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COUR D’APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 05 septembre 2023
N° RG 21/02110 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FV5D
-PV- Arrêt n° 368
[N] [D] / E.U.R.L. CUISIDIS
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 06 Juillet 2021, enregistrée sous le n° 20/02652
Arrêt rendu le MARDI CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [N] [D]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Maître Fabienne BLANCHET, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et par Maître Frédérique PASCOT de la SCP GAND-PASCOT, avocat au barreau de POITIERS
Timbre fiscal acquitté
APPELANT
ET :
E.U.R.L. CUISIDIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Marie-Lucie CHADES, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMEE
DÉBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 juin 2023, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX, rapporteur.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 septembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Conformément à un devis établi le 28 avril 2018, M. [N] [D] et son épouse ont commandé à l’EURL CUISIDIS une cuisine pour équiper leur maison d’habitation située [Adresse 1] à [Localité 7] (Puy-de-Dôme), moyennant le prix total de 22.000 € TTC.
Arguant que ces travaux avaient été affectés d’un certain nombre de désordres non repris, il a décidé de retenir la somme de 1.000,00 € sur le prix précité de 22.000,00 €. L’EURL CUISIDIS a dès lors assigné le 28 juillet 2020 M. et Mme [D] devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant un jugement n° RG-20/02652 rendu le 6 juillet 2021, a :
– déclaré recevables les demandes de l’EURL CUISIDIS ;
– condamné M. [D] à payer au profit de l’EURL CUISIDIS la somme de 1.000,00 € euros au titre du solde du prix du marché de travaux susmentionné, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2019 ;
– débouté l’EURL CUISIDIS de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 1.500,00 € en allégation de résistance abusive ;
– débouté M. [D] de l’intégralité de ses prétentions, celui-ci ayant demandé la condamnation de l’EURL CUISIDIS à achever les travaux argués d’inachèvement dans un délai raisonnable et sous astreinte de 100,00 € par jour à compter de la notification de la décision à intervenir, à lui payer la somme de 2.000,00 € à titre de dommages-intérêts, à lui payer une indemnité de 2.000,00 € au titre de ses frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens de l’instance ;
– condamné M. [D] à payer au profit de l’EURL CUISIDIS une indemnité de 1.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile (sur une demande de 2.000,00 €) ;
– rappelé le caractère exécutoire de plein droit de la décision ;
– condamné M. [D] aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration formalisée par le RPVA le 8 octobre 2021, le conseil de M. [D] a interjeté appel du jugement susmentionné, l’appel portant sur la recevabilité des demandes de l’EURL CUISIDIS, sur les condamnations pécuniaires dont il fait l’objet et sur le rejet de ses prétentions.
‘ Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 9 mars 2003, M. [N] [D] a demandé de :
‘ au visa de l’article 750-1 du code de procédure civile et des articles 1101 et suivants et 1231-1 du Code civil ;
‘ annuler ou à défaut infirmer le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand sur la recevabilité des demandes de l’EURL CUISIDIS, les condamnations pécuniaires dont il a fait l’objet et le rejet de ses prétentions, demandant de statuer à nouveau sur ces points ;
‘ à titre principal, déclarer irrecevables les demandes de l’EURL CUISIDIS pour non-respect des dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile concernant l’obligation de tentative de conciliation préalable ;
‘ à titre subsidiaire ;
‘ condamner l’EURL CUISIDIS à lui payer la somme de 2.000,00 € à titre de dommages-intérêts ;
‘ condamner l’EURL CUISIDIS à achever les travaux litigieux dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard à l’expiration de ce délai ;
‘ en tout état de cause ;
‘ condamner l’EURL CUISIDIS à lui payer une indemnité de 2.000,00 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamner l’EURL CUISIDIS aux entiers dépens de première instance et d’appel.
‘ Par dernières conclusions d’intimé et d’appel incident notifiées par le RPVA le 7 mars 2003, l’EURL CUISIDIS a demandé de :
‘ au visa des articles 1101, 1103, 1217, 1219, 1231-1, 1344-1 et 1792 et suivants du Code civil ;
‘ rejeter la fin de non-recevoir soulevée par M. [D] et juger recevable l’ensemble de ses demandes ;
‘ confirmer le jugement frappé d’appel sauf en ce qui concerne le rejet de sa demande de dommages-intérêts, demandant de statuer à nouveau sur ce point ;
‘ condamner M. [D] à lui payer la somme de 1.500,00 € titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi mais également pour résistance abusive ;
‘ condamner M. [D] à lui payer une indemnité de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamner M. [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par chacune des parties à l’appui de leurs prétentions respectives sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.
