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COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/05/2023
la SELARL 2BMP
SCP EVIDENCE SELATNA-DE MATOS-SI MOHAMED
ARRÊT du : 04 MAI 2023
N° : – 23
N° RG 21/01485
N° Portalis DBVN-V-B7F-GLZY
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge des contentieux de la protection de TOURS en date du 09 Avril 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265260022020437
S.N.C. BANQUE EDEL SNC
Agissant poursuites et diligences des ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège
[Adresse 8]
[Localité 6]
Ayant pour avocat postulant Me Vincent BRAULT- JAMIN, membre de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat plaidant Me Christine DUSAN, membre de la SELARL DBA, avocat au barreau de TOULOUSE
D’UNE PART
INTIMÉS :
– Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-
Monsieur [Y] [I]
né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillant
– Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265267426066133
Madame [W] [Z] épouse [I]
née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Ayant pour avocat Me Maâdi SI MOHAMMED, membre de la SCP EVIDENCE SELATNA-DE MATOS-SI MOHAMED, avocat au barreau de TOURS
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 31 Mai 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 02 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 09 MARS 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt de défaut le JEUDI 04 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 10 octobre 2016, M. [Y] [I] et Mme [W] [Z] épouse [I] ont souscrit auprès de la société Banque Edel (ci-après la banque Edel) un prêt d’un montant de 31 000 euros destiné à un regroupement de crédits, remboursable en 144 mensualités avec intérêts au taux nominal de 6,34 % l’an.
Compte tenu du seuil d’usure à compter du 1er octobre 2016, le taux des intérêts a été ramené à 5,90 % l’an et le montant des échéances mensuelles fixé à 300,91 euros.
Les époux [I] se sont séparés.
Mme [I] a été déclarée recevable au bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement le 14 février 2019 et a bénéficié le 5 avril suivant d’un moratoire de 24 mois destiné à permettre la vente de l’immeuble d’habitation des époux.
M. [I] n’ayant pas réglé les échéances du prêt, la banque Edel a provoqué la déchéance du terme de son concours le 14 juin 2019, puis a fait assigner M. et Mme [I] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tours par actes des 4 septembre et 25 octobre 2019, aux fins de les entendre condamner au paiement de la somme de 28 355,13 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 5,9 % à compter du 14 juin 2019.
Par jugement du 9 avril 2021, en retenant que Mme [I] n’établissait pas que son consentement avait été vicié par des man’uvres dolosives de son époux, que la banque avait régulièrement prononcé la déchéance du terme mais qu’elle devait être déchue en totalité du droit aux intérêts pour avoir failli à son devoir de vigilance en préalable à l’octroi du prêt, faute de justifier avoir vérifié les revenus et les charges déclarés par les emprunteurs, puis que le montant des intérêts susceptibles d’être perçus par le prêteur au taux légal majoré de cinq points par application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier était de nature à priver d’effectivité la sanction de la déchéance prononcée, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tours a :
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Banque Edel au titre du prêt souscrit par Mme [W] [I] née [Z] et M. [Y] [I] le 10 octobre 2016, à compter de cette date,
– écarté l’application des articles 1231-6 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier,
– condamné solidairement Mme [W] [I] née [Z] et M. [Y] [I] à payer à la société Banque Edel la somme de 23 186,52 euros au titre du contrat de crédit du 10 octobre 2016,
– dit que cette somme ne portera pas intérêts au taux légal,
– rejeté l’ensemble des prétentions de Mme [W] [I] née [Z],
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– rappelé que le présent jugement sera non avenu s’il n’est pas notifié dans les six mois de sa date,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum Mme [W] [I] née [Z] et M. [Y] [I] aux entiers dépens.
La banque Edel a relevé appel de cette décision par déclaration du 31 mai 2021, en critiquant expressément toutes ses dispositions lui faisant grief.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2021 par voie électronique, signifiées le 30 septembre suivant à M. [I], la banque Edel demande à la cour de :
– réformer la décision de première instance en ce qu’elle a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SNC Banque Edel et a écarté l’application des articles 1231-6 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier et la confirmer pour le surplus,
– débouter Mme [W] [I] de l’ensemble de ses demandes et confirmer pour le surplus la décision rendue,
– en conséquence, condamner solidairement M. [Y] [I] et Mme [W] [I] à payer à la SNC Banque Edel la somme de 21 355,13 euros selon décompte arrêté au 14 septembre 2021 avec intérêts au taux contractuel de 5,90 % à compter de la lettre de déchéance du 14 juin 2019 et jusqu’au parfait règlement en deniers ou quittances,
– condamner solidairement M. [Y] [I] et Mme [W] [I] à payer à la SNC Banque Edel la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. [Y] [I] et Mme [W] [I] aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel, et pour ceux d’appel distraction est requise au profit de la Selarl 2BMP, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 septembre 2021, signifiées le 10 septembre suivant à M. [I], Mme [W] [Z] épouse [I] demande à la cour, au visa des articles 1128, 1132, 1231-1 et suivants, et 1240 du code civil, L.312-12, L.312-28 et L.341-1, R.312-2 et R.312-10 du code de la consommation, de :
A titre principal,
-infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* considéré Mme [W] [Z] épouse [I] comme partie au contrat de prêt du 10 octobre 2016,
* condamné Mme [W] [Z] épouse [I] à payer solidairement avec M. [Y] [I] la somme de 23 186,52 euros,
* rejeté l’ensemble des prétentions de Mme [W] [Z] épouse [I],
* condamné Mme [W] [Z] épouse [I] aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
– débouter la société Banque Edel de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de Mme [W] [Z], épouse [I],
A titre subsidiaire,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* condamné Mme [W] [Z] épouse [I] à payer solidairement avec M.
[Y] [I] la somme de 23 186,52 euros,
* rejeté l’ensemble des prétentions de Mme [W] [Z] épouse [I],
* condamné Mme [W] [Z] épouse [I] aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
– prononcer la nullité du contrat de prêt conclu en date du 10 octobre 2016 dans les rapports entre la banque Edel et Mme [W] [Z] épouse [I],
– condamner Mme [W] [Z] épouse [I] à payer à la Banque Edel la somme de 1 645,72 euros au titre de la restitution du capital emprunté, en deniers ou quittances, suivant décompte arrêté au 22 avril 2021,
– condamner la société Banque Edel à verser à Mme [W] [Z] épouse [I] des dommages et intérêts à concurrence de la créance de la banque sur la concluante, telle que déterminée par la cour de céans,
A titre infiniment subsidiaire,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Banque Edel au titre du prêt souscrit par Mme [W] [I] née [Z] et M. [Y] [I] le 10/10/2016, à compter de cette date,
* écarté l’application des articles 1231-6 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier,
* dit que la somme due par Mme [W] [Z] épouse [I] ne portera pas intérêts au taux légal,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* condamné Mme [W] [Z] épouse [I] à payer solidairement avec M. [Y] [I] la somme de 23 186,52 euros,
* condamné Mme [W] [Z] épouse [I] aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
– condamner Mme [W] [Z] épouse [I] à payer à la Banque Edel la somme de 2 265,72 euros en deniers ou quittances, suivant décompte arrêté au 22 avril 2021,
En tout état de cause,
– condamner solidairement M. [Y] [I] à garantir Mme [Z] épouse [I] de toute somme qu’elle serait amenée à régler entre les mains de la société Banque Edel,
– condamner solidairement M. [Y] [I] et la société Banque Edel à payer à Mme [W] [Z] épouse [I] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. [Y] [I] et la société Banque Edel aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 2 mars 2023, pour l’affaire être plaidée le 9 mars suivant et mise en délibéré à ce jour, sans que M. [I], assigné en l’étude du commissaire de justice instrumentaire, ait constitué avocat.
SUR CE, LA COUR :
Sur le consentement de Mme [I] et la demande de nullité du prêt litigieux :
En faisant valoir que sous le prétexte d’une renégociation du prêt immobilier qu’ils avaient souscrit auprès du Crédit mutuel, son mari lui a fait apposer sa signature sur le contrat de prêt litigieux et renseigner le recto de la fiche de dialogue, que les signatures et paraphes figurant au verso de cette fiche et sur les autres documents contractuels ont été imités par son époux qui, afin qu’elle reste dans l’ignorance de ce prêt, a demandé que les échéances soient prélevées directement sur son salaire, Mme [I] soutient à titre principal n’avoir pas consenti à la conclusion du prêt litigieux, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge en contradiction, selon elle, avec l’attestation établie par M. [I] lui-même. Elle en déduit, sans exciper d’une éventuelle nullité, que l’appelante devra être déboutée des prétentions qu’elle dirige à son encontre.
