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2ème Chambre
ARRÊT N°159
N° RG 22/03537
N° Portalis DBVL-V-B7G-S2IA
M. [U]
C/
M. [D] [I]
Mme [L] [R] EP. [G]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me TOUSSAINT
– Me COUSIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 31 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 Février 2023
devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Dominique TOUSSAINT de la SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur [D] [I]
né le 12 Mai 1967 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [L] [R] épouse [I]
née le 05 Mai 1969 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Arnaud COUSIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE :
Courant 2015, les époux [I] ont verbalement confié à M. [T], architecte, une mission d’étude et de conception de l’extension de leur maison.
La demande de permis de construire a été signée par M. [I] le 6 avril 2017, un plans de masse transmis aux maîtres de l’ouvrage le 20 juin 2017 et un projet de contrat d’architecte établi par M. [T] le 30 juin 2017, mais celui-ci n’a jamais été régularisé.
Prétendant qu’une première facture émise le 7 décembre 2017, pour un montant de 10 380 euros TTC portant sur les prestations déjà réalisées, avait été contestée par les maîtres de l’ouvrage, et qu’après négociation il avait émis le 4 juin 2018 une seconde facture rectificative pour un montant de 8 160 euros TTC également laissée impayée en dépit de courriers recommandés de mise en demeure des 17 juillet 2018 et 14 février 2019, M. [T] a, par acte du 12 mars 2021, fait assigner les époux [I] en paiement de la somme de 10 380 euros, outre les intérêts moratoires et des dommages-intérêts, devant le tribunal judiciaire de Rennes.
Par conclusions d’incident, les époux [I] ont saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation.
Estimant que le point de départ de ce délai de prescription devait être fixé au jour de la première facture du 7 décembre 2017 et qu’il s’était écoulé plus de deux ans avant l’assignation du 12 mars 2021, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 12 mai 2022 :
déclaré M. [T] irrecevable en sa demande pour cause de prescription,
condamné M. [T] aux dépens et à verser aux époux [I] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Soutenant que les négociations ayant abouti à l’émission d’une facture rectificative du 4 juin 2018 témoigneraient de la reconnaissance par les débiteurs de son droit à paiement d’honoraires interruptive de prescription, et que le nouveau délai de prescription expirant le 4 juin 2020 aurait à nouveau été interrompu par l’accord donné le 3 février 2020 par les époux [I] à une tentative de conciliation sous l’égide du conseil de l’ordre des architectes, M. [T] a relevé appel de cette décision par déclaration d’appel et déclaration rectificative du 9 juin 2022.
Ces deux procédures ont été jointes par ordonnance du président de chambre du 29 juillet 2022.
M. [T] demande à la cour de :
infirmer l’ordonnance attaquée,
juger qu’aucune prescription n’est opposable à l’action en paiement de M. [T],
débouter les époux [I] de leur demande de dommages-intérêts,
condamner in solidum les époux [I] au paiement d’une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Les époux [I] concluent quant à eux à la confirmation de l’ordonnance attaquée, et sollicitent en outre la condamnation de M. [T] au paiement d’une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et d’une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour M. [T] le 5 septembre 2022 et pour les époux [I] 19 juillet 2022, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 janvier 2023.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il résulte de l’article L. 218-2 du code de la consommation que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans commençant à courir à compter du jour où le professionnel a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action, c’est à dire, s’agissant de l’action en paiement d’une facture de prestations de service, au jour de l’établissement de celle-ci.
L’action de M. [T] porte sur le paiement d’honoraires d’architecte réclamés à des particuliers au titre d’un projet de construction afférent à l’extension de leur maison d’habitation.
Il s’agit donc d’une action pour un service exécuté par un professionnel en faveur de consommateurs, de sorte le régime de la prescription biennale du texte précité s’applique bien à la cause, ce que l’appelant ne conteste au demeurant pas.
Par ailleurs, cette action porte sur le paiement de la première facture du 7 décembre 2017, puisque c’est la somme de 10 380 euros qui est réclamée aux époux [I] dans l’assignation introductive d’instance, M. [T] exposant à cet égard que la seconde facture rectificative du 4 juin 2018, portant sur les mêmes prestations, n’avait été émise qu’à la suite de négociations sur une transaction qui, de toute évidence, n’a pas abouti puisqu’il agit en définitive en paiement de la somme initialement réclamée dans la première facture.
C’est donc à juste titre que le juge de la mise en état a considéré que le point de départ du délai de la prescription biennale avait commencé à courir à compter du 7 décembre 2017.
M. [T] fait néanmoins valoir que ce délai de prescription aurait, en application des articles 2240 et 2238 du code civil, été successivement interrompu par la reconnaissance de ses droits par les maîtres de l’ouvrage à l’occasion des négociations ayant abouti à l’émission de la facture rectificative du 4 juin 2018, puis par leur consentement à une tentative de conciliation sous l’égide du conseil de l’ordre des architectes.
La prétendue reconnaissance de dette des époux [I] ne résulte cependant que des allégations de l’appelant et d’une mention, au demeurant ambigue, qu’il a lui-même apposée sur la facture rectificative du 4 juin 2018 émise ‘suite à la visite du maître de l’ouvrage à l’agence en fin mai 2018 pour réduire la facture du 7 décembre 2017 libellée conformément au contrat’.
En réalité, rien ne démontre que les époux [I], qui le contestent, aient reconnu sans équivoque devoir les honoraires d’architecte réclamés.
Dès lors, la prescription était déjà acquise depuis le 7 décembre 2019 lorsque, comme le soutient M. [T], M. [I] aurait accepté, par un courrier du 3 février 2020, de recourir à la conciliation.
Ce constat suffit à confirmer la décision d’irrecevabilité de l’action attaquée.
Mais, au surplus, il sera observé ce courrier ne peut s’analyser comme un accord non équivoque à une procédure de conciliation, ce que les époux [I] contestent.
Celui-ci faisait en effet suite à une saisine du conseil de l’ordre des architectes par M. [T] en décembre 2019, puis à une demande d’explication adressée par ce conseil aux deux parties, à laquelle M. [I] a répondu en se tenant à disposition pour un rendez-vous sans précisé explicitement qu’il acceptait en l’état la procédure de conciliation.
Mais, le conseil de l’ordre a en définitive avisé les parties par courriel du 15 février 2021 qu’il n’y avait pas matière à procéder à cette conciliation, sans avoir jamais invité les parties à donner leur accord express écrit pour recourir à la conciliation au sens de l’article 2238 du code civil, ou organisé la moindre réunion de conciliation.
L’ordonnance attaquée sera donc confirmée en tous points.
Les époux [I] ne démontrent néanmoins nullement que le droit de M. [T] d’agir en justice et d’exercer la voie de recours que la loi lui ouvrait ait en l’espèce dégénérée en abus, celui-ci ayant pu se méprendre sur la nature et la portée de ses droits.
Leur demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif sera donc rejetée.
Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge des époux [I] l’intégralité des frais exposés par eux à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il leur sera alloué une indemnité complémentaire de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme l’ordonnance rendue le 12 mai 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rennes en toutes ses dispositions ;
Condamne M. [N] [T] à payer à M. [D] [I] et Mme [L] [R] épouse [I] une somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [D] [I] et Mme [L] [R] épouse [I] de leur demande en paiement de dommages-intérêts ;
Condamne M. [N] [T] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT