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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/01129 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IYR6
CS
PRESIDENT DU TJ DE PRIVAS
09 mars 2023 RG :22/00311
[I]
[E]
C/
[D]
[S]
Grosse délivrée
le
à Me Dubourd
SELARL IMBERT – COSTANTINI – DI MAYO
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section C
ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de PRIVAS en date du 09 Mars 2023, N°22/00311
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre
Mme Laure MALLET, Conseillère
Mme Corinne STRUNK, Conseillère
GREFFIER :
Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 Septembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 Octobre 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTS :
Monsieur [C] [J], [O] [I]
né le 13 Août 1949 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Christophe DUBOURD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [N] [T] [E] épouse [I]
née le 17 Mai 1952 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Christophe DUBOURD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [V] [R], [Y] [D]
né le 22 Octobre 1969 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Noémie DI MAYO de la SELARL IMBERT – COSTANTINI – DI MAYO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’ARDECHE
Madame [P] [A] [S]
née le 19 Mars 1960 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Noémie DI MAYO de la SELARL IMBERT – COSTANTINI – DI MAYO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’ARDECHE
Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ordonnance de clôture rendue le 28 Août 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, le 05 Octobre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 8 décembre 2021, M. [D] et Mme [S] ont acquis des consorts [I]/[E] une maison à usage d’habitation située [Adresse 4] à [Localité 9], moyennant le prix de 200.000 euros.
Dans la nuit du 13 au 14 février 2022 à la suite d’un épisode pluvieux, des infiltrations sont apparues et ont provoqué des dommages dans la maison.
Par courrier recommandé du 5 mars 2022, M. [D] et Mme [S] ont demandé aux époux [I] de procéder à la réparation de la toiture et des dommages conséquents considérant que le dégât des eaux provenait d’un vice caché antérieur à la vente se prévalant ainsi des dispositions de l’article 1641 du code civil.
La tentative de conciliation du 21 juin 2022 entre les acheteurs et les vendeurs n’a pas abouti.
Par exploit d’huissier de justice du 2 novembre 2021, M. [V] [D] et Mme [P] [S] ont fait assigner M. [C] [I] et Mme [N] [E] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Privas en vue d’obtenir l’organisation d’une mesure d’expertise sur le fondement de l’artic1e 145 du code de procédure civile, outre la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que la réserve des dépens.
Par ordonnance contradictoire du 9 mars 2023, le juge des référés a notamment :
– ordonné une mesure d’expertise et désigné pour y procéder M. [Z] [B], expert en techniques de construction,
– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– laissé provisoirement les dépens de l’instance en référé à la charge de M. [V] [D] et Mme [P] [S].
Par déclaration du 31 mars 2023, M. [C] [I] et Mme [N] [E] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
Par conclusions notifiées le 18 avril 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [C] [I] et Mme [N] [E] épouse [I], appelants, demandent à la cour, au visa des dispositions des articles 143 et 146 du code civil et des dispositions de l’article 265 du code civil, de :
– recevoir leur appel comme régulier en la forme et justifié au fond,
– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 9 mars 2023,
– dire n’y avoir lieu à expertise,
– rejeter ainsi comme injuste et mal fondée la demande des consorts [D] et [S],
– les condamner au paiement de la somme de 1500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens d’appel.
Au soutien de leur appel, M. [C] [I] et Mme [N] [E] épouse [I] indiquent qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie, qui l’allègue, ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver et non en vue de suppléer la carence de la partie qui la sollicite dans l’administration de la preuve.
Ils expliquent que la demande d’expertise ne tend nullement à l’instauration d’une nouvelle mesure, mais bien d’une contre-expertise notamment par le fait que les chefs de mission, que les intimés souhaitent voir confier à un nouvel expert, se confondent avec la mission confiée au cabinet ELEX, alors que l’appréciation d’utilité ou de la nécessité d’un complément d’expertise relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Enfin, ils s’opposent à la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire au visa de l’article 145 du code de procédure civile puisqu’une expertise contradictoire a déjà été réalisée, que le rapport d’expertise établit que si vice il y a, il n’était pas caché au moment de la vente et qu’il y avait des
traces au plafond lors de la visite, qu’une difficulté se pose quant à la violation de l’obligation précontractuelle de renseignement et que les consorts [D] et [S] ont fait preuve de mauvaise foi dès le début du litige.
Par conclusions en date du 27 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [V] [D] et Mme [P] [S], intimés, demandent à la cour, au visa des articles 143 et suivants du code de procédure civile, de :
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé en date du 9 mars 2023,
Y ajoutant,
– condamner M. [C] [I] et Mme [N] [E] épouse [I] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [V] [D] et Mme [P] [S] épouse [D],
– les condamner aux entiers dépens d’appel.