Par ordonnance rendue le 6 avril 2023, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l’audience civile en conseiller-rapporteur du 1er juin 2023 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures. La décision suivante a été mise en délibéré au 5 septembre 2023, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1/ Sur la recevabilité
La demande principale formée par M. [D] aux fins d’irrecevabilité des demandes de l’EURL CUISIDIS doit être considérée comme étant une demande d’infirmation dans le cadre du débat en appel d’une fin de non-recevoir portant sur le jugement de première instance et non comme une demande d’annulation de cette décision.
Le premier juge a notamment rappelé dans sa motivation qu’à l’occasion de ce même litige opposant les mêmes parties, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand avait rendu le 23 février 2021 un jugement avant dire droit invitant les parties à rencontrer un conciliateur de justice, en la personne de Mme [Y] [I], Conciliatrice de justice à [Localité 6], et que cette tentative de conciliation préalable s’était soldée par un constat d’échec à l’issue d’une réunion tenue le 30 mars 2021 entre un représentant de la société CUISIDIS personnellement présent et M. [D] contacté par téléphone compte tenu de l’éloignement de son domicile.
C’est dès lors à tort que M. [D] continue de se prévaloir des dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile, la demande en justice de l’EURL CUISIDIS ayant effectivement donné lieu à une tentative préalable de conciliation, peu important que celle-ci ait été ordonnée et diligentée postérieurement à l’acte introductif d’instance. En effet, cette cause d’irrecevabilité a de ce fait disparu en application des dispositions de l’article 126 alinéa 1er du code de procédure civile, suivant lesquelles « Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. ».
Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a jugé recevable l’ensemble des demandes de l’EURL CUISIDIS.
2/ Sur le fond
L’article 1103 du Code civil dispose que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. » tandis l’article 1219 du Code civil dispose qu’« Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. ».
Afin de faire échec à l’exigibilité contractuelle du solde impayé de 1.000,00 € sur ce marché de travaux de 22.000,00 €, M. [D] invoque la survenance d’un certain nombre de griefs dans les termes notamment ci-après énoncés :
« (‘) – Les meubles sous-évier ont été réduits de 10 cm afin selon l’analyse de l’EURL CUISIDIS de permettre l’ouverture du réfrigérateur qui aurait été bloqué par la poignée de la fenêtre / (‘) / Ainsi, un fileur particulièrement disgracieux de 10 cm a dû être posé pour compenser cet espace. / – Lorsque l’EURL CUISIDIS a installé la grande colonne réfrigérateur-four, un grand décalage est apparu avec le coffre en placo du dessus. Dès lors, par dépit, une partie de la colonne réfrigérateur-four a été supprimée. / – Des meubles prévus sont manquants. / – Plusieurs portes de meubles ont été livrées abîmées et ont dû être changées. / L’évier ne comporte pas de robinet. / La table de cuisson a été livrée cassée. / La hotte livrée est manifestement défectueuse puisque du placo tombe dans les assiettes par les trous des spots pendant son utilisation. / L’EURL CUISIDIS a choisi une hotte avec des filtres à charbon pour éviter toute connexion avec l’extérieur afin de privilégier l’isolation de la maison. / Or, une visite dans les combles a permis de constater que la hotte prévue pour fonctionner en circuit fermé a été anormalement branchée à un tuyau donnant dans les combles et ce, car le poseur n’avait pas prévu les petites grilles d’aspiration nécessaires au bon fonctionnement d’une hotte en circuit fermé. / Le lave-vaisselle installé a immédiatement présenté des dysfonctionnements. / (‘) / Le réfrigérateur installé a aussi immédiatement présenté des dysfonctionnements, faisant un bruit important. / Le moteur du réfrigérateur s’est mis à tourner en continu, puis à ne plus faire de froid, puis à ce jour à ne plus fonctionner et être totalement hors service, certainement dû à l’absence de mise en place d’un système d’aération ou de ventilation. / Enfin, le plan de cuisine en granit présente des traces et le granitier a accusé le plaquiste. / Pourtant, les photographies prises par Monsieur [D] démontrent que les ouvriers de l’EURL CUISIDIS ont étalé un plastique sur le plan de travail et sont montés dessus le jour même où le granitier était intervenu alors même que ce dernier avait indiqué que le temps de séchage était de 24h… (‘) / (‘) ».
