Tentative de conciliation : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/07274

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Tentative de conciliation : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/07274
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8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°05

N° RG 19/07274 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-QHGA

M. [R] [F]

C/

SAS GENAVIR

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JANVIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et Madame Françoise DELAUNAY lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT et intimé à titre incident :

Monsieur [R] [F]

né le 02 Janvier 1964 à [Localité 5] (44)

demeurant [Adresse 7]

[Localité 2]

Représenté par Me Isabelle JARRY, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE et appelante à titre incident :

La SAS GENAVIR venant aux droits du GIE GENAVIR prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Olivier BOULOUARD de la SELARL MAGELLAN, Avocat au Barreau de BREST

M. [R] [F] a été engagé par contrat maritime à durée indéterminée le 14 octobre 1982, en qualité de matelot. Il a ensuite évolué et occupé d’autres fonctions.

Parallèlement à ces fonctions, M. [F] disposera des mandats de délégué syndical CGT et de délégué du personnel.

A la suite d’un accident du travail du 30 mars 2015, M. [F] a été placé en arrêt de travail, puis déclaré inapte à la navigation par avis du Collège Médical Maritime de Nantes du 4 mai 2017.

Par courrier du 28 décembre 2016, M. [F] a saisi le Directeur Départemental des Territoires et de la Mer du Finistère d’une tentative de conciliation faisant état d’une réclamation totale d’une somme de 200.000 € décomposée ainsi :

– 85.205,36 € au titre de perte de droits à la retraite en réparation du préjudice lié à une prétendue discrimination syndicale et au retard dans l’avancement de sa carrière,

– 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral au titre de cette prétendue discrimination,

– 49.298,27 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et faute inexcusable,

– 11.353,03 € au titre d’une absence de rémunération du temps de trajet non comptabilisé en temps de travail effectif,

– 4.143,34 € de rappels de congés payés durant son arrêt de travail.

La SAS GENAVIR s’est opposée à l’ensemble de ces prétentions et un procès-verbal de non-conciliation a été dressé le 14 février 2017 par la Chef de Pôle Littoral et Affaires Maritimes de [Localité 3].

Par requête du 19 octobre 2017, M. [F] a saisi le tribunal d’instance de Brest pour voir:

‘ Dire et juger que la SAS GENAVIR a commis à son préjudice une discrimination, établie par le fait que la disparité de traitement n’était pas justifiée par des raisons objectives, étrangères à la prise en compte de l’activité syndicale,

‘ Condamner la SAS GENAVIR à lui payer :

– 85.205,36 € au titre du préjudice économique lié au retard de carrière,

– 50.000 € au titre du préjudice moral pour exécution déloyale et discriminatoire du contrat de travail

– 11.353,03 € au titre du rappel de salaires correspondant au temps de trajet et en réunion au-delà de la durée légale de la journée de travail non comptabilisés en temps de travail effectif et les congés payés y afférents,

– 4.143,34 au titre de rappel de congés payés durant son arrêt de travail,

– 24.044,04 € au titre des dommages-intérêts pour travail dissimulé,

‘ Condamner la SAS GENAVIR à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

‘ Condamner la SAS GENAVIR aux entiers dépens.

La cour est saisie d’un appel formé le 4 novembre 2019 par M. [F] à l’encontre du jugement prononcé le 24 septembre 2019, par lequel le Tribunal d’instance de Brest a :

‘ Déclaré irrecevable l’action introduite par M. [F],

‘ Rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

‘ Condamné M. [F] à verser à la SAS GENAVIR une somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Ordonné l’exécution provisoire,

‘ Condamné M. [F] aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 9 mars 2022, suivant lesquelles M. [F] demande à la cour de :

‘ Réformer le jugement rendu le 24 septembre 2019,

‘ Dire que son action est recevable,

‘ Dire et juger que la SAS GENAVIR a commis une discrimination, établie par le fait que la disparité de traitement n’était pas justifiée par des raisons objectives, étrangères à la prise en compte de l’activité syndicale,

‘ Condamner la SAS GENAVIR à lui payer :

– 56.312,14 € au titre du préjudice économique lié au retard de carrière,

– 50.000 € au titre du préjudice moral pour exécution déloyale et discriminatoire du contrat de travail,

‘ Constater que la SAS GENAVIR n’a pas comptabilisé ses grands déplacements effectués en temps de travail effectif,

‘ Condamner la SAS GENAVIR à lui payer :

– 10.320,93€ bruts au titre du rappel de salaire correspondant au temps de trajet et

en réunion au-delà de la durée légale de la journée de travail non comptabilisés en temps de travail effectif,

– 6.605,39 € bruts au titre des congés payés afférents,

‘Constater que la SAS GENAVIR n’a pas rempli M. [F] de ses droits au titre des congés payés pendant son arrêt de travail pour accident de travail,

‘ Condamner la SAS GENAVIR à lui payer la somme de 4.143,34 € au titre des rappels sur congés payés pendant la période d’accident du travail,

‘ Dire que la SAS GENAVIR a sciemment refusé de déclarer le temps passé en grands déplacements en temps de travail effectif et que ce fait constitue un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié,