Ils font valoir tout d’abord que l’expertise amiable diligentée à l’initiative des demandeurs et le rapport établi à son terme n’ont aucunement été dissimulés aux défendeurs dans la mesure où le rapport avait été communiqué au stade de la tentative de conciliation
Ils soutiennent ensuite qu’au stade du référé, seule l’existence ou non de désordres justifiant la tenue d’une expertise judiciaire peut être appréciée, l’appréciation de la bonne foi des défendeurs relevant exclusivement de la compétence du juge du fond.
Enfin, ils soulèvent que l’existence d’un rapport d’expertise établi en phase amiable par un expert de compagnie d’assurance et versé aux débats ne saurait contraindre le juge de référé à rejeter la demande d’expertise judiciaire puisque la force probatoire d’une expertise amiable n’est aucunement identique à celle de l’expertise judiciaire, notamment lorsque l’expertise amiable a été diligentée par un tiers (protection juridique) pour le compte de l’une des parties.
Ils expliquent que le rapport dont se prévalent les appelants a été établi par un expert de protection juridique, n’a donné lieu à la diffusion d’aucun pré-rapport ayant permis aux parties, non-sachants en la matière de faire état d’éventuels dires en vertu du principe du contradictoire et n’est corroboré par aucun autre élément de preuve permettant d’asseoir la suffisance de ce rapport.
En tout état de cause, ils soutiennent le bien-fondé de leur demande d’expertise judiciaire rappelant que l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas que le demandeur ait à établir le bien-fondé de l’action en vue de laquelle la mesure d’instruction est sollicitée, le juge ne devant apprécier que le motif légitime de ladite mesure.
La clôture de la procédure est intervenue le 28 août 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 4 septembre 2023 pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, le octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l’expertise:
L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Le caractère légitime du motif ne peut être écarté que si l’action envisagée au fond est manifestement vouée à l’échec.
Le premier juge a reçu la demande des consorts [D] / [S] en considérant que ces derniers n’étaient pas défaillants dans l’administration de la preuve ni dans la démonstration d’un motif légitime à voir ordonner une expertise. Il a également considéré l’impossibilité de déterminer si les désordres constatés étaient ou non antérieurs à la vente pour retenir le bien-fondé d’une telle demande.
Comme justement rappelé dans l’ordonnance déférée, le juge des référés, souverain dans l’appréciation du motif légitime, doit considérer la vraisemblance des faits recherchés en preuve et leur influence sur la solution du litige qui pourrait être porté devant les juges du fond. Ainsi, pour caractériser l’existence d’un motif légitime, le juge des référés doit s’assurer que le demandeur établit qu’un procès au fond sera possible entre les parties, que la mesure sera utile et pertinente et que l’action au fond n’est pas d’avance manifestement vouée à l’échec.
Ainsi, le demandeur à l’expertise doit justifier d’un intérêt né et actuel et non seulement d’un intérêt éventuel et il ne lui suffit pas d’alléguer une prétention potentielle pour pouvoir prétendre obtenir la désignation d’un technicien.
A titre liminaire, les époux [I] contestent l’opportunité d’une mesure d’expertise judiciaire qu’ils jugent inopportune en présence d’un rapport d’expertise privé établi le 7 avril 2022, dénonçant de plus l’obtention d’une contre-expertise qui met en évidence la carence des intimés dans l’administration de la preuve.
En l’état, l’existence d’une expertise amiable ne prive pas une partie de la possibilité de réclamer une expertise judiciaire, qui revête un caractère contradictoire, dès lors qu’elle justifie d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile sans considération d’une éventuelle carence dans l’administration de la preuve. Le moyen soulevé par les appelants est donc inopérant.
Pour le surplus, les consorts [D] / [S] ont produit diverses pièces démontrant la survenance de désordres consistant à des infiltrations localisées au niveau du plafond d’une chambre, de la poutre de la charpente. Ils dénoncent également la saturation du sol en eau en partie est de la parcelle ainsi que des désordres affectant la piscine.
Les pièces produites sont suffisamment circonstanciées et étayées pour retenir l’existence de désordres affectant l’habitation.
Effectivement, le procès-verbal de constat du 14 février 2022 démontre l’existence d’infiltrations au niveau du plafond d’une chambre, ainsi que sur le dessous des tuiles et les poutres de la charpente avec la localisation d’entrées d’eau en divers points de la toiture. L’huissier de justice a également relevé que le sol du terrain en partie Est se trouve ‘saturé et gorgé d’eau’.
Est également produite une attestation établie le 25 février 2022 par [U] [L], couvreur-zingueur, qui déclare ‘avoir constaté de plusieurs malfaçons sur le toit’ de la maison considérant que ‘ le type de tuiles utilisé sur la maison (tuiles béton) nécessite un plus grand recouvrement afin d’assurer l’étanchéité du logement’.
Ce témoignage est complété par l’attestation établie par la Sarl Thierry Pastre qui affirme l’existence ‘ de nombreux problèmes de mise en oeuvre au niveau de la pose des tuiles ciment, un manque de recouvrement sur la surface qui provoquent des fuites à de nombreux endroits. Les plafonds de l’habitation, la laine de verre, le bois, les chevrons et les poutres sont mouillés et abîmés par l’eau infiltrée depuis longtemps’ suggérant ainsi l’ancienneté des désordres ce qui va dans le sens de plusieurs attestations produites en pièces 8a à 8c qui soutiennent l’existence de ces infiltrations et des défaillances de la toiture avant même la vente de l’immeuble.
Le témoignage de Mme [M] [H] précise que la chambre concernée par les intempéries ne comportait pas de traces d’infiltration lors de son séjour en janvier 2022.
Enfin, est produit un devis de la société Les Piscines du soleil qui évoque la vétusté de la piscine (Tuyaux et skimmers).
Si la présence de désordres n’est pas contestée par les appelants, telle n’est pas le cas de l’existence d’un vice caché, les époux [I] soutenant la présence d’auréoles visibles au moment de la vente dans une des chambres et la parfaite connaissance du désordre par les acquéreurs.
Ils produisent en ce sens l’attestation de Mme [F] [K],et se réfèrent expressément au rapport d’expertise amiable établi le 7 avril 2022 par [X] [W], mandatée par l’assureur de Mme [S], qui confirme l’existence d’infiltrations par toiture en raison d’un défaut de recouvrement des tuiles béton type redland et de leur préexistence à la vente, tout en affirmant que l’assuré a déclaré ‘avoir constaté lors d’une des visites, une petite tâche dans une chambre…’ et ‘que l’état du toit a été vu uniquement depuis l’extérieur car votre assuré n’est pas monté dans les combles depuis lesquelles le problème de recouvrement est visible à l’oeil nu’.
En l’état, les intimés envisagent la mise en cause de la responsabilité des vendeurs au visa de l’article 1641 du code civil en considération de l’existence d’un vice caché antérieur à la vente.
Sur ce point, il est acquis que si la garantie légale contre les vices cachés peut être en théorie écartée par une clause de non-garantie spécifiée dans l’acte de vente, comme cela est le cas dans l’acte authentique du 8 décembre 2021, cette clause ne peut cependant exonérer, conformément au principe de bonne foi régissant les relations contractuelles, le vendeur des conséquences de son dol ou de sa réticence dolosive notamment s’il est démontré qu’il avait connaissance du vice ou du défaut de la chose vendue avant l’acte de cession.
Au cas présent, les intimés justifient de l’existence de désordres consistant en des infiltrations qui affectent plusieurs pièces de l’habitation et qui nécessitent selon le rapport d’expertise amiable et deux professionnels en la matière la réfection complète de la toiture.
Les appelants ne contestent pas l’existence des désordres ni d’ailleurs leur antériorité à la vente, les parties s’opposant en effet sur la nature cachée du vice et l’étendue du devoir d’information du vendeur qu’il n’appartient pas au juge des référés d’apprécier.
Au regard de l’ampleur des désordres et de la réfection suggérée, les intimés justifient d’un intérêt né et actuel étant rappelé qu’il n’appartient pas au juge des référés d’apprécier la bonne foi des parties lors de la vente de l’immeuble intervenue le 8 décembre 2021, ni l’antériorité éventuelle du vice ni même si celui était ou non apparent lors de l’acte de cession, la mesure d’instruction sollicitée ayant précisément pour objet d’établir et réunir des éléments permettant aux juges du fond d’opérer une telle appréciation.
Il en résulte que c’est à bon droit que le juge des référés a retenu l’existance d’un motif légitime à désigner un expert conformément à la demande des requérants, dès lors qu’une éventuelle action au fond opposant les parties n’est pas manifestement vouée à l’échec et que la mesure sollicitée sera utile et pertinente.
Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.
En cause d’appel, il convient d’accorder aux intimés, contraints d’exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel.
Les appelants, qui succombent, devront supporter les dépens de l’instance d’appel et ne sauraient bénéficier d’une somme au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe,contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance de référé rendue le 9 mars 2023 par le juge des référés de Privas en toutes ses dispositions,
Déboute M. [C] [I] et Mme [N] [E] de leur demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [C] [I] et Mme [N] [E] à payer à M. [V] [D] et Mme [P] [S] , ensemble, la somme de 1.2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,
Condamne M. [C] [I] et Mme [N] [E] aux dépens d’appel.
Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,