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MINUTE N° 178/23
Copie exécutoire à
– Me Raphaël REINS
– Me Christine BOUDET
Le 05.04.2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 05 Avril 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02592 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HS7P
Décision déférée à la Cour : 20 Mai 2021 par le Tribunal judiciaire de COLMAR – Chambre commerciale
APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :
S.A.S. FASTIRES
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour
INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :
Société ATH-HEINL GMBH & CO KG
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 3] (ALLEMAGNE)
Représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me DE PUINEUF, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Colmar du 20 mai 2021,
Vu la déclaration d’appel de la SAS Fastires effectuée le 28 mai 2021 par voie électronique,
Vu la constitution d’intimée de la société ATH-HEINL GmbH & Co KG effectuée le 2 septembre 2021 par voie électronique,
Vu l’ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 29 octobre 2021 constatant la caducité de la déclaration d’appel en tant qu’elle est dirigée contre M. [Z],
Vu les conclusions ‘de réplique et récapitulatives n°2 & Bordereau de pièces’ de la SAS Fastires du 3 octobre 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de
pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,
Vu les conclusions ‘récapitulatives n°2’ de la société ATH HEINL GmbH & Co KG, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 20 octobre 2022,
Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 14 décembre 2022,
Vu l’audience du 4 janvier 2023 à laquelle l’affaire a été appelée,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
A titre liminaire, il convient de constater que si, avec ses pièces produites sous format papier, le conseil de la SAS Fastires produit des conclusions portant la date du 4 octobre 2022, seules celles portant la date du 3 octobre 2022 ont été communiquées via le RPVA ce même 3 octobre 2022, de sorte que la cour d’appel n’est saisie, en ce qui la concerne, que par ces dernières conclusions du 3 octobre 2022.
Les parties conviennent de ce que la société Fastires a, en mars 2018, commandé à la société ATH-HEINL GmbH & Co KG divers matériels pour débuter son activité, et ce pour un montant de 12 266,29 euros, et que le matériel a été livré le 23 mars 2018.
Invoquant des dysfonctionnements, la société Fastires a agi à l’encontre de la société ATH-HEINL GmbH & Co KG. Ses dernières demandes avaient pour objet le remboursement de la somme avancée à hauteur de 3 066,57 euros et le paiement d’une somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts. En réplique, cette société s’y est opposée et a demandé paiement du solde de la facture, de l’indemnité de recouvrement et de dommages-intérêts.
Par le jugement attaqué, le tribunal a débouté la société Fastires de l’intégralité de ses demandes et fait droit aux demandes de la société ATH-HEINL GmbH & Co tout en réduisant le montant sollicité au titre des dommages-intérêts et de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Fastires a interjeté un appel principal et la société ATH-HEINL GmbH & CO KG un appel incident quant au montant des dommages-intérêts.
1. Sur les demandes de la société Fastires :
La société Fastires soutient que le matériel n’a jamais fonctionné correctement, qu’un démonte-pneu, deux équilibreuses et un pont ciseau sont défectueux et qu’elle n’a jamais pu utiliser le matériel livré, ce que conteste la société ATH-HEINL GmbH & Co KG qui soutient que celle-ci ne rapporte pas la preuve des dysfonctionnements, ni leur origine et leur ampleur.
Il est constant qu’il appartient à la société Fastires, qui les invoque, de démontrer la réalité et la date des désordres et dysfonctionnements allégués.
La société Fastires ne conteste pas que, comme le soutient la société ATH-HEINL GmbH & Co KG, aucune réserve n’a été effectuée lors de la livraison, ni dans le délai de trois jours visé à l’article L.133-3 du code de commerce.
En outre, aucune réserve sur l’état ou le fonctionnement des matériels n’a été effectuée sur l’échéancier de règlement du 2 mai 2018 et la société Fastires ne conteste pas que son gérant l’a signé comme l’invoque la société ATH-HEINL GmbH & Co KG.
Par courriel du 7 mai 2018, la société ATH-HEINL GmbH & Co KG écrivait : ‘en fait pour intervenir en garantie, je dois ouvrir un dossier au nom du client (…) Il faut signer la commande (…) Fais aussi le virement de la 1ère échéance comme tu as fais pour le pont ciseaux tu envoies la photo je fais immédiatement le transfert du dossier de [L] vers Fastires et donne accord à MSE de faire l’intervention. (…)
Par courriel du 19 mai 2018, elle lui écrivait, en réponse à l’envoi du justificatif du virement, ‘merci nous avons déjà tout mis en place pour les réparations des machines’.
La société Fastires invoque ces courriels pour soutenir que la société intimée a reconnu son inexécution contractuelle et s’est engagée à réparer les dommages, tandis que la société ATH-HEINL GmbH & Co KG conteste avoir reconnu son inexécution contractuelle.
Les courriels précités ne sont pas suffisamment circonstanciés, ne précisant notamment pas de quel dysfonctionnement ou de quelle machine il s’agit, pour considérer que le vendeur a reconnu son inexécution contractuelle.
D’ailleurs, aucun autre élément contemporain de ces deux courriels n’est produit qui permettrait d’en analyser autrement le sens.
Ce n’est que par un courriel du 22 mai 2018, que M. [Z] a écrit à la société ATH-HEINL GmbH & Co avoir constaté, après avoir installé et mis en marche les marchandises, que cinq machines sur quatre étaient ‘endommagées et défectueux’, à savoir le démontre-pneu, les deux équilibreuses et le pont élévateur. Il précisait que depuis l’ouverture du garage le 16 avril 2018, ils n’ont pas pu travailler avec les machines.
Il peut être relevé que si dans ce courriel, M. [Z] indique qu’il avait rappelé le vendeur et lui avait envoyé des mails pour procéder à la réparation, aucun de ces courriels n’est produit aux débats.
D’autre part, la société Fastires invoque un constat d’huissier du 5 juin 2018, les rappels des 13 juillet, 7 août, 6 septembre, 2 octobre et 24 novembre 2018, ainsi que le fait que les désordres ont été signalés moins de deux mois après la livraison, une telle proximité temporelle suffisant, selon elle, à faire présumer l’existence des désordres au jour de la livraison.
Cependant, dès lors que la livraison est intervenue le 23 mars 2018, les dysfonctionnements signalés en mai 2018 l’ont été de manière trop tardive pour qu’ils puissent être présumés qu’ils existaient déjà, même en germe, lors de la livraison.
Il en est de même du procès-verbal d’huissier de justice constatant des dysfonctionnements, dont les constats ne permettent pas de déterminer leur cause ou leur origine. Les photographies produites sont également insuffisamment probantes à cet égard.
La société ATH-HEINL GmbH & Co KG précise que la société MS a émis un bulletin d’intervention. Selon ce document du 13 juin 2018, précisant que la société Fastires a refusé de signer, la société MSE est intervenue en ‘dépannage sous garantie ATH’ et a remplacé un cône sur axe de la bascule, ‘fonctionnement et réglages OK’, a réglé, sur deux machines, le laser et la calibration, ‘test et fonctionnement OK’, avec la précision que pour une machine, il ‘reste demi capot à remplacer’.
Eu égard aux indications apportées sur ces travaux d’intervention réalisés et à leur date, cette fiche ne permet pas non plus de considérer que les dysfonctionnements avaient une cause antérieure à la livraison, ni, en tout état de cause, qu’ils caractérisaient un vice caché rendant la chose impropre à son usage ou encore de défaut de conformité du matériel vendu.
En outre, les termes des lettres de rappel ne permettent pas non plus, tant en raison de leur date qu’en raison de leur contenu faisant référence à des casses ou au fait que le pont ne fonctionne ‘plus’, de considérer comme établi que les dysfonctionnements du matériel préexistaient, au moins en germe, lors de la livraison. Ainsi, par exemple, alors que, par courriel du 13 juillet 2018, la société Fastires faisait état de l’absence de fonctionnement du ‘troisième doigts du démonte pneus’ et l’absence de livraison de la ‘conne équilibreuse’, elle précisait que le ‘démonte pneus du conne de serrage’ est cassé, ainsi que le capot de l’équilibreuse. Le 2 octobre 2018, elle écrivait : ‘je tiens à vous informer que le pont que vous nous avez livré ne fonctionne plus (…)’ et le 24 novembre 2018 que ‘le pont ciseau 5 tonnes a toujours des fuites d’air et des fuites d’hydraulique (…), que les machines d’équilibreuse et de démontages ne fonctionnent toujours pas. Des vis sont mal serrer, troisième bras ne fonctionne pas, les équilibreuses ne sont pas précise alors quelle ont déjà était réglé, connes équilibreuse manque toujours, nous avons du mal a travailler’.
Il en résulte que la société Fastires ne démontre pas l’existence, lors de la livraison, de désordres, de dysfonctionnements, ni même de vice caché rendant la chose impropre à son usage ou encore de défaut de conformité du matériel vendu.
Il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’expertise dans la mesure où, même si le délai de prescription de l’action en garantie des vices cachés n’était pas expiré, il doit être retenu que compte tenu du temps écoulé et de l’absence d’éléments permettant de connaître les conditions de conservation des matériels, une expertise serait inopérante pour déterminer la date d’apparition et les causes ou l’origine de ces désordres.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Fastires.
Il convient de constater que le tribunal a notamment rejeté la demande de résiliation du contrat. Dans ses conclusions d’appel, la société Fastires demande à la cour, statuant à nouveau, c’est-à-dire après avoir infirmé le jugement, notamment en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes, de prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente. La cour ayant confirmé le jugement, elle n’a donc pas à statuer sur cette demande tendant au prononcé de la résolution du contrat.
2. Sur les demandes de la société ATH-HEINL GmbH & CO KG :
Il résulte de ce qui précède que le prix des matériels commandés et livrés doit être payé.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Fastires au paiement du solde de la facture, outre intérêts à compter du 5 juin 2018, et au paiement de l’indemnité de recouvrement.
S’agissant de la demande de dommages-intérêts, le tribunal avait retenu que la mauvaise foi de la société Fastires qui n’a pas hésité à attraire en justice la société ATH-HEINL GmbH & Co KG en invoquant des dysfonctionnements de l’ensemble du matériel, motive sa condamnation à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.
La société ATH-HEINL GmbH & Co KG soutient que la société Fastires fait preuve d’un acharnement procédural en dépit du caractère manifestement infondé de ses demandes et demande paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Elle soutient notamment que, mise en demeure le 24 juillet 2018 de payer le solde de la facture, la société Fastires a agi en justice en paiement d’une somme de 9 585 euros sans la motiver, que la tentative de conciliation qui a été ordonnée a échoué et que la société Fastires a formé une demande de dommages-intérêts excédant le taux de compétence du tribunal d’instance qui s’est
déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance, qu’elle n’a pas réclamé la lettre de notification du tribunal d’instance en ce sens de sorte que le jugement a dû lui être signifié et que nonobstant l’exécution provisoire du jugement, la société Fastires en a interjeté appel, et qu’elle peine à hauteur de cour à convaincre du bien fondé de ses demandes.
Cependant, elle ne démontre pas que la société Fastires a commis une faute ou un abus du droit d’agir en justice. Il résulte de ce qui précède que bien avant la mise en demeure du 24 juillet 2018, la société Fastires avait elle-même écrit à plusieurs reprises à la société ATH-HEINL GmbH & Co KG pour invoquer des dysfonctionnements et demander réparation. Le fait d’agir en justice, y compris en interjetant appel, sans parvenir à démontrer le bien fondé de ses demandes, ne constitue pas un abus du droit d’agir en justice, ce d’autant qu’en l’espèce, la société Fastires a agi en se fondant sur différentes pièces. Il en est de même du fait de majorer sa demande initiale d’un montant tel que la juridiction saisie doit se déclarer incompétente au profit d’une autre. Il n’est pas non plus invoqué, ni démontré que l’échec de la tentative de conciliation résulte d’un abus de la société Fastires et il n’est pas démontré que l’absence de réclamation de la lettre de notification du tribunal d’instance résulte d’un abus.
En outre, la société ATH-HEINL GmbH & Co KG ne démontre pas avoir subi un préjudice résultant des agissements reprochés à la société Fastires.
Ainsi, elle ne démontre pas avoir subi un préjudice résultant de la rétention du prix ou du retard de paiement supérieur à celui déjà indemnisé par les intérêts moratoires, ni un autre préjudice financier. Elle ne démontre pas plus avoir subi une atteinte à son image et à sa réputation. Le fait d’avoir dû engager des frais pour se défendre et présenter ses demandes en paiement sera indemnisé dans le cadre de l’article 700 du code de procédure civile et, la société Fastires, succombant en son appel, celle-ci sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d’appel.
La demande de dommages-intérêts sera dès lors rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef.
3. Sur les frais et dépens :
La société Fastires succombant, elle sera, comme il a été dit, condamnée à supporter les dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d’appel.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a statué sur l’article 700 du code de procédure civile.
A hauteur d’appel, la société Fastires sera condamnée à payer à la société ATH-HEINL GmbH & Co KG la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et sa demande de ce chef sera rejetée.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Colmar du 20 mai 2021, sauf en ce qu’il a condamné la SAS FASTIRES à payer à la société ATH-HEINL GmbH & Co KG la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts,
L’infirme de ce seul chef,
Statuant à nouveau du chef infirmé :
Rejette la demande de dommages-intérêts de la société ATH-HEINL GmbH & Co KG,
Y ajoutant,
Condamne la SAS FASTIRES à supporter les dépens d’appel,
Condamne la SAS FASTIRES à payer à la société ATH-HEINL GmbH & Co KG la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la SAS FASTIRES au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière : la Présidente :