En l’occurrence, force est de constater que M. [D] ne justifie pas davantage en cause d’appel qu’en première instance de la réalité des griefs qu’il invoque. En effet, il ne produit lui-même aucun courrier de réclamation antérieur à l’acte introductif d’instance du 28 juillet 2020, à l’exception d’un certain nombre de clichés photographiques envoyés le 8 avril 2019 depuis un Iphone alors que ces photographies sont dépourvues de tous commentaires. L’EURL CUISIDIS produit de son côté une lettre du 2 avril 2019 de M. [D] contenant un certain nombre de griefs mais qui n’est qu’une réponse à une mise en demeure du 13 mars 2019 de payer le solde de facturation précité de 1.000,00 €. Ces griefs n’ont donc été communiqués que tardivement par rapport à l’achèvement des travaux, la livraison de la cuisine ayant eu lieu le 23 juillet 2018 ainsi que le rappelle cette lettre du 13 mars 2019.
De plus, la photographie d’un ouvrier monté à genoux sur le plan en granite recouvert d’un plastique est insuffisante pour objectiver une dégradation de cette plaque de granite consécutivement à ce chantier, à supposer que cet ouvrier soit un employé de L’EURL CUISIDIS. M. [D] ne produit pas davantage de documents pouvant caractériser la réalité de désordres ou de non-conformités de construction tels un rapport d’expertise d’assurance, des devis d’entreprises ou des constats d’huissier de justice.
Concernant le dysfonctionnement du lave-vaisselle, l’EURL CUISIDIS convient de la réalité de ce désordre mais objecte à juste titre avoir proposé à M. [D] de procéder au changement de cet élément d’équipement alors que ce dernier n’a donné aucune suite à cette proposition. Concernant la plaque de granite, l’EURL CUISIDIS objecte à juste titre que le problème provenait du ponçage du placoplâtre par d’autres artisans au-dessus de ce granite qui était en cours de séchage et que cela a provoqué le collage de résidus de placoplâtre sur cette plaque de granite, ajoutant avoir accepté d’intervenir pour effectuer sur ce granite des travaux de reprise et que ce désordre a en conséquence cessé d’exister.
Enfin, l’EURL CUISIDIS objecte également à juste titre que tous les éléments de la cuisine équipée qui ont pu être livrés abîmés ont été changées ainsi qu’en justifient les différentes fiches d’intervention et procès-verbaux de réception dépourvus de toutes réserves de la part de M. [D]. Elle rappelle également à ce sujet dans ce même courrier du 13 mars 2019 qu’une intervention a été effectuée le 3 septembre 2018 pour changer deux portes qui étaient abîmées, en dépit de l’absence de consignation de ces griefs dans les procès-verbaux de réception.
Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a condamné M. [D] à payer au profit de l’EURL CUISIDIS le solde de facturation précité de 1.000,00 €, avec intérêts de retard au taux légal jusqu’à parfait paiement à compter de la mise en demeure précitée du 13 mars 2019. Par voie de conséquence, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle formée par M. [D] à l’encontre de l’EURL CUISIDIS aux fins d’achèvement des travaux sous astreinte.
3/ Sur les autres demandes
Il convient de rappeler que la bonne foi procédurale des parties est toujours présumée et qu’il appartient en conséquence à la partie alléguant un abus de procédure ou une résistance abusive de la part de la partie adverse d’apporter la preuve de cette mauvaise foi. En effet, l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue par principe un droit ne pouvant le cas échéant dégénérer en abus, et ne devant dans cette situation donner lieu à réparation par l’allocation de dommages-intérêts, que dans les cas de malice ou de mauvaise foi s’objectivant en premier lieu par une erreur grossière équipollente au dol.
En l’occurrence, en l’absence d’erreurs grossières de fait ou de droit, il y a lieu de considérer au terme des débats que la partie intimée n’apporte pas la preuve que la partie adverse soit opposée en première instance comme en appel à cette action contentieuse et ait préféré en définitive un arbitrage judiciaire à ce différend en étant animée d’une intention relevant de la mauvaise foi ou de la malice.
Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée par l’EURL CUISIDIS à l’encontre de M. [D].
Le jugement de première instance sera confirmé en son application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qui concerne l’imputation des dépens de première instance.
Il serait effectivement inéquitable, au sens des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de l’EURL CUISIDIS les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager à l’occasion de cette instance et qu’il convient d’arbitrer à la somme de 3.000,00 €.
Enfin, succombant à l’instance, M. [D] sera purement et simplement débouté de ses demandes pécuniaires de dommages-intérêts (par confirmation sur ce point du jugement de première instance) et de défraiement au visa de l’article 700 du code de procédure civile et en supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement n° RG-20/02652 rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand dans l’instance opposant l’EURL CUISIDIS à M. [N] [D].
Y ajoutant.
CONDAMNE M. [N] [D] à payer au profit de l’EURL CUISIDIS une indemnité de 3.000,00 € en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.
REJETTE le surplus des demandes des parties.
CONDAMNE M. [N] [D] aux entiers dépens de l’instance.
Le greffier Le président