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1ère Chambre
ARRÊT N°101/2023
N° RG 20/05663 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RCZR
M. [G] [O]
Mme [I] [M] épouse [O]
C/
M. [B] [P]
Mme [Z] [V]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 AVRIL 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 10 janvier 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 avril 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 7 mars 2023 à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [G] [O]
né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 9] (29)
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représenté par Me Arnaud GAONAC’H, avocat au barreau de QUIMPER
Madame [I] [M] épouse [O]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 9] (29)
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représentée par Me Arnaud GAONAC’H, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉS :
Monsieur [B] [P]
né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 6] (56)
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représenté par Me Pierre GUILLON, avocat au barreau de LORIENT
Madame [Z] [V]
née le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 5] (29)
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représentée par Me Pierre GUILLON, avocat au barreau de LORIENT
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [B] [P] et Mme [Z] [V] résident au lieu-dit Kergristien dans la commune de [Localité 8], propriété de Mme [Z] [V].
Ils ont pour voisins M. [G] [O], agriculteur, et Mme [I] [M] épouse [O].
Les deux propriétés sont séparées par une route et disposent chacune d’un accès direct sur cette voie.
En 2017, les époux [O] ont aménagé sur leur terrain un chenil destiné à accueillir un élevage de labradors.
Les consorts [P]-[V] se sont plaints de nuisances liées aux aboiements et aux divagations sur leur propriété des chiens provenant de l’élevage voisin.
Par ailleurs, dans un contexte de relations de voisinage très conflictuelles, M. [P] et Mme [V] exposent que leurs voisins obstruent délibérément la route communale d’accès à leur propriété et qu’ils sont l’objet d’injures, de menaces, d’agressions et de dénonciations calomnieuses de la part des époux [O].
Le 5 février 2018, le conciliateur de justice a constaté l’échec de la tentative de conciliation.
Le 12 mars 2018, Mme [M] épouse [O] a déposé une plainte auprès de la gendarmerie de [Localité 9] à l’encontre de M. [P], pour dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui, violences envers les animaux, et exhibitionnisme, laquelle a fait l’objet d’un classement sans suite le 25 juin 2018.
Par acte délivré le 15 juillet 2019, M. [B] [P] et Mme [Z] [V] ont fait assigner M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] devant le tribunal de grande instance de Quimper sur le fondement des troubles anormaux du voisinage et subsidiairement sur celui des articles 1240, 1242 et 1243 du code civil aux fins principalement d’obtenir le déplacement du chenil et l’indemnisation de leurs préjudices.
Suivant jugement du 3 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Quimper a :
-Dit que les pièces 8,9,16,17,34,37 et 38 produites par les demandeurs sont écartées des débats,
-Condamné M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à mettre le chenil qu’ils exploitent à la distance réglementaire de 50 mètres minimum, et ce dans le délai de 6 mois à compter de la présente décision, et sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard, passé ce délai et pendant trois mois, durée à l’issue de laquelle il pourra être de nouveau statué,
-Condamné solidairement M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [B] [P] et Mme [Z] [V] une indemnité de 2 000 € pour les troubles anormaux de voisinage causés par les chiens de leur élevage,
-Condamné solidairement M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [B] [P] et Mme [Z] [V] une astreinte de 200 € pour toute nouvelle divagation de chiens constatée sur la propriété des demandeurs, à compter du présent jugement,
-Condamné solidairement M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [B] [P] et Mme [Z] [V] une indemnité de 3 000 € pour entrave à la circulation et une indemnité de 1 500 € pour dénonciations calomnieuses,
-Rejeté les autres demandes, principales et reconventionnelles,
-Condamné solidairement M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [B] [P] et Mme [Z] [V] une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Ordonné l’exécution provisoire,
-Condamné solidairement M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] aux entiers dépens.
M. [G] [O] et Mme [I] [M] ont interjeté appel de ce jugement.
M. [B] [P] et Mme [Z] [V] ont formé appel incident quant aux quantum des condamnations.
Par exploit du 16 avril 2021, les époux [O] ont saisi le magistrat délégué du premier président de la cour aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire en exposant être dans l’incapacité financière de régler les condamnations pécuniaires prononcées à leur encontre et ne pas pouvoir déplacer le chenil dans le délai de six mois imparti.
Leur demande a été rejetée par ordonnance de référé du 15 juin 2021.
Le 15 juillet 2021, M. [P] et Mme [V] ont saisi le conseiller de la mise en état d’une demande de radiation de l’affaire sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile, laquelle a été déclarée irrecevable comme étant tardive par le conseiller de la mise en état, suivant ordonnance rendue le 14 février 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 20 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions en application de l’article 455 al. 1 du code civil, M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] demandent à la cour d’infirmer le jugement déféré.
Et statuant à nouveau :
I. Sur les conditions d’élevage :
-Dire et juger que l’action de M. [B] [P] et Mme [Z] [V] est irrecevable et ce, conformément à l’article L 112-6 du Code de la construction et de l’habitation,
-Dire et juger que M. [B] [P] et Mme [Z] [V] ne sont pas fondés à se prévaloir de la théorie des troubles anormaux du voisinage, et ce conformément à la jurisprudence en ce domaine,
-Débouter M. [B] [P] et Mme [Z] [V] de toutes leurs prétentions,
Subsidiairement,
-Dire et juger que M. [O] sera mis hors de cause, n’étant pas l’exploitant de l’activité canine,
-Constater que les travaux de déplacement du chenil ont été réalisés au titre de l’exécution provisoire,
-Constater que la demande visant à ce que M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] mettent le chenil qu’ils exploitent à la distance réglementaire de 50 mètres minimum, et ce dans le délai de 6 mois à compter de la présente décision et sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard, est sans objet,
-Réformer en conséquence la décision de première instance,
-Débouter M. [B] [P] et Mme [Z] [V] de toutes leurs prétentions,
II. Sur les troubles causés par les chiens
-Dire et juger que M. [B] [P] et Mme [Z] [V] ne sont pas fondés à se prévaloir de la théorie des troubles anormaux du voisinage, et ce conformément à la jurisprudence en ce domaine,
-Dire et juger que M. [B] [P] et Mme [Z] [V] ne sont pas fondés à se prévaloir de la responsabilité du fait des animaux conformément aux dispositions de l’article 1243 du Code civil,
-Débouter M. [B] [P] et Mme [Z] [V] de toutes leurs prétentions,
III. Sur les entraves à la circulation sur la voie communale
-Dire et juger que M. [B] [P] et Mme [Z] [V] ne sont pas fondés à se prévaloir de la théorie des troubles anormaux du voisinage,
-Dire et juger que M. [B] [P] et Mme [Z] [V] ne sont pas fondés à se prévaloir du fait des choses conformément aux dispositions de l’article 1242 du Code civil,
-Débouter M. [B] [P] et Mme [Z] [V] de toutes leurs prétentions.
IV. Sur les dénonciations calomnieuses
-Dire et juger que M. [B] [P] et Mme [Z] [V] ne sont pas fondés à se prévaloir d’un abus de droit pour les plaintes déposées à leur encontre et ce en vertu de l’article 1240 du Code civil,
-Débouter M. [B] [P] et Mme [Z] [V] de toutes leurs prétentions,
V – Sur la demande additionnelle de l’intimé par conclusions du 1er décembre 2022
-Se déclarer incompétent au pro’t du juge de l’exécution de Quimper pour liquider l’astreinte provisoire dans l’hypothèse où la cour d’appel confirmerait la décision de première instance sur ce point et ce en vertu de l’article L.131- 3 du Code des procédures civiles et d’exécution,
A titre subsidiaire,
-Déclarer partiellement irrecevables les conclusions transmises par M. [B] [P] et Mme [Z] [V] le 1er décembre 2022, en ce qu’elles développent, aux pages 17 et 32, leurs moyens relatifs à la demande de liquidation d’astreinte, et en ce qu’elles demandent à la cour, en page 36 une liquidation d’astreinte de 110 000 €, en vertu de l’article 909 du Code de procédure civile,
A titre infiniment subsidiaire,
-Débouter M. [B] [P] et Mme [Z] [V] de leur demande de liquidation d’astreinte et ce en vertu de l’article L.131-4 du code des procédures civiles d’exécution,
A titre in’niment subsidiaire,
Limiter le montant de la liquidation d’astreinte à la somme de 18 000 €,
VI. Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
-Condamner M. [B] [P] et Mme [Z] [V] solidairement à une somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts et ce, sur le fondement de l’article 9 et 1240 du Code civil,
-Dire et juger que pour toute nouvelle atteinte à la vie privée des appelants, M. [B] [P] et Mme [Z] [V] seront condamnés solidairement à une nouvelle somme de 5000 € pour chaque infraction constatée,
VII. En tout état de cause
-Débouter M. [B] [P] et Mme [Z] [V] de l’ensemble de leurs demandes,
-Condamner M. [B] [P] et Mme [Z] [V] aux dépens ainsi qu’à une indemnité de 3500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-Condamner les intimés aux entiers dépens de première instance et d’appel.
*****
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 20 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions en application de l’article 455 al. 1 du code civil M. [B] [P] et Mme [Z] [V] demandent à la cour de :
-Débouter les époux [O] de leurs demandes et fins,
-Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Quimper en date du 3 novembre 2020 en ce qu’il a :
* condamné M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à mettre le chenil qu’ils exploitent à la distance réglementaire de 50 mètres minimum, et ce dans le délai de 6 mois à compter de la présente décision et sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard,
* condamné M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [B] [P] et Mme [Z] [V] une indemnité pour les troubles anormaux de voisinage causés par les chiens de leur élevage,
* condamné M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [B] [P] et Mme [Z] [V] une astreinte de 200 € pour toute nouvelle divagation de chiens constatée sur la propriété des intimés, à compter de la décision,
* condamné M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer M. [B] [P] et Mme [Z] [V] une indemnité pour entrave à la circulation et une indemnité pour dénonciations calomnieuses,
* condamné M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [B] [P] et Mme [Z] [V] une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
* condamné M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] aux entiers dépens,
Y additant,
-Rejeter la demande de mise hors de cause de M. [G] [O] s’agissant de l’exploitation du chenil,
-Réformer le jugement de première instance s’agissant des quantum de condamnation :
En conséquence :
-Constater la persistance des désordres s’agissant des troubles anormaux de voisinage causés par les chiens et leur élevage en raison de l’absence de mise en ‘uvre du recul du chenil conformément à la réglementation en vigueur, notamment au règlement sanitaire départemental du Finistère,
-Condamner M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [B] [P] et Mme [Z] [V] une indemnité de 5.000 € pour les troubles anormaux de voisinage causés par les chiens de leur élevage,
-Condamner M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer M. [B] [P] et Mme [Z] [V] une indemnité de 3.000 € pour entrave à la circulation et une indemnité de 4.000 € pour dénonciations calomnieuses,
-Réformer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté M. [B] [P] et Mme [Z] [V] de leur demande de condamnation de M. [G] [O] au titre du préjudice moral résultant des injures, menaces et agressions,
En conséquence :
-Les condamner solidairement au paiement de la somme de 4.000 € au titre du préjudice moral résultant des injures, menaces et agressions ;
A titre subsidiaire,
1) Sur les divagations, intrusions et aboiements de chiens
-Constater que le chenil de M. [G] [O] et Mme [I] [M] est situé à 32,94 mètres de la résidence de M. [B] [P] et de Mme [Z] [V] ;
-Constater que cette distance est non-conforme à la réglementation en vigueur, notamment au règlement sanitaire départemental du Finistère ;
-Dire que cette non-conformité est constitutive d’une faute civile délictuelle ;
-Constater les troubles causés à M. [P] et Mme [V] par les intrusions, divagations et aboiements des chiens ;
En conséquence,
-Dire engagée la responsabilité civile de M. [G] [O] et de Mme [I] [M] sur le fondement des articles 1240 et 1243 du Code civil ;
-Les condamner solidairement au paiement de la somme de 3.000 € au titre du préjudice moral résultant des intrusions, divagations et aboiements des chiens ;
-Ordonner la mise à distance réglementaire du chenil, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;
-Leur ordonner de prendre toute mesure permettant d’empêcher la divagation des chiens, sous astreinte de 200 € par divagation constatée à compter du jugement à intervenir ;
2) Sur les entraves à la circulation
-Constater les entraves faites par M. [G] [O] et Mme [I] [M] à la circulation de M. [B] [P] et Mme [Z] [V] ;
En conséquence,
-Dire engagée la responsabilité civile de M. [G] [O] et de Mme [I] [M] sur le fondement de l’article 1242 alinéa 1er du Code civil ;
-Les condamner solidairement au paiement de la somme de 3.000 € au titre du préjudice moral résultant des entraves à la circulation ;
3) Sur les injures, menaces et agressions
-Constater les injures, menaces et agressions subies par M. [B] [P] et Mme [Z] [V] de la part de M. [G] [O] et Mme [I] [M] ;
En conséquence,
-Dire engagée la responsabilité civile de M. [G] [O] et de Mme [I] [M] sur le fondement de l’article 1240 du Code civil ;
-Les condamner solidairement au paiement de la somme de 4.000 € au titre du préjudice moral résultant des injures, menaces et agressions ;
4) Sur la liquidation d’astreinte
Si la Cour de Céans constate la réalisation et la conformité des travaux s’agissant du chenil :
-Se déclarer compétente pour la liquidation d’astreinte,
-Constater la réalisation des travaux en date du 10 novembre 2022,
En conséquence, condamner les appelants à payer une somme de 110 000 € aux intimés ;
En tout état de cause,
Condamner solidairement M. [G] [O] et Mme [I] [M] au paiement à M. [B] [P] et Mme [Z] [V] de la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant le constat d’huissier du 7 mars, qui seront recouvrés par Me Guillon en application de l’article 699 du Code de procédure civile.
MOTIVATION DE LA COUR
1°/ Sur la mise hors de cause de M. [G] [O]
C’est à tort que M. [O], considérant qu’il n’est pas exploitant de l’activité canine, demande sa mise hors de cause. En effet, le seul fait qu’il soit propriétaire et occupant avec son épouse du fonds sur lequel est implanté le chenil litigieux justifie le rejet de cette demande.
2°/ Sur le trouble anormal du voisinage lié au chenil
Le droit reconnu au propriétaire par l’article 544 du code civil de jouir de son bien de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par les lois ou les règlements, trouve sa limite dans l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.
Par ailleurs, il résulte de l’article 651 du même code que : ‘la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention.’
Il appartient à celui qui se prétend victime d’un trouble anormal du voisinage d’en rapporter la preuve.
Il s’agit d’une responsabilité objective, fondée sur la constatation du dépassement d’un seuil de nuisance sans qu’il soit nécessaire d’imputer celui-ci à une faute ou à l’inobservation d’une disposition législative ou réglementaire. L’existence d’un trouble anormal du voisinage est appréciée in concreto en tenant compte des circonstances de temps et de lieu.
Toutefois, selon l’article L.112-16 du code de la construction et de l’habitation, ‘les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions’.
Ce texte institue une exonération de responsabilité en matière de trouble de voisinage si trois conditions cumulatives sont réunies :
– l’installation agricole, industrielle ou artisanale, commerciale ou aéronautique à l’origine des nuisances ou des dommages doit être antérieure à l’installation du voisin,
– l’activité source de nuisances doit être poursuivie dans les mêmes conditions d’exploitation,
– l’activité doit s’exercer en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur.
C’est à celui qui invoque la cause d’exonération de démontrer que les conditions sont réunies.
a. Sur la recevabilité de l’action de M. [P] et Mme [V] sur le fondement des troubles anormaux du voisinage
Contrairement à ce que soutiennent les époux [O], l’article L.112-6 du Code de la construction et de l’habitation ne constitue pas une fin de non-recevoir mais une défense au fond, s’agissant d’une cause d’exonération de la responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage.
Il en résulte que l’action engagée par M. [P] et Mme [V] sur le fondement des troubles anormaux du voisinage est recevable.
Il convient de caractériser l’existence d’un trouble anormal du voisinage susceptible d’engager la responsabilité des époux [O] avant d’examiner une éventuelle cause d’exonération tirée de l’antériorité de l’activité dommageable.
b. Sur l’existence d’un trouble anormal du voisinage
Les consorts [P]-[V] invoquent les nuisances occasionnées par les aboiements des chiens, audibles depuis l’intérieur de leur domicile, ainsi que par la divagation de ces derniers sur leur propriété.
Les multiples photographies produites montrent que les chiens sont présents (parfois en nombre) sur la propriété [P]-[V], notamment dans leur jardin ou sur leur terrasse, devant leurs portes-fenêtres. Les différentes dates mentionnées sur les photographies versées aux débats (sans critique de la partie adverse sur ce point) à savoir le 24 novembre 2017, les 8 et 24 février 2018, le 5 mars 2018 ou encore le 11 janvier 2021 suffisent à établir la récurrence de ces intrusions.
Comme le montrent les photographies produites, ces instrusions sont parfois l’occasion de désagréments supplémentaires liés à l’arrachage du linge étendu dans le jardin ou la subtilisation des objets (notamment des jouets d’enfants) se trouvant dans le jardin des consorts [P]-[V].
C’est d’ailleurs ce que confirme M. [W] dans son attestation du 6 mars 2020 en indiquant avoir vu M. [P] dans le jardin des époux [O] afin d’y récupérer les jouets de sa fille.
La présence de chiens sur le terrain des intimés ressort également de l’attestation de M. [J] [T].
Enfin, lors de leurs auditions respectives par la gendarmerie, M et Mme [O] n’ont pas contesté que leurs chiens allaient sur la propriété voisine, en expliquant que ces derniers étaient attirés par la litière du chat et les déchets entreposés sur le terrain des consorts [P]-[V].
Les divagations et intrusions répétées des chiens sur la propriété [P]-[V] entre 2018 et 2021 sont donc avérées. Le premier juge a rappelé à juste titre qu’il incombe aux époux [O] de s’assurer qu’aucun animal ne s’échappe de leur propriété et que les consorts [P]-[V] n’ont pas à subir les intrusions des chiens provenant de l’élevage voisin.
La cour relève au surplus que, même sans agressivité particulière, la seule présence de ces chiens imposants et aboyant devant la fenêtre des intimés est objectivement anxiogène.
S’agissant des nuisances sonores, il ressort des attestations de M. [T], de M. [K] et de M. [F] que les aboiements sont audibles depuis l’intérieur de la maison d’habitation des intimés, ce qui caractérise leur intensité.
Cette intensité est difficilement contestable lorsque les chiens aboient depuis la propriété même des consorts [P]-[V], ainsi qu’il ressort de la photographie produite montrant deux chiens (gueules ouvertes) en train de courir et jouer dans le jardin des intimés.