A titre subsidiaire, Mme [I] explique que, « à considérer qu’elle ait donné son consentement au contrat conclu avec la banque Edel, elle pensait qu’il s’agissait d’une renégociation du prêt immobilier ». En faisant valoir que le dol de son époux a provoqué une erreur sur une qualité essentielle du contrat, Mme [I] demande à la cour d’annuler le contrat de prêt, non pas en application des articles 1138 et 1139 auxquels s’est référé le premier juge, mais par application de l’article 1132 du même code, en soulignant que, sur ce fondement, l’absence de connivence de la banque est indifférente.
En rappelant que la nullité conduit à la restitution du capital emprunté, Mme [I] reproche à la banque d’avoir failli à son devoir de vigilance en ne comparant pas les paraphes figurant aux trois premières pages du contrat à ceux figurant en page quatre, en ne décelant pas les imitations grossières de sa signature sur la fiche de dialogue et sur la grille de déblocage, puis en se contentant d’une seule mention manuscrite sur ce dernier document. Mme [I] sollicite en conséquence la condamnation de la banque au paiement de dommages et intérêts d’un montant équivalent à sa créance de restitution.
La banque Edel rétorque que Mme [I] ne peut soutenir ne pas avoir consenti au prêt en cause alors qu’elle a apposé de sa main la mention « lu et approuvé » sur l’offre de crédit comme sur la fiche d’information préalable spécifique au regroupement de crédits qui liste les crédits « rachetés » par le regroupement de crédits, et reconnaît avoir rempli elle-même les éléments de situation la concernant sur la fiche de dialogue.
En soulignant que l’erreur dont se prévaut Mme [I] ne provient pas de la banque et que, par sa signature du contrat de prêt, Mme [I] a été informée du réaménagement des dettes du ménage qui en découlait, l’appelante conclut que le prêt en cause ne saurait être annulé.
Si elle affirme ne pas avoir elle-même paraphé les trois premières pages, Mme [I] ne dénie pas sa signature qui figure en page 4 de l’offre de prêt, ni la mention écrite de sa main sur cette page 4, reproduisant les termes suivants : « lu et approuvé, bon pour la somme de 31 000 euros (trente et un mille euros) en principal, plus intérêts au taux débiteur fixe de 6,34 % frais et accessoires, soit un TAEG de 7,253 % (hors intérêts intercalaires et hors assurance facultative) ».
Mme [I] ne conteste pas davantage avoir, de sa main, porté la mention « lu et approuvé » sur la fiche d’information préalable à la conclusion d’une opération de regroupement de crédits.
Au regard de ces éléments, Mme [I] ne peut soutenir n’avoir jamais donné son consentement à la souscription, auprès de la banque Edel, d’un prêt d’un montant de 31 000 euros remboursable avec intérêts au taux de 6,34 % l’an.
L’attestation de M. [I], qui reconnaît avoir imité les paraphes et la signature de son épouse, ne change rien dès lors que cette dernière ne dénie pas avoir librement apposé sa signature ni les mentions manuscrites qui figurent sur certains documents qui, à eux seuls, suffisent à établir son consentement.
A supposer que son époux lui ait donné des explications inexactes ou incomplètes qui lui ont fait croire que le prêt litigieux était destiné au rachat du prêt immobilier qu’ils avaient souscrit auprès du Crédit mutuel, et non au rachat d’autres crédits, personnels, l’erreur provoquée ne porte pas sur l’essence même du contrat de prêt, et n’est pas non plus une erreur inexcusable.
Il suffisait en effet à Mme [I], qui ne conteste pas avoir volontairement signé l’offre de prêt, complété la fiche de dialogue et porté de sa main la mention « lu et approuvé » sur la fiche d’information préalable à la conclusion de l’opération de regroupement de crédits qui comportait la liste des crédits regroupés, exclusive de tout prêt immobilier, de procéder à une lecture, même très rapide, de ces documents, pour se convaincre elle-même de la destination du prêt litigieux.
Mme [I] précise dans ses écritures ne pas rechercher la nullité du contrat de prêt sur le fondement des articles 1138 et 1139 du code civil, mais sur le seul fondement de l’article 1132 du même code, selon lequel l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation n’est pas une cause de nullité lorsqu’elle est inexcusable.