‘ Condamner la SAS GENAVIR à lui payer la somme de 24.044,04 € au titre des dommages-intérêts pour travail dissimulé,

‘ Condamner la SAS GENAVIR à lui payer la somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

‘ Condamner la SAS GENAVIR aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 27 avril 2020, suivant lesquelles la SAS GENAVIR demande à la cour de :

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action introduite par M. [F] et l’a condamné au paiement d’une somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens,

En tout état de cause,

‘ Débouter M. [F] de l’intégralité de ses demandes,

‘ Réformer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la SAS GENAVIR,

‘ Condamner M. [F] au paiement d’une somme de 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et abusive,

‘ Condamner M. [F] au paiement d’une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

– Condamner M. [F] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 29 septembre 2022.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

***

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 – Sur la prescription de l’action engagée au titre de la discrimination

M. [F] conteste le point de départ du délai de prescription retenu par le tribunal pour ce qui concerne son action fondée sur la discrimination. Il fonde ses prétentions sur un retard d’avancement de carrière pour n’avoir été nommé assistant officier qu’en 2009 alors qu’il estime qu’il aurait dû l’être durant l’année 1996. Il explique que son contrat de travail a pris fin lorsqu’il a fait valoir ses droits à la retraite, le 4 juillet 2017 et qu’il a engagé son action le 28 décembre 2016, par la saisine de l’administrateur des affaires maritimes. Il ajoute qu’il n’a pu prendre connaissance de l’ensemble des notes, comptes rendus de DP, CHSCT et CE qu’à la réception du cédérom de compilation qui lui a été remis par son employeur 2013, à la suite de la réunion des délégués du personnel du 15 mars 2013 et que ce n’est qu’en examinant minutieusement cette masse de documents que les délégués du personnel ont découvert l’étendue des anomalies.

La SAS GIE GENEVIR objecte que les prétentions de M. [F] au titre d’une prétendue discrimination syndicale sont prescrites en ce qu’elles ont cessé en 2009 lors de sa nomination au poste d’assistant officier et que le cédérom remis en 2013, dont il se prévaut, ne consiste qu’en une compilation de documents existants et connus des instances représentatives du personnel.

Suivant l’article L. 1134-5 du Code du travail ‘l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination’.

M. [F] a été nommé le 12 mai 2009 en qualité assistant officier.

En l’espèce, si M. [F] soutient que la discrimination dont il se plaint ne lui a été révélée qu’en 2013 lors de la remise aux représentants du personnel, par la direction de la SAS GENAVIR, d’un cédérom compilant un certain nombre de documents, force est de constater que ce cédérom ne consiste qu’en une compilation de documents existants et non en la révélation de documents ignorés des instances représentatives du personnel dès lors que le procès-verbaux et les notes qui le composent ont tous été diffusés, discutés et négociés en leur temps avec les organisations syndicales et les instances représentatives du personnel.

Cette compilation ne constitue pas la découverte d’éléments nouveaux, notamment en ce qui concerne les nominations au rang d’assistants officiers, permettant de reporter le point de départ du délai de prescription.

D’autant que M. [F] dispose de mandats de délégué syndical ou de délégué de personnel depuis 2003 et qu’à ce titre il siège et assiste aux différentes réunions des instances représentatives lors desquelles la question de la nomination des assistants officiers a notamment été abordée par les parties. A cet égard, la Cour relève qu’en tant que délégué du personnel, M. [F] a été associé à la négociation du protocole d’accord cadre sur la nomination des assistants officiers conclue le 10 décembre 2011 et qu’il a siégé au mois de janvier 2012 à la commission de nomination ‘Assistant Officier Stagiaire’. Il ressort également de la pièce n°23 communiquée par l’employeur que M. [F] s’est interrogé en 2012 sur la fonction d’assistant officier, pour un autre salarié M. [C] et qu’il a été rendu destinataire le 11 mai 2012 par M. [Z], directeur des ressources humaines de la SAS GENEVIR, d’éléments de réponse sur ce statut.

Dans ces conditions, M. [F] ne peut sérieusement soutenir qu’il a découvert seulement en 2013 que sa nomination aurait dû intervenir avant.

La discrimination dont il se prévaut a cessé au jour de sa nomination en qualité d’officier assistant le 12 mai 2009. A cette date, M. [F] disposait de l’ensemble des éléments de comparaison de situations avec ses collègues.

Il s’ensuit que la prescription était acquise le 13 mai 2014, soit largement avant sa réclamation initiale du 28 décembre 2016 auprès du Directeur Départemental des Territoires et de la Mer du Finistère puis de la requête du 19 octobre 2017 saisissant le tribunal d’instance.

C’est donc à juste titre que le premier juge a déclaré son action prescrite. Le jugement sera confirmé à ce titre.

2 – Sur la demande de rappel de salaires au titre des temps de trajet et de réunion

A titre liminaire, il sera observé que le tribunal d’instance de Brest, saisie de cette demande, n’a pas statué sur celle-ci dans son jugement du 24 septembre 2019.

A hauteur d’appel, M. [F] sollicite une demande de rappel de salaires pour une somme de 10.320,93 € outre 6.605,29 € de congés payés au titre des temps de trajet pour se rendre aux réunions syndicales et représentatives du personnel pour les années 2014, 2015 et 2016 non comptabilisées en temps de travail effectif.

Il est constant que le temps de trajet effectué en exécution des fonctions représentatives doit être rémunéré, lorsqu’il est pris en dehors de l’horaire normal de travail et qu’il dépasse en durée le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail. Ainsi, seule la part excédant à la fois l’horaire normal de travail et le temps de déplacement normal entre le domicile et le lieu de travail doit être rémunéré comme du temps de travail effectif.

En l’espèce, s’agissant du temps de déplacement normal entre le domicile et le lieu de travail, il convient de relever que M. [F] est domicilié à [Adresse 6] (44) et que son lieu de travail de marin est déterminé par le navire sur lequel il est affecté, soit le port de [Localité 3] (29).

Les réunions syndicales ou des instances représentatives ont quant à elles lieu au siège de la SAS GENAVIR à [Adresse 8] (29).

Le temps de trajet entre [N] et [U] est de 3 h 10, soit 6 h 20 aller-retour. Et les temps de trajet revendiqués par M. [F], dans son tableau, n’excède pas ces 6 h 20 aller-retour à l’exception de sept déplacements :

– le 20 mars 2014, pour 7 h 15

– le 24 juin 2014, pour 7 h 15

– le 27 juin 2014, pour 7 h 15

– le 12 novembre 2015, pour 7 h 15

– le 3 décembre 2015, pour 7 h 15

– le 24 février 2016, pour 7 h 30

– le 6 avril 2016, pour 7 h 30.

Toutefois, il sera observé que la durée de ces sept trajets n’excède pas l’horaire normal de travail dont la durée journalière est de 8 heures.

Il en résulte qu’à défaut d’un volume d’heures excédant à la fois l’horaire normal de travail et le temps de déplacement normal entre le domicile et le lieu de travail, M. [F] sera débouté de sa demande formulée à ce titre ainsi que pour travail dissimulé.

Enfin, il sera précisé que M. [F] ne développe aucun moyen de droit ou de fait dans ses conclusions au titre des grands déplacements. Il en sera donc débouté.

3 – Sur la demande de rappel de congés payés pendant l’arrêt de travail

A titre liminaire, il sera encore observé que le tribunal d’instance de Brest, saisie de cette demande, n’a pas statué sur celle-ci dans son jugement du 24 septembre 2019.

M. [F] sollicite une demande de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés de 4.143,34 € correspondant à 31 jours sur la période du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2017.

Suivant l’article L. 5544-23 alinéa 1 du Code des transports, ‘le droit à congés payés du marin est calculé à raison de 3 jours calendaires par mois’.

Et l’article 30 sur la forfaitisation des congés de la convention particulière d’entreprise applicable aux équipages des navires océanographiques stipule que : ‘Les marins en situation d’embarquement de mission et de transit consécutif à une mutation ont droit au congé défini conformément aux accords collectifs en vigueur dans la Marine Marchande (Long Cours Sec).

La parité du congé Officiers – Personnel d’Exécution est réalisée à compter de la mise en place de la présente Convention ; il est fixé à 15,5 jours par mois définis le 1er Janvier 1975 (…)’.

La Cour relève que M. [F] revendique un droit à congés payés basé sur ceux de l’année 2014, lesquels tenaient compte de ses périodes d’embarquement.

Si l’article 30 de la convention particulière d’entreprise applicable aux équipages des navires océanographiques accorde aux marins en situation d’embarquement un congé fixé à 15,5 jours par mois d’embarquement, force est de constater que pendant les périodes à terre, les congés sont quant à eux fixés sur la base de 3 jours par mois conformément aux dispositions légales.

Il s’ensuit qu’aucune disposition conventionnelle ou légale ne prévoit qu’en cas d’arrêt de travail pour cause d’accident de travail, le droit aux congés payés soit fixé de la même façon que si le marin avait pu embarquer.

M. [F] n’ayant pas embarqué pendant sa période d’arrêt de travail, il ne peut bénéficier des congés payés afférents aux périodes d’embarquement.

Il sera donc débouté de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SAS GENAVIR

L’employeur soutient que les demandes formées par M. [F] notamment au titre de la discrimination syndicale ont été particulièrement vexatoires et ont porté atteinte à l’honneur et à la probité de la SAS GENAVIR, lui causant ainsi un préjudice moral.

Il apparaît que l’employeur ne justifie d’aucune circonstance vexatoire qui aurait accompagné la mise en oeuvre de la procédure du salarié au titre de la discrimination et en particulier, aucune mauvaise foi ni légèreté dans son action.

La SAS GENAVIR sera déboutée de sa demande à ce titre et le jugement confirmé.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il ne soit pas fait, en appel, application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris ;

et y ajoutant,

DEBOUTE M. [F] de ses demandes de rappel de salaires au titre des temps de trajet et de réunion, de rappel de congés payés durant son arrêt de travail et de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

DIT n’y avoir lieu en appel à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [F] aux dépens d’appel.

LE GREFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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