Tentative de conciliation : 4 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/04936

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Tentative de conciliation : 4 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/04936
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Chambre des Baux Ruraux

ARRÊT N° 17

N° RG 22/04936 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TAN5

M. [R] [H]

Mme [E] [L] épouse [H]

C/

M. [J] [Z]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : M. [H]

Mme [L] épouse [H]

Me Miossec

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Mars 2023, devant Madame Virginie PARENT, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 04 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [R] [H]

né le 20 mai 1948 à [Localité 7], de nationalité française, retraité

[Adresse 10]

[Localité 7]

comparant en personne

Madame [E] [L] épouse [H]

née le 25 mars 1981 à [Localité 9], de nationalité française, agent de service

[Adresse 10]

[Localité 7]

représentée par M. [R] [H], selon pouvoir du 24 02 23

INTIME :

Monsieur [J] [Z]

né le 23 mai 1989 à [Localité 12], de nationalité française, agriculteur

[Adresse 11]

[Localité 7]

représenté par Me Marie-Thérèse MIOSSEC, avocat au barreau de QUIMPER

Suivant contrat de bail à ferme en date du 10 mai 2014, M. [R] [H] a consenti à M. [J] [Z] la location d’une parcelle située sur la commune de [Localité 7] cadastrée section YC n° [Cadastre 1], d’une surface de 0,6 ha pour une durée de 9 ans à compter du 1er novembre 2013, pour se terminer le 30 octobre 2022.

Par acte d’huissier du 26 juin 2020, M. [R] [H] a fait signifier à M. [J] [Z] un ‘congé de bail à ferme pour exercice du droit de reprise’ au bénéfice de son épouse Mme [E] [H].

Par acte du 23 octobre 2020, M. [J] [Z] a fait assigner M. [R] [H] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper aux fins de contester ce congé et obtenir des dommages et intérêts en réparation des troubles de jouissance imputables au bailleur.

Par jugement en date du 4 janvier 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper a :

– constaté que le bail signé par les parties est soumis au statut du fermage,

– déclaré nul le congé notifié par acte d’huissier du 26 juin 2020,

– ordonné le maintien du preneur dans l’exploitation pour un bail d’une nouvelle durée de neuf ans,

– ordonné à M. [J] [Z] de justifier auprès de M. [R] [H] de la souscription d’une assurance contre les risques locatifs mentionnant la parcelle louée, souscrite par lui ou le GAEC de Roz ar beuz, dans le délai de 15 jours suivant la signification du présent jugement et passé ce délai sous astreinte provisoire de 25 euros par jour de retard pendant 30 jours,

– déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée par M. [R] [H] pour le compte de son épouse,

– débouté M. [R] [H] de sa demande de dommages et intérêts,

– débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

– condamné M. [R] [H] aux dépens et à payer à M. [J] [Z] une indemnité de 700 euros au titre des frais non compris dans les dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Par acte d’huissier du 13 avril 2021, M. [R] [H] a fait signifier à M. [J] [Z] un nouveau ‘congé de bail à ferme pour exercice du droit de reprise’ au bénéfice de son épouse Mme [E] [H] à effet au 30 octobre 2022, y joignant de nombreuses pièces.

Par acte du 18 juin 2021, se substituant à celui délivré le 27 mai précédent, M. [J] [Z] a fait assigner M. [R] [H] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper aux fins de nullité du congé.

Par acte notarié du 11 mai 2022, M. [R] [H] a fait donation à son épouse d’une parcelle sise à [Localité 7], cadastrée section YC [Cadastre 6], de 57 a 42 ca, cadastrée initialement avant division YC [Cadastre 8] puis après division YC [Cadastre 1], YC [Cadastre 2], YC [Cadastre 3] et YC [Cadastre 4].

Suivant jugement contradictoire rendu par mise à disposition du greffe le 28 juin 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper a :

– décerné acte à Mme [E] [H] de son intervention volontaire à la présente procédure en sa qualité de nouvelle propriétaire de la parcelle louée,

– débouté Mme [E] [H] de sa demande aux fins de nullité de bail et de ses demandes subséquentes, telles que notamment la fin de recevoir soulevée quant à la qualité à agir de M. [J] [Z] et la nullité du précédent jugement de ce tribunal rendu le 4 janvier 2021,

– débouté Mme [E] [H] de sa demande tendant à voir constater la disparition de la parcelle YC [Cadastre 1], désormais cadastrée YC [Cadastre 6],

– déclaré nul le congé notifié par acte d’huissier du 13 avril 2021,

– ordonné le maintien du preneur dans l’exploitation pour un bail d’une nouvelle durée de neuf ans,

– dit que M. [R] [H], puis Mme [E] [H], ont engagé leur responsabilité contractuelle successive,

– condamné Mme [E] [H] et M. [R] [H] à payer à M. [J] [Z] les sommes de 1 000 euros en réparation de son préjudice matériel et de 200 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

– ordonné à Mme [E] [H] de procéder à l’enlèvement des serres qu’elle reconnaît avoir installées sur la parcelle louée à M. [J] [Z], dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, et passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour pendant 100 jours,

– débouté Mme [E] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

– débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

– condamné M. [R] [H] et Mme [E] [H] aux dépens et à payer à M. [J] [Z] une indemnité de 700 euros au titre des frais non-compris dans les dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Suivant déclaration en date du 22 juillet 2022, M. [R] [H] et Mme [E] [H] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 27 février 2023, les époux [H] demandent à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 28 juin 2022,

– constater qu’en décidant de renouveler le bail sans avoir recherché au besoin d’office, que le preneur était bien règle avec ses obligations légales, à savoir le contrôle des structures, conformément à l’article 7 de l’arrêté préfectoral du Finistère du 7 mars 2014, le tribunal paritaire des baux ruraux a violé les articles L 331-2, L411-46 et L 411-53 du code rural et de la pêche maritime, ce qui rend nulle sa décision,

– confirmer la nullité du bail du 10 mai 2014 pour défaut d’autorisation administrative d’exploiter la parcelle YC[Cadastre 1] conformément aux articles L331-1, L331-2, L331-6, L331-7 du code rural et conformément l’article 7 de l’arrêté préfectoral du Finistère du 7 mars 2014,

– constater que la réticence à décliner l’autorisation administrative d’exploiter et être en règle avec le contrôle des structures, en y présentant tantôt une attestation d’affilié social tantôt un document caduque de la DDTM puis indiquant avoir demandé copie à la DDTM et ne pouvant l’obtenir sous la raison que la DDTM a détruit les documents, constituent une faute grave, répétée et voulue, eu égard aux obligations légales qu’impose l’arrêté préfectoral du Finstère du 7 mars 2014,

– constater, au besoin d’office, que M. [J] [Z] n’a pas qualité à agir en justice du fait que, selon les statuts de sa société, il devait conclure les baux au nom de la société, qu’en n’effectuant aucune demande d’autorisation d’exploitation auprès de la DDTM, il n’est pas en règle avec le contrôle des structures et les règles légales d’exploitation,

– constater qu’il n’a fait aucune demande d’exploitation pour la parcelle YC [Cadastre 1],

– que la violence physique subie par M. [R] [H] par M. [O] oncle de M. [J] [Z] co-gérant du même GAEC constitue une faute très grave qui encourt la résiliation d’office du bail,

– condamner M. [J] [Z] à leur payer la somme de 2 000 euros pour les frais occasionnés par ces dossiers,

– condamner M. [J] [Z] à verser à Mme [E] [H] des dommages et intérêts de 2 500 euros pour préjudice moral,

– condamner M. [J] [Z] à verser à M. [R] [H] des dommages et intérêts de 1 500 euros pour préjudice moral,

– condamner M. [J] [Z] aux entiers dépens,

– débouter M. [J] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 28 février 2023, M. [J] [Z] demande à la cour de :

Vu le jugement précédent du tribunal paritaire des baux ruraux en date du 4 janvier 2021, l’article 112 du code de procédure civile et l’article 1351 du code civil et, à défaut, vu les dispositions manquantes des articles L 411-47 et de l’article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime,

– prononcer la nullité du congé délivré le 13 avril 2021 par M. [H] à M. [Z] pour reprise de la parcelle [Cadastre 1] devenue YC [Cadastre 6] au profit de son épouse,

– à défaut, en faire de même, vu les dispositions de l’article 2224 du code civil et la prescription s’attachant aux faits reprochés antérieurs de plus de cinq ans avant les demandes exprimées par les défendeurs [H],

– en tout état de cause, vu les articles 1719 du code civil, 1231 et suivants compte tenu des troubles permanents créés à M. [Z] dans la jouissance de la parcelle louée, et du caractère inhabituel du comportement de M. [H], condamner les défendeurs à réparer les préjudices tant matériels à savoir la somme annuelle de 1 622 euros soit pour 2 ans, la somme de 3 244 euros estimés par le CER, que moraux occasionnés par son comportement répété au versement d’une somme de 2 500 euros supplémentaires, à titre de dommages-intérêts,

– à défaut, en ce qui concerne l’estimation du préjudice matériel il sera nommé avant-dire droit un Expert lequel aura pour mission de se rendre sur les lieux, de prendre connaissance de tous documents et de chiffrer le préjudice subi du fait de l’implantation des clôtures de la perturbation de jouissance et de la reprise, avant même décision du tribunal d’une partie de la parcelle louée YC [Cadastre 1] par implantation d’une serre, cette situation de troubles de jouissance étant maintenue jusqu’à ce jour et, dans l’attente de l’expertise, il sera sursis à statuer dans l’attente du rapport sur les demandes indemnitaires pour préjudice matériel,

– confirmer le jugement du tribunal paritaire ordonnant l’enlèvement du tunnel et de tout ouvrage sur la parcelle louée YC [Cadastre 1] devenue YC [Cadastre 6] sous un mois et en tout état de cause pour mettre arrêt à tout trouble de jouissance assortir l’enlèvement passé le délai d’une astreinte de 100 euros par jour de retard,

– vu l’article 700 du code de procédure civile, condamner les défendeurs [H] au versement d’une somme identique à celle qu’ils réclament à savoir la somme de 3 000 euros et y additer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

– débouter les époux [H] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

M. [Z] sollicite également de la cour qu’elle ordonne la remise en état des lieux dans leur état initial de jouissance.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux articles 946, 455 et 749 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de constatations qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elle ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

– sur la nullité du bail du 10 mai 2014

M. [H] et son épouse critiquent le jugement qui a rejeté leur demande de nullité du bail encourue selon eux, en raison du non respect par M. [Z] de la réglementation relative au contrôle des structures.

Ils font valoir que suite à la tentative de conciliation, M. [Z] a accepté qu’un conciliateur serve d’intermédiation, que le conciliateur a conclu à la nullité du bail (comme notifié par M. [H] à M. [Z] par exploit d’huissier du 21 septembre 2021 au motif de l’absence d’autorisation d’exploiter). Ils demandent de confirmer cette nullité du bail.

L’article L 331-6 du code rural dispose :

Tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d’effet de la cession de bail selon les cas, la superficie et la nature des biens qu’il exploite; mention expresse en est faite dans le bail. Si le preneur est tenu d’obtenir une autorisation d’exploiter en application de l’article L 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l’octroi de cette autorisation.» Le refus définitif de l’autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d’autorisation exigée en application de l’article L 331-2 dans le délai imparti par l’autorité administrative en application du premier alinéa de l’article L 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, lorsqu’elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.

Les appelants versent aux débats un courrier de Mme [C] [Y], conciliatrice de justice, adressé à M. [J] [Z] le 15 décembre 2021 en ces termes :

‘Vous avez reçu en date du 21 septembre 2021 une signification de Me [T], huissier de justice, vous notifiant la nullité de votre bail signé le 10 mai 2014 et vous demandant de libérer en conséquence la parcelle de terre concernée, étant donné que le bail n’a plus ‘cours’.

Il est important de respecter les termes de la signification qui vous rappelle également les textes législatifs sur lesquels repose la nullité de votre bail et donc de libérer sans délai la parcelle de terre louée.

Il ressort des dispositions de l’article L 331-6 précité que la nullité du bail rural pour défaut d’autorisation d’exploiter ne peut être prononcée que par le tribunal paritaire des baux ruraux. La cour ne saurait confirmer la nullité du bail énoncée par un conciliateur, qui n’a nulle compétence pour ce faire.

Les premiers juges ont, à juste titre, rejeté toute demande de nullité du bail, en relevant qu’une telle demande ne pouvait être soulevée que pour faire échec à une demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté, alors qu’en l’espèce le bail conclu le 10 mai 2014 s’exécutait depuis plusieurs années et avait commencé à s’exécuter à compter du 30 octobre 2013.

La cour confirme le rejet de cette prétention.

– sur la demande de nullité du congé délivré le 13 avril 2021

Les époux [H] demandent à la cour d’infirmer le jugement, qui prononce la nullité de ce congé, qu’ils estiment justifié.

Selon eux, le tribunal ne pouvait d’office décider le renouvellement du bail sans vérifier d’office si le preneur était en règle avec les règles sur le contrôle des structures.

M. [Z] sollicite la confirmation du jugement qui prononce la nullité de ce congé. Il entend se prévaloir de l’autorité de chose jugée, un précédent jugement du 4 janvier 2021 ayant déclaré nul un congé délivré pour le même motif de reprise le 26 juin 2020 ; il considère que les conditions d’une reprise pour exploitation personnelle de la parcelle donnée à bail par le conjoint ne sont pas remplies, rappelant que le tribunal, le 4 janvier 2021, a invalidé le congé car le preneur ne disposait pas des compétences professionnelles suffisantes conformément à l’article R 331-2 du code rural et de la pêche maritime.

Il fait valoir que ce nouveau congé est affecté de diverses nullités :

– il ne mentionne pas les dispositions légales exigées à peine de nullité par l’article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime (article L 411-54 premier alinéa du code rural et de la pêche maritime),

– il est rédigé de manière prépondérante sur les griefs faits au locataire (18 pages) sans mentionner les dispositions légales s’y rapportant,

– le projet de reprise est abordé de manière floue, et Mme [H] déclare d’ailleurs dans un acte notarié être agent de service intérieur,

– subsidiairement, ce congé vise une exploitation partielle de la parcelle louée et ne correspond pas aux exigences de l’article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime.

L’article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime prévoit :

Le propriétaire qui entend s’opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l’expiration du bail, par acte extrajudiciaire.

A peine de nullité, le congé doit :

– mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur;

– indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d’empêchement, d’un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l’habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris;

– reproduire les termes de l’alinéa premier de l’article L. 411-54.

La nullité ne sera toutefois pas prononcée si l’omission ou l’inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur.

Le congé litigieux signifié par huissier s’intitule ainsi ‘congé de bail à ferme pour exercice de reprise (parcelle YC [Cadastre 1])’. Il est donné pour le 30 octobre 2022 au motif que le requérant entend exercer le droit de reprise prévu par les dispositions de l’article L 411-58 du code rural et de la pêche maritime pour faire exploiter les biens loués par Mme [E] [H], née le 23 mars 1981 à [Localité 9] (90) sans profession, demeurant [Adresse 10] [Localité 7].

Le congé vise les dispositions de l’article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime, celles des articles L 411-54 et R 411-1 du même code, et indique que le preneur peut déférer le congé au tribunal paritaire des baux ruraux dans un délai de quatre mois à compter de sa date, sous peine de forclusion, que la forclusion n’est pas encourue si le congé est donné hors délai ou s’il ne comporte pas les mentions exigées par l’article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime.

Les époux [H] ont circonscrit leur congé à une reprise et non en invoquant des manquements du preneur.

S’agissant de la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de choses jugée attachée au jugement du 4 janvier 2021, il convient de rappeler les dispositions de l’article 1355 du code civil selon lesquelles : L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l’espèce, le tribunal, par jugement du 4 janvier 2021, a prononcé la nullité du congé délivré le 26 juin 2020 ; la demande ici porte sur un congé délivré le 13 avril 2021. L’objet de la demande étant distincte, il ne sauraît être opposée aux époux [H] l’autorité de chose jugée, étant rappelé de surcroît, que celle-ci n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a été tranché dans le dispositif et ne porte pas sur les motifs de celui-ci.

Les mentions du congé doivent informer complètement son destinataire sur la capacité du repreneur de satisfaire à ses obligations.

L’article L 411-59 du code rural et la pêche maritime prévoit :

Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d’une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d’une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.

Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe.

L’article R 331-2 du code rural et la pêche maritime prévoit que :

Satisfait aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées au 3° du I de l’article L 331-2 le candidat à l’installation, à l’agrandissement ou à la réunion d’exploitations agricoles qui justifie, à la date de l’opération :

1° Soit de la possession d’un des diplômes ou certificats requis pour l’octroi des aides à l’installation visées aux articles D 343-4 et D 343-4-1 ; – V. Arr. du 18 févr. 2022 fixant la liste des diplômes, titres et certificats permettant de satisfaire à la condition de diplôme de la capacité professionnelle prévue à l’art. L 330-1 et conférant la capacité professionnelle prévue à l’art. L 331-2 (JO 2 mars), mod. par Arr. du 20 févr. 2023 (JO 2 mars).

2° Soit de cinq ans minimum d’expérience professionnelle acquise sur une surface égale au tiers de la surface agricole utile régionale moyenne, en qualité d’exploitant, d’aide familiale, d’associé exploitant, de salarié d’exploitation agricole ou de collaborateur d’exploitation au sens de l’article L 321-5. La durée d’expérience professionnelle doit avoir été acquise au cours des quinze années précédant la date effective de l’opération en cause.

Sont jointes au congé diverses pièces, dont :

– une attestation de M. [F], proviseur du LEGTA [13], selon laquelle Mme [L] [E] a été inscrite en classe de Brevet Professionnel Agricoles option Productions Horticoles et a suivi la formation au cours de l’année 1997-1999,

– un historique des échanges entre Mme [H] et M. [Z] quant à son projet de reprise,

– un document faisant référence à un site internet ‘www.les jardinsdeleureles.fr’.

L’attestation produite aux débats ne vaut pas diplôme. Mme [H] déclare dans le congé être sans profession. Elle n’est pas, en tout état de cause, agricultrice et ne l’a jamais été. Elle ne dispose d’aucune expérience professionnelle telle qu’exigée par les dispositions précitées.

Dans les échanges évoqués entre Mme [H] et M. [Z], Mme [H], le 26 mars 2020, déclare avoir la structure pour être horticultrice, vouloir faire des fleurs coupées, une partie légumes et arbres fruitiers ; il n’est pas justifié qu’elle dispose du matériel pour l’exploitation envisagée ou des moyens de l’acquérir, alors qu’il est précisé dans le congé que le projet de reprise pourra évoluer vers une augmentation des cultures, qu’il sera finalisé quand le terrain sera libre, qu’il est prévu pour une visibilité internet avec une url ‘www.les jardinsdeleureles.fr’, que s’agissant des installations, les demandes nécessaires seront demandées près la mairie de [Localité 7]..

La cour note d’ailleurs que dans leurs écritures, les époux [H] rappelent avoir implanté sur la parcelle litigieuse des tunnels pour cultiver des légumes afin d’améliorer la quotidien de la famille, ce qui ne correspond pas à une exploitation agricole. Les contours de ce projet sont donc peu lisibles.

En conséquence, le congé délivré le 13 avril 2021, qui ne permet pas au preneur de connaître les capacités de Mme [H] à reprendre le bien donné à bail, a donc, à raison, été déclaré irrégulier, ne satisfaisant pas aux exigences de l’article L 411-58 du code rural et de la pêche martime. La cour confirme le jugement en ce qu’il déclare nul le congé notifié le 13 avril 2021.

– sur le renouvellement du bail

Les premiers juges ont ordonné le maintien du preneur dans l’exploitation pour un bail d’une nouvelle durée de neuf ans, déduisant implicitement de la nullité du congé le renouvellement du bail.

Or, la nullité du congé n’entraîne pas automatiquement le renouvellement du bail. Ainsi, il est exact qu’un preneur qui prétend au renouvellement du bail doit remplir les mêmes conditions que celles du bénéficiaire du congé et notamment donc être également en règle avec le contrôle des structures.

En l’espèce, le tribunal n’a été saisi d’aucune demande sur ce point ; M. [Z] n’a pas demandé aux juges qu’ils ordonnent son maintien dans les lieux et M. et Mme [H] n’ont présenté aucune demande tendant à l’expulsion de M. [Z] ou à la nullité du bail renouvelé.

La cour infirmera le jugement, qui apparaît avoir statué ultra petita.

Devant la cour, quand bien même les époux [H] font valoir que M. [Z] ne justifie d’aucune autorisation d’exploiter, ils ne formulent aucune demande tendant à la nullité du bail renouvelé ou à l’expulsion de ce dernier.

M. [Z] pour sa part limite ses demandes à la nullité du congé et à l’indemnisation de ses préjudices.

La cour constate qu’elle n’est saisie d’aucune demande des parties pour se prononcer sur le renouvellement du bail.

Il convient encore de relever que si les époux [H] développent une argumentation selon laquelle M. [Z] a commis une faute grave eu égard aux obligations légales afférentes aux autorisations d’exploiter et aux contrôle des structures, et s’ils considèrent de même que les violences physiques subies par le bailleur de la part de M. [B] [O], oncle du preneur constituent également une faute grave qui encourt la résiliation du bail, ni le tribunal ni la cour ne sont saisis d’une telle prétention. Cette argumentation est donc inopérante.

– sur les demandes en réparation formées par M. [Z]

M. [Z] critique le jugement qui a réduit ses prétentions de ce chef.

Il fait grief à M. [H] de lui causer des troubles de jouissance et d’avoir à son endroit des comportements désobligeants ; il fait notamment valoir que le bailleur a repris avec son épouse une partie de la parcelle louée en y implantant une serre et des clôtures, ce qui entraîne un manque à gagner.

Il sollicite la condamnation de M. [H] au paiement d’une somme annuelle de 1 622 euros pour le préjudice matériel subi sur la base d’une estimation comptable faite par la société Cerfrance, soit pour deux ans une somme de 3 244 euros. À titre subsidiaire, il demande à la cour d’ordonner un expertise pour évaluer son préjudice et de surseoir à statuer sur la réparation de ce préjudice.

Il considère insuffisante la somme allouée en réparation de son préjudice moral subi, compte tenu de la polémique incessante entretenue par M. [H].

M. [Z] formule également une demande tendant à ordonner la remise en état des lieux dans leur état initial de jouissance.

Les époux [H] soutiennent que la demande d’indemnisation formée sur la base d’un document Cerfrance est nulle, car selon eux, ni M. [Z] ni le GAEC de Roz ar beuz, auquel ce dernier indique avoir mis ce bien à disposition, ne justifient d’une autorisation d’exploiter. Ils ajoutent avoir obtenu de la mairie une autorisation de clôturer la parcelle YC [Cadastre 1].

Les appelants n’ont pas contesté devant le tribunal l’implantation de serres sur la parcelle louée, ce qui au vu de ce qui précède apparaît avoir été fait au mépris du droit de jouissance du preneur. La condamnation prononcée de ce chef est donc confirmée.

Il est cependant versé aux débats un constat d’huissier en date du 21 juillet 2022 dressé à la requête de Mme [H], établissant qu’il n’y a plus de serres sur la parcelle litigieuse, seules demeurant sur le sol des traces d’implantation des précédentes serres sans aucun dispositif quelconque tel que fixation des arceaux. L’huissier précise que les arceaux des précédentes serres se trouvent non réinstallées et déposées sur la parcelle [H] cadastrée YC [Cadastre 5].

En ce qui concerne la pose de clôture, M. [Z] a fait constater par huissier le 25 novembre 2021 la présence d’une clôture. À défaut pour M. [Z] de produire tout élément permettant de déterminer l’état exact du périmètre du bien donné à bail, et de pièces établissant le trouble persistant, ce dernier doit être débouté de sa demande tendant à une remise en état de la parcelle dans son état initial.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel, M. [Z] verse aux débats, des attestations de Mme [U] de la société Cerfrance, comptable du GAEC de Roz ar beuz, établissant que le GAEC est constitué de deux associés M. [O] [B] et M. [Z] [J], et que la somme de 1 622 euros représente la marge brute moyenne à l’hectare, calculée sur les résultats des exercices 2018, 2019, 2020 et 2021.

Si M. [Z] invoque une mise à disposition de la parcelle YC [Cadastre 1] au GAEC de Roz ar beuz, en tout état de cause, les attestations produites sont inefficaces à rapporter la preuve du préjudice matériel subi par M. [J] [Z], preneur, du fait du trouble causé à sa jouissance de la parcelle YC [Cadastre 1] de 60 ares, qui ne représente qu’une très faible partie des parcelles prétendues mises à disposition au profit du GAEC selon la convention versée aux débats.

La cour considère que l’existence et l’étendue d’un préjudice matériel subi du fait des agissements des bailleurs n’est pas justifiée par M. [Z]. Il n’appartient pas au juge de suppléer la carence des parties, de sorte M. [Z] sera débouté de ses demandes à ce titre, en ce compris sa demande d’expertise.

La persistance des bailleurs dans leur volonté de faire échec aux droits de preneur, justifie en revanche la réparation du préjudice moral subi par M. [Z], qui a été justement appréciée par les premiers juges.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il condamne les époux [H] à lui payer une somme de 200 euros de ce chef et l’infirme en ce qu’il condamne les époux [H] à lui payer une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice matériel.

– sur la demande indemnitaire formée par les époux [H]

M. et Mme [H] critiquent le jugement qui rejette toute demande indemnitaire de leur part, et sollicitent la condamnation de M. [Z] à payer à Mme [H] une somme de 2 500 euros et à M. [H] celle de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral. Ils estiment que M. [Z], en refusant la reprise par Mme [E] [H] de la parcelle en litige de 60 ares alors qu’il dispose de plus de 150 hectares auxquels vont s’ajouter prochainement 90 autres hectares, puisqu’il souhaite acquérir les terres de l’indivision [H], se livre à un véritable harcèlement de Mme [H].

La cour a reconnu le bien fondé de la demande tendant à déclarer nul le congé de reprise. Aucune mauvaise foi du preneur ne peut donc en être déduite, quelles que soient par ailleurs la teneur et l’importance des terres données à bail à ce preneur, qui sont des éléments indifférents.

La cour confirme le rejet de cette prétention indemnitaire, en ce qu’elle est formée par Mme [H] et déboute M. [H] de sa demande de dommages et intérêts, dont le bien fondé n’est pas démontré, à défaut de toute mauvaise foi du preneur.

– sur les frais irrépétibles et les dépens

La cour confirme les dispositions de ce chef.

Les époux [H] sont condamnés aux dépens d’appel. Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il en ce qu’il a ordonné le maintien du preneur dans l’exploitation pour un bail d’une nouvelle durée de neuf ans, et a condamné les époux [H] à payer à M. [J] [Z] une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice matériel,

Statuant à nouveau sur le chef de jugement infirmé,

Déboute M. [J] [Z] de sa demande d’indemnisation d’un préjudice matériel ;

Y ajoutant,

Déboute M. [J] [Z] du surplus de ses demandes ;

Déboute M. [R] [H] de sa demande de dommages et intérêts ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne M. [R] [H] et Mme [E] [H] aux dépens d’appel.

Le Greffier La Présidente

 


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