Dès lors qu’elle échoue à établir que le comportement de son époux l’aurait conduit à commettre une erreur portant sur les qualités essentielles du contrat de prêt en cause, erreur qui aurait de toute façon était inexcusable dans les circonstances qui viennent d’être rapportées, Mme [I] ne peut qu’être déboutée de sa demande d’annulation du prêt litigieux à son égard.
Sur la déchéance du droit du prêteur aux intérêts :
Selon l’article L. 312-16 du code de la consommation, pris dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du
prêteur et, sauf dans les cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier, étrangers au présent litige, consulte le ficher prévu à l’article L. 751-1.
L’article L. 312-17 du même code ajoute que lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance, une fiche d’informations distincte de la fiche [ pré-contractuelle de renseignements] mentionnée à l’article L. 312-12 est remise par le prêteur et que cette fiche, établie par écrit ou sur un support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l’emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier. L’article L. 312-17 précise encore que cette fiche, qui contribue à l’évaluation de sa solvabilité, est signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l’emprunteur, que les informations figurant dans la fiche doivent faire l’objet d’une déclaration certifiant sur l’honneur leur exactitude et que, si le montant du crédit accordé est supérieur à un seuil fixé à 3 000 euros par l’article D. 312-7, la fiche doit être corroborée par des pièces justificatives dont la liste est elle-même définie par l’article D. 312-8.
L’article L. 341-2 du code de la consommation prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
En application de l’article L. 341-3, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche de dialogue prévue à l’article L. 312-17 est également déchu du droit aux intérêts.
L’article D. 312-8 auquel renvoie l’article L. 312-17 du code de la consommation prévoit que la fiche de dialogue qui contribue à l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur doit être corroborée par des pièces justificatives suivantes : 1° tout justificatif du domicile de l’emprunteur, 2° tout justificatif du revenu de l’emprunteur, 3° tout justificatif de l’identité de l’emprunteur. Le texte précise que ces pièces doivent être à jour au moment de l’établissement de la fiche d’information mentionnée à l’article L. 312-17.
En l’espèce, la banque Edel produit, comme en première instance, le justificatif de l’interrogation du fichier dit des incidents de paiement, l’avis de taxe foncière 2015 et de taxe d’habitation 2016 valant justificatifs de domicile des emprunteurs et la première page de leur avis d’imposition 2015 sur les revenus 2014, qui ne porte aucune indication sur les revenus de M. et Mme [I] à l’époque de la souscription du prêt litigieux, ni même en 2014 au demeurant.
A hauteur d’appel, la banque Edel communique en outre les quatre derniers bulletins de salaire de M. et Mme [I], accompagnés de leurs bulletins de salaire de décembre 2015 comportant le montant cumulé de leurs salaires perçus en 2015.
La banque Edel satisfait ainsi avoir satisfait à son obligation de vérification de la solvabilité des emprunteurs en préalable à l’octroi du prêt.
Mme [I] ne le conteste pas, mais fait valoir que la banque Edel doit néanmoins être déchue des intérêts, par application des dispositions de l’article L. 341-1 du code de la consommation, pour n’avoir pas respecté les prescriptions de l’article R. 312-2 du code de la consommation lorsqu’elle a diminué le taux des intérêts qui dépassait le seuil du taux d’usure, en informant son époux par un courrier du 4 novembre 2016 qui ne comprend pas les « informations essentielles du contrat ».
A son alinéa 1er, l’article L. 312-31 du code de la consommation prévoit qu’en cas de modification du taux débiteur, l’emprunteur en est informé par écrit ou sur un autre support durable, avant que la modification n’entre en rigueur, et précise que cette information indique le montant des échéances après l’entrée en vigueur du nouveau taux débiteur ainsi que, le cas échéant, toute modification du nombre ou de la périodicité des échéances.
En l’espèce, dans le courrier du 4 novembre 2016 qu’elle a adressé, non pas à M. [I], mais à M. et Mme [I], la banque Edel a informé les emprunteurs qu’à raison de la modification du seuil de l’usure à compter du 1er octobre 2016, le taux de leur crédit conventionnellement fixé à 6,34 % était ramené à 5,90 %, en leur précisant que le taux effectif global s’établissait en conséquence à 6,777 % au lieu de 7,253 %, que les échéances mensuelles hors assurances étaient ramenées à 300,91 euros, puis a joint à son courrier un nouveau tableau d’amortissement.