Même depuis la propriété [O], les aboiements ne peuvent que revêtir une intensité excédant les inconvénients normaux du voisinage au regard du nombre de chiens. Comme l’a relevé à juste titre le tribunal, il ne s’agit pas de supporter les aboiements d’un seul animal mais les aboiements conjugués de plusieurs chiens, dont le nombre n’a d’ailleurs cessé de croître. A titre d’exemple, l’élevage a débuté en 2017 avec 5 labradors, mais dans un document de présentation de l’élevage daté du 5 décembre 2020 (pièce 34 intimés) il est fait état de 12 labradors et de 4 lévriers italiens reproducteurs, tandis que dans son procès-verbal de constat dressé le 10 novembre 2022, Me [S], huissier de justice, comptabilise 10 labradors dans le chenil implanté dans l’ancienne porcherie, 5 labradors dans le chenil situé près du hangar, ainsi que 8 lévriers italiens dans la maison d’habitation, portant ainsi à 23 le nombre de chiens présents sur la propriété des époux [O], sans compter les chiots.
Au regard de l’importance croissante de l’élevage depuis 2017 et de la configuration des lieux, le caractère fréquent et particulièrement sonore des aboiements ne peut être sérieusement contesté. Dans son attestation, Mme [K] évoque même « une symphonie d’aboiements ». Ces derniers sont en outre audibles de jour (les chiens disposant d’un espace extérieur de 700 m2) comme de nuit (compte tenu de la grande proximité entre la maison d’habitation des consorts [P]-[V] et le chenil, lequel a été implanté à une distance non réglementaire de 33,21 mètres selon la mesure effectuée par Me [C], huissier de justice (constat du 7 mars 2019), ou de 32,94 mètres selon la distance évaluée d’après le site géoportail.).
Les époux [O] font vainement valoir qu’ils se sont dotés de colliers anti-aboiements et produisent une commande pour ce type de dispositif effectuée le 19 juillet 2019 sur le site Amazon. Cependant au regard du montant de la commande (159 euros) et de l’augmentation continue du nombre de chiens dans l’élevage, il n’est pas établi que tous les chiens disposent d’un tel collier. Le procès-verbal de constat d’huissier dressé le 5 février 2020 par Me [S], produit par les époux [O], ne fait d’ailleurs aucune mention du port par les chiens d’un quelconque dispositif d’ultrasons qui pourrait limiter les aboiements.
Enfin, les époux [O] font vainement valoir que les consorts [P]-[V] n’habiteraient plus les lieux. Cette affirmation, contestée par les intimés et contredite par les preuves de leur occupation des lieux (notamment les photographies récentes), n’a en tout état de cause aucune incidence sur le bien-fondé de leur action, dès lors que leur qualité de propriétaire n’est pas remise en cause.
Au total, la cour considère que les nuisances sonores anciennes, régulières et d’intensité importante résultant des aboiements des chiens ainsi que leurs divagations récurrentes sur la propriété des intimés excèdent les inconvénients normaux du voisinage, même en zone rurale. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’un trouble anormal du voisinage.
c. Sur l’application de l’article L.112-16 du code de la construction et de l’habitation,
Ainsi qu’il ressort des attestations notariées versées aux débats, M. et Mme [O] ont acquis en 2011 une maison d’habitation, des parcelles ainsi que des bâtiments agricoles, étant précisé que M. [O] est agriculteur. A l’époque, il n’existait pas de chenil.
L’activité d’élevage a débuté en 2017 et Mme [O] en a fait une activité professionnelle à compter du 17 juillet 2018, date de son immatriculation au répertoire SIRENE. Les époux [O] ont réhabilité un ancien bâtiment agricole en chenil en y créant 10 boxes. Il existe également un enclos à l’extérieur pour les chiens. Contrairement à ce que soutiennent les époux [O], la destination du bâtiment agricole a changé et les lieux ont été modifiés.
Auparavant, l’exploitation agricole se limitait à une activité d’élevage bovin et porcin, sans que cela ne suscite aucune plainte des consorts [P]-[V]. C’est bien la nouvelle activité d’élevage de canidés qui est à l’origine des nuisances. Comme l’a relevé à juste titre le tribunal, en termes sonores et de divagations, l’impact d’un élevage de chiens dans l’environnement est très différent de celui d’un élevage de bovins, de porcins ou d’ovins.
La modification des conditions d’exploitation, avec une montée en puissance croissante de l’élevage passé de 5 labradors en 2017 à 16 chiens en 2020 et à 23 chiens en 2022 est indéniable et interdit aux époux [O] de se prévaloir d’une quelconque antériorité.
Au surplus, la réglementation en vigueur n’a pas été respectée dès lors que le chenil a été implanté à une trentaine de mètres de la maison d’habitation des intimés. L’élevage contrevient donc au règlement sanitaire départemental du Finistère, lequel prévoit que pour un élevage de 9 chiens maximum, la distance à respecter avec les bâtiments occupés par des tiers doit être au moins de 50 mètres et au moins de 100 mètres pour un élevage de plus de 10 chiens.
Deux des trois conditions exigées par l’article L 112-6 du Code de la construction et de l’habitation, citées ci-dessus, n’étant pas respectées, c’est à juste titre que le tribunal a considéré que M. et Mme [O] ne pouvaient se prévaloir d’une quelconque exonération de leur responsabilité fondée sur les troubles anormaux du voisinage.
Les époux [O] font valoir que l’obligation de déplacer le chenil, assortie de l’exécution provisoire ainsi que d’une astreinte, a été exécutée. Pour en justifier, ils produisent un constat d’huissier dressé le 10 novembre 2022 mentionnant que le chenil est désormais situé à 100 mètres de la maison d’habitation des consorts [P]-[V], ce que ces derniers ne critiquent pas utilement dans leurs conclusions, indiquant même que « cette mise en conformité » démontre que leur demande était bien fondée.
L’obligation de déplacer le chenil telle qu’ordonnée par le tribunal était justifiée par la nécessité de faire cesser le trouble de voisinage.
La cour constate toutefois que les travaux de déplacement du chenil ont été réalisés au titre de l’exécution provisoire et qu’au jour où elle statue, le chenil est implanté à 100 mètres de la maison d’habitation des intimés.
Par ailleurs, les époux [O] justifient avoir fait réaliser dès le mois de février 2020, une étude de déplacement du chenil par la chambre de l’agriculture du Finistère dont il s’infère que le délai de six mois imparti par le jugement rendu le 3 novembre 2020 pour exécuter cette obligation était trop court, a fortiori dans un contexte de crise sanitaire. C’est donc à tort que le tribunal a assorti l’obligation de déplacement du chenil d’une astreinte provisoire de 200 € par jour de retard, passé un délai de 6 mois à compter du jugement.
Le jugement sera donc confirmé, seulement en ce qu’il a ordonné aux époux [O] le déplacement du chenil litigieux.
Il sera également confirmé en ce qu’il a condamné solidairement M. [O] et Mme [M] épouse [O] à payer à M. [P] et à Mme [V] la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour les troubles anormaux du voisinage causés par les chiens et en ce qu’il a ordonné aux époux [O] de faire cesser toute divagation/ intrusion sur la propriété [P]-[V], sous peine d’astreinte de 200 € par infraction constatée.
3°/ La demande de liquidation de l’astreinte
Le jugement est infirmé en ce qu’il a prononcé une astreinte provisoire passé un délai de six mois à compter du jugement pour déplacer le chenil.
Dès lors, la demande en liquidation d’astreinte formée devant la cour par les consorts [P]-[V] est devenue sans objet.
4°/ Sur l’entrave à la circulation
S’agissant d’entraves au passage sur une route communale, c’est à tort que M. [P] et Mme [V] ont fondé leur demande indemnitaire sur la théorie des troubles anormaux du voisinage et subsidiairement sur celui de la responsabilité civile du fait des choses de l’article 1242 du code civil. En effet, la responsabilité des époux [O] ne peut être recherchée que sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour faute, selon l’article 1240 du code civil, comme l’a d’ailleurs justement retenu le tribunal.
Il n’est désormais plus contesté par les époux [O] que la voie litigieuse est communale. Elle doit par conséquent rester ouverte et accessible à tous les riverains.
Au soutien de leur demande, les consorts [P]-[V] produisent des photographies montrant que la voie communale est bloquée par un tracteur stationné au milieu de la chaussée ou que cette dernière est totalement ou partiellement entravée par la présence de cailloux ou de grosses pierres.
Les consorts [P]-[V] produisent également les témoignages de M. [F] et de Mme [U] attestant de la présence de cailloux mélangés à de la terre afin de constituer un « barrage » ou encore de pierres sur la voie communale. Mme [U], dont la cour n’a aucune raison de douter de l’objectivité, décrit même une scène qui l’a particulièrement choquée lors de laquelle M. [O] a attendu le passage du véhicule de Mme [V] pour jeter une grosse pierre au milieu du chemin, manquant de peu de la heurter.
Dès le 8 mai 2018, Mme [V] et M. [P] ont dénoncé auprès de la gendarmerie que l’accès à leur maison d’habitation était régulièrement entravé par le stationnement du tracteur de M. [O] ou par la disposition sur la voie de pierres, de clous et de boue.
Ces entraves ou tentatives d’entrave fautives sont corroborées par le courrier adressé le 4 janvier 2016 par l’adjoint à l’urbanisme de la commune, rappelant aux époux [O] que ce chemin donne accès à des fonds autres que les leurs et qu’ils ne pouvaient en interdire l’accès (pièce n°55 intimés).
Par ailleurs, aux termes d’un courrier adressé le 6 avril 2020 à l’avocat des consorts [P]-[V], le maire de la commune de [Localité 8] indiquait : « Nous constatons que ce chemin sert de cour à la ferme de Monsieur [O] ce qui est une situation anormale, et est souvent recouverte de boue, qui se répand chez les voisins des fonds inférieurs. Le géomètre du bornage a constaté que le talus et un mur empiétait sur le chemin communal. Nous avons proposé un échange avec une portion de terrain dans l’angle du chemin. Monsieur [O] s’est empressé de poser des grosses pierres (les gendarmes étaient présents) (..) sans pour autant rectifier les emprises illégales sur le domaine public. Nous ne saurons tolérer le comportement de Monsieur [O] voulant empêcher la circulation de cette route et porterons plainte si ces agissements se poursuivaient » (Pièce n°55).
Ces agissements répétés et fautifs engagent la responsabilité civile délictuelle des époux [O] dès lors qu’ils causent un préjudice certain aux consorts [P]-[V] en entravant l’accès à leur propriété ou en leur laissant craindre, à tout moment, des difficultés d’accès pour sortir ou entrer.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué aux intimés la somme de 3.000 € à titre de dommages-et-intérêts, sans nullement statuer ultra petita, contrairement à ce que soutiennent les intimés.
5°/ Sur les autres demandes de dommages et intérêts
a. Sur la demande de dommages-intérêts des consorts [P]-[V] pour dénonciation calomnieuse
Les consorts [P]-[V] sollicitent la réformation du jugement s’agissant du quantum des dommages et intérêts (fixé à 1.500 €) alloués par le tribunal. Faisant valoir l’importance du préjudice moral causé, ils réclament la somme de 4.000 € à ce titre. Les appelants rappellent que le fait d’ester en justice ne peut constituer une faute, sauf en cas d’abus de droit qui n’est pas caractérisé en l’espèce, à défaut de poursuite du chef de dénonciation calomnieuse par le ministère public.
L’article 226-10 du Code pénal définit la dénonciation calomnieuse comme étant : « la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n’a pas été commis ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée.
En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci. »
Il est constant que l’infraction de dénonciation calomnieuse est constitutive d’une faute civile, susceptible d’engager la responsabilité civile délictuelle de son auteur sur le fondement de l’article 1240 du Code civil et de justifier l’octroi de dommages-et-intérêts en réparation du préjudice moral subi.
En l’espèce, le 12 mars 2018, Mme [O] a déposé une plainte auprès de la gendarmerie de [Localité 9] à l’encontre de M. [P], pour dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui, violences envers les animaux, et exhibitionnisme.
Elle imputait plus précisément à son voisin une dégradation du tracteur de son mari, de son antenne de voiture et de sa piscine. Concernant les violences à l’égard de ses chiens, elle relatait qu’en novembre ou décembre 2017, sa fille avait vu M. [P] porter des coups de bâton sur un mâle, lequel était revenu avec des blessures, qu’en août 2016, une voisine avait vu M. [P] attacher un des chiens avec une corde coulissante de façon à ce qu’il s’étrangle et enfin qu’elle avait déjà retrouvé des boulettes de viande incrustées de verre dans son jardin.
Concernant les faits d’exhibitionnisme, elle relatait qu’en fin d’année 2017, elle avait vu M. [P] se masturber chez lui, devant une fenêtre, tout en précisant ne pas savoir s’il la voyait et faisait cela sciemment. Elle ajoutait qu’un jour sa fille, âgée de trois ans, qui revenait de jouer chez M. [P], lui avait demandé si d’autres personnes que ses parents avaient le droit de lui toucher « sa gounette ».
Après enquête et audition de M. [P] le 8 mai 2018, cette plainte a fait l’objet d’un classement sans suite en date du 25 juin 2018.
En revanche, les autres plaintes déposées par M. ou Mme [O] (notamment celle relative à l’altercation du 2 décembre 2018 ou la perte de lait) n’ont pas donné lieu à une décision définitive de relaxe, de non -lieu ou de classement sans suite. Le délit de dénonciation calomnieuse n’est donc pas constitué.
Les seuls faits précis visant nommément M. [P] et ayant donné lieu à un classement sans suite, sont ceux dénoncés dans la plainte du 12 mars 2018.
Les conditions de la dénonciation calomnieuse revêtant le caractère d’une faute civile sont réunies, sans que le contexte conflictuel des relations de voisinage puisse exonérer Mme [O] de sa responsabilité. L’atteinte à la probité et à la réputation de M. [P] résultant des faits dénoncés a causé aux consorts [P]-[V] un préjudice moral que le tribunal a justement apprécié en leur allouant la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts.
Cependant, la responsabilité étant personnelle, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné M. [O] solidairement avec son épouse au paiement de cette somme alors que la plainte a été déposée par Mme [O], qui devra donc supporter seule le paiement de cette somme.
b. Sur la demande de dommages-intérêts des consorts [P]-[V] au titre des injures, menaces et agressions
Les consorts [P]-[V] qui ont été déboutés de ce chef, ont formé un appel incident. Ils réclament la condamnation des époux [O] à leur payer la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts, s’estimant victimes d’insultes, de menaces et d’agressions de la part de leurs voisins.
La cour constate que les parties ne cessent de déposer des plaintes réciproques, de s’accuser mutuellement d’atteintes à leur personne ou à leur propriété, chacun revendiquant, certificats médicaux à l’appui, une souffrance morale et une anxiété comme conséquence des agissements de ses voisins.
Dans son courrier du 6 avril 2020, le maire de [Localité 8] a parfaitement résumé le contexte dans lequel s’inscrivent les incivilités et les agressions dénoncées par les consorts [P]-[V] : « Nous sommes dans un cas typique d’escalade de conflit de voisinage entre deux familles. (‘) Les incivilités récurrentes ne font que s’empirer avec le temps ! ».
Au regard de ce contexte hautement conflictuel, les consorts [P]-[V] ne peuvent sérieusement fonder leur action sur la théorie des troubles anormaux du voisinage, le caractère anormal ou excessif ne pouvant être retenu dès lors que les griefs et les torts sont réciproques.
La responsabilité des époux [O] ne peut donc être recherchée que sur le fondement de l’article 1240 du code civil, impliquant pour les consorts [P]-[V] de faire la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.
Au soutien de leur demande, les consorts [P]-[V] invoquent précisément les faits suivants : des menaces de mort du 13 janvier 2018, des menaces du 4 septembre 2018 ainsi qu’une agression physique du 2 décembre 2018.
La cour constate que ces faits ne résultent que de plaintes ou signalements effectués auprès de la gendarmerie, sans justification d’une quelconque suite pénale à l’encontre des époux [O] et sans que ces faits ne soient étayés par aucun élément de preuve.
Le comportement fautif susceptible d’entraîner la responsabilité de M. ou Mme [O] sur le fondement de l’article 1240 du code civil n’est donc pas caractérisé.
Par ailleurs, il est observé que les époux [O] produisent des pièces ( plaintes, mains courantes, attestations, certificats médicaux) qui pourraient tout aussi bien justifier les mêmes griefs à l’encontre de M. [P] ou de Mme [V].
Ce conflit de voisinage ancien et exacerbé procède d’une responsabilité partagée entre les parties. Les préjudices allégués ne peuvent par conséquent être imputés aux seuls agissements de M. et Mme [O].
Les consorts [P]-[V] qui échouent à démontrer que tout ou partie de leurs préjudices serait imputable à M. et Mme [O] ont par conséquent été déboutés à juste titre par les premiers juges de leur demande indemnitaire. Le jugement sera confirmé de ce chef.
c. Sur les dommages-intérêts demandés par les époux [O] pour procédure abusive
Les époux [O] s’estiment victimes d’une procédure abusive et font grief aux premiers juges d’avoir rejeté leur demande indemnitaire à ce titre.
Le jugement étant cependant confirmé en appel, le caractère injustifié ou abusif de la procédure ne peut être retenu. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté les époux [O] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Par ailleurs, la demande de condamnation solidaire de M. [P] et de Mme [V] à leur payer une somme de 5.000 € pour toute nouvelle atteinte à leur vie privée n’est pas justifiée et a été rejetée à juste titre par le premier juge. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
3°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.
Succombant de nouveau en appel, les époux [O] seront condamnés solidairement aux dépens d’appel et à payer à M. [P] et à Mme [V] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, eux-même étant déboutés de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute M. [G] [O] de sa demande de mise hors de cause s’agissant des troubles du voisinage lié à l’exploitation du chenil ;
Déclare recevable l’action de M. [B] [P] et Mme [Z] [V] sur le fondement du trouble anormal du voisinage ;
Confirme le jugement rendu le 3 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Quimper sauf en ce qu’il a :
-Dit que l’obligation de déplacer le chenil sera assortie d’une astreinte provisoire de 200 euros par jours de retard passé un délai de six mois à compter du jugement,
-Condamné M. [G] [O] solidairement avec Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [B] [P] et à Mme [Z] [V] la somme de 1.500 euros à titre de dommages-et-intérêts pour la dénonciation calomnieuse,
Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés et y ajoutant :
Constate qu’en exécution du jugement rendu le 3 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Quimper, les travaux de déplacement du chenil ont été réalisés par M. et Mme [O] ;
Dit n’y avoir lieu d’assortir l’obligation de déplacement du chenil d’une astreinte passé un délai de 6 mois ;
Dit que la demande de liquidation d’astreinte formée devant la cour est sans objet ;
Condamne Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [B] [P] et à Mme [Z] [V] la somme de 1.500 euros à titre de dommages-et-intérêts pour la dénonciation calomnieuse ;
Déboute M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] à payer à M. [P] et à Mme [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [G] [O] et Mme [I] [M] épouse [O] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE