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JN/SB
Numéro 23/1528
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 04/05/2023
Dossier : N° RG 21/00568 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HZAS
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l’employeur
Affaire :
[F] [O]
C/
S.A.R.L. [7],
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 04 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 16 Février 2023, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame NICOLAS, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [F] [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Madame [P], de l’ADDAH 40, munie d’un pouvoir
INTIMEES :
S.A.R.L. [7] Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU et Maître LUBET loco Maître DE MARNIX de la SELARL DE MARNIX AVOCAT, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN,
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES LANDES
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 12 FEVRIER 2021
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 17/00673
FAITS ET PROCÉDURE
Le 21 janvier 2000, M. [F] [O] (le salarié), né au mois de mai 1960, a été embauché par la SARL [7] (l’employeur) en qualité de monteur câbleur.
Les 21 mars 2017, 12 juillet 2017, et 22 octobre 2018, la caisse primaire d’assurance-maladie des Landes, a notifié au salarié, la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, des trois maladies suivantes (après avis favorable du CRRMP, s’agissant de la troisième de ces maladies « hors tableau » ) :
– tendinopathie de l’épaule gauche. L’état de santé a été déclaré consolidé et un taux d’IPP fixé à 0% a été retenu, porté à 2 % par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux le 24 février 2022,
– tendinopathie de l’épaule droite. L’état de santé a été déclaré consolidé et un taux d’IPP fixé à 9 % a été retenu, porté à 10 %, par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux le 24 février 2022,
– névralgie cervico-brachiale droite. L’état de santé a été déclaré consolidé et un taux d’IPP fixé à 20 % a été retenu.
Le salarié, après échec de la tentative de conciliation constaté par courriers de la caisse des 7 décembre 2017, et 28 décembre 2018, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, dans la survenance de chacune de ces trois maladies, ainsi qu’il suit :
-le 27 décembre 2017, s’agissant des deux tendinopathies de l’épaule gauche et droite, l’affaire ayant été enrôlée sous le numéro 17/00673
-le 10 janvier 2019, s’agissant de la névralgie cervicobrachiale droite, l’affaire ayant été enrôlée sous le numéro 19/00020.
Par jugement en date du 12 février 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
– ordonné la jonction des deux instances,
– débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné le salarié aux dépens.
Cette décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception aux parties, reçue du salarié le 16 février 2021.
Le 20 février 2021, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour, le salarié en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation du 21 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 16 février 2023, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions adressées au greffe de la cour d’appel de Pau le 24 novembre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, le salarié, M. [F] [O], appelant, conclut à l’infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour de :
– juger que les maladies professionnelles « tendinite épaule droite » du 30 septembre 2016, « tendinite épaule gauche » du 7 février 2017, et « NCB droite » du 26 octobre 2017 dont il a été victime sont dues à une faute inexcusable de son employeur,
– fixer au maximum la majoration de la rente versée par la caisse,
– dire que la majoration de la rente devra suivre l’aggravation du taux d’incapacité permanente partielle dans les mêmes proportions et que les préjudices personnels seront réévalués en cas de rechute ou d’aggravation des séquelles,
– ordonner une expertise médicale avec mission d’apprécier les préjudices qu’il a subis au titre :
– des souffrances physiques et morales endurées,
– du préjudice esthétique temporaire et permanent par lui subi du fait de ses blessures,
– du préjudice d’agrément subi,
– du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et plus largement sur les difficultés d’aptitude professionnelle liées aux séquelles de l’accident,
– du déficit fonctionnel temporaire subi par la victime c’est à dire la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante pour la période comprise entre l’accident et la consolidation,
– les frais divers restés à la charge de la victime,
– dire et juger que la caisse fera l’avance de l’intégralité des indemnités allouées qu’il s’agisse ou non des postes de préjudices couverts par l’article L452-3 du code de la sécurité sociale,
– lui accorder une provision de 1 000 € à valoir sur le montant de l’indemnisation de ses préjudices,
– condamner l’employeur au paiement d’une somme de 1000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– juger qu’en vertu de l’article 1153-1 du code civil, l’ensemble des sommes dues, portera intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Selon ses conclusions adressées au greffe de la cour d’appel de Pau le 18 janvier 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l’employeur, la société SARL [7], intimé, conclut à la confirmation du jugement déféré, en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes, mais à son infirmation en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau de ce chef, demande à la cour de condamner le salarié à :
– lui payer 6000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
– lui payer 5000 € sur ce même fondement d au titre de la procédure d’appel,
-supporter les entiers dépens.
Selon ses conclusions adressées au greffe de la cour d’appel de Pau le 24 janvier 2023, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l’organisme social, la CPAM des Landes, intimée, s’en remet sur la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur, et en cas de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur, demande à la cour de :
– préciser le quantum de la majoration de la rente à allouer au salarié,
– constater que la caisse ne s’oppose pas à l’expertise médicale sollicitée,
– limiter le montant des sommes à allouer au salarié en réparation de ses préjudices :
– aux chefs de préjudices énumérés à l’article L452-3 (1er alinéa) du code de la sécurité sociale : les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément, le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
– ainsi qu’aux chefs de préjudices non déjà couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale : le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire, les frais liés à l’assistance d’une tierce personne avant consolidation, l’aménagement du véhicule et du logement,
– condamner l’employeur, en application du 3ème alinéa de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale, à lui rembourser :
– la majoration de l’indemnité en capital ou le capital représentatif de la majoration de la rente tel qu’il sera calculé et notifié par la caisse,
– les sommes dont la caisse aura l’obligation de faire l’avance,
– les frais d’expertise,
– les intérêts légaux,
– condamner l’employeur à communiquer à la caisse les coordonnées de son assurance sous astreinte de 50 € par jour de retard, et ce, à l’expiration d’un délai de 10 jours à compter de l’arrêt à intervenir.
SUR QUOI LA COUR
Le caractère professionnel des trois maladies n’est pas contesté par l’employeur.
Les parties sont en désaccord, sur l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur, en lien avec la survenance de ces pathologies.
Sur la faute inexcusable
En matière de sécurité, l’employeur est tenu à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et les maladies professionnelles.
Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L452 -1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident ou de la maladie survenus au salarié, mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.
La faute de la victime n’est pas de nature à exonérer l’employeur de sa responsabilité, sauf si elle est la cause exclusive de l’accident du travail.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de son employeur, à l’origine de l’accident du travail ou de la maladie dont il a été victime.
En conséquence, le salarié doit à ce sujet, faire la démonstration comme imputables à son employeur de la conscience du danger et du défaut de mesures appropriées.
Cependant, lorsque la faute est susceptible de relever d’un manquement de l’employeur aux règles de sécurité, le juge doit examiner l’ensemble des pièces produites par les parties.
Le salarié, pour démontrer la faute inexcusable de l’employeur, après avoir rappelé le contenu de l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur, les principes dégagés par la jurisprudence en la matière, les dispositions du code du travail contenues aux articles L4121-1, L4121-2, R4323-62, ainsi que les gestes causant ou favorisant les pathologies litigieuses, soutient en substance que :
-en temps que monteur câbleur, il réalisait une bonne partie de son temps de travail en hauteur,
-il disposait pour ce faire d’une nacelle et d’une échelle,
– l’article R4323-62 du code du travail, prévoit que dans le cas particulier du travail en hauteur, les équipements de travail doivent être adaptés à la nature des travaux à réaliser et maintenir des conditions de travail sûres,
– la plupart du temps, il se retrouvait seul pour réaliser ce travail, si bien que l’utilisation de la nacelle, qui requiert deux salariés, lui était impossible,
– il n’est pas conforme à la réalité, de soutenir qu’en cas de demande d’aide, ses collègues pouvaient valablement quitter leur propre chantier, pour lui apporter leur concours,
– à défaut de matériel adapté, ses conditions de travail étaient peu ergonomiques, le travail en toute position étant un des risques énumérés dans le document unique d’évaluation des risques de 2016, comme susceptible d’engendrer des troubles musculo-squelettiques,
– par ailleurs, l’employeur a manqué d’évaluer les risques auxquels était soumis le salarié, par l’utilisation d’une échelle,
– l’employeur aurait dû systématiquement prévoir en amont de l’intervention, des interventions en binôme pour la réalisation de travaux en hauteur, et au besoin, lui imposer de travailler en binôme, puisqu’il est dit qu’il n’arrivait pas à travailler en équipe,
– le document unique d’évaluation des risques, était insuffisant, faute d’inclure les obligations prévues dans le plan de prévention liant l’employeur, à la société [8], son donneur d’ordre,
-il manipulait en outre des charges lourdes, alors que l’article R4541-3 du code du travail, impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour éviter le recours à la manutention manuelle, ce qu’il n’a pas fait.
L’employeur, pour s’y opposer, fait valoir en substance que :
-il est un sous-traitant d'[8], et réalise à ce titre des créations de ligne, et des dépannages,
– il a embauché le salarié, au vu de sa grande expérience, alors que celui-ci était âgé de 38 ans, et travaillait en cette même qualité de monteur câbleur en téléphonie depuis plus de 16 ans,
-la médecine du travail, à l’occasion des visites régulières annuelles ou biennales, a toujours et sans réserve, déclaré le salarié « apte » à son poste, jusqu’au 24 décembre 2019, où ce dernier, au vu des pathologies déclarées en 2016 et 2017, a été déclaré inapte à son poste de travail, et a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement,
-la position du salarié repose sur des affirmations mensongères, puisque contrairement à ce que soutenu par l’appelant, son travail ne s’effectuait pas en grande partie en hauteur, qu’il n’intervenait pas seul mais en binôme, lorsque le travail le nécessitait, que l’utilisation de la nacelle était systématique, l’utilisation de l’échelle n’intervenant qu’à titre exceptionnel,
– il est mis en ‘uvre un plan de prévention des risques, établi et revu chaque année, spécifiant les procédures de sécurité obligatoires à appliquer sur tous les chantiers, expliqué, connu et détenu de chaque salarié, des modalités d’intervention mises en ‘uvre, il existe de même un document unique nécessairement connu du salarié en sa qualité de cadre en charge de la formation technique de sécurité de santé et de protection des nouveaux arrivés,
-des contrôles impromptus relatifs au respect des règles de sécurité, sont effectués plusieurs fois par mois par le donneur d’ordre, alors même que ce dernier( la société [8]), est particulièrement intransigeant sur l’observation des règles de sécurité, et qu’un manquement en la matière, peut donner lieu à pénalité financière, outre rupture immédiate du contrat de sous-traitance,
-grâce à l’ensemble de ces mesures, la société employeur ne déplore aucun accident du travail depuis sa création en 1996,
– il a pris toutes les mesures prévues par les articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail,
-aucune faute inexcusable ne peut lui être reprochée.
Sur ce,
Deux des maladies litigieuses prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, relèvent du tableau numéro 57 des maladies professionnelles, relatif aux « affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », et notamment, à des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction, avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé.
La troisième est une maladie qui n’est pas inscrite sur un tableau des maladies professionnelles, et dont le caractère professionnel, résulte d’un avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ni la saisine de ce comité, ni son avis, ne figurant au titre des pièces produites.
Le seul document issu de l’enquête administrative qui soit produit, intitulé « enquête administrative maladie professionnelle numéro 373 », est relatif à une demande reçue le 21 décembre 2016 par la caisse ; par ce document, l’enquêteur retient, après un résumé de la position de chacune des parties, qu’ « en incluant la conduite, le salarié effectue des travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ».
La position du salarié, consiste à reprocher à l’employeur, d’avoir été soumis, par des travaux majoritairement effectués en hauteur à l’aide d’une échelle, à un risque de troubles musculosquelettiques, que l’employeur aurait connu, et de ne pas avoir pris les mesures nécessaires à l’en préserver.
Au cas particulier, les seules affirmations du salarié, consistant à soutenir que la troisième maladie dont il est atteint (névralgie cervicobrachiale droite), trouve sa cause, comme les deux autres maladies inscrites au tableau numéro 57, dans les postures de travail, ne sont corroborées par aucun élément, si bien que faute de permettre d’identifier le risque auquel il aurait été exposé, il ne peut être retenu que l’employeur l’aurait connu, et n’aurait pas pris les mesures nécessaires à l’en préserver.
La faute inexcusable de l’employeur, en lien avec la survenance de la névralgie cervico-brachiale droite dont est atteint le salarié, n’est donc pas caractérisée.
Il reste à procéder à l’analyse s’agissant des deux autres maladies.
Pour démontrer qu’il était exposé à des risques musculosquelettiques, que l’employeur aurait dû connaître, et prévenir, le salarié soutient que l’essentiel de son travail se faisait en hauteur et à l’aide d’une échelle, notamment car il travaillait seul, alors qu’il est constant que l’utilisation d’une nacelle exige de travailler en binôme, ou que, étant en binôme avec un stagiaire, celui-ci ne disposait pas des habilitations nécessaires pour travailler avec la nacelle.
L’employeur conteste l’ensemble de ces déclarations.
De façon contradictoire, le salarié a également déclaré lors de l’enquête, intervenir en milieu rural, avec souvent des arbres et des branches qui empêchent l’utilisation de la nacelle, reconnaissant implicitement l’utilisation d’un tel engin.
Quoi qu’il en soit, contrairement à ce que soutient le salarié, l’enquête administrative n’établit pas que 80 % de son temps de travail était consacré à des travaux aériens, l’enquêteur ayant simplement relevé que le salarié confirmait cet élément, sans aucune approbation de l’employeur, ce dernier ayant seulement précisé qu’il ne pouvait évaluer le taux de travail intérieur et extérieur mais que la majorité des interventions se réalisait à l’intérieur.
Il n’est pas davantage établi que pour les travaux aériens nécessitant de travailler en binôme, le salarié travaillait seul et sans nacelle et au moyen d’une échelle.
En effet, l’enquêteur de la caisse, dans la synthèse qu’il fait des éléments qui lui ont été soumis (alors que le questionnaire soumis à l’employeur n’est pas produit), indique que selon l’employeur, le salarié travaillait depuis plusieurs années à deux, mais préférait depuis un an travailler seul.
Cet élément permet d’établir que le travail en dehors d’une équipe, qui résultait par ailleurs d’un mode de fonctionnement propre au salarié, était récent, sans qu’il ne puisse en être déduit que les travaux qu’il aurait effectués seul étaient des travaux aériens, et à retenir qu’il s’agissait de travaux aériens, sans pouvoir retenir qu’ils auraient été effectués à l’aide d’une échelle et non d’une nacelle.
À cet égard, les attestations détaillées et circonstanciées émanant de salariés de la société, et produites par l’employeur, particulièrement sous ses pièces 14 et 15, démontrent que contrairement à ce que soutient le salarié, le recours à la nacelle était la règle pour les travaux aériens, selon des procédures internes validées par l’employeur et connues de tous.
Ainsi, pour parfaite information, il sera rappelé que M. [Y] [I], salarié de la société employeur depuis le 31 janvier 2009, en qualité de « monteur câbleur », c’est-à-dire occupant le même poste que le salarié appelant, atteste en les formes légales le 8 septembre 2020, de ce que :
– les interventions concernent soit du service après-vente, soit des raccordements de lignes téléphoniques, lesquelles peuvent être soient aériennes, soit souterraines, soit à l’intérieur, soit en façade,
-tous les chantiers ne nécessitent pas le travail à deux,
-quand la nacelle est indispensable ou que le travail à deux est nécessaire, le gérant de la société demande de l’appeler lui ou un collègue, et de ne pas prendre de risque ; pour cela, tous les salariés ont à disposition un téléphone professionnel et la liste des numéros de tous les salariés de l’entreprise ; si le travail n’est pas faisable dans la journée, car aucune personne n’est disponible pour apporter son aide, il est reporté à un jour ultérieur,
-il a vu travailler le salarié appelant en binôme avec différents salariés de l’entreprise.
L’employeur, produit également dans le même sens, sous sa pièce numéro 11, le plan de prévention, imposé par son donneur d’ordre, daté du 3 juin 2015 (venant expressément en remplacement d’un précédent plan de prévention), s’agissant d’un plan de prévention auquel il s’est engagé, et qui, poste de travaux par poste de travaux, de façon particulièrement minutieuse, rappelle les points de vigilance et consignes à observer pour prévenir les risques qui y sont relatifs, et particulièrement, pour les interventions aériennes, l’utilisation d’une nacelle à jour de ses vérifications périodiques, avec utilisation du harnais depuis le panier, et conduite par une personne formée au CACES'(pièce 11. 47, page 95 du document).
Il n’est pas conforme aux éléments du dossier, de soutenir que ce plan, ne concernerait que les rapports entre l’employeur et son donneur d’ordre, puisque sous sa pièce numéro 12, l’employeur démontre qu’il a par une session de formation spécifique, en date du 21 mai 2015, présenté, commenté, communiqué ce document à chacun de ses salariés, lequel en a reçu copie contre signature, en ce compris l’appelant ainsi qu’en atteste la présence de sa signature sur ce document.
Il n’est pas davantage démontré que l’employeur ne s’y serait pas conformé.
En conclusion, il n’est pas démontré que le poste du salarié consistait pour l’essentiel en des travaux aériens à l’aide d’une échelle lui imposant des positions susceptibles de favoriser l’apparition de troubles musculosquelettiques en lien avec l’apparition de ses maladies professionnelles de tendinopathie des épaules droite et gauche.
D’ailleurs, s’agissant d’un élément qui vient conforter la position de l’employeur, le document unique d’évaluation des risques, produit tant par l’employeur, que par le salarié, n’identifie le risque de troubles musculosquelettiques que s’agissant des situations de travail de bureau, par l’utilisation de matériel d’équipement ou souris d’ordinateur inadapté, et des situations de « travail en toute position », sans qu’il ne soit question de travail sur une échelle.
Au vu de l’ensemble des éléments du dossier, le salarié échoue à démontrer que dans le cadre de son poste de travail, il était soumis à un risque d’apparition de troubles musculosquelettiques, que l’employeur connaissait ou qu’il aurait dû connaître, si bien que la faute inexcusable de l’employeur n’est pas caractérisée.
Il a déjà été dit qu’il appartient au salarié de rapporter la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de son employeur, à l’origine de l’accident du travail ou de la maladie dont il a été victime.
Tout autre faute sans lien avec l’origine de l’accident ou de la maladie, est inopérante dans la recherche de la démonstration de la faute inexcusable de l’employeur.
C’est pourquoi les développements du salarié, relatifs au risque de chute induit par le travail en hauteur, et aux fautes alléguées contre l’employeur à cet égard, sont inopérants, dès lors que ce risque est sans lien avec la survenance de la maladie pour laquelle il recherche la faute inexcusable de son employeur.
Il en va de même de ses allégations relatives au port de charges lourdes, au demeurant non objectivement démontrées, dont il n’est ni soutenu ni démontré, qu’il correspondrait aux travaux limitativement prévus par le tableau numéro 57 des maladies professionnelles comme susceptibles de provoquer les dites maladies.
Le premier juge sera confirmé, en ce qu’il a débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Eu égard à la disparité dans la situation respective des parties, le premier juge sera confirmé, en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance.
En revanche, la contestation systématique, à large spectre, et non étayée du salarié, a imposé à l’employeur, d’exposer à nouveau de tels frais en appel, si bien que l’équité commande d’allouer à l’employeur la somme de 1000 €sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelant, qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 12 février 2021,
Y ajoutant,
Condamne M. [F] [O] à payer à la SARL [7], la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes à ce titre,
Condamne M. [F] [O] aux dépens.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,