La modification du taux débiteur étant en l’espèce sans incidence sur le nombre ou la périodicité des échéances, dont la première était exigible le 5 décembre 2016, soit postérieurement à l’information délivrée sur la modification en cause, la banque Edel, qui n’avait pas à adresser aux emprunteurs un document contenant les informations prévues à l’article R. 312-12, sans rapport avec les informations dues à l’emprunteur en cas de modification du taux d’intérêt, a pleinement satisfait à son obligation d’information.
Dès lors que ni les motifs du premier juge que M. [I] est réputé s’approprier, ni les moyens développés par Mme [I], ne sont de nature à justifier la déchéance du droit aux intérêts de la banque Edel, le jugement déféré sera infirmé sur ce chef.
Sur la créance de la banque Edel :
Pour s’opposer à la demande en paiement que la banque Edel forme à hauteur de 22 405,13 euros en principal, Mme [I] soutient que, sur les 31 000 euros qu’elle s’était engagée à prêter, la banque Edel n’a débloqué que 16 909,22 euros, en ce compris 465 euros au titre des frais de dossier.
Le contrat de prêt prévoit expressément, en page 1 de l’offre, que « la mise à disposition des fonds s’effectuera par chèque à l’ordre de chaque organisme à rembourser ».
A cet effet, la banque Edel avait été autorisée par les emprunteurs à prélever les sommes correspondant au remboursement par anticipation des prêts 0010408207 et 341971182404 respectivement souscrits auprès du Crédit mutuel et de la Société générale, à payer une dette contractée auprès du Trésor public sous la référence 8963382295349, à rembourser une dette familiale de 7 000 euros et un découvert bancaire de 4 500 euros sur le compte Crédit mutuel des emprunteurs référencé 00010408201.
Les emprunteurs avaient par ailleurs autorisé la banque Edel à réactualiser les sommes listées sur la grille de déblocage à la date effective de déblocage du prêt, puis à virer l’éventuel reliquat sur un compte dont les références n’ont pas été renseignées.
Il avait enfin été prévu que la banque Edel prélèverait sur le capital prêté les frais de dossier (465 euros TTC) et les frais de mandat (620 euros TTC).
La banque Edel justifie avoir réglé par chèque :
– la somme de 6 332,87 euros au Crédit mutuel pour solde du prêt 0010408207 (en réalité 0010408209)
– la somme de 3 111,35 euros à la société Sogefinancement pour solde du prêt Société générale 341971182404
– la somme de 8 406,20 euros au Trésor public pour solde de la situation fiscale actualisée de M. et Mme [I], référencée 8963382295349
– la somme de 7 000 euros à M. [Y] [I] pour solde du prêt familial du même montant.
La banque Edel n’a pas à justifier des frais de mandat qu’elle a supportés dès lors que, pour ces frais, le contrat de prêt prévoit une rémunération forfaitaire de 620 euros qui a été intégrée dans le calcul du taux effectif global.
Au total, la banque Edel justifie donc avoir débloqué, sur la somme de 31 000 euros qu’elle avait accepté de prêter, la somme de 25 935,42 euros (24 850,42 euros en remboursement des dettes des emprunteurs + 465 euros au titre des frais de dossier + 620 euros au titre des frais de mandat).
En dépit des observations de Mme [I], la banque Edel ne justifie, ni avoir réglé une somme quelconque au Crédit mutuel pour apurer le solde débiteur du compte des emprunteurs référencé 00010408201, ni avoir adressé aux emprunteurs ou viré sur leur compte le reliquat du prêt, qui s’élève, en considération de ce qui vient d’être exposé, à la somme de 5 064,58 euros (31 000 ‘ 25 935,42).
Selon l’article L. 312-39 du code de la consommation, le prêteur peut, en cas de défaillance de l’emprunteur, exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, le tout produisant intérêts au taux contractuel, outre une indemnité de 8 % calculée sur le capital restant dû.
Cumulée avec les intérêts conventionnels dont le taux excède le taux légal majoré, l’indemnité de 8 % prévue à l’article L. 312-39 précité, qui répond à la définition de la clause pénale de l’article 1131-5 du code civil, revêt un caractère manifestement excessif qui commande sa réduction d’office à un montant qui, pour conserver à la clause son caractère comminatoire, sera fixé à 250 euros.
Déduction faite sur le capital restant dû au jour de la déchéance du terme de la somme sus-mentionnée de 5 064,58 euros que l’appelante ne justifie pas avoir débloquée, la créance de la banque Edel sera arrêtée, au vu du contrat de prêt, du tableau d’amortissement, du décompte à la date de déchéance du terme et du dernier décompte arrêté au 14 septembre 2021 (pièce 42) ainsi qu’il suit :
– mensualités échues et impayées : 1 624,90 euros (dont 850,95 euros en capital)
– capital restant dû à la déchéance du terme, dans la limite des fonds débloqués : 20 975,82 euros
– indemnité de 8 % (réduite d’office) : 250 euros
– règlements postérieurs à la déchéance du terme à déduire : 8 500 euros
Soit un solde de 14 350,82 euros, à majorer des intérêts au taux conventionnel de 5,6 % l’an sur la somme de 13 326,77 euros à compter du 5 juin 2019, date de déchéance du terme.
M. et Mme [I], qui ne justifient d’aucun paiement ni d’aucun fait libératoire au sens de l’article 1153 alinéa 2 du code civil, seront solidairement condamnés à payer à la banque Edel, pour solde du prêt litigieux, la somme sus-énoncée.
Sur la demande en garantie formée par Mme [I] contre son époux :
La cour observe que le premier juge a omis de statuer sur la demande en garantie de Mme [I] et rappelle qu’en application des dispositions combinées des articles 463 et 561 du code de procédure civile, il lui appartient, en raison de l’effet dévolutif et dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer cette omission, de la réparer en statuant sur cette demande sur laquelle M. [I] a été mis en mesure de s’expliquer contradictoirement.
Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Si Mme [I] échoue à démontrer que son consentement au prêt litigieux aurait été vicié par dol ou par erreur, il n’en reste pas moins établi que son époux, qui en atteste lui-même, a imité sa signature et son paraphe sur une partie des documents contractuels, ce qui constitue une faute au sens de l’article 1240 du code civil.
Au soutien de la demande de garantie qu’elle formule à hauteur « de la créance de la banque Edel », Mme [I] se borne à affirmer qu’il convient de tirer les conséquences de la faute commise par son époux « et du préjudice en découlant ».
Si l’essentiel du capital emprunté a permis de régler des dettes communes aux deux époux, M. [I] s’est engagé, lors de la tentative de conciliation à laquelle a procédé le juge aux affaires familiales le 2 avril 2019, à peine plus de deux mois avant le prononcé de la déchéance du terme, à prendre seul en charge, et ce sans récompense lors de la liquidation du régime matrimonial des époux, les échéances du prêt en cause.
Dans ces circonstances, M. [I], qui s’est engagé, dans les rapports entre époux coobligés, à contribuer à la dette pour le tout, sera condamné à garantir Mme [I] de l’intégralité de la condamnation qui vient d’être prononcée à l’encontre de cette dernière.
Sur les demandes accessoires :
Les parties, qui succombent respectivement en leurs prétentions au sens de l’article 696 du code de procédure civile, conserveront chacune la charge des dépens de l’instance d’appel dont elles ont fait l’avance, et seront déboutées de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise, seulement en ce qu’elle a condamné in solidum M. et Mme [I] aux dépens de première instance et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Infirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau, y ajoutant et réparant l’omission du premier juge :
Déboute Mme [W] [Z] épouse [I] de sa demande d’annulation du prêt litigieux,
Condamne solidairement M. [Y] [I] et Mme [W] [Z] épouse [I] à payer à la société Banque Edel, pour solde du prêt souscrit le 10 octobre 2016 arrêté au 14 septembre 2021, la somme de 14 350,82 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 5,6 % l’an sur la somme de 13 326,77 euros à compter du 5 juin 2019,
Condamne M. [Y] [I] à garantir Mme [W] [Z] épouse [I] de la condamnation à paiement prononcée à l’encontre de cette dernière,
Dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette en conséquence les demandes de la société Banque Edel et de Mme [W] [Z] épouse [I] formées sur ce fondement,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens dont elle a fait l’avance à hauteur d’appel,
Dit n’y avoir lieu d’accorder aux avocats en la cause le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT