de l’employeur,
– l’a condamnée en conséquence à :
– 41 041,79 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
– 16 135,96 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 1 613,60 euros au titre des congés payés afférents
– 40 000 euros au titre de dommages et intérêts
– 30 541,62 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 3 054,16 euros au titre des congés payés afférents
– 7 962,68 euros au titre de rappel de salaire sur prime ENADEP, outre 796,26 euros au titre des congés payés afférents
– 38 643,54 euros au titre d’indemnité pour travail dissimulé
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonné la remise des documents légaux sous astreinte journalière de 50 euros à compter de 30 jours à partir de la mise à disposition auprès du greffe du présent jugement,
– l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes.
Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de céans de :
Déclarer irrecevables toutes les demandes, fins et prétentions de Mme [T] à son encontre,
A titre subsidiaire,
Juger que le cabinet McDermott Will & Emery ne s’est rendu coupable d’aucun harcèlement moral ou discrimination à l’encontre de Mme [T] ;
– Juger que le cabinet McDermott Will & Emery n’a pas violé son obligation de sécurité à l’égard de Mme [T] ;
– Juger que les demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires sont infondées ;
– Juger que les demandes de rappel de salaire au titre des primes ENADEP sont infondées et que la rémunération mensuelle moyenne de Mme [T] est conforme aux stipulations conventionnelles applicables ;
Par voie de conséquence,
– Fixer la rémunération mensuelle brute de Mme [T] sur les 12 derniers mois à 6 024,43 euros,
– Juger que la résiliation judiciaire de Mme [T] produit les effets d’une démission,
– Juger que le licenciement de Mme [T] repose sur une faute grave,
– Débouter Mme [T] de toutes ses demandes à l’encontre du cabinet McDermott Will & Emery,
En toute hypothèse,
– Déclarer irrecevable la demande de Mme [T] tendant à voir condamner le cabinet à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du prétendu préjudice tiré de la prétendue intention dilatoire de l’appelante et, subsidiairement, l’en débouter,
– Constater que Mme [T] n’a pas saisi régulièrement la cour de prétentions tendant à voir infirmer des chefs du dispositif du jugement dont elle recherche l’anéantissement,
– Débouter par conséquent Mme [T] de toutes ses prétentions tendant à voir aggraver le sort de l’appelante par rapport à la décision de première instance,
– Condamner Mme [T] au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 5 mai 2023, Mme [T] demande à la cour de :
Débouter le cabinet McDermott Will & Emery de sa demande d’irrecevabilité sur la prétendue absence de personnalité morale de l’AARPI comme totalement injustifiée, erronée et infondée.
Condamner le cabinet McDermott Will & Emery à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice tiré de l’intention dilatoire de l’appelant.
Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur
– condamné en conséquence le cabinet McDermott Will & Emery à :
o 41 041,79 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
o 16 135,96 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 1 613,60 euros au titre des congés payés y afférents
o 7 962,68 euros au titre de rappel de salaire sur prime ENADEP, outre 796,26 euros au titre des congés payés y afférents
– ordonné la remise des documents légaux sous astreinte journalière de 50 euros à compter de 30 jours à partir de la mise à disposition du Greffe du présent jugement
Et statuant à nouveau,
L’infirmer pour le surplus,
Vu les articles L. 1132-1 et L. 1132-4, L. 4121-1, L. 1154-1, L. 1235-3, L. 3121-10, L. 3121-22, L. 3171-4, L. 8223-1, R. 1234-2 et R. 3243-1 du code du travail, la convention collective, la jurisprudence, l’article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT,
Juger que la moyenne de ses douze dernières rémunérations s’élève à la somme de 8 067,98 euros, ou à titre subsidiaire à 6 440,59 euros
Condamner le cabinet McDermott Will & Emery aux sommes suivantes :
– Dommages et intérêts pour nullité du licenciement : 160 000 euros
o A titre subsidiaire : dommages et intérêts pour rupture abusive : 160 000 euros
o A défaut : 125 053,69 euros suivant le barème dit Macron
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour ne confirmerait pas le jugement dont appel,
Que le licenciement soit jugé comme étant nul, en conséquence, condamner le cabinet McDermott Will & Emery aux sommes suivantes :
– Dommages et intérêts pour licenciement nul : 160 000 euros,
– 49 481,15 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement
– 16 135,96 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 1 613,60 euros au titre des congés payés y afférents
A défaut,
Que le licenciement soit reconnu comme étant sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamner le cabinet McDermott Will & Emery aux sommes suivantes :
– 160 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– A défaut : 125 053,69 euros suivant le barème fixé par les Ordonnances Macron,
– 49 481,15 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 16 135,96 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 1 613,60 euros au titre des congés payés y afférents,
En tout état de cause, condamner le cabinet McDermott Will & Emery aux sommes suivantes:
– Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 20 000 euros ;
– Rappel de salaire sur heures supplémentaires : 30 541,62euros, outre 3 054,16 euros au titre des congés payés afférents ;
– Indemnité pour travail dissimulé : 48 407,88 euros ;
– Exécution déloyale de la convention de forfait en jour : 5 000 euros ;
– Remise des documents suivants : attestation Pôle Emploi, certificat de travail, bulletins de paie et relevé mensuel des cotisations versées aux organismes sociaux pendant la période de mise à disposition, sous astreinte journalière de 50 euros, augmentée à 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision de la cour d’appel ;
– Article 700 du code de procédure civile : 10 000 euros, outre les entiers dépens au profit de Maître Bouzidi-Fabre, par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Débouter le cabinet McDermott Will & Emery de l’ensemble de ses demandes et prétentions.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
Au visa de l’article 32 du code de procédure civile, l’ Aarpi McDermott Will & Emery soulève l’irrecevabilité de l’action dirigée par Mme [T] dans la mesure où elle est dépourvue du droit d’agir. Tout en exposant être recevable et fondée à se défendre à une action en justice mal dirigée contre elle, ainsi que l’a confirmé la Cour de cassation (2ème chambre 24 mars 1983 Bull. Civ.II n°125), l’association appelante fait valoir qu’elle est néanmoins dépourvue de personnalité morale.
Mme [T] objecte que l’acte introductif d’instance vise expressément l’ensemble des sociétés composant l’Aarpi, que l’association a conclu en son nom, ainsi qu’au nom de l’ensemble de ses sociétés membres, dans les mêmes termes qu’elle (pièce n°81), mais qu’elle a interjeté appel au nom de la seule AARPI, sans viser l’ensemble des sociétés membres.
Se prévalant d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Poitiers (1ère chambre 28 janvier 2020), l’intimée objecte que l’ Aarpi McDermott Will & Emery a bien une personnalité civile lui permettant d’ester en justice et de succomber à une condamnation. Elle souligne que le groupement appelant dispose d’un identifiant Siren et Siret, jouit de son propre compte bancaire, et que le contrat de travail a été conclu avec l’Aarpi McDermott Will & Emery, au nom de laquelle ses bulletins de salaire étaient établis.
À titre subsidiaire, Mme [T] considère que le défaut de personnalité juridique de l’ Aarpi McDermott Will & Emery ne pourrait s’analyser qu’en un défaut de capacité d’ester en justice au sens de l’article 117 du code de procédure civile constitutive d’une irrégularité sanctionnée par une nullité pour vice de fond et non en une fin de non recevoir tirée du défaut de droit d’agir.
Par application de l’article 32 du code de procédure civile, la Cour de cassation juge avec constance qu’ est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir et que cette situation n’est pas susceptible d’être régularisée lorsque la prétention est émise par ou contre une partie dépourvue de personnalité juridique.
L’article 7, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que : « L’avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d’une association dont la responsabilité des membres peut être, dans des conditions définies par décret, limitée aux membres de l’association ayant accompli l’acte professionnel en cause, soit au sein d’entités dotées de la personnalité morale, à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d’un avocat ou d’une association ou société d’avocats ou d’une société ayant pour objet l’exercice de la profession d’avocat. Il peut également être membre d’un groupement d’intérêt économique ou d’un groupement européen d’intérêt économique ».
L’article 124 du décret n° 91’1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat précise le régime de l’association d’avocats dans les termes suivants :
« Une association d’avocats peut comprendre des avocats personnes physiques et des personnes morales exerçant la profession d’avocat. Chacun des membres de l’association est tenu des actes accomplis par l’un d’entre eux, au nom de l’association, à proportion de ses droits dans l’association. Chacun des membres de l’association répond, en outre, sur l’ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu’il accomplit à l’égard de ses clients. La dénomination de l’association est immédiatement précédée ou suivie de la mention “association d’avocats”. Le contrat d’association, sur décision unanime des associés, peut prévoir que la mise en cause de la responsabilité professionnelle de l’un de ses membres n’engagera pas celle des autres associés. Cette clause est opposable aux tiers, dès lors qu’elle a fait l’objet des formalités prévues aux articles 124-1 à 126. Dans ce cas, la dénomination de l’association est immédiatement précédée ou suivie de la mention “association d’avocats à responsabilité professionnelle individuelle” ou des initiales “AARPI”. Les droits dans l’association de chacun des avocats associés lui sont personnels et ne peuvent être cédés. »
L’association d’avocats à responsabilité professionnelle individuelle est un mode d’exercice propre à la profession d’avocat qui a pour objet l’exercice en commun de cette profession. Cette structure n’a pas la personnalité juridique ainsi qu’il résulte de la lettre même de l’article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précité et est soumise au régime des sociétés en participation résultant des articles 1871 et suivants du Code civil.
En l’espèce, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une requête dirigée contre le « groupement McDermott Will & Emery, association d’avocats à responsabilité professionnelle individuelle, représenté par son Avocat associé gérant M. [Y] [G] » afin qu’il soit ‘procédé à une tentative de conciliation ou statué sur le fond à défaut de comparution de l’ Aarpi […]’ . (pièce n°11 de l’appelante)
Aux termes de ses conclusions reprises oralement à l’audience de plaidoirie du 4 septembre 2020, elle a sollicité du conseil de prud’hommes qu’il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamne le « Cabinet McDermott Will & Emery » au paiement de diverses sommes (Pièce n°62).
Mme [T] a certes listé dans ses écritures les sociétés composant l’Aarpi, mais son action devant le conseil de prud’hommes n’était dirigée que contre l’ Aarpi McDermott Will & Emery, seule visée au dispositif de ses conclusions.
Si elle se prévaut de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Poitiers le 28 janvier 2020, par lequel cette juridiction a retenu qu’une Aarpi disposait d’une personnalité civile la ‘mettant en mesure d’être susceptible de succomber à une condamnation’, cette décision a été cassée et annulée par arrêt de la Cour de cassation en date du 8 mars 2023 (Cass. civ. 2 ème , 8 mars 2023, n° 20-16.475, P).
Dès lors, il importe peu que l’ Aarpi dispose d’un identifiant Siren et Siret, que le contrat de travail a été conclu à en-tête du groupement McDermott Will & Emery, que les bulletins de salaire soient établis à son nom et qu’une condamnation serait exécutable à son encontre puisqu’elle est titulaire d’un compte bancaire et d’avoirs.
L’action et les demandes formées tant en première instance qu’en cause d’appel étant dirigées contre l’ Aarpi McDermott Will & Emery, et non les sociétés la composant, dont les références ont simplement été rappelées dans les écritures de la salariée, la fin de non recevoir soulevée par l’appelante sera accueillie et Mme [T] déclarée irrecevable en son action.
Il en va de même de sa demande d’indemnisation à hauteur de 10 000 euros pour procédure dilatoire, laquelle est toujours dirigée contre une association dépourvue du droit d’agir en justice.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Vu l’article 32 du code de procédure civile,
Dit la fin de non recevoir tirée du défaut de droit d’agir de l’ Aarpi McDermott Will & Emery, bien fondée,
Déclare Mme [T] irrecevable en son action, ainsi qu’en sa demande de dommages-intérêts pour intention dilatoire,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [T] aux entiers dépens.
– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,